Il s'agit d'une nouvelle rédigée l'an dernier pour un concours dans mon lycée, dont je suis arrivée deuxième. Les règles étaient que l'on devait commencer par: "Il y avait une lettre dans un coffret.". Le maximum de pages était quatre, et le minimum, deux.^^ Je me suis relue, il n'y a, à priori, aucune faute.
Bonne lecture!
Il y avait une lettre dans un coffret… Ce coffret, on l’avait trouvé. Pas moi, mais Alfa Wolf, le garçon le plus populaire de mon Lycée. Il était grand et bien bâti. Ses yeux d’or étaient sublimes et ses cheveux de neige semblaient soyeux.
Il avait remarqué le coffret dans les vestiaires, en Sport. Il n’avait rien trouvé de mieux que de le prendre. Il était excité comme une puce.
On était Vendredi Décembre 10530 quand il vint me voir. J’étais au réfectoire et je mangeais. Mon amie, Ariane Sagred, conservait un mutisme dont je ne l’aurais jamais crue capable. Elle qui avait sans cesse besoin de parler ! Toujours est-il qu’Alfa vint s’installer à notre table. Je ne disais rien. Il garda le silence, puis il déclara :
− J’ai un truc à vous dire, les filles.
Je haussai les épaules. Il y vit une invitation à poursuivre :
− Après le Sport, une fois que tout le monde était parti, je suis resté dans les vestiaires. Et… j’ai trouvé…
−Oui ?
−Ça.
Et il posa un coffret sur son plateau. Il était de couleur argentée et les angles étaient incrustés de rubis. Il était plutôt joli. Cependant, je me demandais bien ce qu’il faisait là. Certes, le Lycée était riche et prestigieux, mais de là à posséder un tel objet…
−Et donc ? sourcillai-je.
−Je n’arrive pas à l’ouvrir.
Je ne pus m’empêcher de ricaner.
−Toi, Alfa Wolf, le plus doué des élèves de septième année, un elfe bon dans toutes les matières, tu viens me dire que tu échoues à ouvrir cette boîte ? À moi, élève de ta classe, mais dans un Douzième différent du tien, vampire de surcroît ?
−Euh… oui.
Je soupirai. Il était… désarmant. Ou complètement stupide. Cet elfe était en septième année, dans le Douzième du Sagittaire. Moi, dans le Scorpion. Il connaissait plein de monde, tant chez les elfes qu’ailleurs, et c’était moi qu’il venait voir ! Je trouvais cela plutôt étrange.
−Tu as essayé de l’ouvrir ?
−Bah oui. Mais à chaque fois, des lettres apparaissaient.
Je haussai un sourcil.
−Regarde, dit-il.
Alfa appuya sur le gros rubis, au-dessus de la serrure, et attendit. Rien ne se passait, quand tout à coup, quelque chose apparut, gravé en lettres de feu, sur le métal.
Σαμ χεο υαλοχ ε αςχερο
Δες χεα ςιτια ε ταερο
Puis tout ceci disparut.
−Tu vois, murmura Alfa.
−Et ça veut dire quoi ?
−Aucune idée.
Ariane prit la parole :
−Souvenez-vous du cours de Géographie avec M. Jecéousé. On étudie la Voie Lactée, donc la Terre. C’est peut être une de leurs langues.
Alfa sourit :
−Tu as raison. Ça vous dit de chercher avec moi ?
−Tu n’as pas d’amis ? répliquai-je.
−Si. Mais ils vont se moquer de moi. Et puis... ils m’agacent, et vont me demander ce que je faisais seul dans les vestiaires.
−Et que faisais-tu seul dans les vestiaires ?
−Je... cogitais. Alors ?
−Ça marche ! s’exclama Ariane.
Je levai les yeux au plafond. Mon amie était... bizarre, parfois.
Après la pause déjeuner, j’avais Mathématiques avec Mme Strategik. Je passai l’heure à dessiner sur une feuille blanche. À côté de moi, Ariane suivait le cours. Quand la sonnerie retentit, je me précipitai dehors, pour deux heures d’Histoire-Géographie. Une heure d’Histoire, sur Néon, le continent de la Lumière, sur notre belle planète Retipuj. Puis une heure de Géographie : Terre. Ariane en profita pour demander quelles étaient les différentes langues. Ce à quoi le prof répondit :
−Il y en a plus de cent cinq. Les plus parlées sont l’Anglais, le Chinois, l’Espagnol, le Français et le Russe.
−Avec le même alphabet ?
−Non. Par exemple, le Russe et le Grec ont des lettres différentes.
Après quoi Ariane lui demanda de les écrire au tableau. Cette fille est charismatique : le prof s’est exécuté !Quand il eut fini, nous nous regardâmes d’un air entendu. C’était du grec, le charabia sur le coffret. La sonnerie se fit entendre. Nous sortîmes, et Ariane se planta devant moi :
−Je suis formelle, c’est du grec.
−Et ? Je le sais, j’étais avec toi, je te signale.
−Il faut aller voir Alfa.
−On a Sport.
Elle grommela. J’étais... rabat-joie. Nous allâmes attendre la prof devant le gymnase. On avait cours en commun avec le Sagittaire. Leur classe nous rejoignit et Alfa vint vers moi avec un sourire :
−Salut. Des informations ?
−C’est du grec, lâchai-je.
J’entendis les autres murmurer. D’habitude, Alfa ne venait guère me parler. Il restait la plupart du temps avec Eldir Lekän, Fabrice Korïn, Caleb Berkaf, et occasionnellement, Aphrodite Némak et son groupe venait avec eux. D’ordinaire, je restais seule avec Ariane, ainsi qu’avec Shaal Derta, qui était chez le Lion. Il faut dire que j’étais l’une des rares vampires à être amie avec un loup-garou.
Dans le Lycée Krypton, même si les étudiants étaient excellents et de toutes les races, en général, ils restaient entre congénères. Même s’il y avait des exceptions, il était insolite qu’un elfe et un nain furent amis, à l’instar d’un vampire et d’un loup-garou.
Eldir arriva en courant :
−Eh ! La prof n’est pas là ! Je l’ai vue, elle refuse de faire cours, elle a perdu un truc, je crois !
Très vite, les élèves se dispersèrent. Nous décidâmes d’aller au CDI.
Alfa posa le coffret sur la table. Ariane sortit un stylo plume et une feuille de son sac, puis, toute excitée, appuya sur le rubis. L’inscription apparut, et, vive comme l’éclair, mon amie nota les signes sur sa feuille. Lorsque cela disparut, elle avait tout écrit. Cette fille m’épatait, parfois. Suite à cela, elle alluma un ordinateur, et se rendit sur le Web. Elle chercha l’alphabet grec. Après cela, elle se mit à traduire le texte.
−Sam keo nalok e askero, dës kea sythia e taetro, dit-elle. Mais ça veut dire quoi ?
−C’est de l’elfe, fit Alfa. Non un problème à résoudre, mais une vérité à expérimenter. C’est de Bouddha, je crois. Typiquement terrien.
Je réfléchis. J’avais la réponse sur le bout de la langue… J’avais déjà entendu cette phrase. Où, impossible de m’en souvenir. Soudain, je trouvai.
−La vie ! m’exclamai-je, ravie. La vie n’est pas un problème à résoudre, mais une vérité à expérimenter.
Nous retournâmes près du coffret, sur la table.
−La vie, dis-je.
Aussitôt, le rubis s’enfonça dans son socle, et tourna. Alfa souleva le dessus. Et là, nous vîmes la lettre.
C’était un simple bout de papier. Fébrilement, Alfa la déplia. Je me penchai par-dessus son épaule. Il sentait bon. C’était un parfum musqué et entêtant. Je savais ne pas mordre. Mais… embrasser, c’était une toute autre affaire. Je me morigénai intérieurement. Ce n’était guère le moment.
Alfa se racla la gorge, puis déclara :
−Depuis des milliers d’années, les peuples coexistent, mais ne cohabitent pas, malheureusement. Elfes, nains, vampires, loup-garous et autres vivent dans notre Galaxie Alpha. Les Humains sont principalement établis sur Terre, dans la Voie Lactée. Hélas, s’il est un point commun à toutes les races, c’est le désir d’anéantir les autres. Ainsi, tout n’est que façade. Regrouper l’élite de chaque race dans tel ou tel établissement n’est qu’un habile subterfuge… Exiger la mixité dans le monde du travail et des études ne rime qu’à une pure et simple hypocrisie.
« Chacun de nos six continents est spécifique à une race : Hélium pour les nains, Néon pour les elfes, Argon pour les lycanthropes, Krypton pour les vampires, Xénon pour les humains, et Radon pour les homanimaux. Cependant, si tous possèdent un Lycée au nom de son continent, y regroupant leur élite, ce n’est que pour mieux dissimuler la vérité. C’est la même chose dans la Galaxie Bêta et Oméga, pour les planètes Alcalin et Allogène. Alcalin a six continents : Lithium pour les homanimaux, Sodium pour les nains, Potassium pour les loups-garou, Rubidium pour les vampires, Césium pour les elfes et Francium pour les humains. Quant à Allogène, il possède cinq continents : Fluor pour les nains, Chlore pour les vampires, Brome pour les humains, Iode pour les loups-garou et Astate pour les elfes. Au fil des années, les choses se sont certainement envenimées. L’intolérance a continué de croître partout. Et aujourd’hui, les États et les planètes n’échangent plus que d’hypocrites courtoisies et des civilités qui resteront vaines. »
« Chacun de leur côté, les continents complotent. Ils fomentent les coups les plus vils. En tant qu’ambassadrice et agent spécial du président de Krypton, j’ai pu constater le déclinement des autres continents, à l’instar des autres planètes. Tout se désagrège peu à peu, mais sûrement. La paix et la tolérance, rêvées par un petit nombre, resteront dans l’ombre. On oubliera qu’on les aura un jour souhaitées. Il ne restera rien. Le temps où l’on se battait à cheval, armés d’épées et de haches, est révolu. Celui où nous avions des mitraillettes et des fusils aussi. Nous sommes en 10530. Nous nous battons à bord d’avions et de vaisseaux intergalactiques, suréquipés en armes atomiques. Nos tireurs d’élite possèdent des mitraillettes dont la moindre balle est radioactive dans un rayon supérieur à dix kilomètres. Si quelqu’un est touché, il implose, avant d’exploser. Or, tout le monde est équipé ainsi de nos jours. »
« Le mécanisme est déjà enclenché. Alcalin et Allogène sont déjà en guerre au sein de leurs propres territoires. Sur Retipuj, Hélium se querelle contre Néon, et Xénon contre Radon. Ne restent que Krypton et Argon. Mais ce dernier se bat contre Potassium, sur Alcalin, tandis que Krypton fait la guerre à Chlore, sur Allogène. Tout ceci demeure compliqué. Cependant, même les individus d’une même race, sur deux planètes différentes, sont capables de s’entretuer. »
« Dans une semaine, deux maximum, il ne restera que Krypton et Argon pour Retipuj ; Césium et Francium sur Alcalin et Astate et Brome pour Allogène. Après cela, ils entreprendront de se détruire. Au terme de ce délais, Alcalin, Allogène et Retipuj exploseront. Il ne restera de nous que des poussières d’étoiles, perdues dans l’Univers. Que tout cela arrive est affreux, horrible et abominable. Il existe des jeunes gens dont je regrette d’avance le sort. Je pense tout particulièrement à Alfa Wolf, Gabriel Némak, Ariane Sagred, Deleska Qadiriya, ainsi qu’à Raphaël Stheryo et Elfrida Kentra. Hélas, je ne peux leur annoncer la tragédie qui va se produire, à laquelle nous allons assisterons, impuissants. J’aurais bien aimé. J’aurais voulu avoir la force et le courage de leur acheter un élixir d’humanisation et un aller simple pour la Terre. Tout est perdu. Nous mourrons tous jusqu’au dernier. Moi parmi tant d’autres. »
Journal du 10 Décembre 10530−Freyja Padcalory.
Alfa se tut. Il régnait un silence de mort. Abattue, je m’assis à côté de lui. Il me regarda de ses yeux dorés.
−On va mourir, gémit Ariane.
Je ne dis rien. Trop d’informations d’un coup. Trop de nouvelles à assimiler. Je n’avais pas la capacité d’accepter tant. Je me sentais vide. Mon âme était devenue un abîme de désespoir. Je n’arrivai pas à me ressaisir, je demeurai inerte, comme frappée. Une seule phrase revenait sans cesse dans mon esprit : « Nous mourrons tous jusqu’au dernier. »
Alfa posa la lettre sur la table. Il regarda dans le coffret et en sortit des billets. Il y en avait cinq pour une humanisation définitive chez Xéno&Cie. Six autres pour un aller simple sur Terre, chez Trip Galactique, option bourse incluse.
Le prof avait tout prévu. Sauf d’avoir le... courage de les donner.
Ariane se mit à pleurer. Allez comprendre. Du cœur, que diable ! avais-je envie de lui dire. Il n’en était rien. En réalité, je me sentais... Je ne savais pas. Néant. Rien. Hélas, j’étais aussi accablée qu’elle. Savoir que l’on va mourir dans trois semaines met immédiatement en état de choc avancé.
−On fait quoi ? demanda Ariane.
−On va voir le prof, murmura Alfa.
On entendit des pas. Nous nous retournâmes de concert. Quand on parle du loup... La prof se tenait là. Ses yeux couleur saphir traduisaient une profonde tristesse. Sans un mot, elle s’assit à gauche d’Ariane. Tour à tour, elle regarda le coffret, les billets, et nous.
−Vous savez ce qu’il vous reste à faire, dit-elle.
Aujourd’hui, nous sommes le 25 Décembre 2010. Nous sommes sur Terre. Cela fait un an que nous sommes installés près de Rouen, en France. Nous sommes arrivés le 17 Décembre 2009, Ariane, Alfa, Raphaël, Gabriel, Elfrida et moi. L’élixir d’humanisation nous a rajeunis. J’ai quinze ans, et plus dix-sept. Je suis au Lycée Val-de-Seine, à Grand-Quevilly. Cherchez-moi, vous ne me trouverez pas. Connaissez-moi et vous ne le devinerez pas.
Aujourd’hui, je fête Noël avec Alfa, Ariane et les autres. Les parents adoptifs d’Alfa nous permettent de rester seuls chez eux pendant qu’ils sont en famille.
Alfa m’a offert une photo de nous au Lycée, peu avant notre départ. Tout est redevenu normal. Enfin, presque.
Ariane est une humaine blonde aux yeux bleus. Alfa a des cheveux de jais et des yeux verts. Quant à moi, mes cheveux sont d’un noir d’encre, mais mes yeux pourpres sont devenus émeraude. Nous sommes des humains.
Je ne peux m’empêcher de penser à Retipuj. À mes parents, ma famille... tous sont morts, je le sais. Les Terriens n’ont rien vu. Trop loin. Trop différent, peut-être. Et bien trop incompréhensible.
Nous sommes là. Six étrangers parmi vous.
Nous sommes introuvables.
C’est mieux ainsi.
Voili voilà! Qu'en pensez-vous?