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 Les premières pages de Un Printemps vivant.

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AuteurMessage
Antonin
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Nombre de messages : 6
Date d'inscription : 27/08/2021

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MessageSujet: Les premières pages de Un Printemps vivant.   Les premières pages de Un Printemps vivant. Icon_minitimeDim 29 Aoû 2021 - 12:14

Voici les premières pages de Un Printemps vivant, une nouvelle que j'ai publié en mai de cette année.

Le printemps commence brutalement cette année, soleil éclatant et chaud ininterrompu depuis trois jours, le résultat dans la nature coïncide avec un débordement voluptueux immense. Ça dilate un contraste violent avec l’hiver qui vient de passer, l’hiver le plus sombre que j’ai connu (environ une semaine de lumière en quatre mois). Je rentre d’un tour à vélo jusqu’au lac : j’ai pu voir deux cerisiers en fleurs qui m’ont particulièrement marqué ; j’ai aussi été charmé par la prolifération vigoureuse du chant des oiseaux dans une petite rue. Toute une foule de détails animés évoque une violence amoureuse illimitée. La Nature, par séquences, forme une extase.
À l’inverse et d’une façon fermée, la Société Mondiale se dirige irrémédiablement vers son autodestruction programmée. Cette Société s’est constituée comme une culture chiffrée hors sol, séparée de la Nature et voulant la refaire à son image avec sa technologie, et déjà les conséquences sont terribles : la vie des femmes et des hommes sur Terre, dans une société comme celle-là, n’est dorénavant possible sur la durée qu’en envisageant la mort d’un très grand nombre alors que l’humanité explose démographiquement comme jamais.
Lentement mais nécessairement, en écoutant de la musique et en écrivant à un proche, en fumant des joints et en buvant du café, je m’extrais de cet abattement poisseux que je subis plus ou moins depuis trois jours. C’est d’avoir commencé ce livre qui m’écrase. La joie et la force qu’il nécessite me dépassent : dans le maniement virtuose des mots qu’il implique mais aussi dans la force et le discernement nécessaires à la traversée des sensations. Je dois malgré tout continuer, céder le pas devant cette aventure pour m’élargir dans son immensité. Et l’écrire ici.
Soirée lamentable hier, musique techno house, c’est-à-dire la musique décervelée d’un monde où la marchandise règne. Monte le son ! J’étais accompagné d’un pote joyeux comme un croquemort en activité, ça n’arrangeait rien, mais il y avait des belles femmes, des femmes que je n’ose pas approcher franchement. Quelque chose me mine de ce côté : ce n’est pas d’être « sans emploi », ni même encore d’être résumé pour cette société à quelques crises de folie, d’être catalogué « fou », c’est que je suis comme séparé de moi-même : je suis là, je vis, mais, comme un prisonnier, je suis en même temps privé de ma liberté – composer ce livre comme une vie qui s’évade, comme le désir de m’ébrouer dans la liberté.
Le ciel est couvert aujourd’hui, l’air très frais, le vent souffle fort et les arbres se tordent sous ses coups. Celui qui avait, pendant la soirée, une aura de croquemort, est venu chez moi ce matin, une heure après mon réveil. Il ne m’écoute pas, il me coupe la parole neuf fois sur dix, je ne dois pas exister mais seulement l’écouter se déplier infiniment sur des sujets qui m’ennuient autant qu’il me coupe la parole, neuf fois sur dix. Parfois, pris dans le labyrinthe de cette situation, je m’enferme, je me concentre sur un détail, un objet ou une pensée, ou bien je mets de la musique et je disparais considérablement, muré dans ma surdité, comme lui. J’ai essayé de la lui dire, cette situation absurde : il l’a mal pris, il s’est vexé, et depuis, tout continue comme avant.
Je pars en fin d’après-midi : une femme que j’ai connue quelques nuits il y a maintenant un peu moins de vingt ans m’a invité chez elle. Je l’ai croisée dans une rue de mon quartier il y a une semaine, je l’ai immédiatement reconnue, ce qui a attiré son attention et elle aussi m’a rapidement reconnu (en réalité, elle faisait semblant, ça fait longtemps – depuis la première fois où nous nous sommes rencontrés – qu’elle me tourne autour, qu’elle se renseigne sur moi). Sur le coup, je n’ai bien sûr rien compris de tout ça, je l’ai saluée d’une façon qui se voulait avenante, même si, je l’ai dit, je me sens en ce moment prisonnier dans mon corps, et cette retenue m’a empêché de le faire avec beaucoup de générosité. Deux jours après, j’ai trouvé un mot d’elle dans ma boîte aux lettres. Nous parlons depuis par message au téléphone : elle a perdu son père qui s’est suicidé car il était très malade (cancer de la gorge), sa mère a un cancer (elle est son soutien le plus fort, le plus constant), plus une séparation après seize ans de ce qu’elle appelle une « fusion ». Tous ces coups durs accumulés l’ont conduite à une hospitalisation d’un mois l’an dernier, elle va beaucoup mieux maintenant. Elle vit dans un petit chalet isolé dans une clairière au dessus d’un mont, et point crucial, elle ne veut pas se prendre la tête, mais seulement du bon temps. Il n’y a pour le moment qu’un point qui me déplaît : l’écriture semi-phonétique de ses messages. C’est dans la nuance de ta langue que ta vie s’ouvre, je vais essayer de te faire sentir ça.
Comme je suis soulagé de partir ! La nature sauvage et cette femme à explorer, ça va me sortir de l’ennui lourd des derniers temps, un ennui qui engloutit l’univers.
Peu de temps après mon arrivée en fin d’après-midi (j’ai immédiatement été marqué par le charme du lieu où elle vit), un ami à elle accompagné d’un jeune homme, ont débarqué. Ils étaient tous les deux bourrés et moi aussi, sans compter que j’avais consommé des opiacés la veille, des opiacés qui faisaient encore effet.
Le repas, principalement et au fur et à mesure de l’alcool bu, tournait autour de cette question : qui sera le mâle élu par la femelle ? Les femmes sont centripètes, attirent à elles l’énergie des hommes. Le Sexe est notre Dieu.
Alors que le jeune homme, lui-même futur bûcheron, me demande ce que je veux « faire dans la vie », je réponds :
— J’écris, je veux écrire…
Et elle, accusatrice :
— Tu écris ?! … Mais tu as déjà commencé ?
— Oui, un peu… Beaucoup ! …
À la fin du repas où nous avons autant bu que mangé, son ami persévère dans l’humour routier, le jeune homme bûcheron, lui, parle de sa grosse queue, je suis plutôt silencieux, et elle, qui commence à en avoir marre, les pousse doucement à partir.
Je suis seul avec elle maintenant dans le petit chalet, un silence profond renverse tout.
Elle : Voilà ! Tu veux qu’on… ?
— Toi… Je veux toi…
Et je l’embrasse et je me rends compte que je voudrais déchirer le ciel avec elle. Mais je suis légèrement à côté de moi, je ne trouve pas bien ma voix, l’intonation de ma voix, ma liberté spontanée.
Je revois un moment de cette conversation physique qui commence : elle est nue, montée sur moi, très belle comme ça, elle me dit « Le regard de fou que tu as ! », ce que j’interprète mal évidemment, comme un jugement médical. Mais non, pas du tout :
— Un regard de fou ?
— Un beau regard.
— Ah, merci.
C’est la douleur mêlée à un bonheur qui se cherche et se trouve au-delà qui peut seul créer ce regard troublant. La poésie, si méprisée et si méconnue, garde toute sa force ; elle emporte le féminin dans son feu.
Nous nous sommes endormis après avoir bien baisé ; j’ai d’ailleurs dormi comme jamais depuis des mois durant mon séjour avec elle.
J’ouvre les yeux au moment du lever du soleil, une fenêtre, face au lit, s’ouvre comme un tableau vivant : un chêne déploie ses branches comme un bouquet explosant délicatement dans le jaune cuivré du levant. Je murmure « Comme c’est beau… » et je m’endors à nouveau.
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