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| | Khéops | |
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Maze_n Hey, soyez cool, je viens de m'inscrire !
Nombre de messages : 41 Age : 26 Localisation : Nantes / Paris Date d'inscription : 04/11/2017
| Sujet: Khéops Lun 6 Nov 2017 - 0:38 | |
| Voilà, le début de mon deuxième texte intitulé Khéops. Je prends un temps fou à rédiger comme ça donc ne vous attendez pas à des mises à jour régulières. Je place le texte dans cette catégorie parce que je ne considère pas vraiment que c'est de la science fiction... Mais peut-être qu'il faudra l'y déplacer à l'avenir, à vrai dire je n'ai qu'une vague idée de la suite des évènements. Pour les commentaires c'est ici que ça se passe ! Sans plus tarder : le début du commencement ! - Prologue:
Sur Terre, il est devenu impossible d’échapper au torrent de lumière pure du Soleil. Ses flots brillants inondent le monde de bourdonnements inaudibles. Le globe est un assemblage de territoires nus et recouverts de béton où dérivent les ondes hertziennes. Aujourd’hui, tous les systèmes d’information communiquent au sein d’une hyper structure mondialisée. Les connexions sont omniprésentes, l’information est autonome, la situation hors de contrôle.
Au creux des courants de données, la civilisation, submergée, s’obstine à tirer parti des outils dont elle était autrefois maîtresse. Agrippée avec toute l’énergie du désespoir à son clavier, elle est désormais une firme internationale connue sous le nom Red-Star. Un milliard d’individus y sont chargés d’organiser la survie de l’espèce, et forment un organigramme hiérarchique titanesque dont personne n’est vraiment à la tête. En réalité ces malheureux parviennent tout juste à se sauver eux-mêmes. Au sein du réseau, Red-Star est le dernier souffle de l’humanité, un pur artefact voué à disparaître.
La persistance de cet artefact a cependant de quoi surprendre, elle s’explique en grande partie par les enseignements dont Red-Star imprègne les enfants. Tous les jours, à l’école, on leur enseigne des concepts mathématiques d’un niveau d’abstraction insensé. Des grains de lumière sont disposés avec soin dans leur esprit, dans l’espoir d’y provoquer une germination flamboyante. La sélection est alors impitoyable, et quiconque ne témoigne pas d’un esprit éblouissant est laissé-pour-compte, à la merci du système nerveux globalisé.
Une fois adulte, beaucoup prétendent s’émanciper à travers un taoïsme fumeux. Ce bricolage spirituel a étrangement émergé dans les consciences et est devenu hégémonique en l’espace de quelques décennies, associant les effets des antidépresseurs à un complément idéologique post-libéral malléable. En l’état, il apporte à ceux dont la survie peut être assurée par l’enrôlement salarial une paix intérieure propice à l’acceptation passive de leur situation, et il incite les autres à l’isolement et à la poursuite d’une existence autosuffisante. On retrouve ces derniers dans le fond des décharges, à la recherche de nourriture. Ils affirment que c’est par choix, et rajoutent qu’ils trouvent dans leur existence tout ce qu’ils désirent. En vérité, cela fait bien longtemps que tous ont appris à ne désirer que ce qu’ils y trouvent.
Évidemment, il y a des poches de résistance clandestine. L’emprise idéologique des esprits a ses limites. Aussi sûrement que les racines des rares plantations arrivent à fissurer leur cage bétonnée, on a pu assister çà et là à l’émergence de nouvelles formes d’engagement sociales et esthétiques, modernes et radicales. Hélas, toute résistance est futile, et la fantastique machinerie Red-Star ostracise insidieusement ces mouvances. Nul besoin de censure quand tout le monde est convaincu qu’y porter de l’intérêt est une pure perte de temps.
Voilà le monde actuel, ou la dérive misérable d’un système infect. Ni conspiration, ni éminence grise, mais une simple accumulation de dysfonctionnements aux allures de plan de domination mondiale.
C’est ici que Khéops était née.
Dernière édition par Maze_n le Dim 19 Nov 2017 - 14:35, édité 3 fois | |
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Nombre de messages : 41 Age : 26 Localisation : Nantes / Paris Date d'inscription : 04/11/2017
| Sujet: Re: Khéops Sam 18 Nov 2017 - 22:29 | |
| Hop hop hop... Chapitre 1. C'est court, mais je mets beaucoup de temps à rédiger tout ça. Pensez à relire le prologue, il a subi de nombreuses modifications. - Chapitre 1:
Avec près de deux cents mètres de vide en dessous d’elle, Khéops continuait son ascension, déterminée. Elle avait fait la moitié du chemin qui la séparait de son objectif, l’antenne radio située en haut de la tour en treillis qu’elle escaladait. Ses mains avaient beau être protégées par d’épais gants en kevlar, ses doigts s’engourdissaient à cause du froid. Son sac à dos rempli de divers instruments électroniques commençait également à lui peser. La fatigue la gagnait, il lui fallait marquer une pause. Elle accrocha son mousqueton à l’un des barreaux métalliques de l’édifice et se laissa partir en arrière, son harnais l’empêchant de basculer dans le vide. Pas un souffle de vent ne se faisait sentir. Elle jeta un coup d’œil en contrebas, insensible à l’altitude, puis sourit. Il était bon de se hisser au-dessus de l’agitation cyclique du monde. D’ici, malgré leur empreinte manifeste sur l’environnement, il lui semblait que les humains étaient bien peu de chose. Cependant il y avait une autre raison qui motivait sa présente joie…
Khéops était technicienne de maintenance chez Red-Star, spécialisée dans les opérations dites « de surplomb ». En clair, elle passait la majeure partie de son temps à escalader diverses installations, ses compétences s’appliquant à la réparation de tous les circuits embarqués à plus d’une centaine mètres du sol. La plupart de ses missions consistaient à entretenir les antennes émettrices encore sous le contrôle de Red-Star. Autrement dit, elle assurait la survie du réseau interne de l’entreprise. Mais, pour elle, ce n’était pas le véritable cœur du métier. Non, ce qu’elle aimait par-dessus tout, c’était retirer son équipement de sécurité et atteindre le sommet des plus hautes constructions humaines jamais créées, en solo intégral. Cette pratique n’était cependant pas bien vue de ses supérieurs, et si ces derniers reconnaissaient volontiers l’efficacité légendaire de Khéops au travail, cela faisait près de deux mois qu’ils lui avaient imposé le port d’une multitude d’outils d’escalade pour chacune de ses grimpées.
Or, plus de drone en vue ! Khéops était aux anges. Celui qui la suivait depuis le début de sa progression et qu’elle devinait contrôlé par un membre de sa hiérarchie avait disparu ! Elle se défit rapidement du matériel qu’elle avait été contrainte d’enfiler, le déposa et l’attacha solidement à un pallier de la structure afin de pouvoir le récupérer à son retour, puis reprit vigoureusement son avancée, animée d’une énergie nouvelle. Elle se déplaçait beaucoup plus fluidement, ses mouvements avaient gagné en souplesse. Barreau après barreau, mètre après mètre… La sensation de liberté était extraordinaire ! Rien ne la retenait de tomber sinon la posture de son corps et la force de ses muscles. Elle chérissait le vide croissant sous elle. Bientôt sa position culminante lui permettrait de régner sur le monde, seule. Seule, le Soleil à ses côtés. La puissance émancipatrice de son activité restait en effet purement individuelle et largement incommunicable.
Contrairement à la majorité des emplois offerts par Red-Star, celui de Khéops était purement technique. Les postes de ce genre étaient laborieux, mal rémunérés, et généralement peu prisés. Comme le métier était manuel, il ne nécessitait que peu de connaissance théorique, et il n’y avait aucun ordre à donner. C’est ce dernier point qui expliquait qu’en dépit d’un parcours scolaire brillant, Khéops fasse grimpette plutôt que de monter les échelons de l’entreprise. L’organisation de Red-Star avait effectivement cela d’étrange qu’il était très courant de pouvoir dérouler les relations de subordinations d’un poste pour finalement revenir à celui-ci. Les ordres qu’un individu pouvait donner à ses adjoints avaient donc de fortes chances de ressurgir du côté de ses supérieurs, et c’était quelque chose que Khéops voulait éviter à tout prix. Elle ne fuyait pourtant pas devant les responsabilités, mais ce système hiérarchique lui rappelait les boucles d’asservissement dont on munissait les systèmes automatisés afin de les contraindre à respecter une valeur consigne. Cette seule pensée la mettait d’ailleurs mal à l’aise.
Mais à l’heure actuelle, elle n’y pensait pas. Son rythme était rapide et régulier. Elle gravit encore deux cents mètres en beaucoup moins de temps qu’il ne lui en avait fallu pendant la première moitié de son ascension. Déjà l’antenne émettrice s’élevait devant elle, haute d'une vingtaine de mètres. Un petit cube métallique cadenassé clignotait à sa base, à portée de main. Par habitude, Khéops tira machinalement son mousqueton, s’accrocha à l’antenne, et lâcha prise pour chercher la clé du boitier dans son sac à dos. Triste routine que ses supérieurs lui avaient fait prendre, car en réalité ses mains s’étaient contentées de fendre l’air, comme mimant une chorégraphie étrange. Pas de mousqueton à sa ceinture : elle s’en était débarrassé en même temps que le reste de son matériel.
Khéops commença à lentement basculer dans le vide, sans espoir de se rattraper.
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| Sujet: Re: Khéops Jeu 7 Déc 2017 - 18:24 | |
| Hoplà, il était temps. J'ai passé moins de temps sur ce chapitre que les autres (malgré le délais plus long). Bonne lecture~~~ - Chapitre 2:
Plus la confiance en nos capacités est grande, moins notre discernement est efficace ; et ce sont souvent des petites erreurs que procèdent les effondrements les plus désastreux. En la matière, l’humanité n’avait jamais autant payé de ses faux pas. Partout, des hommes brillants sombraient, leurs disgrâces combinées formant de longues cascades de lumière refroidie. La maladresse de Khéops ne constituait qu’une particule fine dans un torrent confus aux effluves largement perceptibles. La hiérarchie souple et dynamique de Red-Star s’était articulée en harmonie avec ces crises incandescentes ; et si elle en réduisait difficilement les blessures individuelles, elle avait cependant appris à y résister structurellement avec endurance.
Avant Khéops, un homme prénommé Khépri avait déjà chuté bêtement. Son appartement se situait au cinquième étage d’une tour résidentielle de la nouvelle Pyong Yang, là où siégeait la branche « recherche et développement » de la firme Red-Star. Par le passé, le réseau interne de l’ex-Corée du Nord avait été si cloisonné du reste du tissu informationnel mondial qu’il avait résisté à la prise d’autonomie généralisée des systèmes numériques. Pyong Yang avait alors constitué un Eldorado informatique pour toute une génération de chercheurs dont Khépri faisait partie. C’était un personnage prodigieux, un génie d’avant-garde à l’origine d’une ribambelle de travaux sur une théorie en vogue, celle de l’émergence des consciences artificielles. Dans sa jeunesse, à une époque où l’on prenait encore le temps de s’interroger sur les causes du soudain dérèglement technologique, c’était un homme respecté au sein de la hiérarchie Red-Star. Dès vingt ans, avec déjà trois thèses à son actif, il affichait le regard pénétrant de ces vieux intellectuels qui, fascinés par les études conceptuelles et le monde des relations abstraites, semblaient capables d’appréhender toute la complexité d’un sujet dès le premier coup d’œil. Si une personne était capable de révolutionner la connaissance humaine pour regagner la maîtrise des machines, c’était bien lui. Son intelligence aigüe lui autorisait d’ailleurs une grande liberté d’action dans les laboratoires de Red-Star, laboratoires dont les activités étaient pourtant hautement réglementées, et à raison…
Un matin, en effet, ce fut l’expérimentation de trop, l’appel récursif aux paramètres inconsidérés, la compilation d’un code source à l’architecture titanesque, et son exécution instable, sujette aux fuites mémoires ainsi qu’aux dépassements tampon. Khépri avait perdu le contrôle du programme sur lequel il travaillait. Il tenta en vain d’interrompre le processus critique, mais trop tard. Le dernier maillon de la chaîne du chaos technologique global venait d’être brisé. Le pays entier, dernier rempart de la domination des humains sur la technologie, venait de s’écrouler ; parallèlement la carrière de Khépri volait en éclat. L’accumulation de ses négligences était inexcusable, et il ne tenta même pas de s’expliquer auprès de sa hiérarchie. La lueur qui habitait le fond de ses iris s’était soudainement éteinte.
De toute sa vie, Khépri n’avait jamais eu affaire au désespoir brut. Bien sûr, il avait déjà connu des tristesses, des déceptions ; il avait déjà été anxieux, tourmenté ; et parfois, des questionnements existentiels l’empêchaient de dormir correctement… Mais rien de surprenant pour une âme telle que la sienne, et il suffisait de l’observer déambuler dans un laboratoire pour constater qu’il demeurait malgré tout un homme accompli, passionné, pour qui la recherche était une source intarissable de satisfaction. Or, cette source intarissable, on la lui reprit : il fut rapidement mis au placard pour faute lourde, affecté à l’amélioration du rendement des champs de panneaux solaires du continent Africain, dont la production d’énergie alimentait de toute façon bien plus les machines autonomes que les humains qui se contentaient d’en détourner une infime partie pour assurer leur survie. Méprisé par ses contemporains qui ne retinrent de lui que sa bêtise, il avait été relégué à un poste dégradant. Le métier se résumait en effet à la mise en équation et à la résolution de problèmes d’optimisation sous contrainte que tout bon élève de douze ans devait être en mesure de résoudre à la main. C’était du pur gâchis intellectuel. L’ascenseur express de la psyché de Khépri, qui jusqu’ici avait connu une fulgurante ascension, s’était détraqué au contact prolongé de ce travail abêtissant et avait entamé une descente infernale vers les tréfonds de la misère, du dégoût de soi, et de la solitude. Du reste, l’ascenseur de son immeuble, indirectement relié à l’intranet Nord-Coréen, avait lui aussi cessé de fonctionner.
Les mois ont passé, Khépri restait au bord du gouffre, désenchanté. Dans une société réduite à milliard d’individus éparpillés tout autour du globe, qui avait perdu tous ses lieux de sociabilisation des suites de leur annexion par internet et ses extensions, puis de la perte de contrôle de ces réseaux, il était bien difficile de confier son mal être à quelqu’un en dehors du cadre de l’entreprise. Face à la récurrence des dépressions, des nouveaux métiers avaient fait leur apparition chez Red-Star. La multitude de professionnels en développement personnel, lesquels étaient devenus au fil du temps les principaux propagateurs de l’idéologie Taoïste, étaient malheureusement impuissants devant le cerveau torturé du génie malade. Tous lui répétaient qu’il ne se résumait pas à son monologue intérieur, et qu’il fallait donc méditer comme ceci ; que la vie devait être appréhendée comme on appréhende un rêve, et qu’il fallait donc méditer comme cela ; ou encore que sa souffrance n’était que le produit d’une accumulation de pensées négatives qui s’auto-entretenaient dans le temps, et qu’il fallait donc méditer autrement… Khépri avait bien tenté leurs techniques imbéciles, rien de ne marchait. La découverte du Tao par la pratique de la méditation était la promesse d’une vie nouvelle, en harmonie avec le monde. Pour Khépri, dont la raison rejetait en bloc ce culte de la passivité, c’était la source d’une frustration plus grande encore.
Après l’accident, l’idée avait germée dans son esprit ; d’abord latente, elle avait doucement gravi l’arborescence de sa pensée jusqu’à en atteindre les strates supérieures, et s’y était naturellement imposée comme une évidence.
Un matin, plutôt que de reprendre son travail stérile, Khépri se défenestra.
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