Guillaume

Cette nuit, j'ai encore rêvé de Lui. Comme toujours, il était le parfait gentleman : aimable, serviable, charmant. J'évoluais déjà depuis un moment dans cet univers fantasmagorique de mon invention, quand il est arrivé. Le sourire aux lèvres, qui éclairait ses beaux yeux noirs si chaleureux, m'a procuré une curieuse sensation au creux du ventre. Il avait l'air d'avoir envie de parler. Il s'est approché de moi, et naturellement, nous avons commencé à discuter.
Je ne me souviens plus de quoi, mais cela importe peu. Ce dont je me rappelle, c'est de cette ambiance calme et sereine, ce bien-être que je ressentais à ses côtés. Nous évoluions avec d'autres personnes, interagissions avec elles. Pourtant, elles ne parvenaient pas à briser cette bulle que nous avions établi. Son sourire n'était que pour moi, sa gentillesse ne visait qu'à me mettre encore plus à l'aise, et j'avais vraiment le sentiment d'exister pour lui. Juste pour lui, en cet instant.
L'ami dont j'avais toujours rêvé. Celui après qui je courrais depuis des années, mais qui ne se laissait rejoindre que dans mes rêves.
Une seule et unique fois, il s'était montré odieux avec moi. Il avait voulu me faire « payer » pour cet événement qui avait, selon ce Lui intolérable, tout gâché entre nous. J'en étais la seule responsable. Il m'avait alors désertée pendant plus longtemps que d'habitude, mais il avait fini par revenir. Un gentleman à nouveau, et je lui avais tout pardonné.
Je n'aime pas me réveiller, quand il me rend ces visites nocturnes. Je voudrais prolonger ces moments ; je me sens tellement bien avec lui. Tout semble naturel, tel que ça aurait dû être – et rester. J'ai du mal à revenir à la vie réelle, en ces occasions. Elle me paraît fade, plus sombre, et ces rêves bien plus authentiques, vivaces – et vivants – que tout le reste. J'ai l'impression de mener une vie parallèle.
Je n'attends pas ses visites. Même si elles reviennent régulièrement, elles me surprennent toujours. Elles me surprennent au petit matin, quand je suis la plus vulnérable, et s'insinuent si profondément à travers mes défenses que je n'en ressors jamais indemne. Les heures qui suivent cette reprise de conscience sont longues et torturées. Je ne cesse de penser à lui, à tout ce que j'ai perdu, malgré le fait que je n'ai, finalement, jamais rien eu que ma propre imagination. À l'exception de ces toutes premières années, mais comptent-elles vraiment ?
Lui, c'est mon amour d'enfance. Celui que j'ai aimé sans rien espérer en retour, sans rien en retirer non plus, comme beaucoup d'adolescents, je pense. Des années plus tôt, il m'avait pourtant laisser entendre autre chose, mais nous n'étions vraiment que des enfants alors, ça ne peut pas vraiment être pris en considération... Je crois. À moins que ce ne soit là qu'il ait été le plus sincère ?
Aujourd'hui, cependant, j'ai rencontré quelqu'un de formidable. Quelqu'un que j'aime, et que je sais ne jamais vouloir quitter. Ce n'est donc plus dans cette optique que je pense à lui. Je rêve de récupérer l'ami que j'ai perdu, de rattraper le temps perdu. Pourtant, il lui arrive de se montrer charmeur quand il vient me voir. Et je culpabilise. D'autant plus que je sais à quel point nous sommes différents, à quel point nous avons divergé, et que je ne pourrais pas l'aimer comme avant. Alors pourquoi ? Pourquoi !
Parce que ce n'est pas vraiment de lui que je rêve. N'ayant pas pu le connaître comme je l'aurais voulu, parce que nos chemins se sont séparés trop tôt (par ma faute, vraiment ?), j'ai crée un autre Lui. Un Lui idéalisé, qui correspond à mes attentes, à mes fantasmes ; qu'importe qu'ils soient juste amicaux ! Je rêve d'un passé perdu, que je n'ai jamais connu, et je tente de le construire malgré tout.
Arriverai-je jamais à t'oublier ? À comprendre que rien de tout cela n'a existé ni n'existera jamais ? Le veux-je, seulement ? Ou une parcelle d'espoir illusoire persistera-t-elle pour toujours ?
Mais si je le pouvais, dans ces rêves, qui représentent nos seuls moments, je te dirais juste ceci :
Pardon. Reviens.