Oyez, oyez !!! une vraie rareté va apparaitre sous vos yeux ébaubis... si rare, que vous n'en verrez sans doute pas d'autre comme celle ci avant longtemps !
Car, oui, je vous l'annonce : j'ai écrit... un récit contemporain !!!!
Mon dieu !
Pas d'elfes, ni de fées.
Pas de royaumes, ni de dragons.
Pas d'armées, ni de hauts faits.
Mais qu'est qui m'a donc pris ?
C'est juste un texte sur la drogue, que j'ai envoyé pour un concours, sur un autre forum.
Bon, la limite était aux environs de 1000 mots... j'ai profité du flou pour en faire 1250
J'espère qu'il vous plaira !!
Luciole
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Blanche. Douce. Légère.
Elle glisse entre mes doigts, élixir des rêves aux reflets nacrés, insaisissable nuage blanc qui me caresse et me fait mal, qui m’emmène si loin et me jette plus bas que tout.
Elle est ma vie et ma mort, ma malédiction et mon fantasme.
Ce soir, les voitures filent sur le périphérique, les lueurs des phares se muant en longs serpents étincelants, qui se poursuivent et s’entrecroisent dans la nuit noire.
Je repense à... quoi ? Le passé... mais il est si loin à présent. En ai-je seulement un ? J’ai l’impression qu’avant cet instant, toute ma vie n’a été qu’un immense brouillard gris, des rêves lumineux entremêlés de noirs instants.
Je me souviens qu’il existait une petite fille... Elle avait 6 ans et pédalait sur son vélo rouge en riant aux éclats. Elle entrait au collège, intimidée par tant d’inconnu. Elle pleurait, seule, dans sa chambre, pendant que ses parents divorçaient dans le salon, soir après soir.
Un jour, elle est entrée au lycée, solitaire. Une semaine plus tard, elle s’est fait agresser et racketter par une bande de voyous, qui la frappèrent et la laissèrent étendue dans une ruelle sordide. Seule. Désespérée. Terrifiée.
Alors... alors il est arrivé : un ange aux cheveux blonds, une apparition si irréelle qu’elle semblait impossible. Pourtant, il l’a relevée et l’a soignée. Il l’a raccompagnée chez elle, en lui faisant promettre de lui donner de ses nouvelles le lendemain. Sur le papier qu’il lui a laissé, avec son numéro de téléphone, un nom : Gabriel. Le nom d’un archange...
Ils se sont revus, il s’est occupé d’elle, lui tenant compagnie dans sa solitude, la protégeant si elle se sentait menacée, l’aidant à surmonter sa peur des autres. Un soir, il l’a fait goûter au bonheur ; le bonheur, au fond, ce n’était presque rien... une simple poudre blanche qu’il suffisait de s’injecter, une simple petite poudre qui lui donnerait le courage nécessaire pour affronter la vie.
Alors, elle l’a écouté, et jour après jour, elle en a prit, ressentant de plus en plus souvent le besoin d’une injection, le besoin de changer de vie, de s’en aller au loin...
Une manche relevée, l’éclair argenté d’une aiguille, une perle de sang carmin qui roulait sur son bras pendant que la magie blanche entrait dans ses veines. Et presque aussitôt... un vertige, éphémère, suivit d’une sensation de bonheur intense. Tout devenait plus lumineux, presque coloré à l’excès, le monde si gris et si froid devenant un paradis incroyable ou l’impossible devenait possible, où ses rêves prenaient forme devant ses yeux. Elle sentait qu’il ne pourrait jamais rien lui arriver là bas, elle sentait la confiance monter en elle, un sentiment chaud, protecteur, qui l’enveloppait doucement et rendait tout tellement plus facile...
Je soupire. Le vent de la nuit caresse mes cheveux et les soulève doucement. Les nuages passent et repassent devant la lune, masquant et dévoilant ses rayons dans un ballet nocturne et silencieux. Tout m’avait semblé si simple à cette époque... je pensais que le bonheur durerait toujours.
Au-dessous de moi, les voitures passent toujours, dans un grondement étrangement assourdit, comme si la nuit même les empêchait de me troubler en cet instant. Comme si elle devinait mes pensées... ce besoin d'intimité...
Mes souvenirs reviennent et s’imposent à moi, comme si ma vie tenait une dernière fois à me montrer ce qu’elle a été, et tout ce qu’elle aurait pu être.
La jeune fille était heureuse, vivant dans un paradis irréel et dans un monde éphémère, toute sa vie gravitant autour de deux choses : la drogue et Gabriel. Gabriel, ses cheveux blonds et ses yeux bleus. Gabriel, et les fossettes de son sourire, quand il lui glissait sa dose dans la main, chaque matin devant le lycée. Gabriel et sa main tendue... quand il lui réclamait son argent.
La drogue devenait de plus en plus chère, et elle en avait besoin de plus en plus souvent.
Quand elle était entrée en fac, elle avait vite du abandonner les cours et se trouver un boulot à plein temps pour subvenir à ses besoins... Pour que son corps arrête de la torturer, dès que le manque se faisait sentir...
Quand les effets de la drogue s’estompaient, elle disposait de quelques courtes heures de répit, qui lui laissaient le temps de dormir et de se nourrir un peu. Ensuite, soit elle reprenait une autre dose... soit elle devait attendre. Et là, tout son être se vengeait, la torturant pour lui faire payer ce qu’elle se faisait subir à chaque piqûre, le poison latent de la drogue restant présent dans son corps et dans son esprit pour lui rappeler que sa vie ne dépendait plus que d’une chose : une autre injection. Des douleurs terribles la lançaient chaque fois qu’elle faisait un mouvement ; la migraine s’installait, et ne repartait pas, la torturant à chaque bruit, ou à chaque lumière. Des tremblements, de plus en plus incontrôlables, qui agitaient ses mains, son corps frêle tout entier.
Et pire que tout, le noir. Le noir qui s’insinuait en elle, le noir qui lui faisait détester ce qu’elle était, ce qu’elle faisait, le noir qui la faisait vomir, le noir qui lui donnait envie de mourir. Alors, la panique s’emparait d’elle, lui faisant craindre tout, les gens comme les choses, le bien comme le mal, une main tendue comme un poing levé...
Alors, elle allait voir Gabriel, l'archange qui la prenait dans ses bras lorsqu’elle pleurait, l'ange qui la consolait, l'ami qui la rassurait, et enfin, l'homme qui finissait par lui donner sa poudre, même si elle n’avait pas encore de quoi payer. Pas encore. Mais bientôt, le plus vite possible. C’était promis.
Mais la promesse était de plus en plus dure à tenir... un soir, elle était allée le voir chez lui, frappant à la porte de l’appartement luxueux qu’il occupait, bien différent de sa misérable chambre de bonne. Elle avait hurlé son nom, l’appelant jusqu’à ce qu’il ouvre ; alors, en sanglotant, s’accrochant à ses vêtements, elle lui avait supplié de lui donner une autre dose... une dernière fois...
Mais cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas payé ; il avait refusé, et avait exigé son argent tout de suite, en la menaçant, lui hurlant dessus pendant qu’elle se blottissait contre le mur, par terre, dans un coin. Puis... il avait décidé que si elle ne pouvait pas lui donner d’argent... elle le paierait d’une autre manière.
Alors, l’archange Gabriel s’était transformé en démon : il l’avait entraînée dans sa chambre, malgré ses cris et ses pleurs, malgré ses supplications et ses protestations.
Il l’avait attachée au lit, et lui avait arraché ses vêtements.
Des heures entières, il l’avait violée, jusqu’à ce que le sang se mette à couler, jusqu’à ce que les cris d’horreur se muent en gémissements.
Je suis debout, en haut du pont, frissonnant dans le froid. Un hurlement de terreur et de dégoût reste bloqué au fond de ma gorge. Je ne peux plus le supporter... trop d’horreur, trop de douleur, trop de trahisons...
Lentement, je vois le monde qui bascule, et les toits des voitures qui se rapprochent de plus en plus. Je me retourne dans ma chute, pour voir les étoiles briller une dernière fois. Soudain, mon corps heurte l’asphalte, dans une douleur indescriptible. La dernière chose que je vois est une tête blonde qui me regarde, du haut du parapet, loin au-dessus de moi.
Puis, plus rien...
Plus de bruit, plus de douleur...
Plus d’horreur, ni de désespoir...
Le Noir.