L'usine à personnages

31 ans depuis quelques jours, j’ai l’impression que ma vie va bientôt radicalement changer. L’indescriptible sentiment qu’une nouvelle étape se profile où peut-être que c’est moi qui aimerait que ça change. La vrai difficulté est de trouver quelqu’un qui d’intéressant. Pourquoi tout le monde est-il si débile ! Impossible d’avoir une conversation sans que l’autre ne ponde des raisonnements « TF1 », à croire que réfléchir est devenu mal vu. Depuis longtemps, les gens ne me captivent pas, c’est le moins que l’on puisse dire. Tellement soucieux de leur apparence et du regard du monde qui les entoure. Ils sont tous si superficiels, si insignifiants.

Ma mère me répète que je devrais trouver une gentille fille et ce genre de truc, mais comment ? Le risque de trouver une femelle attirante puis décevante dès qu’elle ouvre la bouche est bien trop grand. Et j’ai ma lapine à m’occuper, bon là elle sprint de droite à gauche dans sa grande cage et à peu besoin de moi. Mais bon, je me vois mal m’inscrire sur un site de rencontre avec dans la description « Cherche une femme, plus ou moins jolie, intelligente et capable de rester intéressante au cours du temps. Qui n’apprécie pas particulièrement la compagnie d’êtres humains et refuse de s’adapter aux normes sociales ».
Je dois bien avouer que ce serait parfait. Pourtant tout était plus facile. Avant. Mon père était visiblement le gardien de ma stabilité émotionnelle. Sa disparition serait donc le point de départ de mon retrait social.
Bon, il est déjà plus de 10h je devrais me lever et aller me laver.

Le reflet dans le miroir m’a toujours paru étrange. Finalement cette personne je la vois rarement et uniquement sur une surface réfléchissante, elle n’existe donc que dans un monde qui n’est qu’un écho visuel. J’ai tujours eu du mal à me dire que cette personne, c’est moi. Même si je suis plutôt fier du reflet. J’ai un peu de gras qui traine à différent endroit, j’ai néanmoins quelques muscles assez développé, ainsi qu’un visage agréable. Mes cheveux bruns sont communs, mais les yeux bleus sont rares et éclaircissent ce monde.

Dommage que je sois pressé, j’aurais aimé finir mon livre sur ma table de chevet, ou jouer un peu à la console, mais j’ai encore pas mal de kilomètres à faire pour suivre cette femme. Son mari me paie pour savoir ce qu’elle fait chaque samedi et pas pour glander chez moi. Ca va aller vite, les adultères sont faciles à photographier.

Un matin, un bonhomme s’était levé de son lit qu’il trouvait alors un peu trop blanc, avait saisi sa veste et avait marché droit devant lui, sans marquer de pauses. Seuls ses pieds le préservaient d’un sort funeste en respectant les feux et les passages piétons. Il était comme dans un état second. Ses pensées tournoyaient dans son esprit, comme s’il dormait encore, et ses sens, hagards, peinaient à suivre la cadence. Mais ses yeux, comme aimantés, avaient dérivés lentement vers un panneau publicitaire, planté là, au milieu du ballet incessant de voitures bruyantes, sur un trottoir décrépi sur lequel poussaient quelques poteaux de métal froid. Une affiche y était collée, d’un rouge écaillé, et de malheureuses lettres d’or pleuraient un slogan vieux de plusieurs mois déjà, clamé par un lourdaud avec toque et spatule : « AVEC CRUDO, ON S’REVIGORE ! ». Seulement, le pauvre homme, en raison de ses yeux fatigués ainsi que la providence de ce jour nuageux, ne remarqua que le flamboyant « IGOR » qui lui tapa immédiatement dans l’œil. Et pour la première fois depuis son réveil, le brave homme eut une pensée cohérente :
« Voilà mon nom. »
C’est ainsi qu’en une journée grise, emplie de nuages menaçants, un vieux bonhomme immobile au milieu d’une avenue, se confondant avec les passants, sut qu’il se nommait Igor.

Depuis le début de sa nouvelle vie, c’est-à-dire depuis qu’il avait un nom, Igor était comme mort.
Toujours, tous les jours, toute la vie, tout était pareil. Similaire.
Igor vivait sans arrêt les mêmes choses, faisait les mêmes gestes et vivait de la même manière. Et ça lui convenait.
Chaque matin, Igor se levait, enfilait ses charentaises d’un vert usé par les années et allait nourrir Edith. Maintenant âgée de quarante ans, la vieille tortue était la meilleure amie d’Igor. Mais, tous les amis fidèles ont un sujet de discorde et celui d’Edith et d’Igor était justement celui du repas. Le bonhomme lui servait toujours amoureusement son bol de céréales à l’avoine tandis qu’Edith préférait s’attaquer au parquet de la vieille bicoque. Chaque recoin n’était qu’échardes et trous qui rendaient la maison branlante et, comme les fondations en souffraient, Igor ne pouvait se permettre de réaliser son rêve : adopter une baleine bleue. En effet, il avait en pitié ses pauvres baleines incomprises, obligées de traverser la moitié du gobe afin de trouver des eaux chaudes où se prélasser avec bonheur. Igor, lui, avait une baignoire et un robinet pour assouvir les moindres besoins d’une baleine exigeante mais, il n’était pas dupe, un mammifère pesait son poids. Il ne pouvait donc se permettre d’accueillir une baleine à l’étage si ses fondations n’étaient pas assez solides. C’est ainsi qu’Edith et Igor se chamaillaient perpétuellement et, toujours, le bonhomme en avait assez vers sept heures du matin.
Alors, attrapant son indécrottable houppelande et troquant ses pantoufles pour des bottes en plastique, il sortait de sa maison et se dirigeait toujours vers le même café. « Le troquet».
Inlassablement, il poussait la porte de verre qui s’ouvrait sans jamais faire tinter la sonnette et Igor s’avançait jusqu’à sa place favorite. Il reproduisait les mêmes gestes. Il passait toujours devant cet homme, béret vissé sur le crâne, ou bien devant ce portrait d’un écrivain sûrement célèbre pendu au mur. Ensuite, il s’asseyait sur cette même chaise à l’assise en osier qui devait, à la longue, avoir conservé la trace de son postérieur. Chaque fois, devant lui, trônait le même café qu’il n’avait pas commandé avec ce même biscuit trop sec pour ses ratiches. Du café noir. Un biscuit aux amandes.
Dès qu’il trempait les lèvres dans son breuvage ou qu’il léchait le biscuit, une déferlante d’émotion jaillissait dans son esprit. C’était fugace mais d’une force inouïe. Igor avait l’impression de vivre une vie entière en l’espace d’une milliseconde tant les sensations paraissaient réelles. Alors, pour cette impression de vivre, Igor, tous les matins, buvait son café noir dans ce petit troquet au bout de la rue des coquelicots.
Si le brave homme tenait autant à cette vie factice, c’est parce qu’il n’avait aucunement l’impression d’en vivre une véritable. Quoi de plus normal lorsqu’une existence ne se constitue que d’une répétition de gestes banals et ne comporte aucune interaction sociale. En effet, lorsqu’Igor était dans la rue, c’était comme s’il était l’homme invisible. Ou bien non. C’était bien pire que ça car, l’homme invisible, avait le mérite d’être consistant, d’exister dans la pensée des gens, d’être un concept connu et reconnu ! Or, le brave Igor, n’était pas ce que l’on pouvait appeler un concept car, à la différence de son ami invisible, Igor n’avait absolument rien d'extraordinaire.
Ensuite, Igor rentrait chez lui. Il passait devant ce même arrêt de bus où attendait toujours la dame aux chapeaux. Extravagante, elle n 'avait jamais le même chapeau car, chaque fois que l'autocar passait, c'était comme si le chauffeur ne la remarquait pas car il ne s'arrêtait jamais pour elle. Alors, sous le souffle du bus à pleine vitesse, son beau chapeau s'envolait et se retrouvait tout crotté. Igor aimait beaucoup la dame aux chapeaux. Il l'aimait beaucoup parce que, chaque fois qu'elle se retournait pour rattraper son couvre-chef, elle fixait intensément Igor dans les yeux. Elle le voyait.

Le cœur lourd, elle tisse, encore et toujours elle tisse. Et dire qu'elle adorait ça tisser. Elle en rêvait chaque jour.

Pleurait chaque nuits, attendre, il fallait attendre, encore attendre. Heureusement elle pouvait rire avec sa sœur et produire ce si joli fil doré. Elles étaient si fières lors de leur premier jour à l'atelier des tisseuses. Elles avaient noué leur cheveux en nattes rituelles, symbole des tissages à venir. Sade se souvenait parfaitement des yeux émerveillés de sa soeur qui brillaient devant le travail des tisseuses, reflet de son propre regard. Elles passaient des heures à observer les tissages délicats, à regarder la trame se former sur les chaines. Un jour, enfin, elles purent tisser. Très vite elle et sa soeur furent admirées pour la finesse de leur créations. Et on leur réserva les meilleures émotions, les plus brillantes.

Elles étaient inséparables. Elles ont grandi ensembles, tissé ensembles, créé ensemble leur atelier.
Brillantes et admirées.

Pourtant, voici 2 lunes maintenant que sa soeur est partie. 2 lunes que Ina à disparu, avec pour seul adieu une phrase tissée d'argenté. "La grande toile du monde s'est déchirée, je reviendrai."

Une larme s'étire sur sa joue. Sade pose sa navette et recueille le fil égaré. Elle le dépose sur sa nouvelle bobine d'argent et le regarde s'agréger. Épuisée elle descend s’allonger. Elle sait que demain ses rêves lui auront fourni 3 bobines de fil gris et épais. Les bobines de suies comme on les appelle. Ce qu'elle en fera ? Comme tout les jours elle les déposera aux cotés des centaines de bobines de suies qui garnissent ses étagères et encombre son coeur.

 les uns ne peuvent vivre que le jour et sont incapables de mentir (la lumière solaire ayant cet effet). Les autres ne peuvent vivre que la nuit et leurs émotions se matérialisent. Certains produisent en continu des fils selon les émotions ressenties (je n'ai pas encore décidé si ce serai une ethnie différentes ou non) et sont exempte de la matérialisation des peurs, des angoisses, de la tristesse et de la colère qui chez les autres deviennent des monstres constitués d'une matière appelée amine.
Ces monstres peuvent être éliminés par les servantes de la lune, qui par les lames sacrées forgées par les poètes et les paroles baume sont les seules à pouvoir réduire les "monstres" (il faut vraiment que je leur trouve un nom) en matière gluante et inanimée. Cette matière est ensuite récoltée par les ébanes qui l'utilisent pour confectionner l'ensemble des objets de ce peuple.