Nourrir les Chiens

Voici une petite nouvelle, presque une scénette que j'ai écris hier se déroulant dans un univers de Dark-Fantasy sur lequel je travaille depuis mon inscription sur le forum. Avec cette petite nouvelle, je cherchais avant tout à tester et m'entrainer un peu à une autre façon d'écrire la narration que celle que j'utilise pour La Saga de la Louve Rouge. L'univers est de type asiatique, plus particulièrement Japonais, même si d'autres cultures, comme les Mongoles font parties de mes inspirations. Bonne lecture.

Citation :

Son honneur était souillé, jamais il ne pourrait rejoindre ses ancêtres. Il allait mourir là comme un chien, capturé par ces sauvages immondes et puants, montés sur des animaux. On lui avait enlevé ses armes, arraché son armure. Il ne put s’empêcher de cracher salive et sang au pied de la bête à sabots qui passa à coté de lui. Il entendait les rires des sauvages qui s'amusaient avec les vaincus. Combien de villageois allaient mourir ? La récolte de son maître serait amoindrie cette année. Il n'avait pas été assez vaillant, il avait échoué. Il n'avait même pas su mourir convenablement face à la horde qui déferlait du nord.
— Est-ce toi Shogo du clan Hi ?
Il redressa vivement la tête. Le silence s'était fait autour de lui dès que cette voix l’avait interpellé. Une voix de femme, avec encore le timbre de l'enfance. Une voix qui n'avait pas sa place sur un champ de bataille. Elle se tenait face à lui, montée sur une bête au pelage gris comme les nuages qui amènent le tonnerre. Elle n'était pas comme les autres, elle faisait partie de son peuple. Son visage était pâle, ses traits fins et ses longs cheveux étaient noir comme la nuit, mais elle portait les habits impies des sauvages, du cuir, de la fourrure et des armes à la ceinture. Aucune femme du Jade ne portait les armes. Il se sentit encore plus honteux et en colère. Ses adversaires ne l'avaient-ils déjà pas assez humilié ? Fallait_il que la Kirin lui envoie une simple femme pour l'interroger ? De nouveau il cracha par terre, avant de répondre.
— Catin, aucune femme ne mérite de prononcer mon nom !
Il ne vit pas le coup venir. Un des sauvages l'avait corrigé en lui assénant un coup de poing qui l'envoya rouler dans une flaque pleine d'eau croupie, de sang et d'urine.
— Ta vanité est légendaire par-delà même le mur du vent Shogo.
Il essaya de se relever ivre de colère,mais un pied massif s'écrasa sur sa tête, lui maintenant le visage dans l'eau stagnante. La femme attendit quelques minutes avant de prononcer des paroles dans la langue dure, sans beauté des sauvages et il put de nouveau respirer.
— Tu as vraiment pensé que ta petite bande de samouraïs et d'ashigarus arrêterait la Horde ? Une centaine d'hommes, une palissade de bois contre des milliers ?
Elle ria et un temps après elle les barbares l'accompagnèrent de leurs voix gutturals. Il les observa. Ils étaient tous grands, recouverts de cuir et de fourrure. Et parmi eux des femmes portant elle aussi les armes et le cuir.
— Vous m'avez vaincu aujourd'hui, mais demain nous serons plus nombreux.
Cette fois-ci il n'y a que la femme qui ria, puis elle descendit de sa monture. Ses mouvements étaient gracieux et elle semblait minuscule par rapport aux soldats qui l'entouraient. Elle vint s'agenouiller devant lui et les barbares resserrèrent leur emprise pour l’empêcher de bouger. Délicatement sa petite main à la peau pâle vint caresser sa joue.
— Shogo, la rumeur prétend que tu es un des meilleurs duellistes du clan Hi.
Elle s'était penchée, susurrant presque ces mots à son oreille.
— Si tu me bas, nous partirons. Plus jamais la Horde ne s'attaquera à ce village, mais si tu perds tu devra nourrir mes chiens.
Un duel contre une femme, elle devait plaisanter.
— Jamais, mon honneur ne le supporterait pas, dit-il lui crachant au visage.
Les barbares n'eurent pas le temps d'intervenir. D'un simple mouvement de bras il fut à terre. Il se mit à hurler de douleur, le pouce de la femme venait de lui crever l’œil. Elle osait toucher à son visage, elle osait le blesser. Shogo sentait la rage monter dans son ventre et emplir son esprit.
— Je ne me répéterai pas Shogo du clan Hi.
Elle s'était relevée, essuyant ses souillés sur la joue de Shogo. Elle prit des mains d'un barbare le Daisho du samouraï avant de le laisser tomber dans la boue juste devant lui. Encore une insulte calculé, tant pis pour elle, se dit Shogo, si elle voulait mourir, il allait s'en occuper. Puis elle parla de nouveau dans la langue des barbares. Shogo sentit les cordes se desserrer autour de ses poignets. Il était libre de ses mouvements. La douleur était insupportable, mais il se redressa, récupérant ses armes qu'il attacha à sa ceinture.
Les barbares s'étaient écartés, formant un cercle pour empêcher Shogo de fuir. Cette femme se tenait à deux mètre de lui et lui tournait le dos. Elle retirait ses lourds vêtements de cuir et de fourrure pour les donner à un homme à la forte stature, dévoilant en dessous une pale imitation d'un kimono. Un homme qui servait de domestique. Il n'arrivait pas à l'imaginer. Il tira son katana, se mettant en garde. Son honneur et celui de ses fils seraient à jamais bafoués pour avoir affronté une femme dans un duel et il devra mourir pour expier cette faute. Sa vision était troublée par la douleur, mais il ne pouvait pas perdre, pas face à une femme.
Pourtant quand il vit la posture de la femme il commença à douter. Son katana n'avait pas quitté son fourreau, sa main n'était même pas posée sur la poignée de son arme. Elle se tenait là, les jambes à peine fléchies et les yeux fermés. L'école du vent ? Non ce n'était pas possible. Il avait lui-même traqué les derniers maîtres de cette école pour les tuer. Non, il se trompait, jamais une femme ne pourrait connaître une école de combat aussi dangereuse. Elle ne savait sans doute même pas par quel coté prendre son arme.
Il s'élança vers elle, bondissant pour lui asséner un coup de taille qui devait l'égorger avec facilité, mais elle bougea et il fut surpris. Il sentit le premier coup dans les côtes là où le wakizashi l'avait touché. Puis ce fut ses genoux qui le firent souffrir et quand il s'écrasa au sol, il sut que plus jamais il ne se relèverait.
Il tourna son visage vers celle qui l'avait battu. Comment était-ce possible ? Elle se tenait au-dessus de lui, essuyant ses lames sur un morceau de tissus avant de les ranger.
— Dis moi, articula-t-il avec difficulté. Dis-moi qui tu es ?
Elle s'agenouilla par dessus lui, se mettant à califourchon sur son torse, penchant son visage vers le siens. Elle avait les yeux bleus presque gris comme le ciel de l'hiver.
— J'ai été Miyuki du clan Fu, murmura-t-elle.
— Non, ce n'est pas possible.
Shogo ne pouvait la croire. Ils étaient morts, ils les avaient tous tués. Les hommes nourrissaient les charognards et leurs femmes étaient dans les bordels de la muraille. Elle se releva, ses yeux ne quittant pas son dernier œil valide. Au loin il entendait les aboiements des chiens.
— Maintenant je suis la Kirin !
Elle avait parlé assez fort pour que tous ses soldats l'entendent et pousse des hurlements de voix sauvages en entendant son titre. La Kirin, une femme ? Comment une femme pouvait diriger la Horde ?
— Achève-moi ! supplia Shogo. Laisse moi rejoindre mes ancêtres.
— Tu as perdu le duel, tu vas nourrir mes chiens, dit-elle simplement.
Les animaux sauvages, plus proche du loup que du chien dressé, se jetèrent sur lui et il hurla longtemps. Miyuki regardait ce spectacle amusée tandis que son serviteur lui ramenait ses vêtements.
— Trouve mes hommes et mes femmes, commença-t-elle. Nous partons après demain à l'aube.
Il inclina la tête en signe de respect puis il sauta sur sa monture. Sans hâte, Miyuki rejoint la sienne, couleur des nuages amenant le tonnerre.
Ce soir elle avait tué l'un des hommes qui l'avaient tant fait souffrir. Elle pouvait profiter de cet instant où sa colère s'apaisait, où son regard se détachait du sud. Ce soir elle pouvait s'amuser avec les vaincus en compagnie de ses hommes et femmes.

Phautês:

Spoiler:

Quant au reste, j'ai déjà dit que j'aimais bien, héhé.

Très sympa ! Quelqu'un est déjà passé pour les fautes, donc je vais simplement te donner mon avis.


L'ambiance est cool, le style est fluide, on rentre facilement dans l'esprit de Shogo, et malgré la brièveté du texte, les deux personnages sont vivants et intéressants !
Je ne sais pas où tu comptes aller avec cette nouvelle, mais assurément un récit dans ce style susciterait mon intérêt.

Bonne continuation.

voila j'ai fait la correction et je l'ai posté à la place du texte original.

Merci Victor pour cette petite critique. Comme je te l'ai dis, l'idée était avant tout de tester un peu l'univers et la narration dans le but de préparer un plus grand récit se déroulant dans cet univers.

Je posterais le synopsis dès qu'il sera parfaitement établie.

Il se mit à hurler de douleur, le pouce de la femme venait de lui crever l’œil. Elle osait toucher à son visage, elle osait le blesser. Shogo sentait la rage monter dans son ventre et emplir son esprit. =>je trouve qu'on passe un peu vite de la douleur à la rage ; alors que dans cette situation, j'imagine pourtant que la souffrance l'accaparerait un peu plus (mais c'est sans doute mon côté douillet qui parle )

Sa vision était troublée par la douleur => pas que, en l'occurrence ^^ Dire ici que la blessure le handicape, quand même ? Il n'a plus la même vision, à laquelle il était habituée, etc.

Très sympa !
Le style change beaucoup de la Louve Rouge, c'est intéressant de voir dans quel autre genre tu peux t'épanouir (oui, je sais qu'il y un texte de SF de toi que je n'ai jamais lu...)
C'est effectivement fluide, et surtout l'ambiance asiatique est vraiment bien rendue. Je regrette juste l'absence de quelques éléments qui auraient pu (du ?) être mentionnés, comme appuyer davantage sur l'aspect douleur, effectivement ; ce n'est pas anodin, même si je me doute ce qu'en tant que guerrier, il en a vu d'autres ^^ Et comme je le mentionnais aussi, le handicape pour le combat du fait qu'il aura un énorme angle mort, ce qui n'a pas l'air de le déranger, même s'il ne considère pas son adversaire digne, peut-être pour plus tard ? (non, remarque, il va se tuer ^^)
Sinon, je trouve "étonnant" que ça le surprenne, quelque part, que LA Kirin soit une femme. Ok, normal qu'il ne le soupçonne pas, mais il ne s'est jamais demandé pourquoi un chef prendrait un côté féminin, justement ? Ça ne serait pas déshonorant ? Ou alors c'est normal, ce sont des barbares, après tout

Ah, j'oubliais : très bon titre

Sinon, j'avoue être intéressée et curieuse de savoir ce que tu comptes faire de cet univers

Oh une critique de Morrigan, cela fait plaisir.

Bon plus sérieusement, oui c'est vrai que cela va souvent un peu vite, je m'en suis rendu compte, il faut que je reprenne l'habitude de faire de plus grosse description, surtout écrite avec ce genre de narration.

Pour la Kirin c'est en effet un peu étrange, de toute façon, je ne pense pas garder ce terme, il ne va plus tellement avec la trame que j'essaie d'écrire et que je posterais une fois qu'elle sera acceptable.

J'ai adoré, ton style est fluide et vivant. Et j'aime bien quand les phrases sont un peu "rocailleuses" et "brutes" comme ça. On comprend très bien les sentiments de Shogo et de Miyuki. C'est facile à lire.

Bref, j'ai bien aimé ^^

Je passe à retardement, mais j'essaye de lire quelques post de ci de là pour me tenir au courant.
Je ne sais pas si c'est la version corrigée, mais il y a une faute qui m'a gêné l’œil : la conjugaison du verbe rire au passé simple. Il/elle rit, pareil qu'au présent, comme pour lire et dire il me semble.

Citation :

Elle ria et un temps après elle les barbares l'accompagnèrent de leurs voix gutturals

Elle rit et un temps après elle les barbares l'accompagnèrent de leurs voix gutturales

Citation :

Encore une insulte calculé

Calculée

Citation :

Sans hâte, Miyuki rejoint la sienne

rejoignit

Sinon, comme les autres, je suis curieuse de voir comment tu vas développer ton univers. C'est bien décrit, même si mes lacunes en culture asiatique m'ont sûrement fait louper des choses.
Même remarque que précédemment : un œil crevé c'est une blessure cruelle et handicapante, j'aurais sûrement insister un peu plus dessus...
J'ai trouvé ta façon de passer du point de vue de Shogo à celui de la Kirin très habile, et les deux personnages sont vraiment bien caractérisés, et de façon indirecte en plus! Chapeau sur ce coup là, moi j'en suis pas encore là^^
Je suis aussi assez admirative de ta façon de décrire la courte scène de combat. C'est précis, rapide et facile à se représenter.
Je vais de ce pas lire la suite!