Voila ma dernière nouvelle. ^^
Première Singularité
Mina actionna la porte du laboratoire, et y entra avec appréhension. La folie de leur entreprise lui traversait l’esprit à chaque fois qu’elle venait ici, comme une croyance désuète imbriquée dans sa mémoire.
Au centre de la pièce, travaillait Ben. C’était pour cet être hors du commun qu’elle était là, mais cela faisait des années qu’elle craignait pour lui le surmenage. Laissant de côté ses sombres ruminations, elle s’avança. La sentant dans son dos, Ben se retourna.
« Tu avances bien, lui demanda-t-elle ?
-Tout à fait. J’ai confiance, nous serons dans les temps pour demain. »
Il avait remarqué les tremblements dans sa voix, et essayait de la rassurer.
« N’est-ce pas excitant ? La singularité ! La première Intelligence Artificielle jamais créé ! C’est un tel bond conceptuel et philosophique que même si j’en suis à l’origine, j’ai parfois du mal à y croire.
-Mais tu n’as pas pu vérifier si il passait le test de Turing.
-Allons Mina. Le contenu du Turing n’est pas disponible, sinon il serait bien trop simple de construire un simple programme qui ne ferait qu’y répondre correctement, sans être un tant soit peu une véritable conscience.
-Alors comment peux-tu être aussi sûr de sa réussite ?
-Hier, il m’a battu aux échecs. Et ça, ce n’est pas donné à tout le monde. »
Elle était toujours debout, hésitante. Elle savait qu’elle devait en parler à Ben, mais elle se rappelait aussi comment le sujet le mettait hors de lui.
« Est-ce que tu as pensé aux réactions ?
-Les réactions de qui ?
-Des gens. Ca ne plait pas à tout le monde ce que nous essayons de faire. Recréer la vie est considéré par beaucoup comme un tabou.
-Et alors, je suis sensé abandonner la science pour de stupides opinions conservatrices ?
-Non, ce n’est pas ce que j’ai dit. Simplement, tu peux essayer de les rendre légèrement différents de nous. Ce qui effraye, c’est d’avoir des répliques artificielles, si ressemblantes qu’on pourrait les confondre avec nous.
-D’accord. »
Il avait répondu d’un ton tranchant, mettant fin à la discussion. Mina repartit, avec un dernier coup d’œil au plus brillant ingénieur du monde.
***
Maintenant Ben n’était plus si sûr de lui. Il touchait au but, mais sans cesse des absurdes histoires de SF le hantaient. Le soulèvement des créatures contre le créateur, ce genre de pauvre cliché colporté par les artistes en mal d’inspiration. Cela faisait longtemps qu’il savait devoir porter le poids de ses créations, mais jamais il n’avait imaginé qu’il serait aussi lourd.
Demain, suite à ce test caché de tous, la première forme de vie artificielle allait être déclarée officiellement, ce qui engendrerait une course pour en créer d’autres, et pouvait mener à toutes les dérives imaginables.
C’était stupide. En tant que scientifique, il avait le devoir de rester concentrer sur son travail, et pas de partir dans des dissertations qui frisaient la folie.
Demain, tout allait changer.
En attendant, il partit manger un morceau.
***
« On l’a fait ! »
Le cri de Mina retentit dans le laboratoire, faisant sursauter Ben.
« L’IA a passé le test ! Adam a réussi ! »
C’était lui qui avait choisi ce nom, par un petit caprice d’inventeur.
Tout en prenant son assistante dans ses bras, il regarda son travail du jour. Après le logiciel, c’était la matériel qu’il était en train de créer. Et encore une fois, il avait fait un travail étonnant.
Le corps artificiel n’était pas en métal, contrairement à celui des gens superstitieux. Il était formé d’une chair rosée, que Ben avait mis des heures à façonner, à l’aide d’éléments chimiques de base. A la place des fils, il avait utilisé aussi ce qu’il appelait des « câbles organiques », et avait choisi au mépris des risques d’implémenter un réseau nerveux bioélectrique. Oui, on ne pouvait définitivement pas confondre Adam avec un robot, même un descendant direct des androïdes comme Ben. Ce qui lui manquait, c’était un nom pour son « espèce ». Mais l’androïde ingénieur ne doutait pas que sa création était parfaitement capable de nommer les siens.
Il décida de prendre une pause pour fêter la nouvelle, laissant le petit corps potelé flotter dans son liquide nutritif.