Je possède l'Aleph

"ALEPH, c’est en mathématiques "le nombre d'éléments d'un ensemble infini" ; c’est le lieu où se trouvent, sans se confondre, tous les lieux de l'univers vus sous tous les angles ; c’est la métaphore d'un savoir impossible faisant se croiser toutes les disciplines ; c'est une référence à la nouvelle de Borgès, cet aveugle visionnaire."

Si vous possédiez l'Aleph, si vous voyiez le monde, chaque parcelle sous tout ses angles, que verriez-vous ?
C'est une exercice que j'ai fait au lycée en atelier d'écriture, et 'avais vraiment adoré. Ici, toutes vos phrases commencent par "je vis" et l'inspiration fera le reste.


Je vis les fonds marins noyés dans la nuit et le soleil brûlant. Je vis l’envol affolé d'un ibis, les pattes d'un insecte, le galop d'un prédateur. Je vis la peur d'un enfant, le rire d'une jeune femme, la sagesse d'un ancien. Je vis les plaines verts et la Lune majestueuse. Je vis de longs cheveux voler dans la brise. Je vis la métropole, ses milles et un visages, le gris de ses immeubles. Je vis naître un oiseau et mourir un rand arbre. Je vis ses yeux noirs comme l'encre de sa plume et je vis sa plume tracer des mots sur le papier jaunit. Je vis la pluie tuer des hommes. Je vis le sable d’Égypte, ses infinis légendes, ses mythes et ses mystères Je les vis s'embrasser et d'autres se quitter. Je vis un livre s'ouvrir et des yeux se fermer.

Je vis un stylo courir sur les pages d'un cahier.

Je vis plus que je n'aurai du. Je vis de l'infiniment grand à l'infiniment petit. Je vis le cœur des atomes former des mondes gigantesques. je vis la santé survivre dans un homme fatigué, et la maladie en devenir dans un corps sain. Je vis les pensées les plus profondes, les désirs noirs et les idées clairs, la palette des sentiments, le cerveau et l'âme.
Je vis le temps démêler comme emmêler. Je vis le passé, le présent et l'avenir, à la suite autant qu'imbriqué. Je vis la vie, le naissance et le commence. Je vis la mort, la décès et la fin.
Je vis ma fin.

Je vis la Terre se délabrer sous la masse de l’existence qu’elle avait engendrée.
Je vis l’existence mêlé à un sinistre spectacle.

Je vis la Terre lutter contre l’homme.
Je vis les ouragans, les raz de marée et les séismes. Je vis la sécheresse et les famines.

Je vis l’homme lutter contre lui-même.
Je vis les massacres, les guerres, les bains de sang et les attentats. Je vis des esprits perdus, des âmes en peine, des cœurs brisés.

Je vis l’homme lutter contre la Terre.
Je vis le progrès, la médecine, l’industrie. Je vis la pollution, le nucléaire, la déforestation.

Je vis l’homme chercher des réponses.
Je vis la philosophie, les sciences et la religion. Je vis l’orgueil, l’avarice, la corruption et le fanatisme.

Je vis l’homme renoncer à comprendre ce monde.
Je vis le désespoir et la fatalité. Je vis l’amour et l’instant présent. Je vis l’art et la poésie.

Je vis un monde où tout le monde est heureux. Je vis un monde où personne ne souffre. Je vis un monde où chaque être à accès au bohneur éternel. Je vis un monde sans guerre où la guerre n'existe pas. Je vis un monde qui a accès à la paix.

Je vis que mes phrases étaient bancales, esseulées et faibles. Je vis la faible tentative de retranscrire une musique par les mots. Je vis une symphonie de Beethoven martyrisée par un écrivaillon prétentieux.

Je vis la passion pousser le véhicule de la volonté, traçant une route droite vers la réussite. Je vis les arts se succéder, et s'affronter, sans pouvoir se départager. Je les vis fusionner, pour donner une nouvelle forme d'expression, plurielle et singulière à la fois.

Je vis l'absurde danser avec moi, moqueur mais sympathique. Je vis chacun devenir mécanique, comique par là même. Je vis l'essence des choses devenir super sans plomb, dans un sursaut d'humour.

Je vis tout ça, et pourtant j'avais les yeux fermés. Je vis par l'esprit, et par l'esprit je vis. Je vis mes sens s'interchanger, puis je ne vis plus rien.

Je vis le néant, et la peur sombre qui l'entoure. Je vis la mort, et je n'eut plus envie de voir.