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| | Hallyu - Roman réaliste en cours. | |
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| Sujet: Hallyu - Roman réaliste en cours. Mar 8 Aoû 2017 - 17:24 | |
| Mon projet est un roman long. Je prévois une trentaine de chapitres (j'ai peur de vous décourager en disant cela lol). J'en ai déjà écrit 15 chapitres, mais je vais poster progressivement. Pour ceux qui veulent simplement savoir de quoi ça parle avant de se lancer dans cette lecture : - Résumé:
C'est un roman, mi-documentaire mi-biographique, qui raconte le parcours de vie d'un sud-coréen passionné par la musique, qui se laisse embarquer dans le phénomène culturel mondial de la K-pop, un phénomène qui va finir par complètement le dépasser. Une histoire qui est raconté de mon point de vue, moi, femme française fascinée par la Corée du Sud, qui tente donc d'expliquer ce qu'est la K-pop, les raisons de son succès, et puis surtout, les dérives subjacentes de cet univers d'apparences. Le titre "Hallyu" fait référence à la vague coréenne, le soft-power coréen.
Commençons par le commencement : CHAPITRE I - UNE VOIX. - Chapitre I - Une voix:
C’est une femme qui rêve de l’océan. Un océan étrange dont les eaux sont retenues par une écluse géante, enfermées, jusqu’à ce que la grande vanne s’ouvre. Les flots jaillissent et les eaux se perdent. Petit à petit l’océan se tarit jusqu’à ce qu’il ne reste qu’une grande étendue de sable argenté. Alors, la femme marche sur le sable encore humide jusqu’à ce qu’elle trouve à ses pieds un coquillage. Elle se penche, observe, c’est un bivalve nacré formé de deux coquilles symétriques.
∼
Le héros de l’histoire que j’ai l’orgueil de vouloir raconter est né à Incheon, en Corée du Sud. Le 31 mars 1990.
La cité se trouve entre le grand Séoul et la mer jaune. La Corée n’a qu’une seule frontière terrestre et elle est obstruée de fils barbelés et de mines.
La frontière la plus militarisée du monde est infranchissable. La Corée du Sud est donc techniquement une île. Pour entrer dans le pays, il faut prendre la mer, ou s’envoler. C’est ce que permet Incheon, avec son port et son aéroport. La ville est un passage, une ouverture entre ce pays et le reste du monde.
Sur le port d’Incheon, si on regarde la mer, on est tourné vers l’ouest, vers l’occident. Traversez cette étendue d’eau et vous rencontrez tout d’abord la Chine. Incheon reçoit d’elle régulièrement des nuages de microparticules portés par le vent et qui font de cette ville, la ville la plus polluée de la péninsule.
Continuez encore votre route vers l’ouest, au-delà de la Chine. Il faut parcourir, à vol d’oiseau, 9001 kilomètres pour trouver la France, Versailles, et moi. Je suis encore un bébé de quatre mois. Je n’ai aucun lien notable avec la Corée du Sud, et le nouveau-né que je conte n’en a aucun avec la France.
C’est bien plus tard que je me mettrai en tête de raconter son histoire. Mais revenons à cette naissance ! Enceinte, sa mère a fait ce rêve d’océan et de coquillages identiques. Le songe est prémonitoire. En effet, le Coréen vient au monde à la suite de son frère jumeau, faisant de lui le troisième et dernier né de la famille.
Pour choisir son prénom, ses parents ont consulté un spécialiste, pour ne rien laisser au hasard. Il existe une croyance, dans toute cette partie de l’Asie, selon laquelle un prénom et le destin du futur enfant sont liés. Le professionnel a rappelé à la future mère que le destin est écrit à l’avance, bien avant que l’on ne nomme l’enfant, puis il a ajouté que malgré cela, un destin peut être embelli si le prénom respecte le saju, reposant sur les quatre piliers : l’année, le mois, le jour et l’heure de la naissance.
Dans leur immense majorité, les prénoms coréens sont formés de deux syllabes. Deux syllabes pour un prénom. Deux syllabes porteuses chacune d’une signification profonde afin d’avoir le pouvoir de bouleverser un destin.
Le nouveau-né est nommé Yong-Guk, Yong pour la bravoure que l’on prête aux dragons. Et Guk. Guk peut revêtir différentes significations. Cette syllabe est le nom de la fleur symbolisant la saison de l’automne : le chrysanthème. Si en France le chrysanthème est associé à la mort, en Corée, sa longue floraison est synonyme d’intégrité. Son nom pourrait donc signifier : l’homme brave et intègre.
Pourtant, ce n’est pas ainsi qu’il faut l’interpréter. Car le sens profond du prénom de Yongguk n’apparaît que si l’on prend en compte le cas particulier de sa naissance gémellaire. Les parents de Yongguk n’ont pas choisi seulement deux syllabes, le 31 mars 1990, ils en ont choisi quatre. Ils ont choisi une paire de prénoms. Le frère de Yongguk a lui aussi ses deux syllabes censées lui ouvrir les portes d’un meilleur destin : Yong-Nam.
Nous disons : Corée du Sud, les Coréens disent : Han-Guk. Nous disons : Corée du Nord, les Coréen disent : Han-Nam. Il s’appelle Yongguk, son jumeau s’appelle Yongnam. Ils forment alors un portrait adorable d’enfants qui se complètent.
Les jumeaux sont le nord et le sud. Ils ont la même racine. A l’origine, ils ne formaient qu’une cellule, un seul individu, puis finalement une fracture les sépare en deux. La Corée a connu le même destin, un pays unique à la population homogène. Si homogène que des études établissent qu’il existe une configuration chromosomique originale, une quasi-consanguinité sur toute la péninsule. En Corée, l’unité est un concept central, et pourtant, paradoxalement c’est aussi un pays écartelé. Cette unité qui leur est si chère s’est rompue. La guerre sépare le peuple et le territoire en deux. Yongguk est dès les premiers mois de sa vie utérine, à l’image de son pays, jusque dans ses divisions les plus fondamentales, jusque dans son prénom.
Bien sûr, le nouveau-né n’a pas qu’un prénom. Il a un patronyme qu’il convient de prononcer en premier quand on s’adressera à lui. Le Coréen se nomme Bang Yongguk.
Bang. Je m’applique et prononce ce nom avec jubilation : Bang. Le mot fait claquer les lèvres avant d’atterrir plus doux dans le fond de la gorge. Cela sonne définitivement comme une promesse d’action. Une onomatopée comme nom. Et quelle onomatopée ! Un coup de feu. Ce nom fait peur et fait rêver. Il rend possible toutes les métaphores. Bang font les snippers. Bang font les tambours de guerre. Bang bang font les battements de mon cœur.
Je me demande si le destin de Bang Yongguk n’est pas davantage influencé par son nom que par son prénom. Bang est prémonitoire. Le coréen est en effet un tir longue distance. Il vise le cœur et atteint sa cible. Croisez cet homme et « Bang ! » vous serez touchée. Mettez votre main sur votre poitrine et souffrez. Vous ne pouvez pas lutter, il a toutes les armes.
Bang ! Rien de plus bruyant qu’une arme à feu.
Son nom est sonore, et on tient sûrement là, la contradiction la plus fondamentale de Bang Yongguk : son paradoxe sonore.
L’adulte Yongguk est connu pour sa voix. Dès ses tout débuts, on vante son interprétation fougueuse de husky. Le rappeur aboie ses mots. Son timbre est grave, chaud et vibrant.
L’homme a une voix si grave, si masculine qu’elle frôle la caricature. Rappée, elle dégage un sex-appeal quasi grotesque, en particulier dans les arrangements :
Yeah ! Ah ! Cheah ! Hum ! …
et autres poussées vocales séductrices, évocatrices de plaisirs nocturnes. Quand Yongguk fait « Yeah ! » avec sa voix de basse, c’est tellement too-much qu’une femme n’a que deux choix : l’hilarité ou l’attirance sexuelle incontrôlable. Pour ma part, je ris, mais je serais malhonnête si je ne reconnaissais pas que ce rire est celui d’une ingénue.
J’apprécie cette voix virile lorsqu’il rappe. Mais c’est dans la parole que je le trouve irrésistible. Sa voix perd soudain son assurance, elle cherche ses mots, lentement. L’agressivité de son rap laisse la place à une voix plus ronde et chaleureuse, sans volonté de séduire. Mais toujours avec la même profondeur.
J’apprécie particulièrement ce dernier qualificatif : profond. Probablement parce qu’il laisse entrevoir quelque chose derrière le verni érotique primaire d’une voix grave.
Il y a bien des exemples dans lesquels sa voix lui rendra service. Une illustration typique : nous sommes sur un plateau télé. On propose un défi aux chanteurs présents : imiter une jeune soprano. Le collègue virtuose de Yongguk fait alors une démonstration, dans laquelle il monte marche après marche, sept en tout, vers les hauteurs de la gamme et le public applaudit. Vient le tour de Yongguk. Tous s’attendent à ce qu’il renonce. Mais Yongguk réplique. Il se fabrique à son tour son escalier et descend, marche après marche, sept en tout, dans des profondeurs toutes aussi virtuoses, vers le bas, vers son gouffre. La pirouette est habile, le public rit, Yongguk est satisfait.
Yongguk sait, parfaitement, comme son organe est un atout et il le maîtrise. Il peut compter sur sa voix. Aujourd’hui, des oreilles l’entendent sur tous les continents. Pourtant, tout a commencé par un long silence.
A l’âge où les enfants prononcent leurs premiers mots, leurs premières phrases, Yongguk reste parfaitement muet.
Le retard de langage dans les fratries de jumeaux est un phénomène bien connu. Ils mettent en moyenne six mois de plus à entrer dans le langage articulé. Les deux frères communiquent à leur manière, formant autour d’eux une bulle à l’extérieur de laquelle se trouve le monde des adultes et sa complexité déstabilisante. Yongguk comprend toujours Yongnam, et Yongnam comprend toujours Yongguk.
Les pédopsychiatres ont même donné un nom à ce langage autonome que développe les fratries de jumeaux : la cryptophasie. La parole cachée. La cryptophasie des frères Bang a ceci de particulier qu’elle est non seulement inaccessible à autrui, mais également non phonétique. Des jeux de gestes, et des jeux de regards leur suffisent pour communiquer.
Yongguk entend parfaitement et n’a aucune difficulté pour comprendre le langage des adultes. S’il ne parle pas c’est parce qu’il n’a pas le désir de s’y mettre. Sa paresse s’accroit davantage lorsque son ainé commence à parler.
Son double devient alors une interface particulièrement efficace entre lui et le monde des adultes. Cette interface lui évite un effort qui lui semble démesuré au regard de ce que cela lui apporterait. A quoi bon tenter de se faire comprendre, essuyer des échecs, alors qu’il a un traducteur ? Apprendriez-vous une langue étrangère si vous aviez à votre disposition permanente un parfait bilingue tout disposé à vous traduire ? Sûrement pas.
Yongguk laisse l’ascendant à Yongnam. Il se place confortablement dans une attitude soumise et passive. Yongnam prend la parole, mais aussi les décisions de leur couple fraternel. Il convient de dire qu’il prend le pouvoir. Et Yongguk glisse totalement sous son emprise en victime consentante, dans le plus fort des syndromes de Stockholm, entièrement dans l’ombre de son frère bien aimé.
Les adultes s’expriment au couple. L’attention qu’on leur porte est rarement individualisée. L’ascendant que prend Yongnam permet à l’ainé d’attirer davantage l’attention. Yongguk aussi souhaite sa part d’amour individuel qui le ferait se sentir unique et important. Paradoxalement, c’est ce qu’il ne fait pas qui lui permet d’atteindre ce but. Plus Yongguk est silencieux plus on est soucieux de sa personne.
Ses parents et ses grands-parents s’inquiètent grandement de ce mutisme sévère. Ils ont attendu patiemment, mais la moyenne des six mois est largement dépassée. Yongguk et son frère fêtent leurs trois ans, puis leurs quatre ans, sans que jamais le muet ne se décide à leur offrir un « Umma » salutaire.
On lui fait passer un bilan ORL qui ne révèle rien d’anormal. Les adultes ne comprennent pas. et il n’y a rien de pire que de ne pas comprendre. On aurait préféré qu’il soit sourd. Une surdité aurait permis de lever le mystère qui entoure cet enfant silencieux. Ses grands-parents et ses parents s’interrogent : l’enfant est-il attardé ? Est-il autiste ? Qu’ont-ils fait de mal ? Et que peuvent-ils faire maintenant ? La résignation s’installe. L’enfant est muet et tout porte à croire que c’est définitif.
En dehors de Yongnam, personne ne peut comprendre ce que Yongguk a dans la tête. On craint sa tristesse, son mal-être. Maintenu en permanence dans le doute, les attentions des adultes à son égard ne manquent pas. On le chouchoute plus que de raison, parce qu’il est malade. L’enfant sans voix a du mal à lâcher le trait de caractère qui le rend différent de son frère jumeau.
Peu de temps après son cinquième anniversaire, c’est un regard qui fait réagir Yongguk. C’est l’un de ces weekends où leur mère vient les voir. Puisque les jumeaux sont confiés aux soins de leurs grands-parents maternels, les visites de leur mère sont des évènements importants. Elle appelle ses deux fils qui jouaient ensemble dans leur chambre. Ils accourent vers la porte d’entrée pour l’accueillir. Yongnam court devant et Yongguk observe sa mère l’embrasser longuement. Yongnam raconte qu’ils ont appris à écrire leurs prénoms au jardin d’enfants. Elle l’écoute en souriant. La fierté de l’enfant fait écho à la fierté de la mère. Elle a les yeux qui brillent.
Puis Yongguk approche à son tour en tendant les bras. Sa mère vient lui offrir son amour. Elle l’embrasse plus longuement que Yongnam. Yongguk pense au prénom qu’il a su écrire lui-aussi. Il se sent tout aussi fier que son frère. Pourtant, lorsque sa mère relâche un peu son étreinte pour venir caresser sa joue, elle est triste. Ses yeux sont pleins de sympathie, de pitié. Yongguk déchiffre ce regard et cela le bouleverse. Il y a là un trop grand décalage entre ce qu’il ressent et ce qu’elle lui renvoie. C’en est trop pour l’enfant :
— Viens Umma !...
Il attrape sa main. Il va la rendre fière plutôt que soucieuse.
— Je vais te montrer … avec un stylo … et une feuille… comment j’écris mon nom.
Et il l’entraîne avant qu’elle n’ait le temps de répliquer, ni même de comprendre ce qu’il vient d’arriver.
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Dernière édition par Berceuse Violente le Mer 30 Aoû 2017 - 17:22, édité 1 fois |
| | | Invité Invité
| Sujet: Chapitre 2, partie 1 Mer 9 Aoû 2017 - 16:01 | |
| Un peu plus long, je posterai ce second chapitre en deux posts.
CHAPITRE II - UN BRISEUR DE SILENCE - Chapitre 2, partie 1:
Ce n’est pas sans fierté ce soir-là, que la mère de Yongguk lui tend une lettre. Elle n’a pas le droit de l’ouvrir mais elle a vu l’expéditeur et cela lui a suffi. Son fils attrape l’enveloppe. Ils n’échangent rien d’autre, pas de mots, pas de regard. Le jeune diplômé de dix-huit ans est pensif. Sa mère et lui-même savent qu’il s’agit probablement d’une proposition. Le genre de proposition que l’on est obligé d’étudier sérieusement. Yongguk vit l’un de ces instants critiques, comme il y en a deux ou trois dans une vie humaine. L’un de ceux qui déterminent votre avenir, sans retour en arrière possible.
Dans les minutes qui vont suivre, Yongguk devra faire un choix : signer ou ne pas signer ?
Au cours de sa carrière, Yongguk fera des dizaines, des centaines de signatures. Dédicacer lui prendra des heures. Son camarade Himchan se fera designer sa signature par sa grande sœur, avant de se rendre compte qu’elle ne convient pas. La raison : la signature sera trop longue à réaliser. Himchan changera donc pour une épitaphe plus ergonomique, qu’un mouvement de poignet exécutera. Les doigts de Yongguk sauront ce que c’est que signer, mais dans la multitude, ce geste qu’il répétera tant de fois n’aura d’influence sur son destin qu’à quelques reprises.
Yongguk tient gravement en main une enveloppe à son nom. La lettre émane de la corporation S. Le fameux expéditeur n’est autre que le groupe Samsung. Il s’assoit à la table du salon, sa mère prend place face à lui. Il ouvre lentement, pour se laisser le temps d’assimiler et fait la lecture de l’annonce. C’est bien ce qu’il craignait : une proposition. L’expéditeur lui écrit, en y mettant les formes, que son profil est intéressant et qu’ils sont prêts à lui offrir une formation, suivie d’un emploi dans leur société.
Quand il termine sa lecture, le grand garçon se tait. Face à lui, sa mère n’ose pas se réjouir. Il y a une question qu’elle doit poser avant d’avoir le droit de le faire :
— Qu’en penses-tu Yongguk ?
Le concerné pense à beaucoup de choses. Il pense tout d’abord qu’entrer dans une entreprise honorable comme l’est Samsung est un rêve poursuivi par la plupart des jeunes coréens. Il suffit de faire un micro-trottoir pour en avoir la confirmation. Il suffit de demander : « Pour quelle société aimeriez-vous travailler ? ». Et les passants répondent : « Samsung », éventuellement « Hyundai », ou encore « LG ».
Il s’agit là des trois grandes multinationales coréennes que l’on nomme les Chaebols, c’est-à-dire « la propriété du clan ». C’est le symbole de la réussite à la coréenne. Yongguk a appris l’histoire de ces grands groupes partis de rien, qui ont conquis le monde par audace et par culot. C’est la version officielle, celle de la success-story méritante. En réalité, ces groupes se sont développés autant par connivence que par compétence. Ils exercent un monopole économique féroce. Ils écrasent la concurrence par tous les moyens. Ils imposent leurs choix à la société, sont bien implantés dans les sphères politiques. Ce pouvoir est si reconnu, que la famille qui détient les parts de la corporation S est surnommée « la famille royale de Corée ».
C’est pour toutes ses raisons que la proposition royale, que Yongguk tient en main, est la promesse d’une vie confortable et gratifiante. Face à cette lettre, ses émotions sont contradictoires. Le diplômé sait que tout le monde ne se voit pas proposer un job chez Samsung à la sortie du lycée. Son égo est touché par cette proposition, tout comme par le prix d’excellence qu’il a reçu et l’obtention d’une bourse pour poursuivre ses études dans l’Université de son choix. Ses succès sont la reconnaissance de ses aptitudes et surtout de son travail. Il savoure d’autant plus cet instant qu’il est l’achèvement d’une longue lutte. Yongguk n’a pas volé sa place. Cette réussite n’est pas tombée du ciel. Elle est le fruit d’un long labeur.
Dès l’âge de 13 ans, Yongguk se met au travail comme un acharné. Avec son attitude attentive et silencieuse, son application dans ses études et les heures qu’il n’a pas comptées, passées à la bibliothèque, il est sans doute l’élève dont rêve tous les enseignants.
Le système éducatif coréen produit des résultats spectaculaires, en sciences et en lecture le pays pulvérise le référentiel PISA. Un Français aurait bien du mal à se faire à cette pédagogie stricte reposant uniquement sur la répétition et l’apprentissage de données qu’il faut ingurgiter. Mais pour Yongguk, ce n’est pas un problème. Il ingurgite ses données et répète inlassablement les exercices qu’on lui donne. Il récite ensuite ce qu’il a appris et s’exerce sur des QCM, par dizaines, qu’il recommence, jusqu’à obtenir la note de 100.
Ce cadre stricte, scolaire, non seulement convient à Yongguk, mais colle à son tempérament. C’est un cadre qui le rassure, lui dont une partie de la famille est militaire de profession. Yongguk s’enferme de lui-même dans ces mécanismes répétitifs réconfortants. La répétition de ses lectures fera échos aux répétitions pugnaces de sa vie d’artiste. Des répétitions, toujours des répétitions, il ne sortira finalement jamais du système éducatif.
C’est ainsi, dès l’école, que Yongguk se forge des habitudes de travail rigoureuses, loin du concept de « temps-libre ». Il est toujours actif. Le travail devient, chez l’enfant comme chez l’homme, une véritablement seconde nature. Il est rare qu’en interview, Yongguk n’emploie pas ce mot à chaque strophe. S’il touchait un peu d’argent à chaque fois qu’il prononce le mot : « travail », Yongguk serait un homme riche.
On peut considérer que le Travail est sa première épouse. Les deux amants sont indissociables, fusionnels, complices aussi, car l’un récolte les lauriers de l’autre avec gratitude. Mais on est loin de parler de mariage heureux. Car le Travail est possessif. Il est jaloux et il ne laisse jamais Yongguk aller voir ailleurs. Impossible de prendre des amantes occasionnelles. Il délaissera les tentatrices, telle que la Paresse, la Famille, le Sommeil, l’Anarchie et même l’Amour.
Cette offre d’emploi, c’est la dot de sa première épouse. C’est un avenir laborieux (laborieux étant bien sûr ici une qualité et non un défaut) qu’on lui amène sur un plateau. Alors, pourquoi, malgré cette alliance, les sentiments de Yongguk sont-ils si confus ?
— Yongguk ? insiste sa mère, de nouveau confrontée à son silence.
— C’est la preuve que j’ai bien travaillé, dit-il solennellement.
— En effet.
Mais
Même si une part non négligeable de Yongguk voudrait dire oui à cette proposition qui le comble de fierté, une autre part de lui-même, volcan en éruption, fait entendre sa voix : « Non, pas ça ! Ne t’enferme pas dans une des tours de Samsung. Elles sont laides, imposantes, solides, mais laides. Tu t’y vois ? Quarantième étage, là où les fenêtres ne s’ouvrent pas, que l’air est soufflé par une climatisation aseptisée. Tu t’y vois ? Box numéro 184, devant un plan de travail bien rangé ? Et, je t’en prie, n’enfile pas cette cravate ! Tu ne sens pas ? Comme elle est serrée autour de ton cou d’employé modèle ! Rien que d’y penser t’étouffe ! T’étouffe ! ».
L’autre part de lui-même, qui importe autant, si ce n’est plus, aux yeux de Yongguk, crie et lutte férocement contre sa propre disparition. Yongguk s’est en effet nourri, pour grandir, de valeurs contradictoires, celles de son pays natal, et celles qu’il reçoit avec fascination de l’étranger. De cette nourriture pluriculturelle, né un tempérament qui oscille sans cesse entre deux extrêmes, entre lutte et acceptation, sans jamais connaître d’équilibre. Sans demi-mesure, Yongguk passe brutalement de Bouddha à Che-Guevara.
Cet état de fait, que je m’applique à décrire, est parfaitement résumé grâce aux mots de son ami Youngjae. Il dit de lui qu’il est ambivalent. « Il y a parfois beaucoup de colère en lui. Sur scène surtout. C’est vrai ! Dans « 1004 Angel » qui est une chanson romantique, tout son passage est énervé. Il fait HHAAaah. Mais d’un autre côté … » Youngjae hausse les épaules, « … Yongguk fait pousser des plantes vertes dans nos dortoirs. »
Yongguk respecte sincèrement les valeurs que lui ont transmises sa famille. Il déclare :
— Tout le monde pense probablement la même chose, mais une règle absolue dans le groupe est l'étiquette. Où que nous soyons, quoi que nous fassions, entre les gens les mœurs sont à la base de toutes les bonnes relations.
Ces mœurs qu’évoque Yongguk constituent l’une des huit grandes vertus élémentaires de l’école confucéenne : la Courtoisie. La Corée du Sud est le pays le plus confucéen du monde. Plus encore que la Chine, la mère-patrie de ce courant de pensée. Paradoxalement, rares sont les coréens qui se revendiquent du confucianisme. Pourtant, ce système centré sur les relations sociales est appliqué quotidiennement. Personne n’en ignore les règles, et personne ne s’amuserait à les remettre en cause, sous peine d’essuyer le mépris de ses compatriotes. C’est pourquoi, Yongguk ne se trompe pas quand il déclare que tout le monde pense probablement comme lui. Mais, à la différence de tout le monde, ce que certains coréens ne font que penser, lui l’applique. Yongguk est réellement vertueux. Il incarne ce courant, presque malgré lui, au risque de s’enfermer dans ces dogmes exigeants.
Aux côtés de la Courtoisie, parmi les huit grandes valeurs, siègent la Piété Filiale et la Loyauté. Ses reines de vertu incitent l’adolescent à se montrer obéissant. Ainsi, ne remet-il pas en cause les décisions que sa famille prend pour lui, à sa place, même quand ces dernières ne concordent pas avec ses propres désirs.
Viennent ensuite trôner deux autres vertus, à la suite de la Loyauté, on fait connaissance avec la Confiance et la Tempérance. Deux valeurs qui habillent Yongguk, et qui lui vont comme un gant :
En effet, la majeure partie du temps, Yongguk est une large étendue d’eau qu’aucune brise ne vient déranger. Cette nature si paisible le rend beau. J’observe avec reconnaissance cet homme qu’il sait être quand il devient Bouddha. Le jeune homme affiche un sourire confiant, un regard bienveillant sur les choses et les personnes. Il a un regard de nouveau-né et de mère confondus. Il a grandi avec la certitude d’être aimé. Et ceux qui lui ont enseigné les vertus confucéennes sont aussi ceux qui lui ont montré ce qu’était un regard bienveillant, un regard sans jugement. C’est grâce à cette éducation dans laquelle l’amour tenait la première place que Yongguk a cette capacité à distinguer la beauté du monde, à accorder sa Confiance, aveuglement, aux humains qui l’entourent. Il a fait le choix d’avancer à découvert, sans se méfier. C’est un état qui n’est pas sans danger, pas sans revers. Nous savons qu’il sera régulièrement déçu. Nous savons qu’il prendra plus de coups qu’un humain pragmatique. Seulement, il ira plus loin que ce dernier, bien plus loin à la recherche de cet idéal que lui seul est capable de distinguer. Qu’il observe le ciel ou la mer, un arbre ou un requin, une foule en liesse ou un enfant, un danseur appliqué ou un farceur entarteur, ses yeux pétillent. Son visage s’illumine de certitudes naïves : le monde est beau.
Et lui ? Je crois bien que seuls les idéalistes sont capables d’être aussi beaux, parce qu’ils ont quelque chose en plus, que les jaloux réalistes n’ont pas. Alors, ces jaloux se montrent condescendants.
Les stéréotypes qu’on attache à l’idéalisme sont grossiers. On les traite d’imbéciles heureux, d’enfants immatures. Mais toutes ces attaques ne changent rien à mes yeux : la Confiance de Yongguk est sa véritable force, la source de sa tranquillité.
Cette attitude vertueuse fait de Yongguk un être obéissant, volontiers soumis. Mais s’il n’était que cela sa vie serait plus simple et je n’aurais probablement aucun intérêt à la raconter. Il fallait un élément perturbateur, un défaut qui vienne déstabiliser ce modèle de vertu et cette étendue d’eau bien trop calme. Or la violence est là, sous la houle. Les flots ne demandent qu’à s’agiter, à se mettre en colère, à connaître des émotions excessives, déraisonnables. Ils attendent l’élément perturbateur, le voilà…
C’est la musique.
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Dernière édition par Berceuse Violente le Mer 30 Aoû 2017 - 17:25, édité 1 fois |
| | | Invité Invité
| Sujet: chapitre 2 partie 2 Mer 9 Aoû 2017 - 16:26 | |
| CHAPITRE II - UN BRISEUR DE SILENCE, partie 2 - Chapitre 2, partie 2:
C’est la musique. Pour Yongguk, le départ de tout fut la musique. Elle a été le catalyseur de ce qu’il y a de meilleur en lui, qui ne se serait peut-être jamais révélé autrement.
La musique est venue tout chambouler peu de temps après leur déménagement. Après avoir passé onze ans à Incheon, chez leurs grands-parents, les jumeaux Bang déménagent à Séoul.
Séoul est un choc. Incheon était calme, tranquille et silencieuse. Séoul est trépidante, moderne et bruyante. Les rues sont noires de monde, et ce à toutes heures du jour et de la nuit. C’est la cité qui ne dort jamais. A l’heure où les foyers s’éteignent dans sa ville natale, les rues de Séoul sont toujours lumineuses, les étages de bureaux s’allument et s’éteignent comme les enseignes clignotantes. C’est une ville qui fonctionne 24/24 heures, d’ailleurs les commerces affichent le chiffre 24 dans leurs vitrines : les restaurants, les magasins, les coiffeurs et les salles de gym. Il est possible de vivre sans jamais s’arrêter ici. Les taxis roulent à toutes heures de la nuit, une nuit qui tombe tôt, entre 17 heures et 19 heures et qui aussitôt que le soleil disparait vous fait perdre toute notion du temps.
Le choc est visuel mais va au-delà de ça. Yongguk a l’impression d’avoir grandi à côté de la société et de la modernité. Il se sent en décalage par rapport aux jeunes de son âge qui ont grandis à Séoul. Il débarque dans un monde consumériste. Là où la valeur des gens se mesure à leurs possessions, lui-même se sent misérable de ne presque rien posséder. Son frère et lui jouaient au base-ball avec des manches à balais et des t-shirts roulés en boule.
Plus que ce décalage, c’est son pseudo-mutisme qui pose problème. Il n’est plus un enfant muet mais il a passé trop de temps dans le silence. Il y a ses petites habitudes. Le silence reste sa zone de confort, la parole, elle, est un défi permanent. Yongguk ne zozotte pas, ne bégaie pas, seulement il a toujours la sensation que les mots qu’il prononce sont de moins bonne qualité que la richesse de sa pensée. C’est un handicap que l’on nomme dysphasie. Le sens de ce qu’il veut dire se forme très clairement dans son esprit, puis, au moment de construire sa phrase, les mots se perdent, lui échappent. Il met un temps fou à les attraper. Yongguk avance donc mot après mot, comme sur un fil. Il lui arrive de s’arrêter au milieu d’une phrase avant de repartir. De l’extérieur, cela donne un langage lent et tâtonnant. Pour son interlocuteur, il passe dans le pire des cas pour un homme réservé et timide, dans le meilleur, pour un homme tranquille, qui ne se presse pas. Après la puberté sa voix grave lui sera d’un grand secours. Une voix suave s’accorde avec la lenteur. Elle est apaisante, hypnotisante. Yongguk retourne sa faiblesse en atout et on est d’autant plus à son écoute, parce qu’il parle peu et sereinement.
Il faudra du temps pour que Yongguk contourne ces difficultés de langage. A l’âge de douze ans, il n’est pas encore à l’aise. Pour se faire des amis à Séoul, cela complique tout. S’adresser aux enfants de son âge lui fait peur, et la peur n’arrange rien, bien au contraire, c’est un cercle vicieux duquel il est difficile de se sortir. Plus il appréhende, plus sa langue joue les abonnées absentes. Cette incapacité engendre alors une tendance à fuir le dialogue, à remplacer les mots par des sourires et des yeux baissés. On croit qu’il est silencieux parce qu’il est timide, mais c’est plutôt l’inverse, il est timide parce qu’il est silencieux.
Pourtant, il s’intègre, grâce à un sport d’équipe : le base-ball. Il fera aussi un peu de football, de basket. Je remarque au passage qu’il ne s’agit que de sport d’équipe. Sur le terrain, le langage articulé est remplacé par celui du corps. Ses amis sportifs l’entourent. Grâce à eux, il n’est jamais seul en classe. Mais rien n’y fait, à l’école, il est connu pour être « l’enfant qui n’a jamais vraiment parlé ».
Mais revenons à notre élément déclencheur. Yongguk a une grande sœur, de six ans son ainée. Elle s’appelle Natasha. Yongguk tient la lycéenne en admiration. A ses yeux, elle est comme la ville qu’il découvre, moderne, vivante et cool. Cette fan de culture américaine a un look ouvertement provocateur qui ne passe pas inaperçu. Les gens se retourne sur elle dans la rue. Ses ongles longs se parent de verni noir. Il n’y a pas que ses oreilles qui soient percées. Elle est grande de taille, elle impressionne. La décoloration de ses cheveux, les lentilles de correction bleues la déguisent volontairement en étrangère. Natasha n’a pas le prénom, n’a pas l’apparence d’une coréenne. Cette grande sœur, cette noona, va casser les frontières en important l’Amérique jusqu’aux oreilles et aux yeux de son petit frère.
Il n’y a qu’un seul ordinateur chez les Bang. Un jour, pas vraiment comme les autres, le jeune collégien allume l’objet. Il y découvre la « playlist » de sa sœur. L’ordinateur est une caverne d’Ali Baba dans laquelle se cachent des trésors insoupçonnés : de la musique américaine. Il s’agit de hip-hop essentiellement, de 50 Cent à P.Diddy.
C’est le coup de foudre !
Plus rien ne saurait être comme avant. Yongguk opère, comme tous les garçons de son âge, une mue. Ces transformations physiques sont influencées par les hormones, mais aussi par sa passion transpacifique. Ses membres s’allongent en direction du soleil ; il dépasse sa mère de trente centimètres ; ses jeans se trouent, ses oreilles aussi et une casquette vient recouvrir sa tête ; il privilégie les vêtements amples ; les sweats à capuche et les baskets quand il quitte son uniforme de collégien. Tout est bon pour ressembler à ses idoles. Sa gestuelle s’installe. Il se redresse, a une démarche plus directe et néanmoins chaloupée, les mains dans les poches et, si elles ne le sont pas, elles prennent le TOC de battre la mesure, les index en l’air, au rythme des rimes qui sont dans sa tête. Son caractère évolue autant que son physique. Il s’affirme davantage. Quand il y a cette musique, ses doutes prennent fin, ses retenues s’éteignent, il n’y a plus de timidité qui tienne. C’est une métamorphose si pleine qu’elle est capable d’animer ses lèvres ! Ses lèvres qui miment les paroles des chansons qu’il écoute lorsqu’il est suspendu à ses écouteurs par les oreilles. Il faut s’imaginer l’importance de cette révélation. Il est comme un myope qui enfilerait pour la première fois des lunettes de vue. Quel confort ! Quel plaisir ! C’est une révélation lorsqu’il constate qu’il suffit d’une boite à rythme pour que sa bouche s’active et qu’elle se mette à rapper des files de mots sans fin, fluides. Pendant des heures, il pourrait rapper. Il est impatient de rattraper les années perdues. Grâce à la musique les retards de langage sont de vieux souvenirs, sa parole est libérée, un remède mille fois plus efficace que l’orthophonie ou le psy.
Cette musique est sa seconde école de la vie, après celle de Confucius, vient l’école de pensée de 50 Cent. Le grand écart idéologique est si brutal que Yongguk ressent le besoin de s’inventer une seconde identité. Il n’hésite pas au moment de lui choisir une nationalité, elle sera américaine. Il se donne un nom d’artiste : Jepp Blackman. De mon point de vue : un pseudo ridicule et laid, qui sonne faux même à l’écriture. C’est surtout un cliché naïf qui voudrait faire oublier les origines véritables du garçon. Mais ce pseudonyme est parlant. Il démontre la puissance que peut revêtir le rêve américain aux yeux de Yongguk. Pour l’adolescent, l’illumination est venue de ce pays, et il est persuadé que pour être un bon rappeur, il faut être un peu américain.
S’il a terrassé son silence, c’est que plus rien n’est impossible. Il peut tout vaincre, tout devenir. A une condition, faire de la musique. L’appétit de musique et d’accomplissement artistique est féroce. Yongguk aime trop ce qu’il devient grâce au hip-hop. L’époque durant laquelle il copie ses idoles en reproduisant leurs chansons à la maison ne dure pas. Les mots doivent venir de lui. Yongguk veut écrire ses textes. La faute à Drunken Tigger. Yongguk avait l’illusion que seuls les étrangers, à plus forte raison, les américains, pouvaient faire du hip-hop. Cette croyance absurde est heureusement balayée par Drunken Tigger qui rappe en coréen. Jepp Blackmann peut rapper en coréen ! Et cela tombe très bien, parce que l’ancien enfant timide a l’esprit torturé de mots.
Yongguk a le sommeil léger. Il a toujours eu le sommeil léger. Il subit ses semi-nuits blanches durant lesquelles il laisse tourner en boucle des pensées de la même couleur que le ciel de minuit. C’est dans cette couleur que les sons lui viennent, accompagnés de mots qui l’exorcisent. Le hip-hop sauve ses insomnies du silence qui les habitent. Ces nuits, jusque-là inutiles, deviennent ses moments personnels de création. Il s’écrit des paroles. Elles viennent de lui. Elles ne sont pas très joyeuses. L’adolescent se crée un style qui aime cracher et non flatter. Il cherche à dénoncer la laideur du monde, sa propre laideur parfois. Dénoncer.
Un briseur de silences, c’est ce que peut devenir Yongguk. Quels types de silences ? Toutes les formes de silence confondues. Ceux qui l’engloutissent personnellement, trop souvent, ceux qui entravent les Hommes en général et qui sont partout. Yongguk est cartésien, et la musique pour combattre ses ennemis, c’était logique !
Le choix du hip-hop, plus que n’importe quel autre genre musical aussi. Pour Yongguk le hip-hop n’est pas simplement de la musique. C’est un état d’esprit. Pour dénoncer le système lorsqu’on ne le cautionne plus, il faut en sortir. Le hip-hop à l’américaine, c’est sortir de l’Asie, une façon de s’affranchir de ses saintes vertus. Le hip-hop est un modèle immoral, en-dehors des lois pour mieux les montrer du doigt. Yongguk aime le rap de la rue, le hip-hop des gangsters. Il le conçoit très agressif, une agressivité à la mesure de l’indignation ressentie.
« Le rap des gangsters est une musique qui prône le mécontentement de la société, la violence et les actes illégaux. »
Certes, Yongguk ne va pas braquer des banques. Il ne fraude même pas les transports en commun. Pour les actes illégaux, il repassera. Par contre la violence est ce qui le met en mouvement. S’il étudie si bien, c’est pour mieux se lâcher ensuite, sans culpabilité. Il passe sa journée à réciter ce qu’il sait déjà et à reproduire ce qu’il a appris, la frustration s’accumule imperceptiblement. Une frustration qui le rend plus efficace, plus déterminé et qui, surtout, rend le moment de la libération plus jouissive.
Ce moment vient généralement avec les week-ends. Il peut enfin libérer son vrai lui. Et forcément, c’est un orage ! La mer perd son ciel bleu, fracasse le silence, noie le silence dans une tempête qui rugit de la rage. Cette violence qui l’agite, c’est ce qui le met en mouvement, tous les jours. C’est une forme de souffrance, lancinante, qui se trouve dans la poitrine, que seule une jeunesse en mal d’idéal peut ressentir. Elle a pour origine la vérité, celle de la réalité qu’il aperçoit et qui heurte son idéal, l’illusion d’un monde où tout irait bien si seulement chacun restait à sa place. C’est contre cela qu’il se soulève, c’est la lutte. Adieu Bouddha, bonjour le Che ! Il n’y a plus de vertu qui tienne, si ce n’est celle de la Justice et de son bras armé.
Cette révolte, à priori, s’oppose absolument à son idéalisme plein d’espoir. En réalité, même si les deux mouvements qui motivent le cœur de Yongguk sont opposés, ils ne sont en rien incompatibles et s’enrichissent mutuellement. En effet, l’amour que Yongguk porte à l’humanité est également ce qui fait de lui un indigné si sincère. Tous les grands indignés sont des idéalistes. Les misanthropes ne font pas de révolution. Ils restent chez eux, confortablement assis dans leur fauteuil, à attendre que le monde s’effondre.
C’est ainsi que moins d’un an après son coup de foudre, Yongguk use des cahiers de brouillons pour y jeter les mots de ses nuits. Retrouver la parole, libérer sa langue, ce n’était pas suffisant. Parce que parler ne lui suffit pas ! Il fallait aussi que ses paroles aient du sens. Pour transmettre quelque chose, il faut un émetteur, lui, quelque chose à transmettre, ses paroles, et un receveur, des receveurs. Logiquement, Yongguk part à la recherche d’oreilles.
Sans jamais s’arrêter d’être sérieux à l’école, Yongguk partage ses textes sur internet. Le résultat dépasse de loin ses attentes. Il n’espérait pas que les textes qu’il avait écrits tout seul puissent recevoir autant d’échos positifs. A ses mots si personnels répondent d’autres mots ; ils sont d’encouragement. Les échos lui disent qu’il a une couleur. Voilà que la dernière étape de la mue s’accomplit, il sent des ailes lui pousser dans le dos. Il a fait son choix : les foules répondront à ses mots. Il exprimera sa colère et c’est de l’amour qu’il recevra en échange. Il a réellement une voix, et c’est sa voie qui se précise.
Un choix qui ne plait pas à tout le monde. Ses parents n’entendent pas le laisser se gâcher dans une carrière dépourvue de débouchés. Plus la passion de Yongguk grandit plus l’opposition parentale devient féroce. L’adolescent, osant pour la première fois de sa vie passer outre les conseils de sa famille, contourne l’interdit et convertit la salle de stockage de chez eux en studio de musique. Cette activité souterraine n’échappe bien sûr pas aux parents Bang. Le ton monte parfois. Aucun des deux partis ne souhaite céder. Yongguk ne veut pas abandonner la musique, ses parents ne souhaitent pas qu’il en fasse sa vocation. Face à cette situation, un terrain d’entente est trouvé.
En France, cela donnerait : « Passe ton Bac d’abord ! ». Les ordres des parents de Yongguk sont : « Travaille bien d’abord, et après fais ce que tu veux ».
Qu’il travaille bien ! Il allait leur montrer ! L’adolescent met alors tout son cœur dans son travail. Nous connaissons le résultat de cet engagement. Yongguk a son diplôme d’école secondaire en poche et dans ses mains cette offre royale qui pue le guet-apens.
Yongguk pense aux autres propositions dont il ne s’est pas vanté auprès de ses parents. Le monde de la musique, qu’il n’a jamais délaissé, lui ouvre grand les bras.
Yongguk repense à Séoul, à 50 Cent et à ses nuits blanches. Il pense à ses textes qui moisiront dans sa tête s’il fait le mauvais choix. Il pense aux anges déchus auxquels on a coupé les ailes.
A l’instant où se forment ses souvenirs, où les cris de fuites emportent Yongguk loin, sa mère sait déjà que sa décision est prise. Elle savait déjà depuis longtemps, avant même qu’il ne prenne lui-même véritablement cette décision, elle savait. En réalité, elle savait déjà, avant qui lui ne découvre sa passion que ça arriverait un jour : il lui échapperait. Il lui a toujours échappé. C’est troublant pour une mère de renoncer à comprendre son propre enfant ; d’admettre ne pas avoir le mode d’emploi ; d’admettre surtout qu’il a une aspiration qui l’entraine hors de la zone de confort qu’on voudrait créer pour lui. Pour Madame Bang, c’est comme si on lui annonçait que son fils veut devenir trapéziste, sans filet. Une absence de sécurité qui la terrifie. Le rôle des parents est d’envisager le pire, à commencer par l’échec.
C’est la peur de l’échec qui a motivé cette opposition toutes ces années. Elle ne voulait pas qu’il s’avance trop tôt vers une carrière, sans la sécurité d’un diplôme. Mais que faire quand votre enfant ne reconnait pas l’échec, et qu’en plus, il a raison de ne pas le faire, parce que c’est un mot qui semble ne pas exister dans son monde ?
C’est épuisant d’avoir un enfant qui échappe au lot. Avec lui, la seule surprise serait qu’il ne la surprenne plus. A chaque nouvelle réussite excessive qui devrait la contenter, elle ressent un vertige, une angoisse. Il s’approche d’un destin hors du commun. Elle le voit grandir, changer, devenir superbe, aussi beau que Yongnam, aussi intelligent, mais avec cette différence constitutive qui l’attire ailleurs. Là où elle ne peut plus le suivre. Il la dépasse, pas seulement par la taille.
C’est épuisant cette différence. La mère de Yongguk avait eu du mal à s’expliquer cette distance entre elle et lui. Elle avait d’abord tout mis sur le dos de la distance géographique. C’était peut-être bien là la façon de son fils de lui faire payer ses dix longues années d’absence ? Puis, quand il s’était rapproché mais que la distance s’était maintenue elle s’était beaucoup inquiété. Il s’était mis à lui causer du souci. Yongguk avait beau être sage, être souriant, elle n’avait pas l’impression d’avoir de prise sur lui. Elle ressentait en permanence sa différence et elle avait eu peur de la rencontre entre son fils et le monde, peur que ce décalage soit regrettable. Bien sûr, elle avait eu tort de s’inquiéter, Yongguk avait parfaitement su s’intégrer, à sa façon, en la surprenant chaque année davantage.
Et cette énergie ! C’est affolant cette énergie, cette gravité qui attire à lui. Yongguk aimante les propositions. Le monde avec lequel elle le pensait en décalage est tout à Yongguk, sous le charme. Elle avait peur qu’on le rejette, c’est tout l’inverse. A lui on ne refuse rien. Tout le monde voudrait lui prendre son fils : les recruteurs de Base-ball, les universités, Samsung, et puis les radios, les plateaux télé. Bref, tout est ouvert et à la fin c’est Yongguk qui choisira, que ça plaise à sa mère ou non. Elle n’aura pas le cœur de frustrer ses aptitudes plus longtemps.
Elle aurait voulu qu’il gagne bien sa vie, il sera riche de n’avoir qu’à ouvrir les bras pour recevoir.
Elle aurait voulu garder son dernier né près d’elle, mais il ira loin.
Sa mère le savait, tout petit déjà, il ira loin. Elle continuera de se faire du souci mais elle est résignée. A lui on ne refuse rien.
— J’ai bien travaillé, dit-il. Maintenant, je vais faire ce que je veux.
Le fils tient toujours la proposition dans ses grandes mains d’homme. Il n’ose pas lever les yeux. Il a trop peur de voir la résignation passer dans le regard de sa mère. C’est surement la chose qui lui fait le plus de mal.
— Et ce que je veux faire, poursuit-il, c’est de la musique.
Il voudrait disparaître. Il n’a pas envie de l’entendre s’énerver contre lui, une fois de plus. Il sent qu’elle attrape le courrier qui se trouve dans sa main. Surpris, il relève aussitôt les yeux.
— Je voulais te l’entendre dire, murmure sa mère.
Le ton de cette phrase est triste, en effet, comme il s’y attendait. Mais il s’étonne d’y déceler aussi beaucoup de soulagement. Elle soupire comme si une écharde lui était retirée du pied. Elle lui offre un regard plein d’amour avant de se lever en emportant le courrier. D’un geste du pied elle enclenche une pédale, le couvercle de la poubelle s’ouvre et la promesse d’une vie regrettable y tombe.
Va !
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Dernière édition par Berceuse Violente le Mer 30 Aoû 2017 - 17:28, édité 1 fois |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Hallyu - Roman réaliste en cours. Mar 22 Aoû 2017 - 10:10 | |
| CHAPITRE III - UNE IDOLE, partie 1 - Chapitre 3, partie 1:
En période de paix, la culture est devenue un outil diplomatique. Elle est d’autant plus importante que l’on a tous un accès direct à l’information et à l’expression grâce aux médias et aux réseaux sociaux. Dans ce domaine, les Etats-unis sont les Rois. Leur pouvoir sur la planète n’est pas uniquement lié à leur victoire militaire, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il y a surtout eu Hollywood, Coca-Cola et Madonna. Nous vivons tous un peu en Amérique. Si bien que l’Américain peut venir en France en s’y comportant comme dans l’une de ses provinces. Cette arrogance dont il fera preuve nous énervera sans doute. Le Français est au moins aussi arrogant que l’Américain, seulement le Français n’est pas aussi efficace en matière d’exportation culturelle. Nous avons réussi pour la gastronomie, le Champagne et le Bordeaux, le Camembert et les croissants au beurre. On peut compter sur Chanel, Vuitton, le savoir-faire français du luxe et de la haute couture ; et puis, Daft-Punk et David Guetta en termes de musique. Voici nos armes de séduction à l’étranger. Celles-ci ne tuent pas. On parle de soft-power, séduire plutôt que combattre. C’est une politique d’influence systématique du monde, une méthode douce d’invasion. La machine française n’a pas donné de nom à son soft-power. Peut-être est-ce pour provoquer le destin que le soft-power coréen, lui, a été nommé. Là-bas, l’exportation culturelle s’appelle, en deux syllabes : Hallyu.
Hallyu signifie textuellement « vague coréenne ». La chose est bien une vague, donc une masse d’eau en mouvement. L’onde a pour épicentre la Corée du Sud, elle se propage ensuite dans toutes les directions, à vive allure. L’eau, ici, est culturelle et bouillonnante. C’est cela ! Un bouillon de culture qui bouge. C’est-à-dire un lieu où quelque chose peut se développer et être transporté. La vague emporte sans faire de différence les dramas mélos et les films nommés au festival de Cannes, les pianistes virtuoses et les girls-band sexy. La Hallyu prend tout ce qui est susceptible de l’enrichir, de la rendre plus grande, plus puissante. A l’intérieur, c’est un chaos. Ça grouille de talent, d’énergie, de potentiel. Les élans coréens sont propulsés vers l’extérieur. L’onde de choc percute tout d’abord la jeunesse asiatique. Elle est conquise ! Mais la Hallyu est insatiable et la vague poursuit son mouvement vers les autres continents : l’Europe, l’Amérique l’Afrique jaune et le croissant fertile … Des continents qui a leur tour seront conquis !?
N’en doutez pas, le « Gangnam style » est passé par là, première victoire écrasante du soft-power coréen. Plus personne n’ignore la Hallyu et son état indéterminé, ses valeurs confuses et contradictoires. La Hallyu n’a pas de sens, seulement un objectif : conquérir le monde.
La Hallyu a la même ambition que les méchants d’un scénario de 007 :
« James Bond : Conquérir le monde ? Mais pour quoi faire ?
Méchant quelconque : (silence gênant) Je t’en pose des questions moi ? »
La motivation de la vague n’a pas d’importance, elle est, sans même avoir besoin de penser. La Hallyu recrute en son sein les ambitieux. Et il y a une branche qui recrute davantage, qui est d’ailleurs l’arme la plus redoutable du phénomène culturel coréen : la K-pop.
La K-pop, ce n’est pas l’équivalent coréen de la variété française. Il s’agit d’un format qui s’inspire des méthodes à succès du cinéma hollywoodien. Cette industrie musicale suit des règles commerciales pour séduire le plus grand nombre.
Des tubes ! Un son universel, pop, rapide, qui reste dans la tête pendant des heures et donne envie de remuer le derrière. On s’inspire des courants musicaux du monde entier saupoudrés d’un petit peu de sauce asiatique.
Des images ! Beaucoup d’images. Les chanteurs de ces groupes sont connus pour passer plus de temps en salon de coiffure que dans les studios d’enregistrement. Ils donnent ensuite leur sueur sur scène, chorégraphies millimétrées et ô combien suggestives. On retient le spectateur par les yeux largement autant que par les oreilles.
Derrière les tubes et les images c’est une usine à gaz. C’est un système qui, comme Séoul ne ronronne jamais. Ça va vite, très vite, dans le monde du divertissement à l’échelle industrielle : l’Entertainment. La licence se renouvelle sans cesse, ne se contente pas de suivre les tendances mais les lance. Mais lancer des modes, ancrées dans un présent immédiat, a un effet pervers. Les modes sont fugaces. L’une des caractéristiques malheureuses des groupes de K-pop est leur durée de vie. Ils sont propulsés au sommet en quelques semaines et retombent tout aussi rapidement dans l’oubli.
Les règles employées sans modération par l’univers de la K-pop sont définitivement celles du marketing. La musique et la culture y sont traitées en marchandises. Les directeurs artistiques sont des maîtres des sondages et des tendances. Ils étudient la demande, et aussitôt développent l’offre adaptée grâce à un système de recrutement et de formation modulable. Une fois la marchandise au point, elle est lancée sur le marché à grand renfort de publicité.
Dans l’univers de la K-pop, trois très grosses agences se partagent le gâteau de cette lucrative machine. Il s’agit de S.M. Entertainment, J.Y.P. Entertainment et Y.G. Entertainment qui règnent avec suprématie sur ce milieu du divertissement. A côté de ces mammouths, des agences tentent de creuser leur trou. Celle qui m’intéresse a ouvert ses portes en 2008, et nous sommes en 2009. C’est donc une boite toute neuve, un bébé de quelques mois à peine, dont la jeunesse n’a d’égale que l’ambition. T.S. Entertainment, puisque c’est son nom, a la volonté de combiner la chaleur d’une structure modeste, familiale, et les objectifs des plus grandes agences. T.S. ne se donne aucune barrière, aucune limite. Elle vise les premières places des charts, les têtes de vente d’albums et les prix musicaux. Elle compte bien jouer des coudes avec ceux qui tentent d’occuper tout l’espace médiatique. T.S. recherche une couverture médiatique large et une exposition internationale. Elle veut réécrire le mythe de David contre Goliath.
Pour pouvoir commencer immédiatement la T.S. recrute un groupe déjà constitué et formé depuis 2006 : les « Untouchable ». Ce duo hip-hop était resté dans l’ombre, faute d’exposition médiatique. La T.S. leur fournira la lumière en échange de leur talent immédiatement exploitable. Parallèlement, la T.S. développe aussi son pôle de formation et son stock de sang-neuf pour un avenir proche.
D’un côté, nous avons une entreprise qui recherche les futurs artistes qui auront le privilège de profiter du tremplin exceptionnel qu’offre la Hallyu, et de l’autre nous avons Bang Yongguk, libéré de ses obligations scolaires et au moins aussi ambitieux que peut l’être la T.S. . Un couple fait pour s’entendre en attente d’intromission. Cette intromission sera arrangée par les Untouchable eux-mêmes. Ces deux rappeurs, de l’âge de Natasha, ont bien connu Yongguk. Il était le teenager attentif et zélé qui avait l’habitude de venir les voir sur la scène underground de Séoul ; celui qui, à la fin des concerts, venait les assaillir de questions étonnamment techniques et pointues ; celui qui s’était immiscé dans les studios de mixage weekend après weekend ; celui enfin qui était monté sur scène plus récemment en rejoignant la formation Soul Connexion.
C’est donc par ce jeu de relations aussi bien professionnel qu’amical que Yongguk décroche un entretien au sein du récent label. Il fait face à trois recruteurs, plutôt jeunes, aucun n’excède les quarante ans. Ils ne sourient jamais, ne le regardent qu’avec détachement et donnent l’impression d’avoir sans cesse envie de bailler. Il lui a été demandé de rapper, de présenter des photographies et de faire écouter le single qu’il a réalisé avec son groupe de rap underground. A chaque fois, ils l’ont interrompu et, à chaque fois, n’ont montré aucun réel intérêt pour ce qu’ils découvraient. Ils restaient impassibles. Plus l’entretient avance, plus Yongguk songe qu’il s’est fait un peu trop d’illusion.
En réalité, le candidat se fait du souci pour rien. Le jury est doublement intéressé, par l’artiste et par le jeune homme surtout. Il a dix-huit ans. Dix-huit ans, pour T.S., c’est un âge charnière. C’est un peu âgé, mais Yongguk a déjà de l’expérience. Ces années de formations pourront être courtes et actives. Yongguk sera de ces stagiaires qui se forment tout en accomplissant le travail que l’on attendrait d’un titulaire.
Sans pour autant rien lui promettre, la compagnie se met à lui parler d’un projet suffisamment énorme pour satisfaire son appétit démesuré, mais également suffisamment énorme pour l’effrayer. T.S. a l’intention de produire d’ici quelques années un boys-band, un groupe d’idoles masculines.
Idole, le terme donne à Yongguk la chair de poule. Idole ? C’est un concept dans lequel il ne se projette pas.
L’entretien prend des allures de tango argentin. Au moment où un danseur s’avance d’un pas vers sa partenaire, cette dernière recule elle aussi d’un pas. Puis les rôles s’inversent, le danseur s’éloigne, la danseuse le poursuit sans parvenir à pleinement le rattraper. Un jeu de séduction fait de tentatives d’approches et de faux-semblants de fuites. Les deux partis s’attirent et se repoussent, tour à tour poursuivant, tour à tour poursuivi. L’agence a commencé ce petit jeu en jouant devant Yongguk le détachement. Ne surtout pas lui dévoiler trop vite ses intérêts, dans le but de le forcer à dévoiler toutes ses armes de séduction. A présent que cela est fait, les enjeux changent de camp. L’artiste censé séduire l’agence se retrouve dans la position de celui que l’on doit convaincre. Il tergiverse, recule légèrement. C’est au tour de T.S. de montrer ce qu’elle a dans le ventre, ce qu’elle a à lui proposer.
— Si vous avez la chance d’être sélectionné pour entrer dans notre compagnie, explique le directeur de casting, vous allez pouvoir travailler avec notre équipe de compositeurs et d’auteurs. Il faut savoir que nous avons signé pour travailler avec des personnes qui sont reconnus dans le milieu.
On tente de l’impressionner avec de grands noms de la musique. Est-ce une bonne stratégie ? Le jeune homme recule encore. Il soulève une interrogation :
— Pour la musique, vous avez déjà choisi des auteurs et des compositeurs ?
— En partie, en effet.
Comment leur expliquer sans les blesser, qu’il ne laissera personne mettre dans sa bouche des mots qu’il n’a pas écrits de sa main ? Yongguk cherche une tournure de phrase polie, modeste et qui ne le mettra pas définitivement sur la touche. Il est sauvé par la perspicacité de l’un des recruteurs qui devine tout ce que dissimulent sa question et sa gêne.
— Tu connais Sleepy et D. Action, n’est-ce pas ?
— Oui, dit Yongguk en souriant aussitôt à l’évocation des deux pseudonymes du groupe Untouchable. Ce sont des amis.
— Comme tu le sais, ils conçoivent eux-mêmes leur musique ? A T.S. Entertainment, nous laissons leur chance aux jeunes de faire leurs preuves. Nous ferons en sorte que tous nos artistes, dès lors qu’ils ont du talent, puissent s’exprimer. Nous engagerons des auteurs et compositeurs professionnels, mais tu auras le droit de les aider.
Yongguk se rapproche. Une superbe proposition en échange de laquelle on lui jure qu’il n’aura pas besoin de renoncer à sa patte artistique. La question n’est plus « pourquoi devrais-je accepter ? », mais plutôt « pourquoi est-ce que je refuserais une telle proposition ? ». Il reste seulement ce problème de poids. Plus grave encore que de devoir se plier à un format, aussi strict que le label bio. Plus grave encore que d’avoir à supporter tous les stéréotypes qu’on lui mettra sur le dos une fois qu’il aura embarqué sur ce gros vaisseau. C’est le poids du rôle d’idole qui l’effraie. Est-ce qu’il a les épaules pour ça ?
Attention ! Le boys-band coréen est très différent du concept anglophone. Il y a quelques points communs, bien sûr : les hurlements hystériques des adolescentes, les excès d’amour, les chorégraphies endiablées et les papparazis. Mais il y a des différences notables. Le boys-band coréen est bien peu rock-and-roll. Il n’y aura ni sexe, ni drogue ! C’est écrit dans la clause « droits et responsabilités » de l’idole. Cette dernière n’a pas le droit de soulever de scandale. Elle doit être irréprochable, propre sur elle, respectueuse, fraiche, docile, souriante, studieuse … et je pourrais continuer encore longtemps.
L’idole n’est pas juste un musicien, c’est un modèle.
Les regards de toute une jeunesse asiatique seront tournés vers lui. Il faudra qu’il soit à la hauteur des valeurs qui lui sont si chères. Le jeune artiste ressent d’ores et déjà toute la lourdeur d’une telle responsabilité. Si bien que le jeune homme hésite. On lui propose pourtant un boulevard. Il a tout à y gagner, connaissances, formations… et avant toute chose : un public. Yongguk a désespérément envie d’un public. Avec Soul Connexion, le rappeur peut vivre de son art, avec un peu de chance, avoir une notoriété nationale. Ce que lui propose T.S., c’est plus grand, c’est plus beau, c’est une notoriété internationale. Le Monde, le Monde tout entier.
Yongguk le sait, on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, il n’atteindra jamais le grand public, à plus forte raison, l’international sans l’aide de personne. Il a besoin de moyens, à commencer par des moyens publicitaires.
La Hallyu l’appelle, lui, son potentiel. Les deux corps massifs s’attirent. Ils ont tous deux un fort pouvoir d’attraction. Ils se tournent autour, s’envisagent, se convoitent mutuellement. Les derniers pas du tango sont rapides, enivrés. Les partenaires tourbillonnent et à chaque tour, se rapprochent l’un de l’autre. Yongguk n’aura de répit que le jour où il aura conquis le Monde entier avec sa musique. La Hallyu et lui partage le même objectif. Comment ne pas s’allier ?
Le danseur agrippe la danseuse par les hanches. Elle passe aussitôt son bras autour de son cou. Le rapprochement est étroit. La vague susurre à l’oreille de Yongguk :
« Ecoute-moi ! Si tu veux le Monde tu l’auras. Afin de faire connaître ton existence aux Terriens tu dois faire de la PUB. C’est le seul moyen de se faire connaître, en utilisant une forme de média, comme la télévision ou le journal, ou la radio qu’une majorité de personnes regarde, lise ou écoute. A travers cette PUB tu pourras t’imposer. Je laverai le cerveau des Terriens pour toi. Tu comprends ? Tu travailleras dur pour faire ta promotion, c’est vrai ! Puis ensuite, tu pourras faire ce que tu aimes, de la musique, ta musique. Mais sans cette publicité tu n’atteindras jamais le Monde. Tu as besoin de moi et j’ai besoin de toi. »
Hé oui ! La Hallyu a besoin de Yongguk. Il est vrai que les agences, petites ou grandes, sont en permanence à la recherche des meilleurs potentiels. A plus forte raison quand cette entreprise est nouvelle dans le milieu. Il faut comprendre que les artistes qui souhaitent se lancer dans une carrière d’idole courent d’abord les castings des plus grandes agences. T.S. n’a pas envie de ne récupérer que les artistes qui ont échoué aux castings des boites plus prestigieuses. Alors, en attendant d’avoir une notoriété suffisante pour attirer du beau monde, T.S. doit aller vers des profils naturellement indécis.
Yongguk est un indécis. S’il s’était d’instinct destiné à la carrière d’idole, il ne serait pas là, mais en train de danser avec l’un des trois gros mammouths de la K-pop. Mais les fait sont là : Yongguk danse un tango avec T.S. Entertainment. Nous arrivons au terme de cette danse, les deux partenaires sont enlacés. Le danseur a toujours les mains sur les hanches de la danseuse alors qu’elle bascule en arrière pour la pause finale. Le directeur de casting porte à Yongguk le coup de grâce :
— Si vous avez la chance d’intégrer ce groupe, explique-t-il, vous serez en mesure de réaliser vos rêves.
Le mot “idole” qui lui faisait peur s’évapore. C’est le mot “rêve” qui s’impose. Pour recruter Yongguk on s’est adressé à son cœur. On n’a pas eu besoin de le convaincre, on l’a simplement persuadé.
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Dernière édition par Berceuse Violente le Mer 30 Aoû 2017 - 17:31, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: Hallyu - Roman réaliste en cours. Mar 22 Aoû 2017 - 10:22 | |
| CHAPITRE III - UNE IDOLE, partie 2 - Chapitre 3, partie 2:
Les cheveux décolorés de ses tout débuts sont dissimulés sous une cagoule en peluche noire pourvue de deux petites oreilles. Cette cagoule protège également son cou. Elle encadre son visage qui conserve les reliques de ses rondeurs enfantines, à présent qu’il a atteint vingt-et-un ans. Reliques qui disparaîtront bien vite dans les semaines qui suivront. Yongguk se trouve dans un décor neutre, si on fait abstraction de la lampe en forme de tête de lapin qui se trouve derrière lui. Le concept du programme auquel il participe, s’inspire de la téléréalité. Voilà pourquoi il est assis en face d’une caméra. Dans le jargon, cela se nomme un confessionnal. Seulement lui et la caméra, lui et le public. En réalité, il n’est pas seul, une équipe de télévision lui fait face.
Depuis plusieurs jours, ses amis et lui tournent ce programme très important. La promotion dont parlait la vague va commencer. Il ne s’agit pas là de passer une petite annonce dans un journal. Non ! La Hallyu voit les choses en grand. Pour annoncer l’arrivée sur le marché du fameux boys-band dont Yongguk fait à présent partie, les B.A.P. (signification : Best Absolute Perfect, tout en modestie !), la T.S. Entertainment a conçu toute une émission de télévision centrée sur eux. L’émission a pour seul objectif de faire connaître le groupe au grand public. Il y a beaucoup d’emballage autour de cette publicité. Yongguk a tourné des scènes cocasses pour cette émission, sans lien aucun avec la chanson. Parce qu’être une idole, c’est aussi ça ! Faire de la promotion sous la forme de tout et de n’importe quoi, pourvu que ce soit drôle et charismatique. Yongguk s’est bien amusé, au final, lors de ses tournages d’apparence légère. Cette séquence-ci est différente : il doit s’adresser directement au spectateur. Pour le coup, on n’est plus dans l’emballage, on est au cœur de son travail. Yongguk prépare sa rencontre avec son nouveau public, et il le sait bien, ça passe ou ça casse.
Il se concentre quand sur le plateau résonne le mot : « action ».
Yongguk se redresse sur sa chaise, fixe la caméra et commence à s’exprimer.
— B.A.P. se lance bientôt, explique-t-il. C’est très excitant, c’est comme si on devait se tenir prêt à frapper la balle pour la neuvième fois après deux home-runs.
Il n’a pas trouvé mieux qu’une comparaison avec le base-ball pour exprimer son excitation. Une excitation qui frise la nervosité. Il y a beaucoup d’enjeux derrière l’émission qu’ils sont en train de tourner. Ils s’y amusent, ils y font les pitres, mais Yongguk a consacré les trois dernières années de sa vie au projet qu’il est en train de promouvoir. La pression va crescendo. Il voudrait tellement plaire, tout faire pour que ça fonctionne. Il lui faut en quelques mots convaincre son public qu’il en vaut la peine. Yongguk se met à sourire énormément. Un beau sourire pour faire bonne impression, songe-t-il, même si ce dernier dissimule plutôt son trouble. Il a toujours cette tendance lorsqu’il est nerveux. S’exprimer face à une caméra n’est un exercice facile pour personne, encore moins lorsqu’on doit parler de ce qui nous tient le plus à cœur, encore moins pour un grand timide.
Yongguk regarde cette caméra en oubliant l’équipe technique qui se trouve derrière. C’est à ses futurs fans qu’il s’adresse.
— Je veux vous dire qu’il faut vous attendre à un nouveau type de boys-band, quelque chose que vous n’avez jamais vu avant. Et … pour dire à toutes les personnes qui regardent, je crois qu’elles doivent prêter attention à ce que nous allons faire. Maintenant, si vous voyez cette vidéo…
Il s’interrompt brutalement. Au cours de ce tournage de téléréalité qui n’en a que le nom, cet instant de sincérité absolue le bouleverse. C’était plus facile de faire sa promotion en faisant des pompes en pleine rue et en avalant des soupes trop pimentées. C’était bien plus facile de relever tous ces défis absurdes plutôt que de devoir ouvrir son cœur, là, tout de suite. C’était plus facile quand tout était scénarisé. Maintenant, Yongguk peut prononcer les mots de son choix. C’est un texte qu’on ne lui a certainement pas imposé. Non ! La preuve : cette métaphore sur le base-ball, du Yongguk pur jus. Pourtant, même s’il sait précisément ce qu’il a à dire, qu’il n’a pas de trou de mémoire, ces phrases qu’il s’est promis de prononcer tellement de fois le bouleversent.
S’il s’interrompt c’est à cause de la réaction de son corps face à la réalisation de ses désirs les plus forts, ce mélange détonant d’envie et de peur, comme une première fois. Sa voix se bloque cruellement dans le fond de sa gorge. L’émotion le prend d’une manière à laquelle il ne s’attendait pas. Autour de lui, il y a ces personnes qui attendent qu’il poursuive. Il ne veut pas s’arrêter de parler trop longtemps devant la caméra qui filme toujours. Il doit dire quelque chose pour se justifier de s’être interrompu de cette manière.
— Je suis très ému.
Yongguk ne sait pas s’il a dit cette phrase pour l’équipe technique, pour son public, ou pour lui-même. C’est une constatation, simplement une constatation. Il est très ému et c’est pour ça que sa voix lui échappe un peu. Parmi le staff qui l’entoure, une femme intervient, elle lui demande avec un rire attendri :
— Tu préfères qu’on la refasse ? On devrait la refaire.
Yongguk voudrait bien qu’on la refasse. D’autant plus que, ça y est, les larmes sont en train d’envahir ses yeux. Il essaie de se contrôler. Il se ronge l’ongle du pouce. L’émotion grimpe. Il n’arrive pas à la maîtriser, à la faire partir. Il débute, il n’a pas encore l’expérience pour faire taire les élans de son cœur, masquer les émotions qu’il ressent, toujours garder un sourire de circonstance et une voix neutre.
Il a un sentiment de victoire, semblable à celui d’un diplômé qui découvre son nom parmi les heureux élus sur la liste des reçus. Les larmes de Yongguk sont des larmes de joie. Il a un sentiment de peur. Et si le public n’aime pas ce qu’il a mis trois longues années à préparer, on fait quoi ? Il n’a pas de plan B ! Yongguk ressent forcément une grande intimidation au moment de présenter son groupe. Les larmes de Yongguk sont des larmes de peur. Yongguk ressent aussi un grand soulagement. Enfin, il passe à l’action. Trop de temps pour atteindre ce niveau. Trop d’efforts. En particulier les cours de danse. Foutue danse ! Yongguk les a détestés. Quand T.S. l’a recruté, Yongguk n’était pas bon danseur. C’était un talent qui manquait à sa liste. Mais heureusement pour lui, dans cet art, c’est le travail qui prévaut sur les aptitudes innées. Yongguk s’est accroché. Le résultat est tel qu’il peut en être fier. Il va pouvoir montrer à tout le monde, en particulier à ceux qui n’auraient pas parié un won sur lui, comment danse Bang Yongguk : comme un professionnel. Quel soulagement de pouvoir enfin montrer ce qu’ils ont bâtis ensemble : B.A.P. ! Les larmes de Yongguk sont des larmes de soulagement et il doit pourtant les ravaler, parce qu’on filme toujours.
— On ne va pas la refaire, intervient le réalisateur. C’est touchant. Tu es ému et c’est très touchant. Continue ! Yongguk n’arrive même plus à sourire, parce qu’il a dépassé le stade de la gêne. Il est réellement bouleversé. Même ses lèvres tremblent, sa tête est baissée et il essuie le coin de son œil. Il observe son doigt humide, il y voit de l’eau salée.
Le caméraman resserre le plan sur ses larmes, de joie, de peur, de soulagement ; résultat d’une véritable émotion, celle d’un artiste tout en devenir et en désir.
Yongguk reste un petit moment dans cette position, appuyé sur ses genoux, le temps de retrouver une contenance. Puis, il prend une décision. Il se redresse. Il frappe dans ses mains pour se donner du courage et il sourit de nouveau. Il vise la caméra, directement, s’adresse à elle :
— Nous attendions ça depuis vraiment très longtemps. Honnêtement. Nous avons déjà attendu très longtemps avant que ce tournage ne prenne forme, que ça devienne réel. Et nous avons attendu longtemps avant l’album aussi. Et maintenant, il est temps pour vous de découvrir ce pour quoi nous travaillons si dur depuis si longtemps. Et tous nos efforts, vous pourrez bientôt les découvrir, de vos propres yeux. On est confiant. Tout le monde … Je l’ai déjà dit, prêtez attention à ce que nous allons faire, anticipez-nous, parce qu’on espère que vous nous aimerez.
Ainsi, Bang Yongguk entre consciemment dans la Hallyu, abattre les frontières, avec elle déferler sur le Monde.
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Dernière édition par Berceuse Violente le Mer 30 Aoû 2017 - 17:35, édité 1 fois |
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| Sujet: Chapitre 4 Ven 25 Aoû 2017 - 11:37 | |
| CHAPITRE IV- UN PHYSIQUE - Chapitre 4 :
L’industrie K-pop fonctionne en comebacks. Comme dans le monde de la mode où les collections sont lancées en fanfare chaque saison, la sortie d’un nouveau titre est une étape cruciale que l’on nomme comeback, alors même qu’aucune interruption de carrière n’a eu lieu, même s’il s’agit du tout premier album du groupe, on parlera de comeback. Ces derniers sont soigneusement préparés. L’album doit faire un maximum de bruit avant sa sortie car c’est le buzz qui le précède qui garantira son succès. Les agences publient un calendrier. On commence par présenter les idoles, ou les représenter. Elles font des plateaux télé, tournent des programmes dans ce but promotionnel. Puis des bandes-annonces sont données à voir. On laisse s’écouler une semaine, les fans marinent dans leur jus. On les laisse spéculer. On fait monter la pression jusqu’à dévoiler enfin le bijou.
Le bijou en question ne peut être simplement une chanson. Dans notre monde dominé par l’image, la musique n’est qu’un minuscule morceau de ce qui constitue l’œuvre d’un groupe K-pop. Un tube est indissociable de son M.V., comprenez : Musique Vidéo. Nous parlons, en France de clips. Mais les fans de K-pop, même les francophones, emploient plutôt le terme de M.V.
Le M.V. est un film court et musical, qui est posté sur internet. Dès qu’il est donné à voir sur YouTube, on considère que les hostilités commencent.
Un comeback c’est donc un hit, un album, mais c’est aussi un film, une ambiance, une histoire, un concept complet.
B.A.P. fait son premier comeback, en janvier 2012. Dans « Warrior », ils incarnent six extraterrestres débarquant sur Terre pour conquérir la planète. Ils choisissent, pour atteindre leur but, de devenir idoles. Pour cela, ils créent une chanson, qui parle de guerres, de combats et de victoires.
Yongguk n’a qu’aidé à l’écriture de ce texte. Il ne cache pas son désir de participer davantage la prochaine fois. Il est tout de même fier du résultat. Les vrais auteurs ont su respecter sa personnalité. Les B.A.P. font du hip-hop de gangsters. L’empreinte de Yongguk est bien là, dans cette première œuvre du groupe. On y retrouve sa violence, son appel à l’insoumission. Les « bangs ! » sont là, dans le texte, littéralement. Les balles transpercent les cœurs. Les chanteurs réclament « A terre ! », et ce sont les femmes qui tombent à genoux devant eux.
Le concept impose que les extraterrestres en question aient leur propre langage, leur propre identité. Il se doivent d’avoir une apparence commune, prouvant leur appartenance à la même espèce. Ils doivent aussi être différents des humains, se singulariser. En Corée, l’Homme est brun, les B.A.P. seront donc blonds. Et les stylistes ne feront pas les choses à moitié ! Yongguk et ses partenaires se retrouvent donc blonds comme des Nordiques. Un massacre. Le rappeur underground prend des allures de fausse blonde. Sa peau trop sombre ne convient pas, la couleur de ses sourcils ne convient pas, son corps tout entier ne convient pas. C’est comme si ses cheveux faisaient bande à part.
Yongguk a beau avoir les traits fins, son visage n’est pas rond, ses joues sont plates. Il a oublié d’être androgyne. Il ne peut pas, contrairement à d’autres, jouer avec sa part de féminité. Il ne fait pas partie de ce groupe physiquement très présent dans l’univers K-pop : les Babyz-faces.
Les Babyz-faces sont des enfants éternels aux traits ronds et parfaits, aux joues roses et charnues, aux yeux grands ouverts qui brillent d’ingénuité, d’innocence friponne. Ils ont aussi un nez minuscule et rond qui rappelle immanquablement les nouveau-nés. Ces poupons sont irrésistibles. Ils jouent sur la corde la plus sensible des fans, en particulier féminine, la fibre maternelle. Ils font fondre les cœurs, désarment. On veut couvrir ses enfants d’amour, de baisers, les protéger, les pouponner, on veut qu’ils nous appellent noona (grande sœur). On en oublie même qu’ils ne sont pas aussi jeunes qu’ils en ont l’air. Qu’ils aient pour certains plus de vingt ans passés n’y changent rien. Les Babyz-faces sont figés dans le temps. Ils passeront probablement brutalement d’un visage juvénile, à un visage de vieillard, sans jamais connaître le stade intermédiaire.
Les baby-faces, comme les très jeunes enfants qu’ils sont censés incarner, sont asexués. Ils sont efféminés, car les attributs virils entameraient leur innocence. Hors de question que l’on voit des poils sur leur menton ou sur leurs jambes, des pommes d’Adam enlaidir leur joli cou. Au contraire, on accentue les traits féminins. Pour les habiller on utilise des shorts courts, des cols en V, des vêtements dévoilant les épaules. Les cous fragiles sont soulignés par des ras de cou ou de fines écharpes. Le maquillage employé joue aussi : les lèvres glosées et rougies, les joues fardées, les yeux immanquablement agrandis, eyeliner sur le dessus, pour accentuer un œil de biche indispensable. Et enfin la coiffure, mi-long, frange sage ou frisettes espiègles.
Le blond convient à une baby-face. Ne parle-t-on pas de têtes blondes pour parler d’enfance ? Et c’est bien cela qui tranche avec Yongguk. Il n’est pas une baby-face. Lorsqu’on le voit danser dans un M.V., ou sourire sur un plateau télé, c’est rarement ses joues qu’on s’imagine embrasser.
Yongguk mesure 1.80 mètres, il pèse seulement soixante-cinq kilos. Sa silhouette est élancée, longiligne, athlétique. Il est musclé, mais pas gonflé. Ses muscles sont comme lui, longs, étirés et secs. Il n’a rien d’un Schwarzenegger. Il n’a pas le physique extra-large d’un nageur, ni l’aspect trapu des sprinteurs. Il ressemble plutôt à un marathonien. Son corps a été taillé pour les sports d’endurance, fin prêt à couvrir de longues distances, au pas de course.
L’harmonie de son physique se poursuit au niveau de son visage, aux traits aussi fins que peut l’être son corps. C’est, évidemment, un homme plaisant à regarder. Comment serait-il parvenu là autrement ? Ainsi, c’est sans surprise, que je retrouve, en analysant le visage du rappeur, presque tous les canons, pourtant si stricts, de la beauté à la coréenne. Des canons qui changent peu selon que l’on soit homme ou femme. Dressons ici la liste, non exhaustive, de ces normes de l’apparence.
Il y aura tout d’abord la peau parfaite, éclatante et surtout claire, très très claire. Le maquillage favorise cet excès de pâleur. Pour contrebalancer l’aspect parfois morbide d’un visage blafard, les joues et les lèvres rosissent, tout aussi artificiellement. Puis vient le critère du petit visage qui doit pouvoir disparaître derrière la surface d’un CD-rom. Nous pouvons également citer le menton en V, les pommettes saillantes, ainsi que le nez qui doit être étroit, court et petit. Il ne manque alors plus qu’un point essentiel : les grands yeux.
L’opération dite de la double paupière, qui permet d’avoir un regard plus occidental, est l’opération de chirurgie esthétique la plus pratiquée en Corée du Sud. Et comme la Corée du Sud est le pays du monde dans lequel la chirurgie esthétique se pratique le plus, on peut dire que cette fameuse opération des paupières doubles est totalement banalisée.
Et ce n’est pas réellement la seule opération à être banale. Les rhinoplasties et lipoplasties sont également très courantes. Cette chirurgie de la beauté : 20 % des Coréennes âgées entre 19 et 49 ans y ont eu recours. Elles se présentent dans ces cliniques, photographies de leur pop-star préférée à la main à laquelle elles espèrent ressembler.
Intriguant, ce fonctionnement en miroir. Car les idoles sont elles aussi, majoritairement, passées sur le billard. Pour ressembler à qui ? Les Coréens veulent ressembler à d’autres gens qui veulent ressembler à d’autres gens.
Que puis-je comprendre de tout cela ? De telles pratiques me surprennent, m’attristent, et, je dois bien l’avouer, me scandalisent légèrement. Mais qui sommes-nous pour juger exactement ? Il ne faudrait pas oublier que nous n’avons pas les mêmes codes. C’est une autre culture. Pour essayer de comprendre, j’interroge ce cher Confucius. Qu’en pense-t-il lui ? Pour le penseur « parler n’est pas l’essentiel, être trop expressif est gênant ». Bien ! Qu’est-ce qu’il nous reste pour faire bonne impression ?
J’essaie de les comprendre, de ne pas porter de jugement de valeur. Ce n’est pas le cas de tout le monde. En Occident, il existe des auteurs de sites internet qui dressent, à la manière de délateurs, la liste des idoles ayant eu recours, de manière certaine ou supposée, à la chirurgie plastique. Ces sites sont basés sur des rumeurs, invérifiables évidemment. Le ton n’est pas bienveillant. Les idoles ayant eu recours au K-pop combo : nez-yeux-pommettes, y sont vues comme des victimes d’un système, jugé déplorable.
Bang Yongguk aura droit à sa page. Il est possible d’y lire : « Aujourd’hui, nous étudions le cas d’une beauté naturelle. C’est toujours agréable d’écrire au sujet de quelqu’un n’ayant pas pratiqué de chirurgie esthétique, non pas qu’on puisse faire un contenu intéressant (au contraire, il n’y a absolument rien à dire), mais parce que c’est encourageant de voir un personnage public qui n’a pas cédé aux pressions de l’industrie K-pop. » Sous le texte, on nous propose de comparer des couples d’images, prédébuts et récentes, pour que nous puissions constater par nous-même, mêmes yeux ! Même nez !
J’essaie de ne pas porter de jugement. J’essaie ! Mais quand je lis des trucs comme ça : « il n’y a absolument rien à dire » je vois bien que mes préjugés ont la peau dure. Ces propos me ravissent. Pourtant, si on y regarde de plus près, il n’y a pas vraiment de motif de fierté. Yongguk n’a pas eu à « résister à des pressions ». Il n’a pas spécialement de mérite. Il est né comme ça : remplissant presque tous les critères de base du stéréotype de la beauté coréenne.
Presque ! Parce que si tous les critères étaient remplis, nous aurions une baby-face. Or, je viens de dire que Yongguk n’est pas une baby-face. Sans maquillage, son teint est légèrement plus mât qu’il ne devrait, et sa paupière, simple, manque d’ouverture. Puis, il y a ses sourcils, rasés parfois, comme marqués de deux cicatrices verticales, qui ramènent un peu de rudesse à ses traits doux. Je suis toujours impressionnée de constater comme la frange le transforme. Quand ses cheveux camouflent le haut de son visage, il fait fils à papa, gentil garçon. En revanche, front dégagé, il se passe quelque chose et nous apparaît un voyou, un mauvais garçon. En matière de virilité, si on se place au niveau de la tête, chez Yongguk, tout est dans le front, dans le crâne. Je n’exclus pas non plus le rôle que joue son cou, large, solide, dans la continuité de sa mâchoire en V.
La virilité de Yongguk n’est pas quelque chose qui heurte au premier regard, elle est subtile mais sans ambiguïté. Parce qu’il suffit qu’il ouvre la bouche, qu’il fasse entendre sa voix grave, pour faire connaître son taux de testostérone. Cette hormone qui dessine la ligne de ses omoplates, quadrille ses abdominaux, augmente la largeur de son nez plat. Et si nous doutions encore, Yongguk dévoile son dernier argument : il tombe le haut. C’est torse nu que l’affaire se conclut. Le mince Yongguk est reptilien, rien que la peau tannée contre ses abdominaux et ses pectoraux. Des muscles, tendus comme un arc, entourés d’une peau asséchée par des heures de transpiration. Cet homme n’est définitivement pas une baby-face que l’on aurait envie de pouponner. On préfèrerait qu’il s’occupe de nous, qu’il nous presse contre un mur et nous serions prisonnières de ses bras puissants.
Au fur et à mesure des comebacks, les stylistes se sont bien occupés de Yongguk. Autant de looks différents que d’apparitions. Ils changent ses tenues, et ses coiffures aussi. Yongguk passe effectivement plus de temps assis devant un miroir que devant un micro. En matière d’architecture capillaire on lui aura tout fait. Ses cheveux sont taillés : en bol, en carré, en biseau. Ils sont rasés sur les côtés ou derrière la nuque. Ils sont laqués, dressés à l’iroquoise ou plaqués sur son front. Ils sont gominés, frisotés, permanentés. On lui fait porter la frange : longue ou courte, asymétrique ou droite, mèche sur le côté (rose la mèche). Pas moins d’originalité au niveau de la coloration : naturel ou décoloré, blond, orange, rouge, rose, blanc, pastel, uni ou dégradé. La chevelure de Yongguk est une œuvre contemporaine expérimentale sans cesse renouvelée.
Front dégagé, les yeux cernés de noir, il a l’air d’un chef de gang dans « One-shot »,
Frange jusqu’à la naissance des paupières et cheveux longs et hirsutes, il a l’air d’un poète rêveur.
Le visage couvert en intégralité de charbon, il a l’air d’un apache en guerre dans « Badman »
En costume-cravate blanc et lunettes noires, il a l’air d’un mafieux italien dans « Hurricane »
Il est souriant ou en larmes, immobile ou en mouvement, redoutable ou attaché. L’homme qui avait commencé la musique pour faire du hip-hop underground va tout faire, tout être. Chaque comeback est éphémère. Il n’est plus question d’extraterrestre. Un concept en chasse un autre. A chaque fois, on change tout. On poursuit la tendance, on reste dans le « moov’ ». La Hallyu est un mouvement qui ne s’interrompt jamais, à l’instar de l’eau qui n’est jamais la même dans une vague qui reste pourtant identique. Dans l’identité versatile de la Hallyu, l’identité du groupe devient floue.
Qui sont les B.A.P. au bout de plusieurs mois de production ? Partis avec un concept plutôt agressif, ils feront de nombreux titres à l’eau de rose bien éloignés du underground, du hip-hop et des grands messages de société. Quand il y pense, quand il n’est pas trop entraîné par la vague, Yongguk ramène son indignation sur la table. Mais l’essence de son concept a tendance à se diluer dans l’ampleur, délirante, de cette vague. Il n’y a pas que ses cheveux qui évoluent. Yongguk mûrit. Il s’empare de chaque concept qu’on lui propose. Tout lui va. L’effervescence lui convient. Il est de plus en plus curieux. Il s’essaie à tous les genres, apprend, avale. Il se nourrit pour se renforcer. Il s’adapte comme il peut à chaque bouleversement. D’un côté il subit, de l’autre il grandit. La maturité lui ouvre les yeux sur la diversité des genres musicaux et leur richesse. Il voudrait tout écrire : l’amour, la joie, la colère et la tristesse. Tous ces sentiments auxquels n’importe qui peut s’identifier, l’universel. Il se convainc : il ne peut plus se permettre d’être cet adolescent seul face à ses cahiers de brouillon, qui espérait ne jamais se laisser influencer. Il ne le peut plus parce qu’il n’est plus seul. Yongguk écoute ses professeurs, ses collaborateurs, les autres membres de son groupe, ses fans. Il veut plaire au plus grand nombre. Il se pose continuellement la question : transmettre sa propre couleur au public n’est-il pas moins fort, moins juste, que de laisser le public lui redonner de la couleur ?
L’idole ne choisit pas comment elle s’habille le matin. Une armée de styliste lui passera sur le corps. Il n’y a pas que ses vêtements qui changent. Yongguk est devenu coquet.
Il faut dire qu’il voit son image partout. Il passe tellement de temps devant des glaces, celles de la salle de répétition, celles des coulisses avant de monter sur scène ! Il a beau être moins enclin que certains de ses partenaires à l’auto-contemplation, il reste attentif à son image. Il n’est plus indifférent au retour caméra. Il devient de plus en plus coquet, apprêté. Il sait ce qu’il doit à son physique, c’est la raison pour laquelle il en prend soin.
Tous les matins, il se maquille. Il n’y a pas de dimanche, pas d’exception. Ce sont les cosmétiques qui lui collent à la peau. Il se voit en permanence à l’extérieur de lui-même, toujours radicalement différent d’une semaine à l’autre. Sur certaines photographies, il ne se reconnaît plus. Il est comme l’identité des B.A.P. : versatile. L’homme sous le masque peut-il se vanter d’être beaucoup plus stable que les nombreux costumes qu’il enfile ?
Tous les soirs, il se démaquille. L’eau efface les cosmétiques quotidiens. Yongguk fait face à son reflet nu. Il l’interroge :
— Qui es-tu ce soir ?
Voilà. C'est un chapitre court et assez théorique, puisqu'il n'y a pas de scène, ni d'action. Il est là pour présenter physiquement Yongguk, pour qu'enfin le lecteur puisse se le représenter. Et bien-sur aussi pour parler du culte de l'apparence, en Corée du Sud, mais finalement partout où les médias télévisuels dominent. J'attends vos retours à très bientôt. Espace commentaire
Dernière édition par Berceuse Violente le Mer 30 Aoû 2017 - 17:39, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: Hallyu - Roman réaliste en cours. Lun 28 Aoû 2017 - 13:19 | |
| CHAPITRE V - UN HYUNG, partie 1 - Chapitre 5, partie 1:
Comme tout le monde, Yongguk n’a pas choisi la Corée du Sud et Incheon pour naitre. Il n’a pas choisi sa famille, ni son niveau social. Il n’a pas choisi d’être élevé par sa grand-mère et son grand-père. C’est comme ça !
Pourtant, il n’est pas rare, voire même fréquent, que l’on aime sa famille, même si on ne l’a pas choisie. C’est peut-être un coup de chance, mais Yongguk aime sa famille et son pays. C’est peut-être un coup de chance encore une fois, mais Yongguk considère les autres membres de B.A.P. comme des amis, même si au départ, il n’a pas eu son mot à dire lors de la formation du groupe.
Ces cinq personnes avec lesquelles il partage tout : la scène, le public, le travail, mais aussi le logement, les repas, les émotions fortes, le succès et les coups durs ; ces cinq personnes, il ne les connaissait pas avant d’intégrer son agence.
La formation de son groupe est le résultat d’une recette de pâtisserie. Dans l’art de faire de la pâtisserie, il n’y a pas d’arrangement possible. Si on veut que le gâteau soit bon, il y a des règles à suivre : des ingrédients précis, des pesées, un temps de cuisson à une température préalablement étudiée. Le secret d’une bonne recette de K-pop, c’est l’équilibre et le contraste des saveurs. Il faut beaucoup de sucre : l’Aegyo , ce concentré de douceur, de rose-bonbon, et de jeunesse. Et puis après, étape cruciale, on chauffe. Chaud, chaud, faite chauffer la machine à fantasme ! On veut du brûlant ! On veut du sexy !
Yongguk fait partie d’un groupe non-mixte. C’est LA catégorie qui fonctionne le mieux en K-pop : boys-band ou girls-band. C’est une recette qui, plus que nulle autre, a fait ces preuves. Les groupes mixtes ont existé, mais ils n’ont pas très bien fonctionné. Les duos, les artistes solos n’ont pas non plus la côte.
C’est intriguant ces groupes musicaux. En France, la norme c’est le solo, sur les dix meilleures ventes d’albums francophones de 2016, huit sont des artistes solos, et il y a seulement deux groupes : dont Les Enfoirés. Et puis, puis-je comptabiliser Les Enfoirés comme un groupe musical ? C’est plutôt un regroupement de solistes.
En Corée du Sud, c’est l’inverse de chez nous, la norme, c’est le groupe. Il faut dire qu’ils ont l’instinct grégaire comme nulle part ailleurs. Le nous va de soi et le je s’y inclue ou n’existe pas. Entre solo et solitude, il n’y a qu’un pas que le Coréen franchit sans hésitation. Chanter en solo c’est ou bien afficher sa solitude pitoyable ou bien faire preuve d’un nombrilisme égoïste. Réussir en solo serait aussi improbable que peu enviable, y compris pour Yongguk. A ses yeux, on ne lui a pas imposé ses partenaires, on les lui a gracieusement offerts pour qu’il puisse appartenir à un groupe, pour qu’il puisse dire nous.
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Sur le plateau télé, Yongguk applaudit en rythme, comme tout le monde, parce que Jongup met le feu sur scène. Le danseur sait y faire. Il encourage son public en frappant dans les mains avant d’enchainer avec une démonstration de hip-hop acrobatique. Yongguk surjoue un peu sa réaction admirative pour les caméras. Néanmoins, il n’a pas besoin de beaucoup se forcer, il donnerait cher pour avoir l’aisance rythmique de Jongup.
C’est une démonstration très courte et le jeune homme revient s’asseoir parmi les autres membres. Dans un décor dépouillé parfaitement blanc, ils sont alignés sagement sur six chaises qui font face à un animateur, lui-même assis, qui récapitule :
— Alors, si je comprends bien ? Jongup et Zelo sont en charge de la danse… ?
Yongguk hoche la tête, en signe d’accord avec cette qualification. Jongup et Zelo se disputent en effet la place de meilleur danseur au sein de son groupe. Malgré la connaissance parfaite qu’il a des qualités de ses partenaires, Yongguk est incapable de départager les deux. Jongup se démarque du style de Zelo en étant plus acrobatique et plus technique que son cadet. Dans l’immédiat, celui qui vient de se rassoir affiche un sourire satisfait et timide à la fois. Il s’applique surtout à disparaître. Comme la plupart des personnes réellement douées pour l’expression corporelle, Jongup est médiocre en matière de langage oral. Le taux de ses mots articulés peut rester inférieur à dix par heure, mais jamais la qualité de sa discrétion n’est parvenue à en faire un être invisible. Il a son public, ces femmes qui préfèrent les hommes beaux et silencieux, plutôt que les petits bavards fatigants. L’adage « sois belle et tais-toi » n’est pas valable qu’envers les femmes.
Devant l’unanimité des B.A.P., l’animateur enchaîne :
— Daehyun et Youngjae sont en charge du chant ?
Un hochement de tête parfaitement synchrone vient confirmer la justesse de l’analyse. Le présentateur aurait pu ajouter que les deux vocalistes sont également les commentateurs officiels des B.A.P.. Puisqu’une partie des membres sont avares de paroles, il fallait bien quelques bavards pour compenser : rôle que remplissent très bien ces deux garçons. Ils posent leur voix sur les innombrables images du groupe. Ils sont tellement intarissables qu’il nous arrive parfois de souhaiter un rouleau de scotch, mais chut ! On ne leur dit rien, on aurait peur qu’ils nous prennent au mot. Car, comme vient de le rappeler l’animateur télé, leur principale qualité : c’est tout de même leur voix.
— Oui, je suis la main-vocal, explique Daehyun avec ce qu’il faut d’aplomb et d’humilité quand on évoque l’une de ses qualités.
Dans une chanson pop, il y a toujours un refrain accrocheur, entrainant. La chanson intégrale va durer trois minutes et des poussières mais seulement quelques notes vont s’incruster dans votre tête jusqu’à vous rendre, au choix, accro ou fou. Dans un titre des B.A.P., ce refrain parasite est vocalisé par Daehyun. Le chanteur devient de fait la signature vocale du groupe. C’est dire l’importance de sa voix.
— Puis, après, nous avons Himchan…
Le voisin de Yongguk se redresse, attentif au propos que l’on va tenir à son égard.
— … qui est le visual.
Aussitôt, celui qui vient d’être désigné comme le membre le plus séduisant du groupe, pince les lèvres avec satisfaction. Himchan se pavane et il ne faut voir là aucune faute professionnelle, il fait exactement ce qu’on lui demande. L’homme est mannequin, même si ce qu’il doit mettre en valeur n’est pas vestimentaire.
Une nouvelle fois, Yongguk acquiesce. Il l’aurait également fait pour n’importe lequel des autres membres du groupe à l’exception de lui-même. Objectivement, Yongguk ne se trouve pas aussi charmant que ses partenaires. Entre Himchan, dont le visage semble avoir été sculpté dans du marbre blanc ; Daehyun et son sourire de lover ; le corps athlétique aux bras musclés de Jongup et les deux Baby-faces que sont Zelo et Youngjae ; Yongguk préfère ne pas tenir de comparaison. Mais il n’y échappera pas et des comparaisons auront bien lieu. Ces dernières sont omniprésentes. Dès le jardin d’enfants, qui distribue des coupes à ses meilleurs adhérents, le Coréen est continuellement évalué par rapport à ses pairs. A l’école, tous les élèves de l’établissement sont classés et leurs noms affichés sur un tableau d’honneur rendu public. Cette habitude se perpétue dans l’entreprise et même dans le milieu du divertissement. Puisque l’attractivité physique est un sujet sérieux, une qualité jugée au même titre que le chant et la danse, les B.AP. sont régulièrement triés de celui qui présente le mieux à celui qui, bon dernier, ne devra pas manquer d’avoir un bon sens de l’humour.
Heureusement pour Yongguk, il n’en est pas dépourvu. Cela vaut mieux car après avoir désigné Himchan comme le visual de l’équipe, l’animateur marque une pause. Il a cité tous les autres membres de B.A.P. et leur fonction. Cela devrait donc être le tour de Yongguk. Tous les regards se tournent donc vers lui.
Depuis le début de l’émission, ça ne se passe pas très bien pour lui. Il a échoué lamentablement sur tous les tableaux proposés. Il n’a pas su parler avec suffisamment d’entrain, sa danse n’a pas convaincu, il a fini dernier au classement de beauté et même sa pause mignonne a dû être recommencée à trois reprises avant d’être correcte.
Alors, au moment de désigner un rôle pour Yongguk, le présentateur sèche. Il fait semblant d’être pris au dépourvu, incapable d’accorder une qualité au pauvre Yongguk. Le présentateur en rajoute, bien sûr, c’est le running-gag de son émission. Il s’emploie à taquiner le jeune homme depuis trente minutes. Chaque intervention de Yongguk est tournée en dérision. Malgré lui, ce jour-là, il fait office de contre-pitre, ce clown gaffeur qui ne comprend rien, oublie tout, et dont les initiatives se terminent en catastrophes, relançant les rires. Mais à chaque fois qu’on le tourne en dérision, Yongguk est celui qui rit le plus fort. A cet instant, il rigole avant même qu’on ne l’attaque. L’animateur s’exclame :
— Et toi ? Mais à quoi tu sers !?
Nouveau rire de la bande et du public. Le jeune homme pourrait rappeler qu’il est le leader des B.A.P.. Il pourrait répondre qu’il écrit des paroles, ne danse pas si mal, qu’il est le rappeur principal, que ses interprétations sont puissantes ou bien qu’il réhausse la virilité du groupe. Il pourrait même se défendre en répliquant qu’à défaut d’avoir de la beauté, il a du charisme. Il pourrait ! Mais il n’en fera rien. Yongguk entre dans le jeu de l’animateur et plaisante :
— Je suis en charge d’augmenter la moyenne d’âge.
Je poste immédiatement la deuxième partie de ce chapitre.
Dernière édition par Berceuse Violente le Mer 30 Aoû 2017 - 17:41, édité 1 fois |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Hallyu - Roman réaliste en cours. Lun 28 Aoû 2017 - 13:21 | |
| CHAPITRE V - UN HYUNG - deuxième partie. - Chapitre 5, partie 2 :
— Je suis en charge d’augmenter la moyenne d’âge.
Derrière la boutade, il y a une réalité fondamentale. L’âge de Yongguk le place au sommet de l’organigramme hiérarchique des B.A.P.. Ce critère, aussi indiscutable qu’invariable, organise efficacement les relations sociales. Lors de la formation de son équipe, Yongguk n’a pas eu à se creuser la tête pour connaître la posture qu’il devait adopter par rapport à eux. Dans sa famille, Yongguk a toujours été le plus jeune. A présent, tout change, sur scène, il sera le hyung. Il n’est plus seulement Yongguk, il devient Yongguk-hyung.
Cette particule respectueuse lui donne des droits et des devoirs. En matière de devoirs, ce nouveau statut exige de Yongguk qu’il adopte auprès de ses cadets un certain comportement. Il doit, entre autres, donner le bon exemple, être bienveillant et assurer leur protection. En échange, il reçoit de plein droit leur obéissance et leur respect, non pas parce qu’il le mérite par son attitude, mais parce qu’il est le plus vieux, simplement parce qu’il est le plus vieux. Yongguk n’a rien à leur prouver. Son âge lui donne une autorité supplémentaire pour asseoir sa position de leader.
Ce rôle-là est nouveau pour Yongguk, mais il l’accepte comme une véritable bénédiction. Il n’aurait pas pu être autre chose qu’un leader quand il exerce sa passion. Yongguk éprouve un désir profond de tout contrôler. Un désir contrarié puisqu’il doit d’ores et déjà obéir à l’agence, aux managers, aux producteurs et aux dures lois de l’appréciation du public. Au milieu de tout ce qui lui échappe, Yongguk s’accroche à sa petite sphère de pouvoir. Il en oublierait presque ce que cela lui coûte, la charge de travail supplémentaire, la vigilance et les responsabilités. C’est à lui en premier lieu qu’on viendra demander des comptes. C’est à lui d’assumer, derrière, les conséquences des éventuels échecs à venir. Mais sa mère désespèrerait, Yongguk n’a toujours pas mis ce mot à son vocabulaire. Il travaille encore sans filet.
Convaincu par sa réussite, il endosse avec conviction la charge d’éclaireur. Bang Yongguk avance en tête, imposant son rythme dans cette marche militaire et ses troupes en file indienne à sa suite, calquent leurs pas sur les siens.
— Augmenter la moyenne d’âge vraiment ? s’interroge le présentateur. Tu as quel âge ?
— J’ai vingt-deux ans, répond-il avec une fierté démesurée.
— Vingt-deux ans ? Et tu te prends pour un vieux ? Ça ne me rajeunit pas tout ça moi. Et qui est le plus jeune ?
— Notre maknae est Zelo, répond Yongguk en désignant le siège le plus éloigné du sien.
L’attention se détourne vers le grand garçon aux cheveux décolorés qui ouvre de grands yeux craintifs lorsqu’on l’interroge :
— Quel âge as-tu Zelo ?
La crainte s’évapore. Passée la surprise d’être au centre des regards, le visage de Zelo s’illumine d’un sourire timide. Il lui répond docilement qu’il a seize ans, depuis peu.
— Il y a six ans d’écart entre Yongguk, Himchan et toi. Ce n’est pas inconfortable ? demande le présentateur.
— Ça peut l’être. Comme la différence d’âge est très importante, nous nous surveillons beaucoup les uns les autres. Parfois, j’agis avant de réfléchir, car je suis jeune. Je crois que mes hyungs gardent toujours un œil sur moi, parce que je dois conserver une bonne image et que, des fois, je ne le fais pas.
— Quels sont les bons et les mauvais côtés du rôle de maknae ?
— Je pense que je reçois beaucoup d’amour, parce que je suis le maknae. Et les mauvais côtés, … honnêtement, je pense qu’il n’y a aucun mauvais côté. Mes hyungs prennent soin de moi. Pour moi, il n’y a aucun désavantage.
L’adolescent termine son discours avec un sourire presque désolé : non, il n’y a aucun défaut à être celui qui reçoit le plus d’attentions et d’affection.
En réalité, Zelo doit autant cette affection à son jeune âge, qu’à son physique inoffensif. En effet, le portait du garçon pourrait sans mal être choisi pour illustrer le mot baby-face dans un dictionnaire. Lui, il les a, tous les critères du charme coréen, cochés dans une liste, un à un. Et l’enfant est habile, conscient de ses atouts, qu’il utilise pour s’attirer les faveurs des adultes. Le caprice est son pêché mignon. Il faut dire qu’il aurait tort de s’en priver, puisqu’il lui suffit d’un sourire, d’un regard qui pétille et on lui cède tout. Sur ce plateau, il vient, l’air de rien, d’amadouer son monde une fois de plus. En particulier quand il évoque son immaturité, il n’oublie pas d’allumer dans ses yeux quelques étincelles de mutinerie rieuse.
Zelo s’est fait recruter à treize ans par T.S. Entertainment et commence la scène à quinze. Il est non seulement le plus jeune membre du groupe, mais il est également l’une des plus jeunes idoles jamais produites. Cette précocité le classe instantanément dans la catégorie des enfants prodiges.
L’enfant prodige ou l’enfant-star, c’est un concept fédérateur aussi vieux qu’Amadeus. Partout dans le monde, tous les pays les ont exhibés, ces enfants surdoués, ces bébés savants, aussi adorables que virtuoses. On les aime, on les adule, on se déplace pour les voir. Ils sont nos petits privilégiés. Ils sont trop précoces pour que le travail et l’expérience expliquent leur réussite. Ils ont donc un secret caché que l’on appelle un don, et c’est lui qui nous fascine sans doute. D’où le tiennent-ils ce don ? Les enfants prodiges sont aimés des Dieux.
Comme Amadeus, que son père conduit d’exhibition en exhibition à travers toute l’Europe, Zelo est lui aussi l’enfant prodige de la T.S.. L’enfant star est à la fois un objet de curiosité, un motif de louanges et un excellent faire-valoir pour ses tuteurs.
C’est à l’âge de quinze ans qu’on lui fait faire ses premiers shootings. Ces photographies sont d’une ambiguïté rare. L’enfant est trop maquillé, il ressemble à une gamine avec ses frisettes blondes. Sur une image, il baisse les yeux et passe une main dans ses cheveux, les projecteurs embrasent son visage. Sur une autre, il est de face, assis sur un skate-board, ses jambes largement écartées, la bouche ouverte, les doigts déposés sur la lèvre du bas.
Le caractère érotique est inexplicable. Il n’y a pas de nudité, pourtant il y a bien quelque chose de l’ordre de la suggestion ; dans la pause ; dans le gros plan ; dans ses yeux à la pupille dilatée et trop pensifs, ces yeux qui n’osent pas regarder l’objectif, comme une vierge effarouchée ; dans ses lèvres qui renvoient la lumière parce qu’elles sont très légèrement humectées ; dans la façon dont Zelo touche ses propres cheveux, ses propres lèvres ou son front. Il fait glisser ses doigts sur son visage qui garde une expression lascive. Une série de photos qui ressemble trop à une invitation. Qui me trouble, parce qu’il, ou elle, a quinze ans et qu’il a plutôt l’air d’en avoir douze.
Yongguk se positionnera facilement par rapport à ce jeune garçon. Il le prendra sous sa protection, tout comme Jongup, guère plus âgé puisqu’il n’a qu’un an de plus que Zelo.
Heureusement, dans sa tâche d’élévation de la moyenne d’âge du groupe, Yongguk n’est pas seul. Himchan est de 1990, comme lui. Il est le seul membre qui ne lui apposera jamais la particule respectueuse de hyung, à la fin de son nom. Il est théoriquement le seul à être autorisé à le critiquer. Mais dans les faits, le contemporain de Yongguk reste autant que possible en dehors des affaires gérées par son leader. Hors de question de bouleverser ses grands objectifs. Himchan a les siens : faire éclater à la face du monde sa beauté étrange, profiter de l’amour des foules, considérer toutes les fans comme sa propre femme, se constituer un harem de groupies internationales qui le vénèreront comme un Dieu. Tout un programme.
B.A.P. sera donc un gâteau en trois tranches. Entre le duo des hyungs, formés par Yongguk et Himchan et le duo des maknaes, formés par Zelo et Jongup. Les vocalistes sont les sandwichs coincés entre ses deux couches générationnelles. Daehyun et Youngjae, respectivement âgés de dix-neuf et dix-huit ans, doivent cumuler les qualités de docilité et d’amabilité d’une part, et de fermeté, de bienveillance de l’autre. Ils doivent être à l’écoute des deux parties. A l’écoute des conseils des plus grands, et à l’écoute des besoins des plus jeunes. Leur position est celle d’une passerelle entre les deux générations qui scelle la cohésion du boys-band. Cette position, plutôt inconfortable, Daehyun et Youngjae l’occupent assez bien. Leur solidité étant garantie par l’affinité amicale qu’ils ont instantanément ressentie l’un envers l’autre.
C’est une affinité qui s’explique très bien par les circonstances de leur rencontre.
Daehyun intègre le groupe tardivement. Dans les logements de fonction appartenant à T.S. Entertainment, il dépose des valises qui ont fait plus de bornes que celles de ses camarades. Daehyun emmène aussi avec lui la peau bronzée et l’accent de Busan, seconde ville du pays, où il a grandi. On dit parfois de Busan que c’est la Marseille coréenne, parce qu’il s’agit d’une ville portuaire au sud de la péninsule. J’imagine aisément Daehyun avec un accent de là-bas dans la chaleur de la voix et dans la façon d’exagérer. Daehyun est un busanien contraint de s’exiler à Séoul pour vivre sa passion. Tous les autres membres sont de Séoul et de ses environs, lui seul vient d’une région éloignée. Comme si le stress de déménager à l’autre bout du pays et de n’avoir que six mois pour se préparer à devenir une idole ne suffisait pas, Daehyun doit aussi s’intégrer au sein d’un groupe déjà constitué. Les cinq autres membres se connaissent déjà. Ils sont stagiaires à T.S. Entertainment depuis des mois.
De son côté, Youngjae ressent l’arrivée de Daehyun comme un soulagement. Jusque-là, il était le seul chanteur du groupe. Dès que le busanien arrive, il l’accueille comme un miracle. Il le prend par la main, lui présente les lieux, les gens, le fonctionnement de la petite entreprise. Son empressement à intégrer Daehyun a un but, celui de voir sa propre charge s’amoindrir. Youngjae est trop heureux d’avoir un partenaire avec lequel faire ses vocalises.
Sur les titres, les voix de Daehyun et Youngjae font des harmonies. Le duo chante ensemble, s’entraine ensemble et parle ensemble. Les deux pipelettes du groupe deviennent en un rien de temps les meilleurs amis du monde.
Cette amitié qui est née en dehors du champ des caméras grandit ensuite à la vue de tous. Leur complicité crève les écrans.
Si Youngjae et Daehyun sont des individus adorables pris séparément, à deux, ils forment une sorte de synergie. Le couple dégage une séduction folle. Ils surpasseraient même la jeunesse insolente de Zelo, le sex-appeal de Yongguk et l’attractivité extraterrestre de Himchan.
Leur couple est une explosion nucléaire, une déclaration de guerre aux bonnes mœurs. Ils pourraient bien surpasser les doigts glissants de Demi Moore sur une poterie luisante ; le « You can leave your hat on » de Joe Cocker ; ou la morsure sanguinaire du comte Dracula.
Assemblez Daehyun et Youngjae dans un couple aussi parfait que tabou vous obtiendrez un personnage unique, le un formé de deux, la muse exceptionnelle : le DaeJae.
Un chapitre qui amène cinq nouveaux personnages. J'ai conscience que cela peut-être un peu lourd, mais j'ai vraiment essayé de le faire de la façon la plus simple possible. Il était pour moi important d'aborder la construction d'un groupe de K-pop (les ingrédient et le rôle que l'on fait tenir à chaque membre), l'importance de l'âge dans les fonctionnements sociaux, ainsi que l'âge de Zelo. J'attends vos retours à très bientôt. Espace commentaire |
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