Grain de sable

Grain de sable

Ils viennent de faire l'amour.
Une fois de plus !
Comme tous les samedis matins !
Il ne lui fait l'amour le matin que durant le week-end.
Mais cette fois ce ne sera pas comme les autres fois.
Cette fois ! C'est la dernière !

Il ne le sait pas encore vraiment !
Mais il le sent confusément.
A partir de cet instant rien ne sera plus comme avant !

Que s'est-il donc passé pour qu'il en arrive là ?
Justement rien de particulier !
Sa vie est un ensemble de faits et d'actions prévisibles.
Il pourrait presque témoigner par avance de ce qu'il fera dans deux jours, dans trois mois!
Tel jour à telle heure il fait telle chose.
Tel autre jour à telle autre heure il rencontre telle personne.
Quelquefois, il s'est demandé ce qui se passerait si .......
Il a bien essayé de bouleverser cela, en prenant du retard, en oubliant quelque chose.
Peine perdue !
Il s'est toujours trouvé quelqu'un qui rattrapait son retard, quelqu'un qui avait pensé à sa place.
Quelquefois il s'était même trouvé quelqu'un qui avait pensé qu'il pourrait avoir envie d'essayer
de bouleverser l'ordre ainsi établi et qui avait agi en conséquence pour y remédier.

Elle se lève.
Elle est belle, très belle !
Il l'aime.
Il aime lui faire l'amour !
Mais l'aime-t-il vraiment ?
Sait-il même ce que cela peut vouloir dire exactement ?
Elle fait partie de sa vie "prévisible".
Où tout est régi d'avance.

Ils se sont rencontrés.
C'était fatal !
Elle est la fille de son patron !

Elle est tombée amoureuse de lui.
Normal !
Il est plutôt pas mal, d'après ce qu'en disent les filles !

Elle a réussi à convaincre son père.
Normal !
Il n'a jamais su lui dire non !

Ils vont se marier en juillet.
Normal !
C'est prévu depuis un peu plus d'un an !

Cet après-midi, ils iront tous les deux, courir dans les bois
Normal!
On est samedi aujourd'hui !

Je vois que tu aimes le point d'exclamation. Pourrais-tu éclairer ma lanterne et me dire ce qu'il signifie pour toi? Je trouve ton texte très intéressant mais j'avoue que la ponctuation me dérange. Comme si il y avait une colère sous-jacente. Enfin, c'est l'émotion que je perçois.

Le fameux point d'exclamation dont j'abuse parfois, représente pour moi la couleur et la sonorité qui manque au texte écrit.
Pas vraiment de colère sous-jacente, mais plutôt de l'exaspération

"Ils se sont rencontrés.
C'était fatal.
Elle est la fille de son patron."
Pour moi, sans point d'exclamation cela devient terne , banal , très différent de ce que j'entends quand j'écris et de ce que je veux rendre.

Par contre, j'aimerais comprendre pourquoi ça te dérange.

Justement parceque tu m'obliges à ressentir ce que tu veux. Ton texte t'évoques des choses mais peuvent en évoquer d'autres à d'autres personnes. Quand je lis quelque chose j'aime que l'écrivain me laisse cette liberté et me fasse confiance.
Ton texte n'a rien de banal. Les sous-entendus sont clairs sans que tu lui donne un côté criard.
Je te répète que c'est personnel.

Citation :

Ton texte t'évoques des choses mais peuvent en évoquer d'autres à d'autres personnes.

Bien sûr, chacun ressent le texte à sa manière, mais, en écrivant, j'essaie de faire partager au lecteur mon point de vue.
Il a toute liberté, après pour l'interpréter à sa guise.

Le sujet du texte est intéressant, et peut mener à bien des rebondissements.

J'aime beaucoup les textes qui laisse l'imagination du lecteur se promener.
C'est le cas.

J'ai aimé

Tout à l’heure il est parti pour courir dans les bois qui se trouvent à dix kilomètres de la ville.
Comme tous les samedis !
Il a suivi le sentier jusqu’au grand chêne.
Comme tous les samedis !
Il a ensuite tourné à gauche pour rejoindre le lac.
Comme tous les samedis !
Il a fait le tour du lac jusqu’au grand tronc couché.
Comme tous les samedis !
Sur le tronc une tourterelle, bien mal en point, l'aile cassée sans doute.
Elle le regarde courir. Il continue sa course.

Dérangé dans ses habitudes,
Rebrousse chemin.
Se penche pour la prendre délicatement.
Repart en sens inverse jusqu'au grand chêne.
Prend la voiture pour l'emmener chez un vétérinaire.
Fermé ! C'est le week-end !
Service de garde.
Ailleurs, dans une autre ville.
Ne réfléchit pas plus longtemps.
Retourne à la maison avec son précieux fardeau.

La maison. Vide à cette heure-là.
Comme tous les samedis !
Cherche partout un carton pour l'installer.
Descend à la buanderie.
Fouille un peu partout.
Trouve un emballage qui n'a pas encore été jeté.
L'installe du mieux qu'il peut avec son aile.
Remet tout en place scrupuleusement.
Aucune trace de son passage.
Remonte.
Prend le carton, ses papiers, un peu d'argent.
Et sort.

Dans la rue, personne.
Comme tous les samedis !
Reprend la voiture.
Jusqu'à la gare.
Se gare au parking.
Désert, lui aussi !
Met les clefs dans une enveloppe qu'il jette dans la boîte aux lettres.
Et s'en va en petite foulée en tournant le dos à la gare et à la ville.
Un petit carton dans les mains.
Heureux !


Traverse les champs verdoyants.
Longe le petit ruisseau qui serpente doucement vers le bois de mélèzes.
S'enfonce dans le bois.
S'assied au pied d'un vieil arbre tout desséché.
Ouvre doucement le carton.

Elle le regarde, confiante.
Il lui caresse la tête du bout du doigt.
-Tu verras ! Il va guérir ton aile, lui !
Elle roucoule doucement.
Il sourit.
Il vient de lui trouver son nom!
"Grain de sable"

Joli : "Grain de sable"