« Le Roi-Sorcier Marlan, Quatrième des Douze, Petit-fils d’Orlan Le Sage, Fils de Durlan Le Magnanime, Souverain de Nordcastel... »
Le reste des titres ronflants et autres appellations pompeuses se perdirent dans les brumes de la somnolence qui assaillait le principal intéressé. Menacée de chute par la fatigue grandissante, sa tête n'était tenue en l'air que par la seule force de son bras accoudé sur son trône.
Trône particulièrement inconfortable, songea-t-il.
Les deux gardes à l'entrée donnèrent trois coups brefs sur le sol avec le manche de leurs lances. Les premiers paysans entrèrent en silence, comme écrasés par la présence de leur roi et par la majesté de la salle d'audience. Le seigneur des lieux daigna ouvrir un œil, parcourant du regard ladite salle.
La maçonnerie antique, en granit sombre, s'élevait au point que la lumière des torches peinait à éclairer le plafond. Les murs ne comportaient nulle décoration et seul un tapis d'un bleu profond, allant de la lourde double porte en chêne au grand escalier menant au trône, apportait une touche de couleur dans ce paysage grisâtre. Le meuble de granit massif sur lequel il était assis était, quant à lui, orné de multiples gravures et sculpté pour représenter un gigantesque dragon prêt à s'envoler.
Il observa la trentaine de citoyens rassemblés à l'entrée de salle et l'ombre d'un sourire se dessina sur son visage ridé : ce monument inspirait autant la crainte que le respect aux petites gens, car tous fixaient d'un air effrayé la créature de pierre si finement détaillée qu'on aurait pût la croire vivante. Les deux yeux de rubis qui luisaient dans la pénombre donnaient à la créature un regard étrangement réaliste.
Avec un soupir de lassitude, il se redressa et prit la posture la plus droite que lui permettait son dos fatigué puis il fit signe au héraut de faire avancer le premier citoyen venu faire ses doléances. Une voix de velours liquide parla alors suffisamment fort pour que lui seul l'entende, le faisant frissoner :
— Courage et patience mon roi. Ce sont les derniers pour cette lune.
Marlan tourna la tête vers la personne debout à sa droite. C'était un homme d'une quarantaine de printemps, aux longs cheveux grisonnants coiffés en queue de cheval avec une fine barbiche et au visage tellement anguleux qu'on l'aurait cru taillé à la serpe.
Sa peau burinée était couturée de multiples cicatrices blanchâtres, son nez crochu donnait l'impression d'avoir été cassé plusieurs fois et son visage était un masque n'exprimant aucune émotion. Ses vêtements étaient dissimulés à la vue du roi par une imposante cape noire.
Il le fixait intensément à l'aide de son unique œil vert émeraude, l'autre étant caché par un bandeau noir. Le Roi-Sorcier frissonna, ayant soudain l'impression d'être un lièvre soumis au regard d'un faucon particulièrement affamé.
L'homme détourna la tête et rajusta son chapeau à larges bords, occultant son visage dans l'ombre de ce dernier. Le roi passa une main lasse sur le visage et réajusta le fin cercle d'argent lui servant de couronne, puis il s'adressa à celui qui était debout à ses côtés.
— Je sais bien mon bon Altar, mais cette tradition est lassante. Écouter leur plaidoirie me fatigue et plus les saisons passent, plus il devint difficile pour moi de rester éveillé. Je me fais vieux.
Le dénommé Altar se garda bien de relever. Inutile d'accabler son souverain avec cette triste vérité.
— Et cela est d'un ennui ! Je ne sais pas ce que je donnerai pour un peu d'action ! Continua le souverain.
Altar esquissa un demi-sourire.
— La dernière Croisade vous manque déjà ?
Marlan balaya la réponse d'un geste de la main et caressa son menton barbu d'un air pensif.
— Peuh ! L’Église et son armée d’incompétents ! Non, je regrette la dernière guerre contre Narzum. Ah... Le champ de bataille enfumé, le fracas des lames, le vrombissement des éclairs magique. Dit-il avec un brin de nostalgie. Une petite guerre entre Rois-Sorciers, voilà ce qu'il me faudrait.
— Ça peut s'arranger. Souhaitez-vous que mes espions complotent contre Narzum ou Kojan ? Ils sont à fleur de peau en ce moment, je pensent qu’ils s’ennuient également.
Marlan remarqua que le premier paysan était au bas de l'escalier, son chapeau de paille entre les mains. L'homme avait remarqué que son roi discutait avec le Premier Conseiller et attendait patiemment que les deux hommes aient fini.
— Nous rediscuterons de tout cela après le dîner. Acheva le roi.
Il se tourna ensuite vers le paysan au bas des marches et lui fit signe de monter.
— Approche mon brave, je t'écoute.
**********
L'avant-dernier paysan remercia son roi d'une courbette et descendit les marches pour sortir de la salle d'audience. Le roi fit signe au dernier de s'avancer. Immédiatement, les sens d'Altar se mirent en alerte.
Quelque chose clochait chez cet homme. Son dos était trop droit, ses vêtements étrangement neufs, ses mains trop propres et ses ongles trop bien entretenus. L’œil d'Altar se plissa, sa pupille se colora de bleu et sa vision bascula.
Le monde lui apparut sous des nuances de bleus plus ou moins sombres, sauf à un endroit : la manche du paysan qui s'avançait. Une ombre jaune-orangée se dessinait nettement au milieu des vêtements bleu foncé. L'ombre se précisa, révélant la forme d'une dague.
La pupille d'Altar reprit sa couleur vert émeraude, sa vision redevenant normale. Il se tourna vers son roi et parla suffisamment fort pour être entendu à la fois par Marlan et à la fois par l'homme qui montait les marches.
— Mon roi, je dois m'absenter quelques minutes. Je vais voir un agent qui doit m'apporter des nouvelles.
— Fais donc Altar, acquiesça le roi avec un signe de la main. Puis rejoins moi dans la bibliothèque, il faut que je t'entretienne de quelque chose, continua le souverain.
— Bien mon roi, ajouta Altar en s'inclinant avant de commencer à descendre les marches.
Alors qu'il croisait l'homme qui montait, ce dernier porta la main à sa manche et dégaina brusquement sa dague en hurlant :
— AU NOM DE L'ÉGLISE, MORT À L'HÉRÉTIQUE !
Puis il se jeta sur le roi assis dans son trône, qui le regardait d'un air incrédule.
À peine l'assassin déguisé en paysan avait-il fait un pas en avant, qu'une sombre fumée apparut soudainement devant lui. Une main gantée de cuir noir surgit de la brume opaque, le saisissant à la gorge.
L'infortuné se mit à beugler quelque chose d’inintelligible tandis qu'il était soulevé du sol sans aucun effort par un Altar émergeant de ce brouillard surnaturel, dont l’œil unique brillait de colère.
La voix de velours liquide s'était transformée en une voix froide et parfaitement détachée :
— Qui ? Demanda-t-il doucement.
Le meurtrier secoua négativement la tête, tout en lâchant un borborygme étranglé.
— QUI ?! Tonna Altar, faisant sursauter tout le monde.
L'homme devint blême et poussa un gémissement effrayé, mais secoua de nouveau négativement la tête.
— Comme tu voudras, cette fois ton Dieu ne te protégera pas, acheva Altar.
Une peur absolue se lut dans les yeux de l'assassin et il ouvrit la bouche comme pour avouer, mais c'était trop tard. Le craquement sinistre d'une nuque brisée résonna en écho dans la salle.
Le Premier Conseiller jeta au bas des escaliers le corps flasque, descendit deux à deux les marches restantes et se dirigea d'un pas rapide vers la porte. Il s'arrêta au niveau des deux gardes et leur désigna du doigt le corps :
— Jetez-moi cette pourriture dans les douves !
Les deux hommes casqués se regardèrent incrédules puis hochèrent la tête. Altar s'engagea dans le couloir, sa cape noire flottant comme un linceul derrière lui. Sa main droite se porta à son côté et le chant de l'acier frottant contre le cuir se fit entendre. La lame d'une épée bâtarde étincela à la lueur des torches.
Il bifurqua à gauche et croisa quatre gardes en patrouille remontant le couloir. Il s'arrêta net à leur hauteur, les faisant légèrement sursauter.
— Le Roi est dans la salle d'audience, escortez-le jusqu'à la bibliothèque et restez avec lui jusqu'à ce que je vous rejoigne.
— Oui Premier Conseiller, acquiesça le sergent de la patrouille.
**********
L'ambassadeur Igniatus, représentant de l'Église en Nordcastel, fit couler la cire rouge d'une bougie sur l’enveloppe. Au loin il entendit des bruits de pas précipités dans le couloir, des ordres qu'on hélait. Il s'autorisa à sourire, son plan avait fonctionné et dès demain le Haut-Prête recevrait cette missive.
Il allait apposer sa chevalière sur la tache de cire qui commençait déjà à sécher quand soudain, le monde autour de lui se transforma.
Ses tympans se bouchèrent brusquement, sa fenêtre se transforma en une multitude d'éclats étincelants tombant dans le vide et sa porte fut pulvérisée par une explosion venue du couloir. Le contenu de sa chambre fut projeté au sol, y comprit son étude, sa bibliothèque ainsi que lui même.
Face contre terre, il se mit sur le côté et tenta de se relever, regardant d'un air incrédule le chaos autour de lui. Il ne restait de sa porte qu'un bout de bois suspendu à un gond tordu, le reste était répandu en morceaux fumants au milieu de ses livres et parchemins. Les jambes flageolantes, il se raccrocha à une torchère pour éviter de tomber à nouveau.
Son sens de l'équilibre lui revint, douloureusement, en même temps que ses tympans se débouchèrent. Il entendit alors distinctement le bruit de lourdes bottes ferrées, marchant doucement depuis l'entrée de sa chambre. Écrasant sans distinction ouvrages calcinés, morceaux de verre coloré, débris de bois encore incandescents. Ainsi qu'un bruit bien plus sinistre, celui d'un objet métallique raclant le sol de pierre.
Igniatus, leva les yeux vers celui qui avançait d'un pas lent et mesuré, comme au ralenti. Une longue cape noire était rejetée sur son épaule droite, révélant à demi une tenue de cuir noir et de mailles argentées. Un baudrier de cuir ainsi qu'un assemblage de ceintures supportaient plusieurs petites sacoches et quelques fioles colorées.
L'homme habillé de noir, le visage entièrement masqué dans l'ombre d'un chapeau à larges bords, semblait le regarder fixement. Sa main droite, gantée de cuir noir, tenait une longue épée dont la pointe touchait le sol. Il s'arrêta à quelque pas de Igniatus.
Il sembla à ce dernier que l'homme aspirerait la lumière de la pièce et que la température de celle-ci se refroidissait de seconde en seconde. Même sans avoir besoin de voir son visage, l'ambassadeur avait reconnu les vêtements si caractéristiques de la personne en face de lui.
— Sorcelame Altar... siffla Igniatus. Que signifie cette intrusi...
— SILENCE !!! Tonna l'homme en noir tout en désignant Igniatus de la pointe de son épée.
Une étincelle bleue crépita le long de la lame et instantanément Igniatus fut projeté en arrière par une force invisible, percutant violemment le mur derrière lui.
Altar avança d'un pas et la flamme d'une torche encore allumée dissipa les ombres sous son chapeau. Son visage était impassible, mais son œil unique semblait lancer des éclairs.
L'ambassadeur se releva en toussant du sang et regarda le Sorcelame d'un œil mauvais. Un sourire forcé se dessina sur son visage et il cracha une dent ensanglantée sur le sol avant de se redresser péniblement. Sa main droite dessina une petite arabesque et une flamme bleutée y apparut en même temps que ses pupilles se coloraient de la même couleur.
— Vous ne savez pas à qui vous avez à faire, engeance du démon ! Cracha l'ambassadeur.
— Non... Je crains que ce ne soit le contraire... dit doucement Altar.
L'œil du Sorcelame pulsa d'un vert malsain et la flamme dans la main d'Igniatus fut soufflée comme la flamme d'une chandelle.
La main gauche d'Altar jaillie de sous sa cape et claqua des doigts. Le bras droit de l'ambassadeur fut pris de convulsions et d'horribles craquements se firent entendre dans la pièce, chaque articulation se brisant l'une après l'autre.
Igniatus tomba au sol en poussant des hurlements de damné. De l'épaule jusqu'au bout des doigts, son bras disloqué était tout en angles peu naturels.
— Vous... Je... L'Église... vous... fera... payer... cet... affront... dit l'ambassadeur en hoquetant de douleur à chaque mot.
Altar franchit la distance les séparant, empoigna la robe de bure blanche d’Igniatus, le souleva sans peine et le cloua contre le mur, lui arrachant un cri de douleur.
— L'Église... Altar éclata d'un rire franc. Dois-je vous rappeler le sort des quinze précédentes croisades ? Non, je vois dans vos yeux que c'est inutile. En revanche j'ai lu votre nom dans ceux de votre assassin... Juste avant que je ne lui brise la nuque...
— Il... commença Igniatus, d'un air abasourdi.
— N'a pas réussi, oui, acheva Altar avec un sourire malsain.
L'épaule encore valide de l'ambassadeur s’affaissa d'abattement. Un sourire contrit se dessina sur son visage.
— Vous allez me tuer, je suppose...
Le sourire d’Altar se mua en quelque chose de diabolique et Igniatus commença à frémir.
— Vous enfoncer 36 pouces d'acier dans le corps serait très probablement fort distrayant, mais votre statut d’ambassadeur officiel vous protège contre ce genre de petits désagréments. Croyez bien que je le regrette...
Altar lâcha l'ambassadeur et ce dernier s'affaissa sur le sol comme une poupée de chiffon.
Le Sorcelame rengaina son épée et réajusta sa cape, dissimulant complètement sa tenue et son équipement.
— En ma qualité de Premier-Conseiller du Roi-Sorcier Marlan, Quatrième des Douze, je révoque votre statut d'ambassadeur officiel. Vous avez une heure pour quitter le château et trois jours pour quitter le royaume. Si vous dépassez l'un de ces délais, vous serez considéré comme un intrus sur ces terres et je me verrai dans l'obligation d'appliquer la sentence ad hoc.
Sur cette dernière phrase lourde de sous-entendus, Altar tourna les talons et se dirigea vers la porte. Il s'arrêta sur le seuil et tourna la tête vers un Igniatus encore étonné d'être encore en vie.
— Je vous charge également de transmettre un message à votre Haut-Prêtre. À la prochaine tentative, quelle qu’elle soit, envers mon souverain, je m'occuperais de son cas... Personnellement...
— De quel droit osez-vous mena...
La suite mourut dans la gorge de l'ex-ambassadeur sous le regard inquisiteur d'Altar.
— Dans le même ordre d'idée, je vous annonce officiellement que le royaume de NordCastel vient de suspendre ses relations diplomatiques avec l'Église. Je pense qu'il est inutile de vous rappeler que désormais vous ne disposez plus d’aucun personnel diplomatique au sein des Douze Royaumes, acheva le Premier Conseiller avant de franchir le seuil de la pièce ravagée.
**********
Marlan était assis d'un fauteuil molletonné de velours rouge dans l'immense bibliothèque du château. Accoudé et les mains jointes devant lui, il semblait pensif.
Autour de lui, des ouvrages recouvraient l’intégralité des murs et des échelles sur rails permettaient d'accéder au rayonnage les plus en hauteurs.
À ses côtés se trouvaient deux gardes en armures, tandis que deux autres se trouvaient dans le couloir, gardant la double porte fermée. Le bruit d'un gantelet frappant le battant se fit alors entendre à trois reprises. Les deux battants s'ouvrirent simultanément, manœuvrés par les deux gardes en faction dans le couloir, livrant le passage à un homme drapé de noir. Le roi se tourna alors vers le sergent de patrouille qui se trouvait à sa droite.
— Vous pouvez nous laisser sergent, merci, dit-il doucement.
L'intéressé s'inclina brièvement.
— Mon roi, ajouta-t-il en faisant un signe de la main à ces hommes.
Il se dirigea vers la sortie de la salle et adressa un signe de tête respectueux à l'homme en noir qui se tenait toujours à l'entrée. Une fois que le sergent eu franchit le seuil, en compagnie de l'autre homme d'armes, les deux gardes dans le couloir refermèrent la porte d'un même mouvement. Le bruit de pas cadencés de la patrouille résonna dans le couloir, avant de s'estomper.
L'homme en noir ôta alors son chapeau et sa cape puis les suspendit à un meuble en bois prévu à cet effet. Il ôta ses gants et les accrocha à l'une de ses ceintures, dévoilant des mains parcheminées ainsi qu'une impressionnante cicatrice à la main gauche. La tache rougeâtre partait du moignon de l'auriculaire, couvrait une majeure partie du dos de la main et s'achevait au niveau du poignet.
— Est-il mort ? demanda Marlan en rompant le silence.
— Non mon roi, répondit Altar en s'asseyant dans un fauteuil en face de Marlan.
Le roi haussa un sourcil, légèrement surpris.
— Il fut un temps où tes décisions étaient plus expéditives. Te ramollirais-tu avec l'âge ? continua le souverain avec un sourire amusé.
Altar eut un demi-sourire.
— Pas exactement, à mon avis son bras va le faire souffrir pendant quelque temps.
Marlan eu un rire bref.
Le Premier Conseiller fouilla dans une de ses sacoches et en extirpa une longue pipe en os. Du coin de l'œil, il aperçut que son roi en avait sorti une similaire d'un petit tiroir dissimulé dans le fauteuil. En silence, les deux hommes entreprirent de bourrer leur pipe respective puis les allumèrent en claquant simplement des doigts.
— J'ai cru comprendre que vous souhaitiez me parler de quelque chose d'important, dit Altar en lâchant un rond de fumée.
Marlan demeura étrangement pensif et silencieux pendant de longues secondes, relâchant de temps à autre quelques bouffées.
— Oui... finit-il par dire. C'est exact... Et les évènements d'aujourd'hui n'ont fait que confirmer mes soupçons.
Altar sentait de la mélancolie dans la voix de son souverain et il sut désormais que la suite n'allait pas lui plaire.
— Te rappelles-tu quand est mon anniversaire ?
Altar fut légèrement décontenancé par la question, mais il hocha la tête.
— À la prochaine pleine lune, le jour de l’équinoxe du printemps. J'ai peur de ne pas comprendre où vous voulez en venir mon roi.
— Patience mon brave Altar. Rappelle-moi donc quand est la prochaine pleine lune.
L'œil unique du Premier Conseiller se vrilla dans ceux de son roi. Il pouvait y lire que son souverain connaissait parfaitement la réponse, mais que le vieil homme souhaitait simplement l'entendre de la bouche de son plus fidèle ami.
Altar fouilla dans une poche située sur son torse et en sortit un disque argenté, large comme sa paume et relié à la poche par une petite chaine. Il appuya sur un petit bouton et un couvercle se souleva, révélant un complexe mécanisme d'horlogerie. Plusieurs aiguilles rotatives ainsi que des illustrations, indiquaient diverses informations, telles que l'heure, la position du soleil dans le ciel ou encore le cycle lunaire actuel. Altar lut ce qui l'intéressait et referma le disque.
— Dans huit jours mon roi, dit-il en remettant le disque dans la poche adéquate. Et cela vous fera un total respectable de soixante-neuf printemps, ajouta-t-il, en anticipant la question qui se lisait dans les yeux de son souverain.
— Soixante-neuf printemps... répéta Marlan d'un air pensif. Il tira sur sa pipe et lâcha un fin rond de fumée. C'est déjà beaucoup, ne crois-tu pas qu'il serait temps que je passe la main ? continua-t-il.
Altar fronça les sourcils. La reine Alissa était morte voilà déjà une vingtaine d'hivers, mais son ventre n'avais jamais pût accueillir la vie, malgré les talents d'alchimiste d'Altar.
— Je vois que tu ne saisis pas, dit Marlan d'un air amusé. Dans la situation actuelle, si je venais à disparaître, en tant que Premier Conseiller tu te devrais d'assurer la régence du royaume. Et en l'absence d'héritier reconnu, la couronne te reviendrait de facto au bout de quatre saisons et une lune. Mais tu sais aussi bien que moi, que...
— Les Sorcelames ne peuvent revendiquer aucun trône, quel qu'il soit, acheva Altar.
Il y eut un instant de flottement pendant lequel les deux hommes se regardèrent, en tirant pensivement sur leur pipe. Non, décidément, Altar sentait que la suite n'allait vraiment pas lui plaire.
Marlan retira la pipe de sa bouche et désigna Altar avec l'embout de celle-ci, comme pour le pointer du doigt.
— Ce que je te demande, mon brave Altar, c'est de partir à la recherche de mon héritier.