La Collection

Prologue

- Nathan ?
Étouffée par le vacarme ambiant, une voix vaguement familière semblait chercher à attirer son attention.
- Nathan ? Nathan, ça va ? Oh !
Un liquide glacial se rependit soudain sur le sommet de son crâne, dégoulinant entre ses cheveux, jusque dans son cou pour aller tremper ses vêtements. Le jeune homme ouvrit les yeux, manqua de perdre l'équilibre et se redressa sur sa chaise. Près de lui, une silhouette floue reposait sur le bar ce qui ressemblait à un verre vide.
Le temps que ses yeux s'habituent aux flashs lumineux qui lui agressaient la rétine, le jeune homme tenta rapidement de se rappeler où il était et ce qu'il y faisait, avant de s'assoupir.
Il se souvenait d'une fête, un anniversaire ?
Oui, celui d'Alicia ! La plupart des connaissances de la jeune femme, dont il faisait apparemment partie, avaient préparé avec grand soin cette soirée, réquisitionnant pour l'occasion le groupe de musique de l'école. Il s'agissait sans doute du vacarme qui lui mitraillait les tympans, les flashs étant probablement dus soit, aux prises de photos, soit à l'éclairage douteux qui illuminait la relative obscurité régnant dans la salle.
Hélas, beaucoup avaient insisté pour installer un bar dans le milieu de la pièce, et de toute évidence Nathan avait ingurgité un verre de trop...
Enfin, malgré la douleur qui lui vrillait le crâne, guère inquiétante puisqu'il devinait aisément son origine, il parvint à identifier son interlocuteur, qui se trouvait être une interlocutrice.
- Alicia ? bredouilla-t-il.
- Malade ? fit celle-ci.
- Je... Non, je..., bafouilla-t-il.
Cherchant ses mots, il marqua une pause, recouvrant petit à petit le contrôle de son cerveau et de ses sens.
- Non, je crois que j'ai simplement dû prendre un verre de trop.
Fronçant les sourcils, Alicia jeta un coup d'œil au bar. Revenant au jeune homme, elle se pencha alors vers lui, ne laissant plus que quelques centimètres entre leurs visages, ce qui eut pour effet immédiat de tétaniser Nathan.
Elle se redressa presque aussitôt, avec un calme révoltant quand il sentait à quel point sa poitrine tambourinait, et lança :
- Tu plaisantes ? Tu ne sens pas du tout l'alcool, à mon avis tu n'as même rien pris.
Maintenant qu'il y pensait, il n'en avait en effet pas le souvenir, mais d'un côté il ne se rappelait pas non plus s'être assis au bar donc...
- Hé bien...
Il ne savait plus que dire, en vérité il ne savait jamais quoi dire quand on lui adressait la parole, alors avec elle...
Soudain, pareille à une tornade, l'une des invitées d'Alicia bondit sur cette dernière, déblatérant ses phrases avec un débit tel que Nathan n'aurait pas cru possible. Elle s'arrêta alors, comme si elle avait fini. Ce qui devait être le cas, car Alicia pivota sur son siège, tendit le bras vers un point à l'autre bout de la salle et annonça simplement :
- Là-bas.
Aussitôt, la furie tourna les talons, non sans dévisager Nathan, et disparut dans la foule.
Alicia se retourna alors vers lui et le fixa, ce qui le prit au dépourvu, il avait cru un instant qu'elle allait se relever de son siège et suivre l'autre fille, dont il avait déjà oublié le visage. Mais la jeune femme ne bougea pas, au contraire elle reprit la parole, l'air désolé.
- Au fait, excuse-moi pour...
Il sentait déjà qu'il allait de nouveau avoir l'air stupide, de quoi parlait-elle donc ?
Elle désigna le verre vide sur le bar, et enfin il saisit.
- Oh, fit-il, pas de problème, ça m'a réveillé au moins.
Il eut ce petit rire stupide qui lui échappait constamment et qu'il abominait.
- Tu sais, continua-t-elle, je ne pensais pas que tu serais là ce soir...
Il hésita avant de répondre.
- Généralement tu...
- N'es pas très sociable, finit-il.
C'était un euphémisme, en fait il fuyait presque toute forme de conversation, et ce, autant avec ses « camarades » qu'avec n'importe qui d'autre. De ce fait, il se demandait véritablement ce qu'il fichait là ce soir, et ce qui avait pu le convaincre de venir. Sans aucun doute, la réponse se trouvait elle sous ses yeux...
- Je crois qu'il vaut mieux que j'y aille, dit-il en se levant tant bien que mal de son siège.
Il trébucha et manqua de s'étaler par terre.
- Tu es sûr ? demanda Alicia en l'aidant à se redresser, l'air surpris... Et déçue.
Pour la première fois il aurait été tenté de dire non, mais la migraine qui l'assaillait n'étant apparemment pas dû à un trop plein d'alcool, rentrer était préférable. En même temps...
- Oui, dit-il, de toute façon je rentre à pied, il suffira d'une vingtaine de minutes même en traînant un peu.
- D'accord.
Elle ne le lâcha pas cependant et l'accompagna au milieu de la foule jusqu'à la sortie. Une fois dehors, elle lança :
- Bon, eh bien à lundi alors j'imagine...
- Sûrement, confirma-t-il.
Elle tourna les talons et le salua d'un bref signe de la main avant de refermer la porte. Prenant le chemin de son appartement, il s'enfonça dans la nuit.

- Félicitations Nat, tu viens de passer la nuit de tes vingt et un ans à l'anniversaire de quelqu'un d'autre, marmonna-t-il en traversant une ruelle.
Il s'arrêta, repensa à la « discussion », certes courte, mais bel et bien vraie, qu'il avait eue avec Alicia.
- Rêve pas..., lâcha-t-il simplement, pour lui même une fois encore.
Soudain, alors que son mal de crâne n'avait pas diminué d'intensité, il s'arrêta soudain, une violente crampe le prit au mollet.
-Bordel de m... ! jura-t-il en se courbant.
Il s'accroupit contre un mur et tendit ses articulations pour faire passer la douleur. Toutefois, celle-ci ne disparut pas, bien au contraire. Elle s'exacerba et s'étendit rapidement à toute la jambe.
Haletant, Nathan n'en oublia pas sa migraine qui, elle aussi, s'intensifia. Son autre jambe fut alors pareillement torturée. Le jeune homme poussa un cri et jura une nouvelle fois. Alors que rien ne semblait pouvoir le soulager, le martyre remonta le long de sa colonne vertébrale, doublant les souffrances de son crâne.
Nathan hurlait pour de bon, la totalité de ses membres semblait se tordre littéralement, et sa peau s'embraser comme du papier journal. Un instant il se demanda s'il n'avait pas réellement prit feu, avant d'être saisit d'horreur en percevant un abominable craquement dans son dos. Le jeune homme crut que sa colonne s'était brisée, hélas, la douleur dans ses jambes lui fit clairement comprendre que non.
Si la torture était déjà insoutenable, elle ne fit que s'accentuer, doublant plusieurs fois d'intensité. À bout de souffle et de forces, Nathan sombra dans l'inconscience.

Il fit un rêve étrange, un rêve dans lequel, c'était de loin le plus important, il n'avait plus mal. Dans son sommeil, son imagination avait fait de lui une créature se déplaçant à quatre pattes, un loup sans doute, ou un gros chien.
Toutefois, son rêve tourna au cauchemar quand, déboulant de nulle part, une camionnette surgit devant lui. En étaient sortis deux inconnus armés de fusils, qui l'avaient immédiatement pris pour cible.
Fuyant tant bien que mal, il avait finalement été rattrapé puis touché au flanc par ce qui semblait davantage être une fléchette de poison qu'une cartouche ordinaire.
Son rêve avait alors pris fin, et il s'était réveillé en hurlant...

Chapitre 1 ~ Lilith

Lilith se redressa, totalement indifférente au corps immobile de l'homme allongé près d'elle, et s'assied au bord du lit, se prenant la tête entre les mains.
Le feu de la vie étincelait de chacun de ses membres, la faisant presque haleter tant l'énergie qui la parcourait irradiait. Elle ressentait chacune des pulsations de son cœur comme une décharge électrique et la puissance du souffle qui s'échappait irrégulièrement de sa bouche et de ses narines paraissait capable de disperser des ouragans. La force qu'elle sentait dans ses muscles lui aurait suffi pour soulever sans broncher un bus de cinquante personnes.
La jeune femme releva la tête, rejetant sa longue chevelure en arrière, et, sans un quelconque souci de pudeur, se dirigea nue vers la salle de bain.
Pénétrant dans la petite pièce, elle approcha de la glace qui couvrait le mur au dessus du lavabo et retira la pellicule de buée encore présente d'un geste de la main. Elle contempla alors le visage qui était le sien, notant les différences avec la dernière fois qu'elle s'était ainsi admirée.
Sa peau de pêche n'était plus creusée de la moindre imperfection ou cicatrice, et rayonnait à présent comme jamais. Les cernes violacés qui soulignaient ses yeux avaient totalement disparu, faisant ressortir la couleur émeraude de ces derniers, dont émanait une lueur hypnotique. Les débuts de rides qui parcouraient son front et la commissure de sa bouche et de ses yeux brillaient également par leur absence. Ses lèvres pulpeuses avaient retrouvé toute leur fraîcheur et même son nez aquilin semblait plus gracieux. Enfin, la crinière rousse qui cascadait jusque dans le bas de son dos flamboyait de mille feux.
Lilith jeta à travers le miroir un coup d'œil méprisant à l'individu qui avait partagé sa nuit, puis revint très vite à son propre reflet, comme si observer plus longtemps son compagnon d'un soir la dégoûtait, ce qui était précisément le cas.
Soudain, un crissement de pneus attira son attention. Le bruit était faible, mais néanmoins audible pour des oreilles attentives. Vive comme l'éclair, elle fit volte-face et rejoint la fenêtre.
Toujours dévêtue, elle entrouvrit simplement le rideau et aperçut la fourgonnette qui venait de s'arrêter en trombe devant son appartement, dix étages plus bas. Deux hommes en sortirent aussitôt, contournant leur véhicule pour aller ouvrir la double porte du coffre. La jeune femme reconnut l'un des deux gaillards à l'épaisse tignasse grise et emmêlée qui lui tombait sur les épaules.
-m***e ! lâcha-t-elle, d'une voix étonnamment douce.
Nullement furieuse ou apeurée par ses visiteurs nocturnes, Lilith était en revanche agacée d'avoir sous-estimé leur efficacité, s'étant laissée surprendre bien avant d'être prête à les recevoir.
N'ayant plus une seconde à perdre, elle referma le rideau et se dirigea immédiatement vers le lit. Agrippant par la nuque ce qui n'était plus qu'un cadavre, elle le souleva sans effort et le traîna dans un coin de la pièce, avant de le couvrir d'un drap. Lui au moins, violeur pris à son propre piège, était désormais aussi peu dangereux qu'encombrant.
Immédiatement, elle se dirigea vers un placard et en sortit de quoi préparer une nouvelle couche digne de ce nom. Quelques minutes plus tard, elle repliait convenablement la dernière couverture et tassait l'oreiller d'un coup de poing.
Volant vers la fenêtre, elle retrouva les deux hommes, toujours près de leur camionnette à attendre que les rues se vident pour agir. Il lui restait donc un peu de temps...
Sans hésiter, elle écarta les rideaux, ouvrit en grand la fenêtre et disparut dans la salle de bain avant que nul n'ait pula surprendre. Passant en un temps record sous la douche, elle en ressortit tout aussi promptement et se sécha à la hâte avant de revenir dans la chambre sans prendre plus le temps de se vêtir.
Un nouveau coup d'œil furtif à la fenêtre lui apprit que ses visiteurs entraient à l'instant même dans le hall, emportant avec eux un bagage de bonne taille.
Lilith entreprit alors de s'occuper de sa dernière victime. L'expression de son visage n'avait pas évolué depuis son réveil, elle arborait toujours le même air d'indifférence et sa nouvelle tâche n'y changerait rien.
Écartant les draps sous lesquels le corps reposait, elle observa un instant le visage figé du mort. Le souvenir de sa « chasse » lui revint en mémoire en un flash.
Traînant du côté du vieux port, elle s'était volontairement aventurée dans les coins les plus mal famés de toute la ville. Y dénichant tout un tas de racailles pouilleuses, escrocs et autres malfrats guère fréquentables. Ce n'est qu'à la sortie d'une boîte de nuit qu'elle avait perçu la présence du type, guettant la sortie de sa prochaine cible. Après l'avoir repéré, la jeune femme avait agi comme elle le faisait chaque fois avec ses proies, ce qui fonctionna merveilleusement bien.
Traversant volontairement bien en vue du répugnant personnage, et très légèrement vêtue, elle avait immédiatement attiré son attention de prédateur. Surgissant des ombres, il s'était dirigé droit sur elle l'air menaçant de façon à très vite la terroriser. La peur était une arme pour le violeur, mais hélas pour lui il était bien plus en danger que sa soi-disant victime. Au lieu de fuir comme il l'avait prévu, déclenchant une chasse des plus excitante, elle avait attendu qu'il arrive à sa hauteur et lui avait souri.
Sans le quitter des yeux ni se départir de son énigmatique sourire, Lilith avait regagné son appartement, suivie de près par un monstre totalement dompté par ses charmes et sa volonté. Bien entendu, il l'avait rejoint dans sa chambre.
Si la suite prévisible d’évènements, en tout point similaire à ce dont la jeune femme avait l'habitude, se passait de commentaire, cette dernière eut néanmoins un rictus à la fois satisfait et dédaigneux au souvenir de la façon dont le gaillard s'était retrouvé foudroyé en plein « élan »...
Comme toujours, il s'était retrouvé incapable de hurler alors qu'une force invisible dévastait son esprit et mutilait son âme, si toutefois il en avait une. Lilith, là encore comme tant d'autres fois, avait quant à elle sombré dans l'inconscience alors que ses forces et son énergie vitale se régénéraient progressivement.
Sortant de ses souvenirs, la jeune femme jeta un œil au réveil matin posé sur la table de nuit. Il indiquait cinq heures et demie du matin, ce qui signifiait qu'elle avait dormi pendant presque six heures.
La jeune femme utilisa la literie qui recouvrait l'homme, désormais souillée par son empreinte, et s'en servit pour dissimuler les parties intimes du cadavre. Elle souleva le corps et le posa sur un canapé déjà recouvert d'un bien trop large drap blanc, et replia ensuite celui-ci sur le mort, tel un linceul.
On frappa alors à la porte.
-Entrez, lança-t-elle tout bas, mais suffisamment fort pour être entendue.
Ne s'étant toujours pas couverte, elle traversa la pièce en un éclair, saisit un peignoir en tissu fin et l'enfila tandis que la porte s'ouvrait. À la seconde même où son premier visiteur entrait à reculons, soulevant quelque chose d'apparemment assez imposant, elle refermait le vêtement sur sa poitrine et nouait le cordon autour de ses hanches pour le maintenir dans cette position.
-Salut Lilith ! s'écria alors, après l'avoir cherché du regard, un grand jeune homme élancé et apparemment de bonne humeur.
Elle lui retourna un sourire amusé et répondit, sur son habituel ton mesuré :
- Salut William.
Il roula de gros yeux et rétorqua :
- Non, Will, Will et seulement Will ! Tu le sais pourt...
- Avances donc grand bêta ! S'exclama une autre voix à l'extérieure, très différente.
Cette fois Lilith eut un sourire franc en voyant son premier interlocuteur baisser les yeux et se concentrer sur sa tâche.
- Bonjour Gabriel, envoya-t-elle à l'attention du second personnage.
Enfin, l'énorme caisse qu'ils transportaient fut entièrement entrée et le dénommé Gabriel fut lui aussi dans l'appartement.
- Posez-le par terre, dit-elle en refermant la porte.
Se retournant, elle passa une main dans sa nuque pour extraire ses cheveux mouillés de l'intérieur du peignoir et attendit que le paquet soit enfin sur le plancher.
Gabriel se releva le premier et, n'accordant pas même un regard au corps qui se devinait aisément sur le canapé, il adressa un sourire chaleureux à la jeune femme.
- Lilith, dit-il. Comment vas-tu ma fille ?
Il approcha et l'enlaça, comme l'aurait fait un père véritable et digne de ce nom.
- Bien merci, répondit-elle en rendant son étreinte au vieillard.
Gabriel arborait une chevelure grise et usée par les années, la barbe qu'il portait fièrement était dans le même état. Sous les cicatrices qui parsemaient son visage et son caractère indéniablement bourru, sauf avec Lilith, se cachait cependant un homme bon et doté d'un cœur d'or.
William lui, qui détestait plus que tout qu'on l'appelle par son prénom en entier, n'était guère plus vieux que la jeune femme, du moins en apparence. Ses cheveux blonds, sa peau cuivrée et sa tendance à rire de tout en faisant le parfait opposé de Gabriel, à ceci prêt que les deux hommes entretenaient une amitié extraordinaire, ponctuée seulement de quelques désaccords passagers.
Gabriel s'écarta de Lilith et la contempla un instant :
- Regarde-moi ça, tu rayonnes comme jamais...
Elle eut un petit rire désabusé.
- Je te jure, ajouta-t-il, souriant tendrement.
- Merci encore, dit-elle, lui rendant son sourire.
Un bref silence tomba dans la pièce.
- Bon, fit Will, je veux pas être l'emmerdeur typique qui casse les retrouvailles et tout, mais laissez-moi vous rappeler qu'on est pas tout seuls.
Il désigna d'un regard la caisse posée à même le sol.
- C'est vrai, s'exclama Lilith, alors ?
- On l'a repéré il y a quelques heures, dit Gabriel, il rodait du côté des jardins de l'hôpital psychiatrique.
- C'est un loup ! Lança William, trépignant de joie.
- Pour l'instant oui, le coupa Gabriel. Mais c'est avant tout un être humain à part entière, aucunement une bête de foire ou un jouet.
- Quelques heures ? répéta Lilith. Qu'est-ce qui a pris si longtemps ?
- Disons que son instinct de survie est redoutable... Et qu'il courrait sacrément vite.
- Je vois.
Elle se pencha près de la boîte, et tendit l'oreille, ne tardant pas à percevoir la respiration de l'animal. La jeune femme réussit même à entendre les battements de son cœur à travers les parois de la caisse.
- Bon, fit-elle, on le sort de là ?
- Oh que oui ! répondit Will.
- Attends, l'interrompit Gabriel. Tu es sûr que c'est ce que tu veux ? Que tu en es capable ?
Lilith fixa alternativement les yeux, incroyablement perçants, du vieillard et le colis où reposait un animal de bonne taille qui était en réalité un être humain parfaitement innocent.
- Oui..., souffla-t-elle.
Les deux hommes hochèrent la tête, pensifs.
- D'accord. Will, va de l'autre côté.
Ce dernier s'exécuta et, en semble, ils soulevèrent d'un même mouvement le couvercle de la caisse, qu'ils glissèrent le long de celle-ci.
La jeune femme fit plusieurs fois le tour du paquet, contemplant avec intérêt l'énorme loup noir endormi à l'intérieur. La bête reposait sur un tas de torchons roulé en boule pour lui épargner l'inconfort d'une telle niche.
- On jurerait un véritable loup, murmura Lilith, vous êtes absolument sûr de vous ?
- Absolument, confirma Gabriel en sortant de sa poche une petite fiole de liquide qu'il chargea dans un pistolet à injection également tiré du vêtement.
Doucement, il plaqua le dispositif contre le cuir épais du loup et pressa fermement la gâchette. Ce qui eut pour effet de faire écarquiller les yeux de l'animal.

Une violente douleur pinça l'épaule de Nathan, le réveillant en sursaut. Tout juste conscient, il eut l'impression désagréable de se trouver dans un autre corps que le sien. Toutefois, cette sensation laissa bientôt place à un feu qui se rependit dans son bras, puis envahit le thorax et investit progressivement toute son anatomie.
Incapable de parler, et encore moins de bouger, le jeune homme ouvrit les yeux en grand, ce qui finit de le désorienter.
Il se trouvait vraisemblablement en position allongée placé sous le regard de trois inconnus à l'apparence guère rassurante. L'obscurité des lieux ne lui permettant pas de voir grand-chose d'autre, il examina plus attentivement ses observateurs.
Le premier, aussi grand que peu musclé, avait une peau sombre contrastant avec des cheveux blonds coupés court. Son expression était de loin la plus rassurante, le voir sauter de joie d'un instant à l'autre n'aurait pas été très étonnant aux vues de son immense sourire.
Le second, nettement moins réjouissant, était un vieillard à la silhouette imposante et aux longs cheveux et barbe grise. Le visage couvert de cicatrices, le plus impressionnant restait néanmoins son regard. Nathan avait l'impression qu'il pouvait lire en lui à travers ses yeux.
Enfin, légèrement en retrait, une jeune femme tout simplement magnifique le regardait également. Dotée d'un visage parfait, d'une crinière rousse impressionnante et d'yeux émeraude saisissants, elle était aussi gracieuse que le vieillard était intimidant.
Mais la torture que Nathan combattait ne faisait qu'augmenter d'intensité, très vite il fut incapable de résister et sombra de nouveau dans l'inconscience.

Le loup ne tarda pas à avoir de nouveau les paupières closes, ce qui valait mieux pour lui étant donné ce que l'on racontait sur la douloureuse expérience de la métamorphose.
Alors que les poils de la créature se rétractaient, ses membres commencèrent à se tordre, parfois violemment, pour adopter une nouvelle forme. Lilith entendait les os craquer, les muscles se déchirer, les tendons se briser ou se tendre l'extrême.
Très vite, le processus prit fin et à la place du loup se tenait devant eux un jeune homme d'une vingtaine d'années.
Gabriel le saisit délicatement et, suivant les indications de la jeune femme, le déposa dans le lit avant de rabattre les couvertures sur lui. Il ne se réveillerait pas avant un bon moment.
- Bon, au moins il ne sera pas « trop » désorienté quand il reprendra conscience.
Le vieillard se tourna vers Lilith :
- Je repasserai te voir demain, nous verrons s'il est réveillé et, si tel est le cas, comment procéder ensuite.
- D'accord, acquiesça-t-elle.
Soudain, un « détail » lui revint en mémoire.
- Oh, fit-elle. Avant que tu partes, est-ce que tu pourrais ?
Gabriel jeta un coup d'œil au canapé, et au linceul.
- Bien sûr, dit-il. Will ?
- Je sais, je sais, dit celui-ci en attrapant le corps enveloppé, je m'en charge, à plus Lilith !
- Salut, répondit-elle, et merci.
William eut un haussement d'épaules et quitta l'appartement, non sans laisser la porte ouverte puisque Gabriel devrait le rejoindre.
- Ça va aller ? demanda celui-ci à la jeune femme.
- Oui, affirma-t-elle, ne t'en fais pas. Allez file !
- Bien.
Il sortit et s'arrêta sur le seuil. Après un rapide signe de la main, il referma la porte.
Désormais seule avec son nouveau locataire, Lilith vérifia son réveil, six heures du matin, puis approcha du lit.
- Nathan, n'est-ce pas ?
Elle prit une profonde inspiration.
- J'espère que tu es bien digne des espoirs placés en toi...