Tu sais ma grande
Souvent, je regarde en arrière. Je regarde et je pleure. Tu es jeune, chérie, tu es belle. Moi aussi, un jour, je me suis trouvée là, seule dans le noir. Sans rien, sans personne. Sans lui...
Il était beau tu sais. Il était doux. Plus j'y repense et plus je me rend compte combien ma vie lui appartenait. Je me souviens quand je l'ai rencontré. Il était grand, il était fort, et j'étais petite mais dès qu'il remarquais une fille dans la rue, je ressentais un petit pincement au coeur. J'avais moins de 15 ans et lui en avait déjà plus de 25. Si tu savais ce que j'ai ressenti quand il m'a dit: "Je t'aime." quelques années plus tard ..... Hé, ne te mets pas trop près du bord, viens par là. Viens là et écoutes moi. Après, je te laisserais prendre ta décision.
Si tu savais ma belle... J'avais 18 ans, et je l'aimais, tellement profondément. Chaque jour, chaque minute, je pensais à lui, à ce qu'il faisait. Je me souviens d'une phrase qu'il m'a dite, au tout début de notre relation: "Tu as conscience que tu es différente?" Ses yeux, chérie, il avait de ces yeux... Intenses, profondément amoureux. Alors je sais pas ce qui m'a pris. J'ai hoché la tête... Sans savoir pourquoi. Mon regard était hypnotisé par le sien, et on s'est embrassé. Non non, ne pleure pas. Pleure pas, lève la tête et sèche tes larmes. Tu sais, avant de le connaître, avant de connaître l'amour, je pensais que ce n'était qu'un truc de nunuche qui pleurent pour rien dès qu'un garçon les a jetées. Je me disais que c'était rien, que c'était juste un amour dont elles s'en remettraient.
Ce soir je suis là, avec toi, sur le toit d'un immeuble. Il est 23 heures 12. J'ai l'impression de me retrouver moi-même dans ta détresse, poupée. Il y a tant d'années, j'étais ici même, pour les même raisons que toi. Moi aussi, un jour, il m'a déchiré le coeur. Comme jamais... Je pensais faire ma vie avec lui, avoir un enfant. Il était mon premier mec et serait celui de toujours.
Chut, chut, viens dans mes bras, mais ne pleure pas. Oh non, pas encore,...
C'était par une froide soirée de décembre. Il m'avait déjà dit à plusieurs reprises que j'agissais comme une gamine, et qu'avant, quand j'étais plus petite, je comprenais tout, j'étais autonome. J'ai essayé de corriger ça. Pour lui plaire encore plus. J'étais folle de lui, folle à en crever. Accro à lui, à son sourire, à sa douceur.
Et un soir, il m'a regardé tristement et m'a dit:"Ma belle, tu sais pourquoi je veux te quitter..."
Là, je n'ai plus rien entendu, plus rien vu... Juste un haut le coeur, une douleur partout dans le corps qui me brûlait, me dévorait comme ma passion ardente pour lui m'avait conduite ici. Alors j'ai, comme deux années auparavant, hoché la tête. Mais le pire, chérie, excuse-moi si je pleure, c'est que cette fois-ci, je savais pourquoi. Tellement j'avais voulu lui plaire de plus en plus, je m'étais perdue en chemin. Perdue moi-même. Perdue comme tu l'es en ce moment. Et c'était ça le plus dur: il regrettait un trait de caractère que j'avais quand je n'étais pas forcément amoureuse de lui.
Alors j'ai sauté. Mon coeur explosait. Pas d'enfant avec lui. Pas de vie avec lui... Alors, à quoi bon continuer? Poupée, regardes-moi... Tu vois toutes ces lumières, devant toi? C'est la ville. Toutes ces lumières, c'est autant de façon de vivre sans lui... A toi de décider. Regardes bien le macadam en dessous, bien des étages plus bas. Le vois-tu rougit de ton sang? Vois-tu cette façade, en face, maculée des traces de ta peine? Tu cries, tu hurles, ça fait mal, je sais. Tu penses à lui, à ta famille et tu pleures contre la vie qui t'as blessée. Tellement profondément. Il fait froid, tu ne trouves pas? Tu trembles, tu ne sais plus quoi faire.
Regardes toi ma belle, tu es jeune, tu n'as que 17 ans et tu es déjà déchirée par l'amour. Les yeux rouges, les mains froides, ton coeur ne bat plus. Tu sais, là-haut, il fait chaud. Tu ne souffriras plus. Regarde le ciel. Personne n'a-t-il pas rêvé un jour de le toucher, de jouer avec son manteau de nuage? Il y a des années, j'ai sauté. Seule, dans le noir, sans personne, sans lui. Tu es à genoux et tu pleures, tu hurles. Il faut te décider.
C'est ce que tu veux? Très bien. N'aies pas peur. Vole mon ange. Sèches tes larmes, car bientôt elles ne couleront plus.
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Tu es dans un état lamentable, chérie. Tes yeux sont à demi-clos, rouges comme le sang qui macule ton corps entier. La nuit ne t'a pas entièrement recouverte de son manteau. Cela n'a plus d'importance car la mort le fera, dans quelques secondes ma belle. Une larme est rescapée de ta chute, et elle roule lentement sur ta joue. Je suis là, montes avec moi.
Oh! Bonsoir madame la Faucheuse. Il est bien tard, il fait trop triste. Emportez-la vite, elle souffre dans son corps démembré que l'amour a façonné...
Voilà une première production faite en un seule jet donc n'hésiter pas à proposer des choses pour l'améliorer