Les vers du poète

Les vers du Poète

Partout, je me retrouve emprisonnée
Dans une cellule aux parois de verre
J’essaye d’en échapper
Mais mes doigts heurtent le lisse du verre

Oh, Rimbaud
Poète qui a connu mon désespoir
Comment décrirais-tu mon bourreau
Qui se délecte de ma souffrance chaque soir

Toi, Arthur
Qui a décrit chaque douleur de l’adolescence
Avoue que sur mon âme l’écorchure
N’est pas dû qu’aux caprices de l’enfance

Chacun de tes vers
Me plonge dans une transe morose
Car en tes mots
Je me reconnais en toute chose

Si seulement ta mort n’a pas été si proche
Du miracle de ta naissance
Tu aurais pu laisser aux prisonnières
De la société que tu dédaignais tant, hier

D’autres vers, d’autres mots
Pour les sauver des gouffres lisses et profonds
Que la vie a construit, trop tôt…
Mais désormais, tu n’entends plus un son

Car tes oreilles sont obstruées
Par la terre qui t’entoure désormais
Infiltrée dans les creux qu’offrent
Les planches de ta dernière demeure

Tes yeux sont rongés
Par le temps qui passe, infligé
Jamais plus tu ne verras
La blancheur du papier, ta plume, son éclat

La peau que tu avais sur tes os livides
Elle a disparue sur le passage des vers
Celles qui honorent ta perte, vides

Tes doigts sont figés, entrecroisés
En un geste de prière que tu as rejetée
Car ta religion, c’était ta plume, l’encre noir
Que tu ne pourras plus manier, car tu es dans le noir

Une nuit aveuglante, infinie
Avec les vers comme seul compagnie
Tu as perdu ceux que tu as écrit
Il te reste ceux qui t’ont ôté la vie.

En mémoire au Poète
Arthur Rimbaud
Mort le 10 novembre 1891