Vampire virtuel

Chaud. Brulant. Il inspira, et l’air carbonisa ses poumons. Il marcha, et se rendit compte que la morsure sous ses pieds pouvait être plus forte encore. Ryke mit sa main en visière, essayant de se protéger de la violente lumière du soleil.
Mais qu’importe la position de ses doigts, les rayons lui blessaient tout de même la rétine. Il fit un autre pas, supportant avec un grognement l’ébullition du sable sous ses pieds. Tout son corps brulait, se gorgeait de chaleur sans jamais la relâcher. Même ses jambes, protégées par un tissu dérisoire, flambaient avec joie.
Une autre bouffée d’air saturé de chaleur, un autre pas, et un rythme était pris. Un rythme dur, intenable, une véritable torture. Mais dans le désert, on se tient à son rythme. Si on veut en sortir un jour.
Ryke avait l’impression que ses cheveux se liquéfiaient. La grosse touffe de feu qu’il portait sur son crane le protégeait maigrement, tout en étant une sacrée usine à sueur. Et se gratter était interdit, car tout contact de la peau sur la peau collerait les deux.
Délaissant les poux et autres tiques de sa crinière rousse, l’homme se choisit une direction. Il avança vers le soleil. Seulement, ce n’était pas le meilleur choix, car le soleil bouge dans le ciel. Mais à défaut d’un autre point de repère, il s’en contenta.
Après plusieurs pas, brulures et douleurs plantaires, Ryke atteignit un nouvel état de chaleur. Sa langue gonflait dans sa bouche, à peine refroidie par le peu de salive survivante. Il essaya de parler, grogna d’une façon incompréhensible, et décida que c’était suffisant. Pas comme s’il avait beaucoup de monde avec qui discuter.
Dune après dune, il avançait. Pas après pas, son corps criait merci, brulait de tous ses pores, irradiait de chaleur solaire. Mais l’homme continuait. Il savait survivre à bien pire. Ramper dans les allées crasseuses, au milieu des dealers et des tueurs shootés. Faire des descentes en sous nombre dans des motels aux connexions non autorisées. Passer le test de tir de l’instructeur chef.
A l’évocation de l’insupportable vieil homme, Ryke sourit. Il le regretta instantanément, quand les commissures de ses lèvres se fendirent. Maintenant, il avait un gout de sang dans la bouche. Mais au moins, sa langue dégonflait.
Derrière un monticule de sable, il l’aperçut. Un reflet. Un chatoiement argenté. Un mirage, sans aucun doute. Seulement, poussé par l’envie et la canicule, il se dirigea dans sa direction. C’était plus qu’un éclat maintenant. Une forme se découpait, tressaillant sur le sabre brulant.
Ou plutôt, sautant. Oui, la forme sautait de dune en dune, vers Ryke, pantelant de sueur, de fatigue et d’insolation. A cette distance, l’homme discernait un peu mieux une silhouette. Elle était parfaite. Svelte et menue. Agile et gracile. Dansante et volante. C’était les reflets de sa chevelure argentée qu’il avait aperçu au loin.
Son visage, d’une symétrie si exacte qu’elle en était effrayante, posait des yeux doux sur l’homme dans le désert. Sur ce tas de viande fumant, grillant sous les coups du midi solaire. La peau de l’apparition était velouté, luisante, et paraissait infiniment douce.
Ryke voulait avancer encore d’un pas, toucher cette peau satinée. Il voulait étreindre le corps devant lui, malgré la violence de la chaleur, malgré la morsure du désert sur son corps.
Mais il avait perdu sa naïveté le jour où sa petite amie s’était enfuie avec un camé.
Alors, un sourire sardonique aux lèvres, il se fendit d’un simple :
« Beau travail ! Ça tourne sur quelle configuration ? »