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| | Les vilipendes du sendris [roman] | |
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Sunpatty J'adore ce forum!
Nombre de messages : 233 Localisation : Quelque part entre le néant et le pays des songes Loisirs : Ecrire, lire, dessiner mais surtout et toujours ecrire Date d'inscription : 22/02/2015
| Sujet: Les vilipendes du sendris [roman] Lun 23 Fév 2015 - 13:52 | |
| Je pense que ce sera la dernière modification de mon texte ici. J'hésite encore entre tout supprimer et reposter morceaux par morceaux ce qui raccourcirait les textes mais en mettrait plusieurs, sachant qu'un chapitre pourrait être morcelé en plus de trois morceaux. plus de chapitre mais le nom des protagonistes.les premiers posts seront conservés tel quels et au lieu d'étoiles de séparation je remettrais le protagoniste et l'endroit où il se trouve. Si vous préférez que je supprime tout et que je morcelle laissez-moi un message.Si j’avais su ce qui arriverait au monde, je me serais abstenu de désobéir, n’écoutant rien, ni personne, j’ai commis l’irréparable, qui nous a valu d’être bannis, ma famille et moi. Je m’appelle Jon Valendis, ceci est mon histoire. Mon crime ? Être allé sur les terres sacrées des plaines interdites. Ces plaines habitées par des esprits bénéfiques les « Lumens »étaient gardées, car elles abritaient aussi des esprits maléfiques, dont j’ignorais l’existence jusqu’à aujourd’hui. Ma curiosité me les a fait découvrir, me valant d’être maudit durant de longues années. Souvenez-vous de moi, Jon Valendis « Le Maudit » Ceci s'est déjà passé mais les souvenirs sont toujours aussi vivaces. Vivez mon histoire comme je l'ai vécue, comme si vous y étiez. - Spoiler:
Jon: Taris
C’était une journée magnifique, une de celles qu’on aimerait ne jamais voir se terminer, appelant à la sérénité et à cette envie de lézarder. Il faisait merveilleusement beau. Le village semblait sortir d’une léthargie, après ces deux journées maussades et froides, qui nous obligeaient à rester bien au chaud chez soi, retardant par là même les travaux des champs. Une journée enfin que j’ai gâchée et qui a changée mon destin.
« Jon ! Jon ! Reviens ici, chenapan ! Je t’avais interdit d’aller jouer avant d’avoir fait tes corvées ! »
J’avais quatorze ans à l’époque, l’âge où nous bravons les interdits, parfois au péril de notre vie. Je m’appelle Jon, Jon Valendis. Fils unique d’un couple de fermiers, je n’en fis qu’à ma tête. Je rêvais comme tant de jeunes aspirant à prendre leur envol, de voyager, courir le monde, quitter Taris mon village et visiter les autres royaumes. Je n’étais pas attiré par les travaux de la ferme que je trouvais ennuyeux, difficiles et exténuants. Je me disais que ce n’était pas ma place, que je n’aurais pas dû naître fermier. Pendant que ma mère s’égosillait, je restais perché dans mon arbre, riant sous cape. Tranquillement allongé sur une grosse branche, j’attendais qu’elle se calme. Je n’avais pas encore nettoyé les écuries et espérais ainsi que mes parents s’en chargeraient. Je sais, je n’étais qu’un garnement et je n’aurais pas démérité ma punition en rentrant au bercail.
Ma mère était un petit bout de femme adorable, aimée de tout le monde. Elle ne refusait jamais de donner un coup de main, y compris pour des naissances difficiles. Elle n’avait pas non plus la langue dans sa poche, ne mâchait pas ses mots et savait m’administrer une bonne bastonnade lorsque je lui manquais de respects. J’étais son fils unique et elle m’avait trop choyé, trop gâté, un véritable enfant roi, pénible certes, mais elle m’aimait.
Mon père, plus discret, partiellement handicapé à la suite d’un accident de labours, passait son temps à lire. Notre jument, effrayée par un bruit sourd, avait si brutalement fait demi-tour qu’il fut soulevé de terre. Projeté sur le coté, il avait vu avec horreur, le soc lui endommager sérieusement le bras gauche, condamnant sa main qui désormais restait inerte. Depuis, il était contraint d’embaucher des gens de ferme, moi, en prime, pour nettoyer les écuries. Il ne pouvait pas toujours payer la main d’œuvre, des voisins plus pauvres que nous la plupart du temps, mais leur fournissait des légumes. La seule chose qu’il pouvait encore faire était de semer pendant que je labourais, lorsque je voulais bien m’y mettre. Mais comme je n’étais qu’un incorrigible adolescent paresseux, fuyant les tâches qui m’étaient imposées, c’était un jeune voisin, du nom de Keluan, qui me remplaçait. Je ne me souviens plus le nombre de fois où je l’ai vu boire une tasse de chocolat chaud, pour tous ses efforts alors que j’en étais privé et était obligé de le servir, avant de devoir rester cantonné à ma chambre. Oh, je les aimais bien mes parents, mais, insouciant, inconscient aussi peut-être, je leur menais la vie dure, ce dont je ne suis pas fier aujourd’hui.
Du haut de mon arbre, tel un guetteur attendant le moment propice pour sortir de sa cachette, je surveillai. Aussitôt que ma mère, vaincue, eut disparue dans la maison, je descendis de mon perchoir et me ruai hors du village, passant devant les gardes en leur tirant la langue. Je me dirigeai vers les plaines interdites me demandant ce que je pourrais bien faire comme bêtise. Je gravis le sentier abrupt, me retournant de temps en temps pour admirer mon village comme si je le quittais pour de bon. Je ne fus pas loin de la vérité, hélas… Au sommet, je fis une pause et m’attardai sur la contemplation de celui-ci.
Taris était un petit village situé en haut d’une colline, cerné par une grande forêt de cyprès et de hêtres. Son église, sise sur un talus, le surplombait. Son clocher dépassant d’une bonne tête la cime des arbres, permettait de le repérer de loin. Je n’y mis jamais les pieds, faisant la désolation de mes parents. Pour moi, ces croyances n’étaient que le fruit d’imaginations débridées et une invention purement humaine. Pourquoi croire à des êtres surnaturels alors que jamais personne n’en avait croisé, sauf peut-être, le garde de la plaine sacrée ?
De mon point d’observation, je vis la rivière chantante qui serpentait au travers du village, le scindant en deux. Au bout de sa course, elle se transformait en cascade et se noyait dans le fleuve, plus calme. Il la conduisait lentement, mais inexorablement, vers l’océan, au Sud. Vers le Nord la route de pavés sinuait entre les champs. Plus on s’éloignait de Taris, plus les villes se développaient, commerçant avec Tendris, la capitale, ville où siégeait le roi. J’aimais bien cette situation dominante qui nous donnait l’impression d’englober le monde en un regard. En grimpant dans un arbre, on pouvait apercevoir les tours aux toits rouges, et le donjon recouvert d’ardoises bleutées. Là bas vivait le prince qui m’avait un peu volé mon père, lorsqu’il était garde à la forteresse. Je reportai à nouveau mon attention sur le village qui m’avait vu grandir et me mis à rire en apercevant ma mère qui me cherchait le long de la rive, cette fois-ci. Au loin, d’autres jeunes de mon âge labouraient, récoltaient, fourrageaient. L’été touchant à sa fin, les champs alentours grouillant de fourmis, étaient bien plus vivants lors de ces derniers travaux. Ensuite ce serait la fête des vendanges pour les adultes et deux semaines plus tard, « Les Grimailleries », festivités uniques en leur genre, qui n’avaient lieu que dans le Sendris. Les filles, pomponnées pour l’occasion, se promenaient avec des seaux emplis d’eau et arrosaient l’élu de leur cœur, espérant l’épouser, tout ça sous des airs de musiques folkloriques. Le prétendant poursuivait alors la fautive pour l’attraper et, s’il y parvenait, les épousailles avaient lieu dans l’année ou à la majorité du garçon. Il arrivait parfois que le jeune homme ne puisse répondre aux avances pour une raison quelconque. Celui-ci, au lieu de la courser, devait alors lui offrir une fleur sauvage en s’excusant et devait l’inviter pour la première danse, une danse d’adieu le plus souvent. Les temps devenus très difficiles depuis la chute du roi Firmin, certaines familles quittaient la région ou envoyaient les garçons en ville chercher du travail chez un lointain parent. J’avais l’âge de participer à ces réjouissances mais n’y tins guère, trop de demoiselles voudraient m’épouser. J’avais beau n’avoir que quatorze ans mais même à mon âge, il aurait fallu être aveugle pour ne pas remarquer les regards concupiscents qu’elles me jetaient. C’était le cadet de mes soucis. Il y avait Jolianne, la fille du boulanger, petite rouquine parsemée de taches de son ; Alisandre, la fille du charcutier, brunette, aux grands yeux bleus ; Candice, blondinette timide, la fille du tailleur, toutes plus charmantes les unes que les autres. Je préférais trainer, flâner, m’amuser aussi longtemps que je le pourrais, avant de fonder une famille, ce qui pour moi signifierait travailler, travailler et encore travailler. Je sais, je l’ai déjà dit mais à l’époque je n’étais qu’un paresseux et un voyou. - Spoiler:
Jon: les plaines interdites Tournant le dos à mon village en sifflotant, je repris la route vers la parcelle interdite des plaines, les fameuses terres sacrées, avec cette sensation étrange que plus rien ne serait comme avant. Elles étaient sous la surveillance d’un gardien pas très commode, Valtán. C’était un homme assez costaud et pataud, plutôt petit, à qui les enfants avaient donné non sans raison, le gentil sobriquet de « nain », aussi râleur et belliqueux que ceux narrés par les troubadours. Il ne les aimait guère, de véritables chenapans selon lui, passant leur temps à hurler, sauter, courir partout et détériorant tout ce qu’ils touchaient. Si d’aventure, il en surprenait un dans la plaine, il le gardait jusqu’au soir avant de le ramener chez ses parents, aussitôt le soleil couché. Tout le monde le connaissait au village. Certains l’aimaient, d’autres moins. Il était capable de donner le nom de chacune des familles de Taris, ainsi que les prénoms de leurs membres. J’étais un des rares, peut-être même l’unique, qu’il semblait apprécier et avec qui il aimait discuter. Bien que sceptique, je pouvais, rester des heures à l’écouter parler de ses nombreux voyages et de certaines légendes. Comme j’étais blond aux yeux bleus, que j’avais une allure princière, malgré mon ascendance, il me disait que j’étais le descendant lointain d’un Dieu et qu’un jour je vivrai une grande aventure avec lui, parce qu’il avait la mission de veiller sur moi. Je n’y crus guère tout comme je ne croyais pas en l’existence des « Lumens ». Ce jour là, j’eus de la chance, Valtán dormait. Je l’entendais ronfler dans sa petite tour en bois dont la porte était restée ouverte, un peu étonné tout de même car jamais je ne l’avais vu assoupi à son poste. Ce n’était qu’un détail insignifiant pour un jeune de mon âge, aussi ne me formalisai-je pas dessus. L’endroit étant sans surveillance, c’était tout ce qui m’importait. Je passai donc près de son abri, sans faire de bruit et me ruai en courant sur les plaines interdites, direction la parcelle défendue. On racontait que sur ces terres sacrées, vivaient, dans de charmantes maisons champignon, des petits êtres lumineux, les « Lumens ». Curieux, me baissant le plus possible, à quatre pattes devrais-je dire pour ne pas me faire repérer, j’inspectais les lieux, écartant l’herbe. Après quelques recherches hasardeuses, les genoux endoloris et les chausses couvertes de terre, je trouvai assez rapidement un alignement de pousses à chapeau rassemblées en lignes, en cercles, séparées par des allées de gravier. Un village miniature, en sorte, qui ravirait nombre de petites filles jouant encore à la poupée. Je m’étendis sur l’herbe en les observant, espérant voir surgir un de ces êtres féeriques, la main posée sur un petit bocal, que j’avais pris soin d’emporter. Je fus émerveillé devant ces bicoques aux fenêtres miniatures, m’aventurant à les effleurer et ainsi vérifier si leur aspect était réellement velouté ou simplement imité. Leur toucher doux et soyeux, leur odeur, commune à celle des sous-bois, me surprirent, titillant mes narines. Cela ne fit aucun doute, ils n’étaient pas factices. Appuyé sur les coudes, le menton entre mes mains, j’attendais sans bouger. Je retins mon souffle et me préparait à en attraper un pour l’enfermer. Il irait dans une lampe dès mon retour à la maison. Mais rien. Encore une stupide invention d’adultes, Valtán n’est qu’un menteur, avais-je pensé. Je faillis renoncer lorsqu’un appel attira mon attention. Hésitant, je crus au premier abord que cela venait du village champignon ou même du gardien, dont la voix me serait portée par la bise, mais non, cela semblait venir d’ailleurs, du côté de la montagne. C’est sans doute encore mon esprit inventif. Je ne vais pas devenir fou comme ces adultes croyant en des futilités. Je vais aller me faire caresser le visage par le vent. Les plaines sacrées étaient bordées de falaises, communément appelées montagnes chez nous, celles-ci se trouvant à des kilomètres du Sendris. De leur sommet on avait une vue magnifique sur l’océan Terranon à l’ouest et par beau temps on y discernait lointaines, les îles du printemps. En tournant la tête vers le Nord et en suivant la plage aussi loin que portait le regard, nous apercevons qu’elle continue en formant ensuite un arc de cercle vers l’ouest, enfermant l’océan dans une immense demi-lune et de l’autre côté, se trouvait Témériade, le pays des elfes. Pour l’atteindre à pied, à cheval ou en chariot, il fallait traverser un immense désert, des marécages, Sinkala la contrée des sacrifieurs et bien d’autres endroits, tout aussi mystérieux. Des pays que je n’avais jamais visités et que je traverserais un jour... Je n’entendis plus rien, aucune voix. Ce n’était que mon imagination. Pensais-je alors. Je me dirigeais tout de même vers ces parois à pic, obliquais vers la droite afin de quitter les terres sacrées et empruntais la sente qui conduisait sur les hauteurs afin d'admirer le panorama qui s’ouvrirait sous mes yeux ébahis. Si ma mère le savait, elle hurlerait de peur.
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Jon: Les terres sacrées Alors que j’allais entreprendre l’escalade, les appels reprirent. Je fis une pause et examinait les alentours. Au bord du chemin, à la lisière des terres sacrées, mon regard fut attiré par une chose incongrue. Un rocher gisait contre la paroi à pic à moitié enterré, si bien enfoui qu’il en était à peine visible comme fondu dans le décor pierreux. Il avait quelque chose de bizarre, une sorte de magnétisme qui m’attirait. Les lichens et la mousse, le grignotaient par endroit, cherchant à dissimuler les contours d’une plaque sur laquelle, en m'approchant un peu, je pus discerner des signes en grande partie illisibles. Une plaque ? Non, plutôt une petite porte grisâtre, pas encore totalement effacée par la plante parasite mais suffisamment reconnaissable. « Jon, Jon, ouvre-nous. Nous sommes les « Lumens ». Valtán nous a enfermés, pour ne nous garder que pour lui ». J’hésitai. Je regardai autour de moi et fut rassuré, rien, personne en vue. A plat ventre, je sortis mon couteau et commençais à gratter afin de dégager l’huis. Le lichen résistait. Mon couteau ripa en m’entaillant légèrement le doigt, qu’importe. Je m’obstinai, grattant et tirant de toutes mes forces, mais rien. La petite porte n’avait pas bougé d’un poil. Je décidai alors de faire levier avec mon couteau et appuyai fortement dessus. Elle résistait comme si une force la retenait de l’intérieur pour l’empêcher de s’ouvrir. A force d’acharnements, mon couteau se brisa à la pointe. Je continuai néanmoins et miracle la porte finit par céder. Elle s’ouvrit en grinçant, rejetant un peu de terre et là ce fut l’horreur. Des formes sombres de différents aspects s’échappèrent de l’ouverture ainsi offerte, poussant des cris suraigus. Mi honteux, mi effrayé, je me relevai, titubant, me bouchant les oreilles. Tétanisé, je les vis détruire le minuscule village, sans que je puisse intervenir et de petits êtres de lumière s’enfuirent. Dire que c’était à ce moment là que j’aurais pu en attraper un, avais-je pensé sur le coup, mais j’étais devenu incapable de bouger. Désemparé, je ne savais plus si je devais hurler mon désespoir ou m’enfuir, loin, très loin de cette monstruosité. Les ombres tournoyaient au-dessus de moi, en spirales, telles des chauves-souris. J’eus beau vouloir les chasser, elles paraissaient de plus en plus nombreuses et la spirale montait, montait... L’une d’elle se posa devant moi, prit une apparence humaine et me toucha le nez, comme le ferait une mère pour taquiner son enfant. Je frémis de tout mon être, soudainement envahi par une ondée froide. « Merci, Jon Valendis. Le monde entier saura que c’est vous qui nous avez libérés. » Me dit elle. Puis comme si elle répondait à un signal, elle rejoignit ses semblables et ensemble, elles se dirigèrent droit vers la sortie, ravageant tout sur leur passage. Les cris aigus s’éloignaient, petit à petit. J’observais le désolant spectacle. Adieu maisons champignons, arbres aux feuilles d’or, tour du gardien...Valtán ? Et s’il lui était arrivé quelque chose ? Je me laissai tomber à genoux, la tête entre les mains, catastrophé, tétanisé, incapable de faire autre chose. Je devrais aller m’enquérir de la santé du gardien, mais j’avais peur de ces ombres noires. Je me sentais impuissant devant l’ampleur des dégâts. Il fallait le reconnaître, mais je craignais aussi sa colère. Qu’ai-je fais, oh bonté divine mais qu’ai-je donc fais ? Pensais-je Et puis ce fut le silence...Plus de cris stridents, de hurlements, plus aucun bruits même pas un chant d’oiseaux. Comme si tout s’était arrêté, un silence de morts, dans ce lieu sacré.
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Jon: Les terres sacrées Désemparé et déboussolé, je tentai vainement de refermer cette porte maudite, de la dissimuler derrière des feuilles, des branchages, pour cacher ma faute. Je savais que c’était insensé, que cela ne rimerait à rien, mais j’avais trop peur des représailles du gardien. Je regardai dépité le village réduit en miettes, redressai un champignon par ci, dégageai une petite allée par là. Je me sentais étranger à tout ça comme si je venais d’arriver... Je réprimais un frisson, j’avais peur...De quoi, de qui au juste ? Je ne sais... Peur de ce silence soudain, de ces horribles choses noires ? Pourquoi faut-il toujours que je sois curieux ? Maugréais-je. Que faire maintenant ? Attendre que ça se calme ? M’enfuir, loin de cette plaine saccagée, afin de mettre le plus de kilomètres possible entre ce lieu de rêve, transformé en ilot de cauchemars, et moi...? Je n’eus pas à me poser cette question bien longtemps. Valtán me tira l’oreille et me traina hors des terres sacrées. Je me débattis sans succès. Il me faisait un mal de chien. Il n’eut pas besoin de parler pour que je comprenne qu’il était furieux. Je venais peut-être de perdre l’admiration qu’il me vouait… Sans un mot, il me conduisit jusqu’au bord de la colline. De la fumée s’élevait de Taris, mais aussi de Lunark et de Menalia, plus à l’est. Les ombres remontaient vers le Nord détruisant tout ce qui se trouvait sur leur chemin. Le Sendris était la proie des flammes. Les ombres noires, menaçantes, semblaient le dévorer entièrement, recrachant dans leur sillage des restes encore fumants, de carcasses désossées des maisons. Aussi loin que portât mon regard, il n’y avait que cendres et désolation. C'était une vision cauchemardesque. Oui ça devait être ça, un cauchemar un mauvais rêve dont j'allais bientôt émerger. Quelques secondes seulement s'étaient écoulées entre l'ouverture de la porte et la dévastation, j'en étais persuadé. « Regarde, regarde ce que tu as fait, tu as déclenché le chaos ! Tout ça est de ta faute Jon.» Ce n'est pas possible, ça n'a pas pu arriver aussi vite, en si peu de temps. Pensais-je. Valtán me détrompa aussitôt, m'expliquant qu'il avait perdu du temps à me chercher, une demi-heure, une heure, deux? Je ne prêtai pas attention à ce qu'il disait en fait. Il me tiraillait l'oreille et je n'avais qu'une envie, qu'il me laisse partir « Aie ! Lâches-moi, Valtán!» Ce qu’il fit, et, sans demander mon reste, je pris aussitôt la poudre d’escampette. « Jon ! Attends ! » Je ne l’écoutais déjà plus et, le laissant planté là, je courus. Je devais fuir, vite toujours plus vite. La première chose qui me vint à l’esprit fut le sort de mes parents. Pa’ man’, j’arrive ! Oh pourvu qu’il ne soit pas trop tard. Je m’enfuyais à perdre haleine, loin de la plaine, de Valtán, de cette porte maudite. Il me courut après, hurlant mon nom. « Jon, tu as beau courir, il va falloir que je te retrouve, il faut que tu saches ce que tu vas vivre ! » - Spoiler:
Jon: Taris Valtán s’égosilla. Je ne l’entendis plus ou plutôt feignis ne plus l’entendre. J’accélérai me fixant comme but d’arriver rapidement à Taris. Je jetais un regard derrière moi en continuant de courir. Dans ma course effrénée, je butai contre un caillou et dégringolai, jusqu’au bas du monticule. Je me relevai tourneboulé et repris ma course, sans me retourner cette fois-ci. Vite ! Vite ! me dis-je. En vue des murailles, j’accélérai encore mon allure, franchissant les portes à bout de souffle. Dans ma précipitation, je prêtais à peine attention, aux arbres tombés et carbonisés sur le chemin du retour, seuls m’importaient mes parents. Je voulais savoir s’ils allaient bien. Une fois de l’autre côté des murs, la réalité me frappa au visage. Des gens hurlaient de désespoir, criaient en découvrant certains corps calcinés. Une mère assise près de sa demeure, tenait serrée contre elle, une forme indécise. Je compris plus tard que c’était le corps sans vie de son enfant. Comme si j’émergeais d’un long sommeil, je réalisai enfin l’ampleur de la catastrophe, je chancelai. Levant la tête, j'aperçus de l'autre côté de la rivière, de la fumée provenant de notre logis Mes parents. Je repris alors ma course effrénée et traversai la rivière, les cherchant des yeux. Je fus arrêté net dans mon élan lorsque j'aperçus devant chez eux les « kal’urs », occupés à vider leur maison. Les « kal’urs » étaient la police locale. Un petit groupe siégeait dans une des maisons proches des murailles. Cette unité, à la différence des sentinelles, faisait respecter le décret royal. Toute désobéissance au roi était punie, selon certains critères dont la profanation des terres sacrées. Je ne réalisai pas immédiatement ce qu’ils pouvaient leur reprocher, Père et Mère étant des honnêtes gens. Ils jetaient hors de la maison le peu que nous avions. Mes parents préféraient ne pas s’encombrer inutilement de choses futiles afin de rester au même niveau que les fermiers des environs, mon père, principalement, sans que je ne sache pourquoi... Je ne pus supporter les voir ainsi traités, aussi me ruais-je sur le plus proche, cherchant à l’étrangler. Justice ou pas, on ne malmène pas mes parents. Un coup de matraque bien ajusté sur la tempe me fit lâcher prise et je m’écroulai légèrement sonné. Sans me laisser le temps de recouvrer mes esprits, l’un d’eux me releva, par le col. Je me débattis cherchant à leur donner des coups de pieds. L’homme devant moi me frappa si violemment à l’estomac que je me pliais en deux, posant la main sur mon ventre. J’entendis ma mère gémir. « Il suffit ! »
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Jon: Taris Le nouvel arrivant était un garde venant du château. Il était accompagné de deux hommes qui venaient prendre la relève. Le « kal’urs » qui me tenait toujours me laissa choir. Je tombai à genoux. Ravalant ma fierté, je regardais ces sinistres individus accomplirent leur sale besogne en serrant les poings et me mordillant la lèvre. Je ne les supportais pas. Pire que tout, ils faisaient pleurer ma mère. L’homme qui venait d’intervenir, fit signe à ses accompagnateurs de mettre pieds à terre. Un garde — il y en avait toujours deux siégeant avec la milice pour rédiger les rapports, qu'ils remettaient à leur capitaine, chaque fois qu’il venait les relever de leurs fonctions, une fois par semaine. — lui tendit un papier avant de se mettre en retrait. Le capitaine me regarda droit dans les yeux après avoir parcouru la note et s’éclaircit la voix : « Jon Valendis, n’aggravez pas votre cas. » Il avait une intonation de voix gênée. Il tourna la tête vers ma mère avant de reprendre : « Vos parents et vous-même êtes bannis de Taris pour avoir profané les terres sacrées et libéré les « Glors ». Vous savez que le roi envoie en exil, ceux qui défient son autorité et dans ces cas là, c’est sa milice particulière qui la fait respecter. Je ne fais qu’obéir aux ordres.» il se tourna vers mon père : « J’aurais dû faire comme vous, quitter le château, mais je n’en ai pas eu le courage. Travailler à la forteresse est toute ma vie et j’ai juré de la protéger, quel qu’en soit le roi. Josh, vous savez que si j’avais eu le choix, j’aurais agi autrement et il a fallu que cela arrive alors que j’amenais la relève. C’est donc moi qui devrais faire le rapport... » Mon père baissa la tête, il savait que quiconque désobéissait au roi Kal, au sein de ses hommes, était condamné par décapitation pour trahison. Il n’ignorait pas non plus que certains survivants des gardes de la forteresse avaient préférés prêter allégeance au nouveau souverain, plutôt que perdre la vie. Lui avait eu de la chance, la reine l’avait choisi pour sa garde Régine, une promesse qu’elle avait faite à la souveraine défunte. Plus tard, il reçut la permission de partir, pour des raisons que j’ignore. Tout était dit. J’eus beau protester qu’ils n’y étaient pour rien, que je devais être considéré comme le seul et unique responsable, rien n’y fit. Nous étions chassés de nos terres, ces terres offertes par la reine, pour services rendus, ces terres durement travaillées pour devenir prolifiques. Pris de remords, j’aidais mes géniteurs à charger la carriole et atteler notre cheval. Je les regardais tour à tour. Ils gardaient la tête baissée, n’osant même pas la lever sur moi, par honte ou pour ne pas que je vois leurs larmes ? Les sentinelles, chargées de la sécurité des habitants, œuvrèrent à les aider, éteignant les incendies et rassemblant leurs affaires éparses. Tous évitaient de croiser mon regard, tournant délibérément le dos à ma famille. Je n’étais pas fier de moi. Un sentiment de honte me submergea. J’eus la désagréable impression de m’enliser. Sous leurs airs désemparés, je me sentis terriblement seul. Ils m’appréciaient avant car je leur rendais de menus services de temps en temps pour quelques pièces. Qu'en était-il maintenant? Une chape de plomb tomba sur mes épaules, m’engourdissant. Les « Kal’urs », un sourire mesquin empli de sous-entendus, me regardaient bien à l’abri sous leur long capuchon qui masquaient leur regard. Notre voisin, un ancien ami de mes parents, feignit ne pas les voir avant de cracher son dédain à mes pieds. Un autre m’écrasa les doigts alors que je me baissais pour ramasser la broche de garde de mon père, seul objet de valeur en sa possession, en souvenir du roi Firmin. La pointe de l’aiguille se planta dans ma main. Je l’ôtai avec délicatesse et une petite goutte de sang afflua à la surface. Après cela, personne ne fit attention à moi, ni ne vint voir si je n’avais rien. Je ravalai fièrement mes larmes. J’eus soudainement l’impression de ne plus exister, d’être devenu invisible. Comme j’aurais aimé l’être ce jour là ou minuscule...J’ignorais alors qu’il m’arriverait bien pire dans quelques années. Je sentis mon cœur se serrer lorsque je croisai le regard perdu de mon père qu’il daigna enfin poser sur moi tout en examinant ma main. Ce regard empli d’une tristesse difficile à expliquer, contribua à m’achever. Comment les « Kal’urs » avaient-ils su, qui les avait prévenus ? Cela ne pouvait être Valtán, puisqu’il était avec moi. Comme pour me donner la réponse, une ombre passa au-dessus de nous en murmurant : « Jon Valendis, Jon Valendis » chuchota-t-elle
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Jon: Taris, le départ Je me retournai sur le reste du bourg. Ce que je vis alors ne me rendit pas fier de moi. Un petit vieux, assis sur la marche de sa maison dont l’incendie venait d’être maitrisé, pleurait. En un instant, il avait tout perdu par ma faute, son chien, sa maison, ses souvenirs. Je n’eus pas le courage de le réconforter, l’aurait-il voulu d’ailleurs ? Pourquoi avait-il fallu que je désobéisse une énième fois à mes parents ? Quatorze ans et déjà responsable d’un grand chaos. Plus loin, l’église qui faisait la fierté du village continuait de brûler. Tous les villageois se ruaient pour l’éteindre, enjambant les corps disséminés un peu partout, écrasés par des blocs de pierre, carbonisés, déchiquetés. Comme si ce lieu de culte était ce qu’il leur restait. Les démons n’avaient fait que passer sinon il était certain qu’ils auraient supprimés tout le monde. Je voulus serrer ma mère dans mes bras, lui demander pardon, mais nous étions pressés par les « Kal’urs » qui nous bousculaient avec leur pique. Je les fusillai du regard, ne baissant pas les yeux, malgré leurs injonctions de le faire. Je les défiai. Jamais je ne flancherai devant ces monstres. Ce jour là je les ai haïs. Je ne les aimais déjà pas mais ils avaient franchi le seuil de ma mésestime à leur encontre. J’aidai mes parents à grimper dans la carriole avant de m’y hisser. J’observai une dernière fois mon village, désormais meurtri pour l’éternité. Je m’emparai des rênes et m’engageai alors sur les chemins.
Pour les commentaires [url= ]En voiture[/i] [/i][/i]
Dernière édition par Sunpatty le Dim 12 Juil 2015 - 18:35, édité 29 fois | |
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| Sujet: Les vilipendes du sendris [roman] Darian et Penn Mar 3 Mar 2015 - 21:22 | |
| Ce passage n'est pas raconté par Jon valendis mais par une personne extérieure à l'intrigue qui met le point sur certains détails et qui raconte ce qu'il se passe ailleurs pendant le périple de Jon. - Spoiler:
Darian et Penn: Plateau des saules Le prince Darian, fils du roi régnant, chevauchait gaiement, cheveux au vent. Le front ceint d’une tiare ciselé, il rayonnait. Il n’était heureux que lorsqu’il galopait car, dans ces moments là, il était libre, réellement libre... A ses côtés se tenait Penn, son écuyer, ou plutôt anciennement celui de son cousin Talmir, qu’il avait sauvé de la pendaison lorsque son père donna l'ordre d'exécuter tous les serviteurs de l’ancien roi. « Profitons de cette journée splendide pour pousser nos montures jusqu’aux hauteurs dominant Taris. Nous aurons une vue magnifique sur les plaines interdites. C'est aujourd'hui que va se jouer le bouleversement du monde. Aller Penn, fais accélérer ta rosse, montre moi ce qu’elle vaut à la course...» Depuis qu’il servait Darian, le jeune homme parlait peu, il aurait tant préféré rester avec son ancien maître. Loyal, il vivait mal l’idée de servir quelqu’un d’autre. Il venait de Celise, capitale de l’ile des pluies et n’aspirait qu’à réaliser son rêve : devenir une âme lige. Il avait tout d’abord été le page du roi Firmin avant de devenir l’écuyer de Talmir, son fils aîné.
Tout avait basculé quatre années plus tôt, lorsque le roi fut assassiné par son frère cadet, Kal. Bien qu'il appréciât beaucoup Darian, l'héritier du régicide, il ressentait un grand vide sans Talmir. Quel dommage que mon maître ne soit pas avec nous. Comment pourrait-il oublier qu’avant ils étaient inséparables? Tous trois aimaient chasser ensemble et camper dans la forêt.
Penn caressa son cheval, un bel étalon noir. Darian l’appelait rosse pour le taquiner un peu et tenter de lui rendre la joie de vivre qu’il avait perdu depuis de longues années. Le jeune prince se tournant vers lui, il s’efforça alors de sourire. Sa chevelure noire de jais, aux épis rebelles sur le sommet du crâne, contrastait avec celle du jeune dauphin, dont la blondeur n’avait rien à envier aux champs de blés dorés par le soleil. Il sursauta lorsque celui-ci reprit la parole :
« Je sais que tu n’aimes pas savoir ton véritable maître dans les geôles de la forteresse, où, en tant qu’ancien prétendant au trône, il ne devrait pas être. Cesse de ne voir en moi que le fils de l’usurpateur veux-tu ? Aurais-tu oublié notre complicité avant que mon père ne vienne tout gâcher ? Tu as toute ma confiance. Jamais tu ne me trahiras ni ne chercheras à me nuire, je n’en doute pas. Je n’accorde pas autant de créance à mon père ni à ces hommes qu’il a recruté dans les bas fonds pour lui servir de gardien particulier.Je souhaiterais qu’il en soit de même pour toi. Ces quatre années ont été pénibles pour nous deux. Devenir le geôlier de celui que tu servais est une épreuve difficile certes, j’en suis conscient, mais sans cela il serait sans doute déjà mort. » Quelle différence cela fait-il, puisqu’il n’est pas libre ? Songea le jeune écuyer.
Il lui arrivait de douter de la bonne foi du prince, mais en même temps il était le seul à qui il pouvait se confier sans crainte. Tout en marchant au pas près de Darian, il écoutait, ne l’interrompant pas par politesse. Il ne prêtait même pas attention au paysage qu’ils traversaient. Ce chemin tortueux, qui les menait sur un plateau surplombant les villages, passait à travers champs et raccourcissait le trajet d’une bonne heure. Cela évitait d’emprunter la route, parfois encombrée à cette heure matinale. Docilement, il suivait son maître sans trop savoir pourquoi, ni ce qu’il avait d’important à lui confier.
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Darian et Penn: Plateau des saules. Le prince continuait son bavardage, rappelant les bons moments qu’ils passaient avec son cousin, sans oublier de mentionner de temps en temps, le nom de sa cousine Gillie, mystérieusement disparue en mer. Arrivé sur le plateau, Darian stoppa sa monture. « Quatre ans déjà. Quatre longues années pendant lesquelles je n’ai rien fait. Jamais je ne suis allé le voir. Tu n’ignores pas que je suis pieds et poings liés, et sous surveillance lorsque mon cher père est présent. Il ne m’accorde aucun répit et m’oblige parfois à assister à des réunions de conseil longues et ennuyeuses. C’est en te voyant de plus en plus morose et taciturne ces derniers jours que j’ai pris une décision lourde de conséquences. Ce soir, tu le feras s’enfuir.» Penn leva la tête et le dévisagea comme s’il avait mal compris. Faire sortir le fils de Firmin de ce trou à rats était son envie depuis toutes ces années. Qu’est-ce qui avait décidé Darian ? La voix tremblotante il répondit néanmoins : « Prince...On risquerait de me soupçonner... les autres gardiens me dénonceraient... — Rassures-toi, j’ai un plan. Je prendrais sur moi. Suis-je ton prince oui ou non ? » Non, avait-il envie de lui répondre, mais ce ne serait qu’ingratitude. Pourtant... Si Talmir le véritable héritier et lui-même étaient en vie, c’était grâce à l’intervention de Darian et de sa mère. Il balbutia :« Oui, bien sur... Vous avez toujours été généreux. Vous nous avez sauvés, mon maitre et moi. — Tu as le droit de m’en vouloir. Je n’ai pas su le protéger efficacement. Il me manque aussi...» Darian avait baissé la voix. Oui, son cousin lui manquait ainsi que son oncle: « Depuis qu’il est au pouvoir, mon père me fait peur. Il n’est plus le même. Je ne lui pardonnerais jamais ce qu’il lui a fait ! Tu seras libre de retourner auprès de lui lorsque je le saurais en sécurité. » Le jeune prince ôta sa tiare, la tourna un moment pour l’observer une dernière fois. « Je n’en ai rien à faire de toute cette richesse, de ces diamants, de ce pouvoir. Je n’ai jamais envié Talmir, amené à remplacer son père... J'aimerais revenir en arrière, le retrouver comme avant... L'entendre rire, crier, chanter. On se disputait parfois mais ça ne durait jamais bien longtemps. J’aimais aussi rendre visite aux pauvres avec mon oncle... Ce bonheur, cette joie de vivre, mon père me les a retirés à tout jamais... » Il fit une pause, dardant son regard sur son compagnon. « Depuis ce néfaste jour, je sens l’animosité des gens à mon égard. J’ai l’impression qu’ils ne voient plus en moi que le fils du traître. Je suis confiné à la forteresse pour soi-disant ma sécurité, mais ce serait plutôt parce que mon père a peur que je le trahisse à nouveau. » Il défit les liens qui fermaient sa tunique de soie et dégagea son épaule. Sur celle-ci, se dessinait en rouge écarlate la lettre T, la marque des traîtres, que les bourreaux apposaient aux félons avant de les pendre. Une lettre pour un délit : A pour Assassin, B pour banditisme, T pour trahison. S’il n’avait été son fils, il était certain que Kal l’aurait fait exécuter. « J’ai peur de sortir et de me faire agresser à chaque coin de rue, mais ceci n’est rien en comparaison de l’enfer que j’ai vécu dans ses prisons ,et de ce qu’il a fait subir à Talmir. Ce ne serait que justice si je succombais sous les coups des villageois. Avec toi à mes côtés je ne risque pas grand-chose. Je peux paraître quelconque. L’inverse serait faux si j’étais en compagnie d’une flopée de gardes. De plus les gens craignent ton peuple à cause de la légende mais surtout par peur de tuer celui pourrait devenir leur âme-lige. En ces temps incertains tout le monde espère croiser un Celisien et ainsi trouver son porte-souffrance.»
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Darian et Penn: plateau des saules Le jeune écuyer baissa la tête. Il n’est pas si différent que son cousin. Mon Prince aussi préférait n’être qu’avec moi. Nous n’étions que deux lorsqu’il s’est rendu. Penn ferma les yeux. En un instant il se retrouva plongé quatre années auparavant. Le jour où Talmir décida de se rendre pour faire libérer Darian. « Ne t’en fais pas Penn, ma tante me remerciera d’avoir sauvé son fils et Josh est auprès d’elle. Si elle a été indulgente avec lui elle le sera avec moi. — Votre cousin ne vous le pardonnera pas. Il a pris des risques pour vous sauver. — Justement, et il est de mon devoir d’en faire autant. » Talmir lui avait caressé la joue. Il eut l’impression de sentir son contact à nouveau. « Aies confiance. C’est tout ce que je te demande. Je ne veux pas que tu m’accompagnes ! Accomplis ton destin. Nous savons très bien que tu n’es pas mon âme-lige. Va chercher ton binôme ! Tu n’as quitté ton île que pour cette raison pas pour devenir mon écuyer à vie ! — Mon Prince, c’est de la folie... — Darian n’a rien à voir avec cette folie. Il est mon cousin avant tout et n’est aucunement responsable des actes de son père. Je t’interdis de me suivre tu entends ?! —Mon Prince...» C’était les derniers mots qu’ils avaient échangés. Il était parti sans répondre et l’avait même menacé de son épée pour l’empêcher de le suivre. C’était seul qu’il comptait se rendre. Penn observa Darian à la dérobée. Deux princes si différents, deux maîtres distincts, un en prison et l’autre à une place qu’il ne voulait pas. Deux maîtres mais aucun n’était son double. Il devrait fatalement les quitter un jour, il n’était pas l’otage de Darian. Cette situation garantissait la survie de Talmir. Néanmoins il ne put chasser l’idée qu’il le trahissait en s’alliant au fils ennemi. A la demande de Darian, Josh, le garde d corps de Talmir s’était constitué prisonnier. Il avait accepté de servir la nouvelle reine pour finalement abandonner son prince dans les cachots. Ce ne sera pas mon cas tant que Talmir ne sera pas en sécurité. Pour surmonter cette épreuve, il se persuada que Darian était son ami et non le cousin de son prince. Au début, il lui reprocha de le faire travailler aux cachots avec ces deux ignobles individus, mais constata bien vite que malgré son jeune âge, ils avaient une peur bleue de lui. Heureusement qu’il ne faisait que les croiser à chaque changement de poste. Il avait choisi la nuit afin d’être avec son seigneur et maître. Comme s’il comprenait son silence, Darian reprit : « Je veux lui rendre la place qui lui est due, tu comprends ? Je hais mon père ! Je ne veux pas de ce pouvoir ! Je ne veux pas d’un trône volé ! » Il jeta un dernier regard à la couronne qu’il avait en main et la jeta au loin. Elle tournoya avant d’atterrir dans un arbre et de pendre lamentablement à une branche, oscillant lentement au gré du caprice du vent. «Tu te demandes pourquoi je me suis débarrassé de cette horrible chose ? Je vais te répondre avant que la question ne fuse de tes lèvres. Par ce geste je supprime les barrières qu'il y a entre nous. Je ne veux plus que tu te considères comme mon serviteur. Pour le moment Talmir et moi avons encore besoin de toi, mais Je ne compte pas te retenir lorsque tu décideras de suivre la voie inhérente à ton peuple. » Darian passa une main sur son front et le massa afin de se débarrasser du poids fantôme de sa tiare. « Je n’apprécie pas les hommes qui surveillent mon cousin, c’est pour cela que je t’ai demandé d’accepter ce travail et de me faire un compte rendu. J’avais peur pour lui. Seulement, il semblerait que mes craintes soient fondées. ». Le jeune prince plongea son regard vert dans l’eau profonde de celui de son écuyer. « Les comptes-rendus sur ton journal de bord ne laisse aucun doute sur son état de santé. Mon père étant parti à la chasse, ne reviendra que dans une huitaine. je suis allé vérifier dans les journaux de ces louches individus. Sans grande surprise, j’ai remarqué que leurs notes étaient différentes. Je sais qu’il dépérit et ton inquiétude grandissante m’a poussé à aller me rendre compte de la situation hier soir peu avant que tu ne viennes prendre la relève...J’en suis revenu bouleversé...»
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| Sujet: Les vilipendes du sendris [roman] Darian : Les cachots Jeu 5 Mar 2015 - 19:12 | |
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Darian: Les cachots, la veille Darian se tut. Il fit signe à son écuyer de reprendre la route mais resta silencieux le reste du chemin. Il se remémora la visite qu’il fit au prisonnier. Malgré l’interdiction formelle de s’y rendre, il était passé outre, profitant de la semaine d’absence paternelle. Les cachots s’enfonçaient sur deux étages et demi sans compter les derniers niveaux où se trouvaient les salles de torture inusitées depuis bien longtemps. Le premier s’ouvrait sur les cellules destinées aux gens de la noblesse où le confort était légèrement plus agréable. Les trois niveaux étaient gérés par un seul et unique gardien chef qui notait sur un gros registre les entrées et sorties des détenus. Son bureau situé avant la première porte, Darian s’y rendit. C’est avec soulagement qu’il constata qu’il était encore à son bureau, cela lui évitait de passer par le fils qui serait d’astreinte. Il aurait été obligé de l’envoyer quérir ceux-ci n’ayant pas accès aux registres. C’était un homme à la mine joviale et débonnaire, capitaine et formateur des gardiens de prison. Il dirigeait les équipes et leur confiait chaque soir leur poste, attribuant le premier étage à ses fils. Darian lui exposa vouloir rencontrer un de ses détenus. Le chef, dubitatif, se gratta le front perplexe. Aucun des otages importants du roi n'étaient au premier étage. Il n’y avait pas un seul prisonnier de haut rang dans ce secteur, depuis quatre ans. Guilbert faisait partie des hommes de sa mère. Après la mort de Firmin, elle lui avait confié ce poste et aussi la formation des stagiaires. Elle désirait que les nouveaux venus passent par la case geôle avant de prétendre devenir garde de la citadelle. Pour le moment ils n’étaient que huit à se relayer toutes les huit heures, au second et troisième niveau. Ses fils, quant à eux, avaient la charge du premier étage. Ils n’étaient que deux mais devant le peu d’affluence des détenus de hauts rangs, ils étaient pratiquement libres. Le roi et la reine avaient chacun leurs propres hommes. Après la rémission de Talmir et le massacre des serviteurs, nombreux furent les soldats de Kal à avoir démissionné, tous recherchés pour trahison. Parce qu’il était inconcevable pour un roi de ne pas avoir de garde Régine, son beau-père lui octroya une cinquantaine d’hommes, lui précisant que s’il leur donnait des ordres contre-nature comme Attaquer des villages, battre les serviteurs, frapper son épouse ou son fils, ceux-ci se rangeraient automatiquement du côté de leur reine. « Il me semblait pourtant qu’il y avait des otages afin que les lords fidèles à mon oncle abdiquent...Où sont-ils donc passés ? — Je comprends votre inquiétude Votre Altesse, mais je n’en sais pas plus. On m’a seulement ordonné d’enregistrer les entrées et sorties sans poser de questions. Tout ça remonte si loin, ma mémoire n’est plus ce qu’elle était. Attendez, je vais consulter le livre de toutes les arrivées. » Il s’empara d’un lourd registre dans lequel étaient inscrits le nom de tous les prisonniers politiques ou non, leur âge, leur condamnation, leur exécution ou libération lorsque celle-ci était effective. Chaque garde amenant un détenu était tenu de lui fournir ces renseignements. Le gardien chef tourna les pages, parcourut les listes d’années en années, jusqu’à celle fatidique de l’assassinat du roi Firmin. Il y avait bien des détenus datant de cette période à l’étage au dessous. « Un jeune homme vous dites ? Muet ? » Devant l’acquiescement du prince, il reprit sa lecture, se caressant la barbe, tout en parcourant la liste des yeux « Oui, il y en a un. Le pauvre, votre père lui a enlevé la possibilité de parler. Il n’est pas nommé mais dans la partie nom est écrit « Sans identité ». Voyez par vous-même. » Il tourna le registre vers Darian. Nom : sans identité ; Age : dix-huit ans au moment de son arrestation. Condamnation : Mensonges et usurpation d’identité condamné à avoir la langue tranchée et emprisonné jusqu’à nouvel ordre.
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Darian et le gardien chef: les cachots « C'est bien étrange qu'il soit encore ici, les autres de son âge ont été libérés ou exécutés bien avant. Votre père l’aura sans doute oublié. Il ne reste que des chevaliers sans fief qui refuse de plier le genou devant lui. Ils devraient être exécutés dès le retour de celui-ci. Y aurait-il une raison particulière pour que vous vous intéressiez à lui Prince Darian ? — La meilleure raison du monde, Guilbert. — Bah, après tout ça ne me regarde pas...Vous faites ce que vous voulez... — Mon père me tuerait s’il savait que je suis venu ici. Vous ne m’avez pas vu d’accord ? — Pas le moins du monde...Par contre mes hommes... » Il désigna du chef deux jeunes gens assis derrière lui, jouant aux cartes, attendant visiblement leur affectation. « J’ai compris tenez donnez leur ceci, ça les calmera » Darian ouvrit la bourse accrochée à sa ceinture et glissa quelques pièces d’or dans la main de l’homme, qui les soupesa. « Je crois que cela suffira pour qu’ils tiennent leur langue. — Dites-leur aussi que je leur ferais livrer du bon vin, de la part de la reine. Merci pour tout. Je vais rendre visite à ce jeune homme.» Darian avait tourné lorsque Guilbert l’attrapa par le bras. « Soyez prudent, Votre Altesse. Les deux hommes affectés à la surveillance de notre inconnu sont de la pire espèce. Quelle idée saugrenue a bien pu vous passer par la tête, pour que vous ayez choisi ce gamin des pluies, comme troisième geôlier, la nuit en plus. C’est noté ici que c’est vous qui l’ayez désigné.» Darian jeta un œil sur la page. : Le détenu sans identité est à mettre sous surveillance renforcé. Trois responsables ont été désignés et seront les seuls habilités à prendre soin du détenu sus nommé. Les Responsables sont : Melass Targhel surnommé « L’huître » ; Rodembert Limones surnommé « La baleine » tous deux désignés par moi-même Kal Dotan. Et enfin Penn Elëis, enfant de la pluie surnommé « Le Celisien » choisi par le Dauphin : Darian Dotan.
« Et encore, j’ai du exiger ce privilège en tant que futur roi, mais surtout parce que je pensais qu’il serait affecté ici... — Tout de même, il était si jeune à l’époque. Quel âge avait-il treize, quatorze ans ? — Croyez-moi Guilbert, Penn, en tant que Celisien, comme ceux de l’ile des pluies, peut être dangereux. Il pourrait très bien vous supprimer avant que vous ne vous en rendiez compte. Je l’ai déjà vu se tirer d’affaire plus d’une fois. J’ai entièrement confiance en la débrouillardise du bonhomme. Et puis n'oubliez pas que quiconque blessera, tuera ou lèvera la main sur un de son peuple, errera dans le néant après son trépas d'après la légende. Les hommes de mon père y croient dur comme fer. »
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Darian: Les cachots Darian ouvrit la lourde porte qui grinça. Il décrocha la lanterne près de celle-ci et entama la descente. L’escalier sombre et traître aux marches inégales, creusées ou délabrées, menaçait de le faire tomber à chaque instant. Il ne distinguait presque rien malgré la lanterne et les flambeaux disséminés le long des parois. De temps en temps, il s’appuya sur les murs suintants et s’arrêta. L’odeur nauséabonde le rendait malade, mais il repartit derechef et descendit la volée de marches suivante, le conduisant encore plus bas. Il venait de passer le premier guichet sur sa gauche entre les deux étages. Le bureau des premiers stagiaires. Celui-ci ne l’intéressait pas, il avait hâte de revoir son cousin. Deuxième sous-sol, première porte à droite, après le guichet. Au moins ce n’est pas le dernier où se trouvent les salles de torture.
Au fur et à mesure de sa progression, il perçut une lueur qui paraissait sortir des murs. Je dois être arrivé. Sur le second palier, il jeta un regard derrière lui. Il avait cru entendre un bruit mais ne vit que les ténèbres où dansaient de faiblardes lumières jaunâtres. Il s’approcha du guichet percé dans le mur donnant sur une petite salle. A l'intérieur se tenaient deux geôliers. L'un dormait tandis que l'autre cirait ses bottes en sifflotant. Assignés à la garde des autres détenus ils n'avaient aucune consigne particulière concernant les visiteurs tardifs. Il n’y en avait jamais d’ailleurs. La nourriture pour les prisonniers était amenée avec la relève. L’homme leva un instant la tête de son ouvrage. Il tendit l’oreille. Apercevant la lumière qui approchait il interrogea le nouvel arrivant. « Vous désirez? — Rendre visite à un détenu. — A une heure aussi indue? Avez-vous un laissez-passer? » Darian fut rassuré, le jeune homme ne le connaissait pas. « Ceci vous conviendra-t-il? » Il déposa une petite bourse d’argent sur le comptoir une broche avec ses armoiries et le trousseau de clef des portes et des cachots à l'exception de celle de Talmir gardée par ses gardes chiourmes. L’homme examina le contenu du petit sac et tourna la broche entre ses doigts.
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Darian: Les cachots « Altesse ? » provenait une voix du fond de la pièce. Darian sursauta. Le second garde venait de se réveiller, c’était un homme âgé d’une trentaine d’années. « Que faîtes-vous par ici ? — Je pourrais vous retourner la question Holmett. J’ai été mandaté par ma mère pour me rendre compte du traitement infligé aux détenus. Nul ne doit le savoir, surtout pas mon père. Vous ne m'avez pas vu d'accord? — Si ce sont les ordres de votre mère... Elle m’a envoyé ici afin de remplacer un des stagiaires malade. Un blâme pour manquement à mes devoirs. J’ai la langue bien trop pendue. Elle m’a demandé de choisir surveiller les geôles ou avoir la langue tranchée. Vous pensez bien que j’ai préféré ceci et comme je tiens à ma langue, je m’abstiendrais de parler de votre visite. » C’est peut-être justement parce que tu parles beaucoup qu’elle t’a demandé de choisir. Tu pourrais lui donner les renseignements qu’elle désire. pensa Darian. Holmett se tourna vers le jeune homme qu’il secondait « Surtout mon petit gars, si tu veux un jour accéder au plus grands échelons ; faire partie de la garde Régine. Il vaut mieux apprendre à tenir ta langue. Cela t’évitera bien des ennuis. » L’homme reprit à l’encontre du prince. « Il parait que des prisonniers disparaissent comme ça, sans prévenir. Ce sont les rapports récupéré par Guilbert en ce moment. N’est-ce pas petit ?» Le jeune apprenti garde répondit d’un hochement de tête. Il observa le nobliau devant lui. Je devrais peut-être profiter que son altesse soit ici pour... Il ouvrit la bouche pour dire quelque chose mais se désista. Quelques heures auparavant, trois hommes en noir étaient venus et avaient tambouriné à la porte alors que son collègue et lui nourrissaient les détenus. Rodembert était allé leur ouvrir et les avait conduits jusque la première cellule. Il avait ensuite entendu d’étranges borborygmes, comme des cris de colère, des sons incompréhensibles et aussi des bruits de lutte, venant de celle-ci. Une sorte de plainte animale d’une victime aculée n’ayant aucun moyen de se défendre ni de fuir. Curieux, il avait été tenté de s’approcher mais se souvint avoir été pressé de terminer son travail par l’obèse qui avait déjà sorti son épée pour le faire reculer. Son compagnon l’avait alors attrapé par le bras. Je voulais l’aider. Je n’ai pas l’impression qu’ils viennent le soigner mais plutôt le battre. Je ne puis supporter ceci...Je préfère nettement être affecté au niveau supérieur. Il dit néanmoins : « Ne vous approchez pas trop de l’homme près de la première cellule. Je ne sais pas qui est le détenu qu’il garde mais il doit être très dangereux. Parfois trois hommes viennent le voir et il se débat. » Darian leva un sourcil. Trois hommes ? Mon père n’autorise pourtant pas les visites pour Talmir. En voyant l’air perplexe du prince, le stagiaire se rendit compte de sa bévue et ne dit plus un mot. Son collègue vint à sa rescousse. « Mais enfin, c’est Notre Prince, il doit être mis au courant. » Avant de continuer, il se pencha au guichet pour voir s’il n’y avait personne d’autre dans les couloirs et reprit à voix basse. « Ils se prétendent médecin. Le prisonnier serait fou et ce serait pour cette raison que nous n’avions pas le droit de nous en occuper. Si je puis me permettre ils ont l’air de tout mais certainement pas de médecin. Je dirais plutôt des « Kal’urs ».Je ne peux vous en dire plus. Tenez remettez ceci à Votre Mère.» C’était un petit parchemin dont les côtés étaient cousus entre eux afin de ne pas être lu. « Qu’est-ce donc ? — Si vous voulez mon avis, il se passe des choses étranges ici, mais jamais en présence de l’enfant de la pluie. Ces hommes ne viennent pas lorsqu’il est là. Les gardiens effraient les stagiaires qui se pressent donc d’accomplir leurs tâches : Nourrir les détenus, vider et nettoyer leur tinette, leur ramener de l’eau propre pour leurs ablutions. J’espère que Sa Grâce va vite remédier au problème et adjoindre au moins deux hommes plus âgés avec les stagiaires. Votre père n’en a que faire. C’est toujours un soulagement de remonter à la surface, croyez moi. La première chose que nous faisons est de nous rendre à la taverne. Nous y entendons de drôle de choses concernant « La baleine » et « l’huitre ». Je risque ma peau mais, le détenu de la première cellule n’avait jamais été aussi agité avant leur venue, d’après le jeunot. » Il désigna le jeune gardien du chef. « C’est vrai. On ne l’entendait jamais. Je sais qu’il est muet mais jamais il n’était agité. Je l’ai déjà vu vous savez ? — Qui donc ? — Le prisonnier. Le jeune Celisien l’a fait sortir une fois dans le couloir, pas du coté des autres cellules, bien sur, mais il était venu nous demander de l’eau, celle qu’il avait était croupie. Il n’est pas resté longtemps. Le Celisien était en colère après lui parce qu’il ne lui avait rien dit. » Talmir a la faculté de s’adapter à tout. Je suis persuadé qu’il ne buvait plus ou très peu, jusqu’à ce que son état se détériore. « Comment allait-il ? — Il était certes fatigué, comme tous les prisonniers, un peu déshydraté mais dans un état stable. C’était avant l’arrivée des hommes. —Depuis combien de temps viennent-ils ? » Questionna Darian. Le stagiaire réfléchit un instant « Si je ne me trompe pas, cela fera deux semaines, Votre Altesse. » Deux semaines, cela correspond au moment où Talmir a commencé à ne plus vouloir progresser dans l’apprentissage du langage des signes de Penn. Où il a aussi commencé à refuser de s’alimenter, à se balancer, à maigrir, à se laisser aller. Penn notait tout cela dans le journal. « Vous n’oublierez pas de prévenir Sa Grâce ? » La question du garde sortit Darian de sa réflexion. « Soyez-en assurés. Autre chose ? —C’est la baleine ce soir. Soyez prudent, Altesse. Il n’aime pas trop voir quelqu’un traînasser dans le couloir. — Merci du conseil. » Il poussa la porte toute aussi lourde que la première. Alors que l’interminable descente jusqu’au second sous-sol lui avait retourné l’estomac à chaque pas, les relents putrides atteignirent leur paroxysme devant le cachot du prince. Assis à une table juste avant la cellule de Talmir, un gardien à la mine patibulaire mangeait comme un goinfre. Le brasero qui l'éclairait, lui donnait un air macabre. Il leva la tête médusé et resta un instant bouche-bée. Darian le toisait bras croisés. L'homme ventripotent, dont les doigts gourds tenaient une cuisse de poulet dégoulinant de graisse, se leva aussi rapidement que le lui permettait sa corpulence et, s’essuyant les mains sur son pourpoint, invectiva l’intrus : « J’ignore comment vous êtes entré mais vous ne passerez pas ! Ordre de Sa Majesté. » Il sortit son épée si brusquement qu’elle glissa de ses mains poisseuses et s’écrasa sur le sol. Son bruit résonna sur les parois. « Pensez-vous sérieusement me l'empêcher ? » répondit le prince en dégainant en même temps. « La clé et vite!» Darian pointa le bout de sa rapière sur la gorge de l’obèse tremblant et appuya avec insistance. Il s’empara de la clef que l'autre lui tendit. « Inutile de m’accompagner, je connais le chemin. » Rangeant sa rapière, il ramassa l’épée du gardien et l’emporta avec lui. « Je vous reprends ça vous risqueriez de vous blesser avec. » Ajouta-t-il l'agitant sous son nez.
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Darian: Les cachots. Avant d’ouvrir, il éclaira le cachot et jeta un regard aussi loin que l’éclairage le lui permettait. Face la grille, accolée sur le mur de droite, la tinette, dont la porte était restée grande ouverte, n’était pas nettoyée et débordait. Penn s’en chargeait bien à son tour de garde, d’après les remarques dans son journal, mais qu’en était-il des autres ? En cette fin d’après midi, celle-ci était pleine à ras bord. Ce qui ne manquait pas de l’étonner. Comment diable une seule personne pouvait-elle remplir ainsi le réceptacle, prévu pour quatre? Darian ne put réprimer un haut le cœur. Il ne devrait pas être dans cette cellule, pas dans ce sous-sol. Celles réservées à ceux de son rang sont au-dessus. Mon oncle voulait même réaménager tous ces cachots afin d’assurer un meilleur confort aux prisonniers. Il n’en eut pas le temps. Darian poussa enfin la grille, balançant de droite à gauche sa lanterne, pour en éclairer le moindre recoin. Se couvrant le nez de sa manche, il entra dans la pièce sombre et se dirigea vers la gauche. Le cachot était plus long que large. Sur sa droite, appuyée conte la cloison du coin d'aisance, il distingua une forme sombre. Talmir? Songea-t-il tout d'abord. Il déposa sur le sol l’épée confisquée et se saisit de la torche. Furieux, il quitta la cellule, l’alluma et en menaça le garde qui tentait de faire du zèle en essayant de la lui reprendre. La lumière plus vive estompa l'obscurité, ornant les murs de couleurs changeantes et dansantes. L'éclairage lui révéla qu'il ne s'était pas trompé quant à la forme indécise. Il s’agissait bien d’un corps. Darian fut soulagé, ce n’était pas son cousin. Il approcha lentement du cadavre. Des rats qui se rassasiaient de ce pauvre bougre, couinèrent avant de prendre la fuite et de se réfugier dans les anfractuosités du mur de pierres. Devant l'état de décomposition avancé, cela ne fit aucun doute sur la date du décès. Il avait le poignet relié à une chaîne scellée dans le mur. Certainement un traître condamné à la potence qu’on aura laissé mourir de faim...Mon oncle avait condamnées ces cellules et préférait enfermer les captifs dans l’autre tour. Pourquoi mon père a-t-il choisi de les réutiliser ? Maintenant d’une main la torche en hauteur il déposa sur le sol sa lanterne et, surmontant son dégoût, examina le cadavre, à la recherche d’un quelconque indice sur son identité. Il découvrit un badge, l'observa et reconnut l’insigne, celle des maîtres architectes. Il frémit aussitôt. Théos, celui à qui mon oncle avait confié la restauration de la prison... Voilà donc pourquoi il avait disparu...Mère doit être mise au courant. Il avait été torturé et les rats se repaissaient de sa dépouille. Il était mort bien avant l’arrivée de Talmir dans cette cellule. La faucheuse a eu pitié de lui, lui épargnant ainsi la vue de son prince déchu, lui, si loyal envers Firmin et sa famille. Darian le recouvrit d’une couverture miteuse et, abandonnant le corps, s’enfonça encore plus dans les ténèbres de ce cloaque nauséabond qu’était le cachot. Au fond dans le coin à gauche, une planche recouverte d’une paillasse, était dissimulée derrière une cloison, vestiges d'anciennes caves avant que celles-ci ne soient transformées en cellules. Il comprit immédiatement que c’était la couchette de Talmir, aménagée par le jeune Celisien. Penn essayait de lui assurer un minimum de confort, loin de la grille par où le froid venant du couloir s'engouffrait mais aussi de l'humidité ambiante. Ce minuscule muret d'un mètre de haut, offrait ainsi un abri et une semi-intimité au jeune prince. Au-dessus de la couche se trouvait un crochet, sur lequel Penn devait certainement laisser briller une lanterne toute la nuit, prenant soin de la reprendre en quittant son poste. Brave garçon. Dire que je l’ai obligé à venir travailler dans cet enfer, avec son maître. Il voulait rester près de lui mais pas dans ces conditions. Une chance pour lui, que son peuple apprenait à utiliser les armes dès leur plus jeune âge. Je ne doute pas que les autres geôliers ne voient pas d’un bon œil sa présence parmi eux... Ce peuple pouvant lire dans les pensées. Je n’ai aucun mal à l’imaginer s’allongeant près de Talmir, afin de le réconforter et peut-être se rassurer lui-même, le recouvrant de sa cape les soirs de grands froid.
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Darian: Les cachots. Darian n'en pouvait plus, le front couvert de sueur, il avait chaud dans cette atmosphère pourtant moite et humide. Sa respiration se fit plus rapide. Claustrophobe, la peur d’être enfermé avec son cousin le saisit brusquement, mais il fallait qu’il le voie avant. Il ne devait pas se laisser submerger par ses craintes. Il se tourna vers la droite, et enfin l’aperçut. Sous le mince soupirail bien trop petit pour assurer sa fonction, dans une pièce si grande, se trouvait Talmir, recroquevillé, sale, empuanti de l’atmosphère régnante, la tête appuyée contre le mur. Penn lui apportait chaque nuit des vêtements propres, qui disparaissaient mystérieusement ou étaient réduits en lambeaux le lendemain matin, si bien que Talmir lui interdisait de lui en fournir d’autres. Il renonçait désormais à se changer, gardant sur lui la robe de bure des prisonniers afin de se fondre dans ce monde qui était désormais le sien. Quatre ans déjà... Il m’a fallu tout ce temps pour me décider. Que fait-il dans ce coin sombre, essaie-t-il de happer un peu d’air frais, de ressentir le vent sur son visage ? Il déposa la torche dans une applique placée au dessus du soupirail et se baissa pour se mettre à sa hauteur. Posant une main sur son épaule, il le fit sursauter. Talmir, acculé au mur, tenta de reculer davantage, fouettant l’air de ses mains afin de chasser un ennemi invisible. Il donna un coup de pied à la lanterne, la faisant voltiger. Elle s’écrasa contre le mur libérant l’huile qu’elle contenait. Par chance la flamme s’était éteinte. De temps en temps, il se protégeait le visage, marmonnant des sons, désormais incompréhensibles, hélas. Il avait maigri et dans son regard vitreux Darian n’y lut que de la peur et de la souffrance. «Tout doux... Du calme Talmir... C’est moi Darian... Ton cousin. Tu te souviens ? » Avait-il compris ? Toujours était-il qu’il continuait à faire des gestes désordonnés. N’y tenant plus le jeune dauphin se leva, reprit sa torche accrochée au mur et examina le prisonnier plus attentivement. De temps en temps, il se protégeait le visage, marmonnant des sons, désormais incompréhensibles, hélas. Il semblait avoir vieilli de dix ans. La peau était si étriquée qu’on pourrait croire que Talmir avait forcé pour y insérer son crâne. Il avait été battu récemment, un large hématome se dessinait sur sa joue. Darian ne devina pas immédiatement que son cousin avait subi d’autres traitements, pires. Penn ne m’a pas menti. Toutefois il ne m’a jamais mentionné de coups. A moins que ceux-ci ne soit récents. « Mon pauvre Talmir, Penn va te sortir de là, demain soir, le temps que je mette tout en place pour ton évasion... Pendant ce temps j’avertirais ma mère. » A l’évocation de Penn, Talmir leva la tête et semblait plus attentif. « Je ne tolèrerais pas te savoir enfermé un jour de plus. Demain tu seras libre. » Ramenant ses genoux contre sa poitrine, les encerclant de ses bras, il se balança d’avant en arrière, d’avant en arrière, comme s’il voulait se bercer. Darian comprit alors qu’il devait partir. Il voulut repousser une mèche de ses cheveux mais son cousin, détourna la tête, évitant ce contact avant d’émettre un son guttural. Il va devenir fou dans cet univers... Talmir...
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Darian: Les cachots Il quitta la cellule furieux et tout en balançant l’épée du gardien sur la table, il le sermonna, lui ordonnant d’aller vider la tinette, de la nettoyer, de brûler le mort et de changer son cousin de cellule. « Votre père ne le tolérera pas. — Si vous ne le faites pas, je vous tuerais. » L'homme effrayé ne répondit pas. Il ne craignait pas spécialement Darian, mais plutôt son père et ce qu’il lui ferait s’il apprenait qu’il avait déplacé le prisonnier. Il avait aussi appris dans les bas-fonds où il avait grandi, à se méfier de ceux qui avaient le pouvoir. Dans les bas quartiers comme dans le vaste monde la raison du plus fort ou du plus puissant était de rigueur. Les rumeurs racontaient que l’horrible Kal avait été aidé par des ombres gigantesques pour accomplir son forfait et il n’avait vraiment pas envie de les avoir à ses trousses. Il jeta un œil au prince devant lui et son regard ne lui disait rien qui vaille. Il se massa la gorge comme pour en faire disparaitre à nouveau la piqûre de la rapière. « Oui, oui Al... Altesse » Bégaya-t-il. « Connaissez-vous l’identité du prisonnier que vous gardez ? » Par un signe de tête négatif il répondit. « Je suis persuadé du contraire et c’est pour cela que vous le traitez ainsi. » Il fit un pas avant de faire demi-tour « Ah j’allais oublier, vous avez jusqu'à demain après-midi, mais je préférerais que vous le fassiez avant que votre remplaçant ne prenne son tour.» L'homme ne broncha pas. En regardant le prince il eut la sensation de sentir à nouveau la pointe de sa lame sur sa gorge. Je déteste ce freluquet. Son père a bien raison de s'en méfier. Il vaudrait mieux que je le prévienne. Il s'empara d'une boule argentée cachée dans un tiroir et l'ouvrit dès que le prince eut tourné le dos. Une forme sombre en sortit en sifflant. « Files prévenir le souverain. Son fils se mêle un peu trop de ce qui ne le regarde pas.» La petite boule noire flotta aussitôt et fila en traversant le mur de la geôle.
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| Sujet: Les vilipendes du sendris [roman] Darian et Penn Sam 7 Mar 2015 - 0:53 | |
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Darian et Penn: Plateau des saules Chassant ces mauvais souvenirs, le fils de l’usurpateur reprit « Je ne mettais pas en doute tes notes, mais je me demandais si les autres ne cherchaient pas à me dissimuler quelque chose. J’ai voulu constater de visu dans quel état il se trouvait. Il avait tellement changé que je pensais m'être trompé de cellule et il semblerait que lui non plus ne m'ait pas reconnu. Il a été molesté et a dû subir je ne sais quelles autres cruautés. Tu lui as appris le langage secret de ton peuple et désormais il peut communiquer avec toi. Ne t’a-t-il rien fait comprendre, rien dit ? — Non, rien. Je l’ai pourtant interrogé maintes fois, il n’a jamais voulu me répondre et je n'ais pas osé m'insinuer dans ses pensées. Je ne pouvais pas faire cela à mon prince. J'aurais eu l'impression de violer son intimité. — Il t’a aussi déconseillé de me dire où il était enfermé n’est-ce pas? » Penn acquiesça d’un léger signe de tête, penaud, se demandant s'il avait bien fait, si Darian continuerait-il à lui faire confiance? Comme s'il avait lu dans ses pensées, Darian reprit:
« Ne t’inquiètes pas, je ne vais pas t'en tenir rigueur. Je suis aussi responsable. J’aurais dû aller le voir plus tôt. » Oui j’aurais dû. Mais j’avais peur de mon père à seize ans. Maintenant encore je le crains. Je n’ai osé lui tenir tête que pour garder Penn à mes côtés, avec l’appui de ma mère. Mais qu’ais-je fais pour Talmir ? Il repoussa une mèche rebelle avant de poursuivre : « J’ai grandi avec lui, appris à lire, à écrire, à chasser aussi en sa compagnie. Il est avant tout mon cousin, mais je le considérais davantage comme un frère. » Le fait qu’il ne me reconnaisse pas me fait un mal de chien. « Si ma mère ne s’était interposée, il serait mort à l’heure qu’il est. » Mais là, il me semblait plus mort que vif. « Jamais, oh non jamais elle n’aurait pensé que son mari lui ferait trancher la langue avant de l’enfermer. »Il tourna la tête vers son interlocuteur. « Sais-tu pourquoi je t’ai fait épargner ? —Mon Prince... —Parce que tu me serais utile. Qui donc connaissait mieux Talmir après moi ? Qui vivait jour et nuit à ses côtés ? Père m’a obligé à assister à sa mutilation, comme lors du massacre des serviteurs. Une chance que je t’ai vu te réfugier dans les souterrains où je suis venu te retrouver, quelques heures plus tard. En t’apercevant j’avais compris qu’il s’était rendu et pourquoi j’avais été libéré. Ma mère ignore toujours que j’avais été fait prisonnier par mon père, et ce n’est pas plus mal crois-moi. »
Penn le regarda d’un air ahuri comme si cela le surprenait. Le nouveau souverain certes, ne valait pas l’ancien mais que la reine ne sache rien à propos de l’enlèvement de son fils était impensable.
« Tu peux me reprocher tout ce que tu veux, mais sans tes notes je n’aurais jamais su la vérité.» Darian se tut un court instant avant de reprendre: « Toutes les nuits je suis hanté par les corps des hommes se balançant au gré du vent, mais surtout par le regard apeuré de Talmir, implorant de la pitié de la part de mon père. Autant demander à un dragon de cracher de l’eau. Je ne pouvais rien faire. Des archers nous visaient Josh et moi. Il n’a pas supporté assister à la déchéance de son protégé. Le soir même ma mère le recevait dans son boudoir et lui rappela les termes de leur contrat. Elle avait manqué à sa parole et lui permettait alors de rejoindre les siens. J’étais avec elle lorsqu’elle lui fit ses adieux. Josh s’est approché de moi, m’a caressé la tête comme il le faisait avec Talmir, lorsqu’il était en colère ou triste. A seize ans je venais de voir l’horreur. Je ne comprenais pas. Mon père adorait son frère et son neveu avant, je ne saurais peut-être jamais quelle folie s’était emparée de lui. Sais-tu ce que Josh m’a dit ? — Non. — — Il m’a dit : « Ne portez pas en vous le fardeau de la folie de votre père. Veillez sur votre prince à ma place et sur votre mère. Ensemble vous rétablirez ce qu’il a brisé. Vous y parviendrez si vous le désirez vraiment. Ne laissez pas la haine vous ronger, Prince. » Je ne répondis pas. J’avais envie de lui dire de ne pas m’appeler ainsi, que je ne méritais pas ce titre. Pour le moment je ne pouvais oublier la torture qu’il m’avait infligée et le supplice qu’endurera mon cousin désormais. La haine que j’éprouve envers mon père date de ce moment et je ne sais pas si je parviendrais à la faire taire un jour.» - Spoiler:
Darian, Penn: Plateau des saules. Penn baissa la tête, c’était la première fois que le prince Darian lui faisait ce genre de confession. La veille, il lui avait déjà fait comprendre qu’un grand bouleversement mondial allait survenir, ces jours-ci. Il semblait qu’il fut le seul à le croire. Le prince imaginait un monde où chacun s’aimerait sans préjugés et où personne ne chercherait à imposer son pouvoir, sa grandeur. Ils arrivèrent au bout du plateau, le dauphin arrêta sa monture, imité par Penn. Darian reprit : « Aujourd’hui est un grand jour, l’équilibre va être menacé et à la fin des heures sombres je mettrais Talmir sur le trône. Je n’y ais pas ma place. » Le serviteur écarquilla les yeux, comme s’il avait mal compris. « Si votre père mourait... — Ce serait à moi de le remplacer, mais je n’en ferais rien. Je ne veux pas d’un trône volé, surtout par trahison. J’étais plus proche de mon oncle que je ne le serais jamais avec mon père... » Leurs chevaux étant côte à côte, Darian lui effleura la joue de son index. Un code que Talmir et lui avait inventé. Qui voulait dire « Rien, ni personne ne nous séparera l'un de l'autre.» Ainsi il certifiait à son écuyer qu'ensemble ils formaient un tout et qu'il brisait les barrières. Aucun ne sera le supérieur de l’autre. « Quel âge as-tu Penn ? — Dix-huit ans, Prince. — L’âge qu’avait mon cousin, il y a quatre ans, lorsque mon père... » Si je peux appeler cela un père. Jamais il ne m’a accordé le moindre regard... Il ferma les yeux et les rouvrit aussitôt. « Ne m’appelle plus jamais Prince lorsque nous sommes ensemble. Je te l’ai déjà dit. — Mais, vous êtes le fils du roi. — Je ne suis que le fils d’un félon fratricide, pas d’un roi. Désormais tu m’appelleras Darian. D’accord ? Le véritable prince héritier est Talmir.» Tout en parlant, il scruta la colline avoisinante et s’interrompit. Le voilà celui par qui tout va arriver. Se dit-il. Du haut de sa monture, il désigna un jeune homme qui courait vers les plaines interdites. Il se pencha un peu plus, mettant sa main en visière pour ne pas être ébloui, avant d’ajouter « Ce jeune homme que tu vois courir là bas, va faire une énorme bêtise. C’est aujourd’hui que tout va débuter.... — Je ne comprends pas. » Darian, tout en continuant à observer, reprit : « Regarde. Tu as devant tes yeux celui qui va bousculer l’ordre des choses, et me permettre de mettre ton prince à la place qui lui revienne et tu m’y aideras... » Pour Penn c'était trop beau. Talmir pourrait devenir roi. Il ne doutait pas de la véracité des propos du Dauphin, mais il avait d'autres projets en tête et surtout une promesse à respecter. Il laissa néanmoins Darian continuer : « Bien entendu, je ne vais pas t’empêcher d’accomplir ton destin. En tant que Celisien, ta priorité reste la mission inhérente à ton peuple. De plus, je t’ai assez retardé pour la promesse faite à ton souverain mourant. » Il tourna la tête vers le jeune Celisien. Devant son air étonné et sans attendre de réponse, il continua : « Tu vois, je suis au courant. Je ne t’empêcherais nullement de la respecter. Écoutes ceci. Ce jour là, il pleuvait. Contraints de rester dans le château, Talmir, Gillie et moi avions décidés de jouer à cache-cache. Je voulais me cacher dans la chambre de ma tante mais fut intercepté par le garde devant la porte. Je l’entendis alors crier. Je ne comprenais pas pourquoi il ne bougeait pas. Comme il m’empêchait d’entrer je me souviens lui avoir décoché un coup de pied. Il m’a serré fortement contre lui et puis j’ai entendu un bébé pleurer. » Penn écoutait attentivement le prince tout en continuant à observer le jeune homme qui se dirigeait vers les falaises. « Que s’est-il passé ensuite ? —Le lendemain, j’appris que l’héritier était parti ainsi que sa mère. Pour moi, à six ans, partir avait une autre signification et ne signifiait pas mourir. Il était simplement en voyage...J’ai grandi oubliant complètement cet évènement, jusqu’à hier matin. Mère me confia que la reine lui avait fait part du projet qu’elle avait pour l’enfant à naître, le mettre à l’abri. Avant de mourir, elle a confié cette charge à deux hommes. Ils sont les seuls à savoir où se trouve l’enfant. Mère connait leur nom et elle a une petite idée sur l’identité du prince mais aimerait en être certaine avant de me le dire. Mon oncle, bien entendu connait son fils, pour lui avoir rendu visite de temps en temps, sans jamais lui avouer la vérité. Il y a quelque part dans le Sendris un petit prince qui s’ignore.» Alors il me faudra retrouver ces deux hommes. Le roi n'a eu que le temps de nommer son assassin, de me faire promettre et de s'éteindre. se dit Penn. - Spoiler:
Darian et Penn: plateau des saules Darian reprit: « Je me souviens de la naissance de mon cousin mais serais bien incapable de reconnaître le visage du garde. Il s’est estompé au fil des ans, sans compter qu'il a vieilli. Je t’aiderais selon mes moyens pour retrouver le prince. — Et en ce qui concerne mon maître? —Nous préparerons les plans de l’évasion une fois rentré. Au pire je te donnerais tes instructions par écrit, si mon entrevue avec ma mère devait se faire plus longtemps. » Quelle joie ce serait pour moi de voir mes deux cousins réunis, mais il manquera toujours Gillie. La disparition de sa cousine un an avant le complot ourdi par son père, avait beaucoup meurtri Darian. « Assez parlé de ça, regarde plutôt le destin en marche. Chaque chose en son temps.» De leur poste d’observation, ils avaient une vue sur toute l’étendue des plaines sacrées et des villages environnants. Darian descendit de son cheval, tendit les rênes à Penn et s’approcha du bord pour observer la silhouette qui enfreignait les lois. Mais que fait donc le gardien ? Il ne le quitta pas des yeux. Soudain son écuyer poussa un petit cri, un cri ? Non, plutôt un couinement. « Que se passe-t-il, Penn ? Tu as eu une vision ? — Non, une douleur subite à la main, comme une coupure... — Montre. Je ne vois rien, peut-être une écharde. » Une écharde ? Peut-être bien ou alors... Le serviteur examina sa dague. La lame en était devenue bleutée et légèrement chaude. Il était aux anges, son destin allait surement se jouer aussi. Il n’eut pas le temps d’exposer le fond de sa pensée lorsque son cheval se mit à se cabrer, imité par celui du jeune prince. Tant bien que mal, il parvint à maintenir les chevaux qui ne cherchaient qu'à fuir. Darian était admiratif, décidément le peuple des pluies le surprendrait toujours. Il attrapa rapidement les rênes et sauta sur son étalon. Les montures effrayées, oreilles abaissées en arrière, collées au ras du crâne piaffaient d’impatience. Les yeux fous roulaient dans leurs orbites comme une boule de flipper. Elles renâclaient et cherchaient par tous les moyens à s'enfuir. Heureusement Penn et Darian, bons cavaliers, avaient la main sûre. « Qu’est-ce que c’est que ça ? » hurla Penn en désignant un nuage noir qui venait de jaillir de la plaine. Un nuage ? Non, une ombre, des milliers d’ombres formant un agglomérat si dense qu’il assombrissait la colline. Certaines se détachaient à une vitesse folle, descendaient la vallée, se ruaient dans les villages, incendiant et détruisant tout dans leur sillage. De la hauteur sur laquelle ils se trouvaient, le prince et son compagnon observaient impuissants le carnage. Tout brûlait. Des hurlements montaient des profondeurs de la vallée, comme des collines avoisinantes. Ils aperçurent des formes hurlantes sortir des habitations en flammes et se rouler dans l’herbe pour éteindre le feu qui les dévorait. Des hennissements affolés, auxquels firent écho leurs montures, surgirent des profondeurs. Des pierres furent projetées violemment sur de très longues distances. L’une d’entre elles vint s'écraser près des cavaliers, faisant s'agiter encore plus les chevaux. Les ombres approchaient dangereusement, émettant un cri si strident qu’il vrillait les tympans. « Je ne sais pas, mais nous devons partir d’ici et vite nous mettre à couvert!» Ils firent rapidement volter leurs montures qui détalèrent aussitôt. Une masse sombre leur passa au dessus, murmurant « Jon Valendis, Jon Valendis ». Le cheval du serviteur se cabra alors si brusquement, qu’il vida les étriers. Bonté divine pensa-t-il lorsque les apparitions se ruèrent sur l’animal et le déchiquetèrent, ne lui laissant pas le temps de fuir. Ces noirceurs, il les avait déjà vues. Elles s’approchèrent de lui, avec la ferme intention de lui faire subir le même sort que l’animal mais se détournèrent et reprirent leur route, renâclant de dépit. Darian, voyant qu’il ne le suivait plus, l’avait rejoint. Il lui tendit la main et, le hissant sur son destrier reprit la route vers la forteresse, au triple galop. A ce moment Penn se tint l’oreille droite et grimaça. Les « Glors », ce gosse a libéré les démons. Les monstruosités arrachèrent tout ce qui se trouvait sur leur passage et continuaient inexorablement leur progression vers le Nord. Un arbre se fracassa devant eux, laissant échapper des morceaux épars d’écorces et de branchages. Tous deux se baissèrent de concert, faisant courir le cheval en zigzag pour éviter les projectiles.
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Darian et Penn: Forêt royale « Mon Prince ! La forêt ! Ils nous repéreront moins une fois sous ses frondaisons. — Sais-tu ce que c’est ? — Oui, mon prince, maintenant je sais, ce sont les « Glors » Les démons que votre père... — A fait enfermer ? — Oui, mais, il y a pire... » Il n’est peut-être pas au courant, je ne peux pas lui dire. — Pire ? — Ce gamin, non seulement devra à nouveau les capturer mais aussi subir leur malédiction. » Darian ne répondit pas. Il avait entendu parler de la malédiction des « Glors » sans savoir de quoi il s'agissait mais le peuple de Penn, apparemment, ne l'ignorait pas. Ils restèrent un moment dans la forêt. La masse noire la survola mais n'y pénétra pas. Darian était rassuré auprès de Penn. Les « Glors» craignaient les enfants de la pluie, c’était pour cela qu’elles ne l’avaient pas attaqué lors de sa chute. Leur pouvoir les éloignait aussi de leur île. Il aurait aimé vivre sur cette île de diamant où malgré la pluie qui tombait régulièrement, les habitants prenaient le temps de vivre au rythme des saisons. C'était un peuple si lumineux, qu'aucun conflit ne venait jamais ternir leur éclat. En regardant Penn, Darian se dit que malgré tout, il n'enviait pas sa vie. Penn était condamné à vivre comme un martyr s'il trouvait son binôme. Les légendes qui circulaient sur eux étaient fondées. Peu importe l'endroit ou la situation dans laquelle on se trouvait, la seule présence d'un Celisien, apaisait tout le reste. Le calme était revenu, le danger étant écarté, le cheval reprit sa marche nonchalante. La forêt avait été épargnée mais aussi, chose surprenante, Tendris. Le dernier village avant la ville avait été dévasté mais rien ne démontrait que la capitale eut été touchée, comme si les démons avaient purement et simplement disparus avant de l'atteindre. Que signifie cela. Quel calme subit. Pensa Darian en arrivant à Tendris. Il semblait en effet que la ville s’étaient tue se muant dans une sorte d’hibernation collective, dont les membres sortaient petit à petit de leur léthargie. Les oiseaux furent les premiers à redonner signe de vie, puis petit à petit les Tendrisiens sortirent de leur stupeur. Au sommet des murailles, les sentinelles arpentaient à nouveau le chemin de ronde. Aucun dégâts dans la ville, ni à la forteresse. Darian mit pied à terre, aidé par Penn, qui avait préféré marcher afin de soulager le cheval. Il se dirigea vers l’écurie. Darian entra dans la cour de la forteresse et se dirigea aussitôt vers le corps de garde. En l’absence de son père il dut gérer l'incident. Il envoya des hommes dans les plus proches villages. Les plus éloignés avaient déjà leurs sentinelles, à l’instar de Taris, qui ne tardera pas à en envoyer dans les plus petites bourgades. Il ordonna à une autre patrouille de sillonner les environs de la forteresse et de la ville afin de parer aux éventuels pillages qu’il pourrait y avoir. Les partisans de Firmin extérieur à la ville furent touchés contrairement à ceux habitant à Tendris. L’oiseau multicolore qui vint me trouver dans mes rêves, avait raison. Mais était-ce bien un rêve? Rassuré sur le sort de sa mère, Darian alla vérifier si ses ordres de transferts avaient été respecté en leur absence. il n'eut pas besoin d'interroger Penn pour comprendre qu'il avait encore passé la nuit dans les sous-sols infects. Les odieux geôliers ne semblaient pas le prendre au sérieux et n'avaient pas obéi. Il envoya immédiatement quatre hommes chercher Talmir accompagnés de Penn, et s'occuperait d'eux plus tard. Il devait d'abord mettre en place les derniers préparatifs avec sa mère. Penn porta soudainement la main à sa joue en grimaçant, comme s’il venait de recevoir un coup. Bien que Darian ne comprenne pas l’origine des douleurs qui l’assaillaient brusquement, Penn, lui, n’en prenait pas ombrage, souriant même une fois celles-ci apaisées. L’heure de gloire promise à chaque membre des habitants de l’île aux pluies va bientôt m’échoir et à ma mort, je serais tout autre...
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Dernière édition par Sunpatty le Sam 26 Mar 2016 - 13:07, édité 23 fois | |
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| Sujet: Les vilipendes du Sendris : Jon Dim 8 Mar 2015 - 1:47 | |
| Jon: sur la route entre Taris et la capitale - Spoiler:
A l’arrière de la charrette, adossée contre le siège du conducteur, ma mère regardait s’éloigner le village en feu, son enfance, sa vie, ses rêves. Je n’osais lui parler conscient que ce n’était pas le moment. Trop honteux, je n'en avais pas le courage ni l'envie. J’avais trop peur de ses reproches. Qu’allait-il nous arriver maintenant? Nous empruntâmes un sentier rocailleux que je connaissais bien pour l’avoir parcouru souvent avec mon père.Notre jument dodelinait de la tête en tirant la carriole, avançant d'un pas nonchalant.
Le Sendris, le royaume d’où nous venons, était vaste sans être immense. À l’ouest le désert s’étendait sur une grande partie, rejoignant la mer. Il n’y avait plus de végétations depuis longtemps et, faute de nourriture, les dernières peuplades primitives s’en étaient éloignées. Les oracles des temps anciens avaient prédit ces changements climatiques brutaux. Il y avait dans cette étendue sableuse des lézards mutants, se nourrissant exclusivement de sable, devenant de plus en plus nombreux au fil du temps.Des rumeurs circulaient assurant que des promeneurs disparaissaient en le traversant, gobés par ces reptiles. On racontait aussi que les guerriers des sables avaient quitté ces lieux tout bonnement parce que leurs enfants en avaient peur. Au sud, les villes des pêcheurs bruyantes et animées, avaient été épargnées par les « Glors ». Je pensai me diriger par là mais me ravisai aussitôt, les habitants érudits n’appréciant pas les fermiers incultes. Roublards, ils trouvaient toujours une raison ou une autre pour les tromper. Les jours de tempête où aucune sortie en bateau n’était possible, ils se rendaient dans un temple pour apprendre à lire et écrire. Les fermiers n’avaient pas cette possibilité. Certains trop occupés, ne s’intéressaient qu’à leur bout de terre et se lamentaient parfois lorsque la sécheresse ou les averses de grêle détruisaient leurs récoltes. Ils passaient leurs rares moments libres dans des tavernes à s’emplir la panse ou dans des bordels au grand dam de leurs épouses. Mon père était le seul à savoir lire et écrire et nombres de mariniers refusaient de négocier avec lui. Depuis son accident, il lui arrivait d’accompagner des amis au marché et de vérifier les prix pour eux, approuvant d’un signe de tête ou pas. Nous avions assez d’économies pour prendre le bateau mais aucun ne voudraient nous emmener jusqu'aux îles du printemps. Je proposai à mes parents de prendre à l’est, là où se regroupaient la majorité des villages de fermiers. Mon père y avait des amis. Certains accepteraient peut-être de nous héberger pour une nuit. Nous traversâmes dans un silence de mort une forêt calcinée, les arbres dressaient leurs branches noircies vers le ciel tandis que d’autres semblaient me menacer de leurs doigts osseux. J’eus même l’impression d’entendre mon nom lorsque la brise soufflait dans leurs branchages. « Jon Valendis, maudit, maudit, maudit » Le Sendris était si paisible avant, du temps du roi Firmin. Je ne me souviens plus vraiment de lui, mais d’après les petites gens, c’était un roi bon qui recevait toutes les doléances des villageois et tentait de les contenter. On raconta qu’à sa mort un chêne s’était brisé en deux et que c’était un mauvais signe, pour moi ce n’était rien qu’une étrange coïncidence. Certes, il n’était pas parfait, il lui arrivait aussi de jeter des gens dans ses cellules froides et humides, mais interdisaient toujours à ses hommes d’utiliser les salles de torture pour obtenir des informations. Il avait évité nombres de guerre mais avait perdu la dernière celle contre son frère.
- Spoiler:
Le roi Kal, quant à lui, était un souverain impitoyable. Il dictait les lois qui devaient être respectées à la lettre, tout non respect à celles-ci était puni. Les petits délits, vols, escroqueries, bagarres étaient passibles de mort en cas de récidives. Pour ces crimes les soldats intervenaient et livraient les prisonniers au château. Les infractions les plus graves, attaques contre la famille royale, meurtres, grand banditisme et la profanation des terres sacrées étaient soumises au bannissement, pas seulement pour le responsable mais pour toute sa famille, qu’elle soit ou non originaire de ce pays, sans aucun jugement. Une chance que mes parents n’y avaient ni frères, ni sœurs, que tous vivaient hors des frontières de notre royaume.
Les « kal’urs » ne laissaient jamais le temps de se sauver. Il y en avait toujours quelques uns dans les villages de moindre importance, beaucoup plus dans les grandes villes. Ils n’avaient pas besoin d’ordres venant du château pour intervenir, ils le faisaient aussitôt une infraction commise et les deux gardes qui les secondaient notaient leurs faits et gestes. Les gens en avaient peur, les plus débrouillards les bravaient mais finissaient toujours par être mis aux arrêts. Personne ne savait comment ils pouvaient agir aussi rapidement, le coupable pouvait tout aussi bien être arrêté à plusieurs kilomètres de chez lui que devant sa maison. J’en étais là de mes réflexions, songeant à ces êtres hors du commun sous la férule d’un roi tyrannique. Laissant mon cheval poursuivre la route seul, je me tournais vers mes parents.
Mon père, serrait ma mère de son bras valide, ils s'aimaient toujours comme au premier jour.Il ne parlait plus depuis longtemps. Pas très bavard, il s’était tut à tout jamais depuis qu’il s’était retrouvé dans l’incapacité de travailler. Je n’ai aucun souvenir du timbre de sa voix. Cet homme fier et fragile à la fois, je l’aimais mais ne suis jamais parvenu à me montrer digne de lui. Il fut déçu de mon intention de ne pas reprendre la ferme. La vie sédentaire ne m’intéressait pas. Je désirais être un baladin, parcourir les routes sans entraves, courir par monts et par vaux, aller où me mèneraient mes pas. Je voulais juste profiter de la vie et de ses bienfaits, sainement, comme tout enfant, sans m’inquiéter du lendemain ni me demander comment trouver de l’argent. Dans le Sendris, comme dans les autres royaumes, les bardes étaient plutôt bien accueillis, dans la plus humble des demeures comme dans le plus imposant des palais. J’ignorais alors que ce voyage, cette fuite n’étaient pas prêts de s’arrêter et que nous ne serions accueillis nulle part, du moins dans notre pays. Tout en conduisant notre jument par monts et par vaux, je repensai à mon enfance, pas si loin. Mon père m’apprenait à lire pendant que ma mère préparait le repas, les rares jours où il nous rendait visite. Il travaillait au château comme garde particulier de la reine Fiona, ne la quittant jamais d'une semelle. De temps en temps il revenait à la maison les bras chargés de cadeaux, généralement des sucreries et des légumes que nous n’avions pas l’habitude de manger. Il restait deux jours voire une semaine lorsqu'elle n'avait pas besoin de ses services, principalement lorsqu'elle accompagnait son mari dans d’autres pays. Les gardes de son époux suffisaient amplement à leur protection. Mon père m’expliqua longuement comment le Prince Talmir s’obstinait à vouloir lui apprendre la lecture. A la mort de la reine, il était naturellement passé à la protection de celui-ci, alors âgé de huit ans.Deux ans plus tard,prenant déjà bien à cœur son futur métier de roi, il refusait que ses gardes ne sachent pas lire. « Vous étiez le capitaine des gardes de ma mère et par conséquent êtes devenu le mien. Je suis votre futur roi et vous me devez obéissance. Lisez ! » Il imitait alors le prince, plissant les yeux, mains sur les hanches, penché vers lui jusqu’à ce qu’il prenne le livre. Je me mettais à rire imaginant la scène entre ce nobliau de dix ans à peine enseignant la lecture à son garde de quarante huit ans.
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J’aimerais tant revivre ces moments là, où il me racontait la vie de château, même si je le voyais rarement, mais au moins il parlait et m’emplissait la tête de rêves. Il racontait si merveilleusement les fêtes grandioses que le roi organisait pour l’anniversaire du prince ou de la princesse Gillie, que j’eus souvent l’impression d’y être.J’étais un peu jaloux de cet enfant avec qui il passait beaucoup plus de temps. J'ai alors commencé à devenir pénible aux alentours de huit ou neuf ans, dès que j’ai compris pourquoi il était aussi souvent absent. Je m’imaginais qu’il ne m’aimait pas et, pour qu'il revienne, je m'appliquais à m'améliorer à la lecture et à l'écriture.Lorsque j’eus dix ans, il fit son retour parmi nous. Je n'ai jamais su pourquoi, il refusait d'en parler et ses réponses restaient évasives. Valtán ayant lui aussi travaillé au château un moment pu m'en apprendre plus sur mon père, mais j'aurais préféré que cela vienne de lui. Certains soirs, alors que j'étais dans ma chambre,j'entendais mes parents chuchoter. Mon nom revenait souvent dans leur conversation. Dans ces moments là je collais mon oreille contre la porte, pour écouter. « Je pense qu’on devrait lui dire. Il est temps.» disait mon père et invariablement ma mère répondait: « Plus tard, il n’a que dix ans, laissons-lui encore son innocence. Attendons encore un an ou deux. » Je me demandais alors ce qu’ils avaient de si important à m'avouer. Je ne le sus jamais, il avait cessé de parler deux ans plus tard et ma mère gardait le silence. Depuis je ne cessais de maudire ce stupide accident, qui avait plongé mon géniteur dans un énorme mutisme.
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| Sujet: Les vilipendes du Sendris :Jon (suite et fin) Mar 17 Mar 2015 - 17:56 | |
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Maintenant les rênes d’une main ferme, je fis bifurquer notre chariot à droite. Un hameau d’une trentaine de maisons se dessinait au fur et à mesure de notre avancée. A première vue les demeures avaient résisté à l’assaut des « Glors », mais la réalité était tout autre. Elles avaient brûlées elles aussi. Leurs murs de pierres, noircis, dégageaient encore une légère odeur de fumée. Les toits de nombreuses bâtisses béaient et n’offraient guère de protection contre les intempéries. Heureusement, l’été n’était pas encore tout à fait terminé. Un fermier avait généreusement prêté son terrain afin que les soldats y installent des abris de fortune, pour les sans-abris. Les enfants, insouciants du drame qui venaient de se jouer, couraient dans les petites rues. Notre cheval renâcla un peu lorsqu’un marmot passa brusquement près de lui, Une chance que nous allions au pas. Tous les regards convergèrent alors vers nous. Des mères de famille attrapèrent leur progéniture et les firent prestement entrer dans les tentes. Les gens nous agonirent d’injures et se ruaient sur nous, m’obligeant à faire volter la jument et revenir sur nos pas. Nous ne trouverions rien ici. Bannis de Taris, nous étions dans le même temps devenus des pestiférés, des moins que rien, des parasites. J’espérai trouver rapidement, sinon un endroit où dormir, du moins un travail dans les autres villes et ainsi offrir une nouvelle vie à mes parents. J’étais prêt à renoncer à mon rêve pour eux afin de réparer mes torts et obtenir leur pardon, mais c’était sans compter sur les autres qui voyaient d’un mauvais œil notre passage. Je m’enfonçai toujours plus vers l’est, traversai Lunark et Menalia en cendres elles aussi. Je ne croisais que des habitants hagards, au regard haineux se détournant rapidement de nous ou nous insultant. « Voyou ! Fils du démon ! Traître au royaume ! — Fichez le camp, il n’y a rien pour vous ici. » Un caillou fusa m'atteignant à la joue. Essuyant le sang dégoulinant sur mon visage, j’accélérais l’allure de notre cheval, ne comprenant que trop bien que nous n’étions pas les bienvenus. Ensuite, il y eut Alousia, Pragnia, Bellina, aucune de ces villes ne permit qu’on s’y arrête. Je décidai donc à contrecœur de remonter vers le Nord, vers Tendris, la capitale où siégeait le roi.
Il n’y avait qu’une frontière au Sendris. Nous étions bordés à L’Ouest par l’océan Terranon et à l’est par la mer Tourmente. Constamment tempétueuse, les marins évitaient d’y naviguer autant que faire se peut. De l’autre côté de cette grande étendue d’eau se trouvait Témériade le pays des Elfes et à mi-chemin l’île du soleil, où vivait un grand seigneur dont le fils, Ethan, devait épouser la princesse Gillie. Elle n’était jamais arrivée à destination...Je ne connais pas toute l’histoire, uniquement quelques bribes. Mon père pourrait m’en apprendre davantage, mais hélas, je devrais me contenter d’écouter les rumeurs. Il fallait en temps normal quarante-cinq minutes à cheval pour atteindre Tendris en coupant à travers champs, par la route carrossable, la durée en était doublée. Nous avions déjà perdu beaucoup de temps : d’une part par la recherche d’un lieu d’accueil, d’autre part par les nombreux débris qui jonchaient la route. A plusieurs reprises, je dus dégager un rocher, trainer quelques petits troncs d’arbre assez légers pour que je puisse les déplacer.
- Spoiler:
Au bout de quelques heures de route nous fîmes une pause, tant pour le cheval que pour nous. J’offris du thé froid à ma mère qui le prit sans un mot, sans même me regarder. « Mère, je ne sais que vous dire...» J'hésitais, j'avais encore tellement honte de ce que j'avais fait que j'eus du mal à trouver mes mots. Je me grattai la tête, baissai les yeux devant son air triste. «Je suis désolé de vous causer autant de tourments » Lorsque je lui avais déplu, je ne pouvais que la vouvoyer. Je ne sus jamais d’où me venait cette manie. Je n’avais jamais fréquenté les nobles mais pourtant il me paraissait naturel de lui montrer ainsi tout mon respect. Peut-être était-ce dû aux récits que me faisait mon père, ou encore Valtán? Bien qu’elle n’appréciât pas spécialement, elle comprit que j’étais sincère. « J’ignorais ce qu’il y avait derrière cette porte, il n’était pas dans mes intentions de vous peiner. Je ferais tout ce que je pourrais pour me faire pardonner, même si hélas, je ne pourrais vous rendre votre maison. — Jon... » Sa voix tremblotait légèrement, elle fit un effort pour ne pas m’accabler de sa tristesse et me caressa la joue. « Tu n’es pas l’unique responsable de tout ceci. Le roi y est pour quelque chose. Son conseil lui avait enjoint d’ériger des murailles près des terres sacrées, plus hautes qu’à l’entrée de la plaine ou d’y affecter plusieurs gardes, si Sa Majesté avait écouté ceci ne serait pas arrivé.Mais non, il a fallu qu'il engage ce fainéant de Valtán. Je parierais qu'il passe plus de temps à boire qu'à surveiller. — Mère, vous ne pouvez accuser le gardien, ni même notre souverain. Une étrange impression m’avait saisi lorsque j’ai posé le pied sur la plaine. Pas un oiseau ne chantait, l’air y semblait lourd, étouffant... ». En disant ceci, je constatais que je n’avais pas prêté attention à ces signes. On aurait dit qu’il y planait une sorte de magie noire. Trop content de défier l’autorité, de prendre des risques et de jouer un tour au gardien, je n’avais pas écouté mon instinct...Chose que je faisais habituellement, mais là non...J’ai cru que j’allais m’évanouir, c’était sans doute pour cela que « les Lumens » n’étaient pas sortis de leur maison champignon. me dis-je. Il était vrai que les autres jours, de petites lumières blanches voletaient dans la prairie, pour moi ce n’était que du pollen ou quelques abeilles tournant autour de fleurs. De la tour du garde, j’étais trop loin pour percevoir ce que c’était réellement et ce matin je n’avais pas remarqué leur absence. « Ne lui cherche pas d’excuses, il devrait être renvoyé. Il n'aurait pas dû dormir à son travail. — Mère, ne me compliquez pas la tâche, je suis le seul fautif. »
Je la serrais dans mes bras posant la tête sur son épaule. Mon père, qui la tenait toujours contre lui, se rapprocha un peu plus et je les enlaçais tous les deux. Nous restâmes ainsi serrés les uns contre les autres. Je ne cachais plus mes larmes. Je sentais le bras de mon père me masser le dos. À défaut de l‘entendre parler, ce bras blessé qui se mouvait avec difficulté, dont la main restait désespérément inerte, parvint à me rassurer. Après ce moment de réconfort, nous reprîmes la route, et arrivâmes à la capitale, en début d’après-midi, le lendemain.
J’avais la vive intention de rencontrer le roi afin de plaider la clémence pour mes parents, me doutant un peu que ce serait en vain, mais il fallait que j'essaie. En voiture !
Dernière édition par Sunpatty le Sam 3 Juin 2017 - 23:09, édité 3 fois | |
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| Sujet: Les vilipendes du Sendris: Darian, La capitale Lun 6 Avr 2015 - 22:53 | |
| Tendris: La réunion secrète - Spoiler:
Les « Glors » avaient ravagés de nombreux paysages. Les bois calcinés et les maisons noircies jalonnaient les routes pavées de corps carbonisés méconnaissables. Après le passage des créatures immondes, un silence de mort s’était abattu sur villes et villages, puis petit à petit des cris horrifiés avaient fusé de ci-de là, dans la chaleur déjà intense de cette fin de matinée. Les survivants loqueteux étaient inquiets. Beaucoup de villageois ignoraient ce qu’étaient ces ombres.
Quelques hommes survivants de l’embuscade des bois d’ébène, ces fameux bois où Talmir perdit la vie, savaient. Ils étaient en route vers le château pour assister aux festivités donnés en l’honneur de leur prince, lorsqu’ils l’aperçurent aux prises avec des bandits. Ceux qu’ils prirent tout d’abord pour de simples hors-la-loi étaient en fait des baronnets convoitant certaines terres encore vierges que Kal leur promit s’ils l’aidaient à accéder au trône. La lutte était inégale, la victoire incertaine malgré l’aide apportée par ces nouveaux arrivants. Des ombres noires avaient alors foncé sur eux, décimant les deux camps sans distinction. Le prince et son garde tombèrent. Ils prirent la fuite, les abandonnant ainsi que les membres de leur famille qui avaient été blessés. Ces hommes peu fiers de leurs exploits restèrent cachés plusieurs années jusqu’à ce qu’un sage vienne les chercher pour leur demander de l’aide afin de destituer le fourbe. Le moment était venu de venger leurs proches. Plus tard, ils apprirent par ce même sage, que les baronnets au service du roi avaient été mis à mort par celui-ci. Ils les avaient publiquement accusés d’avoir organisé ce complot pour lui nuire. Ensuite, avec l’aide d’une sorcière des marais, il fit enfermer les démons.Elles avaient attaqué indifféremment les deux camps. Chose étrange, ce jour d'hui, elles ne s'étaient abattues que sur les admirateurs de l'ancien souverain.
Certains rescapés arboraient l’emblème du roi Kal, signe de servitude, sur les conseils avisés du vieux sage. Miraculeusement épargnés lors de la dévastation des «Glors» , ils cachaient dans leurs effets personnels les armoiries de ce dernier. Après le passage monstrueux, le constat était sans appel, toutes les victimes portaient les couleurs du souverain défunt, parfois achetées au marché noir, démontrant ainsi leur ferveur envers la famille royale. Depuis quatre ans, ils cherchaient le moyen de détruire ces démons. Des rumeurs circulaient que le véritable héritier serait en vie ou encore que le dernier né de leur souveraine était caché quelque part. Aucune n’était fondées mais les adorateurs de Firmin aimaient à le croire. L’arrivée du sage sur le continent de Pandaros semblait confirmer ces dires.Ils étaient une poignée à accorder une attention particulière à ces présages qui, pour eux, était leur seul espoir, si maigre soit-il. - Spoiler:
Une fois par mois, sous la férule de ce même individu, ils se réunissaient dans quelques caves secrètes et fomentaient un coup d’état. Il fallait destituer le traître de ses pouvoirs. L’arrivée des « Glors » les inquiétait mais les rassurait en même temps car un changement allait avoir lieu. L’homme qui les avait sélectionné selon des critères spécifiques : Dévouement envers l’ancienne famille royale, loyauté non feinte, bravoures au combat ou encore experts en furtivité, venait participer à leurs réunions et les avait mis en garde, deux jours auparavant : « La prophétie est en marche. Demain viendront les ténèbres mais au bout sera la lumière. — Que voulez-vous dire grand-père ? » Le vieil homme avait alors lissé sa longue barbe, jeté un regard à l’assemblée, plongé ses yeux dans ceux de son interlocuteur et répondu « Patience jeune homme. Ne soyez pas si hâtif. Lorsque le soleil se sera levé deux fois, peu avant midi, des ombres noires détruiront tout sur leur chemin. Portez donc ce jour-ci, les insignes de votre souverain actuel, si vous voulez la vie sauve. — Jamais de la vie. Ce serait une trahison envers mon véritable roi — Ne pas le faire signerait votre mort. Je n'en serais pas responsable. Lorsque le nuage noir sera passé, fuyez, quittez le pays. Il ne fera pas bon vivre dans les Sendris les jours prochains. Gardez ces insignes même si cela vous déplaît. Ils seront votre protection, si malgré tout vous préférez rester ici. Il se passe de drôles de choses dans les prisons de la forteresse. Les rumeurs parlent de disparitions mystérieuses entre autres, mieux vaut ne pas vous faire prendre. Ce sera notre dernière réunion. Voici les instructions qui m’ont été transmises par notre commandeur. » Le vieillard distribua des notes aux membres du clan. Chacun lut son message et une question fusa : « Pouvons-nous savoir son nom ? — Vous le dire serait malvenu pour lui. Il n’a pas que des alliés. Vous pourriez même refuser travailler de concert avec lui. Dîtes-vous seulement qu’il désire la même chose que vous: faire tomber le roi. Contentez vous de suivre ses ordres. Dès que j’aurais d’autres renseignements, je reprendrais contact avec vous, d’une façon ou d’une autre. »
La menace passée les membres du conseil secret se fondirent parmi les survivants, comme le leur avait conseillé le vieillard. Ils aidaient les familles à charger leurs effets dans leur carriole, leur charrette à bras. Le plus jeune d’entre eux avait une adresse où se rendre, ignorant ce qu’était le message des autres et proposa à des paysans de les escorter hors des frontières. De temps en temps un chariot, errait dans les rues désertes, amenant avec lui la peur. Chaque fois que des bruits de roues se faisaient entendre, les gens stoppaient leurs occupations, se réfugiaient derrière les débris des maisons, cachaient les enfants dans les chariots et ne faisaient plus un bruit. Tous craignaient voir arriver Jon Valendis et sa famille. D'après certains ragots, ils seraient toujours dans le pays. Les « Kal’urs » seraient-ils devenus moins efficaces? Il semblerait que la magie dévastatrice des « Glors » atténuerait leur perception , à moins que ceux-ci aient reçu des directives à suivre en cas de la libération des démons.
- Spoiler:
La plupart du temps, il s’agissait de marchands ambulants hélés par les chalands au cours de leur trajet. Ils stoppèrent alors quelques instants pour vendre aux sinistrés de quoi se nourrir ou se vêtir. Cela les retardait quelque peu, mais qu’importe, ils faisaient des bénéfices. Certains offraient de bon cœur des ustensiles, ou des denrées alimentaires aux familles n’ayant pas de quoi les payer sachant qu'ils gagneraient plus de l'autre côté de la frontière. D’autres en revanche, augmentaient leurs tarifs, ricanant de leur escroquerie.
A l'entrée de la capitale, un jeune page à l’allure élégante, achetait au nom du prince Darian des vêtements usagés. Il expliqua que c’était pour les malades de l’hôpital et les plus miséreux du royaume qui affluaient à Tendris, mystérieusement épargnée. Ceux du sud ou de l'est, migraient vers le nord pour fuir ces lieux de désolation. Très peu s’interrogeaient sur les soudaines lubies du prince mieux valait ne pas le contrarier. Ne dit-on pas souvent tel père, tel fils ?
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Dernière édition par Sunpatty le Dim 18 Juin 2017 - 1:06, édité 6 fois | |
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| Sujet: Les vilipendes du sendris [roman] Darian (suite) Ven 17 Avr 2015 - 0:48 | |
| Darian et l'oiseau - Spoiler:
Darian observait tout le remue-ménage qui se déroulait hors des murs. De la tour où il se trouvait il pouvait voir dans toutes les directions. Chaque mur avait une fenêtre dirigée vers les différents points cardinaux. Du Sud montaient les affligés, certains passaient par Tendris, s’installaient chez de la famille ou traversaient simplement la ville avant de rejoindre les frontières. Des partisans de Firmin, venaient quémander de l’aide au roi en échange de servitude. Vers le Nord, une file ininterrompue de chariots, gravissait la colline. Semblable à une longue file de chenilles processionnaires, on n’en voyait pas la fin et la tête de file avait déjà disparue dans les vallons. D’autres encore partaient vers l’Ouest rejoindre, le seigneur des Marais, son grand-père. A l’est, les voyageurs étaient moins nombreux, très peu aimaient prendre la mer vers l’ile des pluies. En l’absence de son père, sa mère gérait l’exode. Il fallait qu’elle en aide le plus possible, son mari n’en ferait rien et les laisserait dans la misère. Malgré ce qu’elle lui en disait, il avait du mal à croire qu’il eut pu un jour être différent de ce qu’il était devenu en seulement quatre ans.
Tous ces chariots qui grimpent la colline, tous ces gens qui partent, vers la frontière. A qui la faute ? Un gamin de quatorze ans. Pourquoi les démons ont-ils épargné Tendris ? Un oiseau multicolore vint se poser sur l’appui de fenêtre près de lui. Interdit, il l’observa un instant, n’osant faire un geste puis il tendit maladroitement une main vers ce magnifique volatile et le caressa.
« Ta vie a l’air plus agréable que la mienne, bel oiseau. Tu vas, tu viens, jusque dans mes rêves. — Peut-être que je ne suis pas un rêve, mon prince. Les gens fuient et fuiront encore tant que les « Glors» seront libres. Même les commerçants plient bagage. » Darian restait perplexe. L’oiseau communiquait-il vraiment avec lui ? Il reprit le fil de ses pensées sans quitter l’animal des yeux. « Les marchands ambulants n’ont jamais été aussi nombreux. Habituellement, à cette période de l’année, ils arrivent par vagues successives, mais là devant les villes détruites, ils sont obligés de monter jusqu’ici pour trouver de la clientèle. — Certains d'entre eux, mais la plupart fuient. Après avoir libéré votre cousin, cherchez la vérité dans les livres, Prince Darian. Cherchez et vous trouverez — Je dois être fatigué.Les oiseaux ne parlent pas par télépathie. — Je ne suis pas un oiseau ordinaire. Je fais parti d'un peuple que le vôtre déteste. Cela faisait un moment que je n'étais venu ici. il y a quatre ans je voulais rencontrer le roi Firmin. j'avais une bonne nouvelle à lui apprendre. Hélas, il avait déjà été assassiné. Depuis je surveille votre famille pour savoir si mon peuple pouvait vous mettre au courant.Vous avez l'étoffe d'un grand roi, Prince Darian. — Je n'ai pas prétention à le devenir. — Talmir ne redeviendra pas comme avant.Vous vous en doutez n'est-ce pas? Votre père ne l'a pas uniquement détruit moralement. Il a tenté de le tuer et il continuera. Tout ce qu'il fait c'est par amour pour vous. — Ridicule, depuis mes seize ans, j'ai l'impression de ne plus avoir de père. Je ne peux plus sortir sans être montré du doigt. Un jour on finira par me tuer. —Je veillerais sur vous, Prince car le monde a besoin de vous. Si vous échouez à protéger Talmir, faites en sorte de sauvegarder la vie de son frère. — Je ne sais qui il est ni ou le trouver... — Vous l'avez déjà vu et vous le verrez encore. Si vous échouez le monde entier est perdu et pas seulement le Sendris. Je dois vous laisser, vous en savez déjà trop. — Bel oiseau aurais-je un jour l'occasion de vous voir sous votre véritable apparence? — Lorsque j'estimerais que vous êtes prêt. L’oiseau prit son envol et le prince le suivit du regard jusqu’à ce qu’il ne fut qu’un point dans le ciel. Ses pensées se tournèrent alors vers Talmir. - Spoiler:
Il espérait que son jeune serviteur trouverait des vêtements, suffisamment élimés pour en vêtir son cousin, le temps de lui faire passer les frontières. Tout était prêt pour l’évasion. Il avait donné tous les détails à Penn. Les caves circulaient sous le château et en suivait la circonférence. Dans l’une d’entre elle un passage secret était aménagé, permettant aux assiégés de se réfugier dans la forêt, où avait eu lieu l’embuscade. la seule fois où il eut son utilité fut lorsque les gardes de Firmin, l’empruntèrent pour fuir les ombres maléfiques, en vain. Penn, Lorsqu’il n’était qu’un simple page, les visitait souvent avec son souverain ou l’intendant qui s’occupait des réserves. Le roi lui avait alors indiqué cette sortie au cas où, un jour, le château serait menacé. Il lui accordait toute sa confiance pour protéger son fils. Darian ne l’ignorait pas et fit de même. Le véritable risque était que le roi revienne de la chasse plus tôt que prévu et les surprennes lorsqu’ils emprunteraient la route sylvestre. Normalement son père ne rentrait pas avant une huitaine de jours lorsqu’il allait chasser, c’était l’occasion idéale. Ils en avaient encore cinq devant eux, sauf si la libération des « Glors » le fasse revenir plus tôt. Peu importe il avait un plan B. Le prince appuya ses coudes sur le rebord de la fenêtre et laissa son regard vagabonder au dessus de la ville.
Je déteste cette ville, je déteste ce château, ce vide, ce calme. Où sont passés nos rires, nos cris, nos querelles, notre camaraderie. Fils unique j’ai souffert de cette situation, mes cousins remplaçaient les frères que je n’ai pas eus et maintenant je n’ai plus rien. Dans notre manoir Noblepierre à Pleurlac, je m’ennuyais. La seule chose qui me plaisait était de me promener sur les quais bruyants parmi les pêcheurs. Oui, l'odeur des embruns me manquent. Je ne voulais pas d’un château, ni être prince. Etre le seigneur de Pleurlac me suffisait. On me surnommait « Le Prince des pêcheurs » maintenant on me nomme « Le fils du traître »
L’irruption de sa mère dans la pièce où il se trouvait le sortit de ses réflexions. Elle lui demanda de la conduire dans les cachots. Tout juste la quarantaine, on lui en donnait vingt. Les épreuves et le temps semblaient n'avoir aucune emprise sur elle. En prévision de sa visite des cachots, elle avait délaissé ses soieries, qu'elle avait en horreur, pour un ensemble en cuir, pantalon et gilet en manche courte sur une chemise de flanelle ornée d'un jabot.Une nouvelle mode lancée sur l’île du printemps. Cette tenue ferait hurler de rage son époux mais elle n'en avait cure. Les froufrous et les dentelles n'étaient pas pour elle. Unique fille d'un lord du Nordis, élevée avec cinq frères, elle ne rechignait pas aux tâches les plus ingrates. En la mariant à un seigneur du Sendris il crut qu'elle deviendrait plus féminine et son statut de reine n'y changea rien. Elle évoluait majestueusement en public, mais une fois de retour dans l'enceinte de sa demeure , elle se débarrassait de ses jupes encombrantes pour des tenues plus simples.
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Dernière édition par Sunpatty le Jeu 22 Juin 2017 - 21:46, édité 9 fois | |
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| Sujet: Les vilipendes du sendris [roman] Darian (suite) Dim 3 Mai 2015 - 18:04 | |
| Fastrade, la reine: Visite des cachots Malgré sa réticence, Darian la conduisit vers l’entrée des sous-sols, devant laquelle L’attendaient huit gardes, quatre de sa mère et ceux de sa garde personnelle. Fastrade avait donné des consignes à Guilbert avant l’attaque des « Glors ». Mise au courant à propos de l’évasion, elle avait fait le nécessaire pour que personne ne se pose de questions, sauf peut-être le geôlier de Talmir. Le premier, « l’huître », avait été arrêté à la fin de son service lorsqu’il remonta des cachots. Il attendait patiemment son acolyte, bien à l’abri derrière des barreaux. La souveraine entra dans les souterrains et pénétra dans le bureau de Guilbert. La maison du gardien chef était conçue de telle façon que l’arrière ouvrait sur le couloir menant aux geôles. Il y avait installé son bureau. C’était par cette porte qu’il accueillait les gardes venant lui faire leur rapport. Derrière lui une autre ouverture permettait d’accéder à la tour du médecin, qui elle-même donnait, d’une part sur l’hôpital, d’autre part sur une cellule où étaient amenés les détenus malades du premier étage. Lorsqu’il aperçut la reine et son fils par le guichet percé dans le mur, Guilbert leur ouvrit et s’inclina. « Votre Grâce, Altesse. — Bonjour Guilbert. Quels sont les gardes présents ? — Les vôtres Madame, selon vos consignes. Au second ce sont les nouveaux stagiaires, les amis de votre fils moins impressionnables face aux faux geôliers de votre mari et ce brave Holmett. Les plus jeunes seront désormais affectés à l’étage intermédiaire. « Bien, dorénavant ce sont mes hommes qui se chargeront de la surveillance des prisons. Cette tour sera fermée. Mes capitaines ici présents se chargeront de les informer. Seules vos cellules resteront actives.»
Guilbert salua les subordonnés de la souveraine, tout en leur jetant un regard suspicieux. Il suspectait l’un des deux d’avoir accidentellement causé la mort de sa fille, mais ne dit mot. Il reporta son attention sur la souveraine. « Il n’y a plus tellement de prisonniers qui y séjournent, vous savez. —Je ne l’ignore pas, mon fils m’a tout expliqué. Ces cellules serviront désormais aux détenus blessés ou malades . Ce sera plus pratique pour le médecin. Je ferais en sorte qu’il n’y ait plus de prisonniers. S’il advenait que des nobliaux se fassent arrêter, je veillerais personnellement à ce qu’ils soient logés dans l’aile Sud du château. Vous y installerez vos propres appartements. — Votre mari... — Mon mari n’y trouvera rien à redire, il ne faudrait pas qu’il oublie que ses gardes lui ont été fournis par mon père. Les siens ayant décidé de le laisser tomber après le massacre des serviteurs. Avez-vous préparé ce que je vous ais demandé ? — Oui Votre Grâce, voici le dernier registre tenu par votre beau-frère. » Elle s’empara du livre et le remit à un de ses capitaines : « Je vous remercie. Je vous le ramènerais dès que possible. — Prenez le temps qu’il vous plaira. — Le médecin est-il auprès de mon neveu ? — Bien sur, mais comme celui-ci était agité, il a dû renvoyer dans son bureau l’homme que votre fils lui a assigné. Le malade refusait de se laisser approcher malgré la présence du Celisien. Certes, l’homme est assez impressionnant mais il semblerait que le pauvre garçon ne tolère que la présence de l’écuyer du prince. Même le médecin ne peut l’approcher. — Agité ? Comment cela ? — Quatre gardes de votre fils sont allés le chercher sur son ordre. —Darian ? Pouvez-vous m’expliquer ? — Bien sur, Mère. Je suis allé voir Talmir hier dans la soirée. Après avoir appris par les stagiaires que trois hommes en noir venaient le voir régulièrement et en constatant son état déplorable, j’avais donné l’ordre à « la baleine » de le faire monter. — Pourquoi ne pas l’avoir demandé à Penn ? — Il n'est au courant de l'évasion prévue ce soir que depuis ce matin, Mère... Comme il ne me parlait pas de transfert, j’en ai conclu que mes ordres n’avaient pas été exécutés. Je l'ai donc envoyer chercher Talmir avec quatre gardes. — J’espère que vous n’avez pas traumatisé ce petit. Il était agité lorsqu’il est arrivé ici. Un des gardes a même été blessé. Votre écuyer est parvenu à le calmer avec beaucoup de mal.» Guilbert avait la singularité d’appeler petit tous les jeunes hommes qu’il côtoyait. Heureusement que nous avons Penn sous la main. Je comprends que Talmir ait été apeuré. Pensa la reine. Darian agit parfois sans réfléchir. Il idolâtre tellement son cousin qu’il s’imagine que la prison ne l’ait pas changé. J’espère qu’il ne sera pas trop déçu. « A propos du prisonnier, votre fils ne m’a rien dit. J’ignorais que c’était votre neveu. — Je lui avais conseillé de rester prudent, il ne sait pas encore à qui il peut faire confiance. — Sage décision... Et donc en ce qui le concerne? — Je viendrais lui rendre visite plus tard. Je vais d’abord faire une inspection des cellules. — L’obèse est à son poste. Je n’ai pas eu le temps de l’intercepter et de lui dire que le détenu avait été transféré. — Il pensera sans doute à une des mystérieuses disparitions...Il n’osera peut-être pas remonter le pauvre. » Se moqua Darian. Sa mère le reprit et lui fit signe de la suivre après avoir remercié le garde.
« Sauf votre respect Votre Grâce, je vous conseillerais de rester vigilante. Les deux gigolos que votre mari a engagés ne m’inspirent guère confiance. — Ne vous en faites pas, mon brave Guilbert, avec eux, je ne risque rien. » Elle désigna ses hommes.
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| Sujet: Les vilipendes du sendris [roman]: Darian (suite) Sam 16 Mai 2015 - 23:53 | |
| Fastrade et Darian les cachots Darian s’impatientait, il avait hâte de revoir son cousin et la pressa un peu. Il attendait près de la lourde porte en chêne. J’aurais tant voulu qu’elle change d’avis. Il ne lui plut pas de la mener au delà du premier étage, mais elle insista, craignant ne pas en avoir l’occasion plus tard. A contrecœur, il accéda à sa demande.
Une lanterne à la main, il lui tint le bras afin de l’aider à descendre les degrés sans encombre. Sur le premier palier, il tenta à nouveau de lui faire rebrousser chemin mais celle-ci lui répondit par la négative.
« Vous m’aviez promis de me montrer les conditions de captivité des détenus. Au retour de votre père je n’aurais pas cette liberté d’aller et venir. » Il n’ajouta rien et continua néanmoins. Malgré l’odeur acre de moisissures, d’humidité et le salpêtre s’infiltrant sur les pierres, la souveraine supportait stoïquement la même épreuve que son fils précédemment. Darian l’admirait pour son courage, il en était fier.
En compagnie de Talmir et de son oncle, il avait déjà eu l’occasion de descendre dans ces méandres souterrains, mais ne parvenait toujours pas à se faire à cet air irrespirable. Il y avait aussi vécu trois jours et trois nuits lorsqu’il avait été fait prisonnier par son propre père. Ce sentiment d’étouffement, ce malaise qu’il ressentait le ramenait toujours à cette épreuve.
Darian l’avait prévenu que ce ne serait pas facile d’y descendre. Ouvrant la marche deux de ses hommes et deux de sa mère encadraient un porte clés qu’ils avaient sommés de les suivre. Le jeune homme débutait sa formation, Guilbert lui enseigna son rôle et lui apprit à reconnaître les bonnes clés pour chaque porte. Il allait pouvoir se faire la main rapidement. Les porte-clefs escortaient les gardes jusqu’aux cellules. Ce travail fut mis en place par la reine afin d'aider ceux qui avaient perdu un membre de leur famille lors de la traîtrise de son mari.Les hommes chargés de conduire les détenus n’appréciaient pas l’air putride des cachots et encore moins perdre du temps pour trouver la bonne clef, ce qui les agaçait au plus haut point. Dans les escaliers, la reine en comprit désormais la raison. Ses gardes plissaient les narines de dégoût, se demandant quelle lubie pouvait bien la pousser dans cet immonde endroit.
Darian n’aimait pas s’encombrer d’hommes aussi nombreux. Les rares jours où il parvenait à s’éclipser du château, il ne partait qu’avec Penn. Sa seule présence lui suffisait. Le peuple des pluies, adulé et craint en même temps, était un peuple mythique au destin particulier. Il avait à charge d’absorber les douleurs de l’humain auquel chaque membre était relié par un lien invisible. Tous sans exception, quittaient leur île pour rechercher leur double ou binôme afin de devenir leur âme lige. Darian regrettait que Penn ne soit pas le porte-souffrance de Talmir, ni le sien, mais espérait égoïstement qu’il ne trouvât jamais son double afin de ne pas avoir à se séparer de lui.Il continuât à descendre les degrés de pierres. Arrivés à l’étage intermédiaire, sur la gauche s’ouvrait un petit corridor d’où lui parvenait des sanglots. A l’entrée de ce couloir le local, dont le guichet donnait sur le palier, était identique à celui où se trouvait Holmett. Les deux apprentis y jouaient aux cartes. Lorsqu’ils aperçurent le prince et sa mère, ils les saluèrent. Dirk et Brian Northforlk, tous deux écuyers âgés de quatorze et quinze ans au moment des faits, avaient opté pour la vie et ployé les genoux devant l’infâme tyran. Qui pourrait le leur reprocher ? Blessé à une jambe, Brian ne devait la survie qu’à son frère qui perdit un œil dans la bataille. Pour se protéger la tête il avait récupéré le heaume de son maître, mais une flèche perdue était malencontreusement parvenue à se frayer un chemin, au travers de la fine ouverture lui permettant de voir
Ces deux là ne diront rien, ils ont peur de mon père, songea le prince. Je leur ai fait une proposition : les incorporer parmi mes hommes après leur formation de geôlier, même si Brian boitera toujours, il est bon cavalier. Son frère n’est pas en reste, J’ai eu l’occasion de le combattre en entrainement dans la cour. Malgré son œil manquant il est toujours aussi expert dans l’art de l’esquive. Il a appris à utiliser ses autres sens l’ouïe et l’odorat en s’isolant des nuits entières dans la forêt.
Darian regretta ne pas avoir prêté attention à ces cellules la veille. Il s’était contenté de se diriger vers le cachot de son cousin. Il se mordit la lèvre, prêt à subir l’interrogatoire de sa mère. Alors qu’elle s’apprêtait à emprunter le corridor, à la suite de ses hommes, il la retint : « Mère avez-vous vraiment l’intention de tout visiter ? Mon cousin n’était pas à cet étage. Ne devrions-nous pas plutôt remonter et rester avec lui ? — Votre cousin ne risque rien. Penn est auprès de lui. Vous avez entendu Guilbert. Talmir ne tolère qu’un étranger auprès de lui. Vous n’auriez pas du l’envoyer chercher de cette façon. Après ce qu’il a subi, nous n’allons pas lui imposer notre présence si brusquement. Le temps que nous visitions les cellules, Penn l’aura certainement rassuré son prince. — Les gardes étaient la garantie qu’il puisse le transférer sans moi. Ils s’y sont mal pris. — Vous êtes encore bien naïf mon fils. Vous auriez du leur expliquer la meilleure façon de procéder. Vous les avez laissés seuls prendre leur décision. Nous en reparlerons. Menez-moi donc dans l’ancienne cellule de Talmir. Je veux voir ce que me cache encore mon perfide mari et dans quelles conditions il le tenait captif. —Ce n’est pas ici Mère, mais plus bas sur la droite. Je ne sais ce que vous trouverez par-là. » Il désigna le couloir de gauche. « Je n’y suis pas allé. Je m’inquiétais surtout pour Talmir. — Allons voir alors. » Il la suivit à contrecœur. Il avait surtout hâte de remonter.
La souveraine ne s’attendait pas à ce qu’elle allait découvrir. Dans l’un des cachots séjournaient des enfants assez âgés pour devenir des pages ou des écuyers. Son mari les gardait en otage depuis six mois pour s’assurer que leurs parents ne tenteraient rien contre lui. Ils ne seraient libérés que lorsque leur père lui prêterait allégeance.
Il avait promis que les enfants seraient bien traités et les voici amaigris, terrifiés. ? Je pensais qu’il les avait envoyés chez quelques uns de ses vassaux. Comment ais-je pu être aussi aveugle?
Un des gardes éclaira la cellule. Bien qu’il fasse encore jour peu de lumière y pénétrait, laissant des coins d’ombre par ci, par là. Elle ordonna au geôlier qui les accompagnait d’ouvrir la cellule et entra. Les enfants terrifiés s’éloignèrent de la grille. Huit ans à peine pour certains d’entre eux et des yeux si grands qu’ils semblaient dévorer leur visage émacié. Le plus âgé, quatorze ans environ, se plaça instinctivement devant les plus jeunes. Lorsqu’elle fut proche d’eux, il tendit ses bras leur faisant barrage. Il porta les yeux sur Darian puis sur la souveraine. L’air déterminé il ne bougea pas d’un cil. L’un des enfants, une petite fille,se glissa sous les bras de son frère et s’approcha d’elle, s’agrippant à ses jupes. Le jeune garçon, l’attrapa et malgré ses protestations la remit derrière lui. « Tu n’as rien à craindre de moi, mon grand. Je veux vous aider. » L’aîné, jeta un regard par dessus son épaule, et désigna les hommes de son menton. Elle comprit le message et conseilla à ses gardes de reculer, ils effrayaient les enfants. Il finit par s’agenouiller devant elle. Ce petit doit être si désespéré pour qu’il s’incline devant moi...Son père risque de ne pas apprécier. Je vais lui envoyer un messager avec mes armoiries, il sera mieux accueilli qu’avec celles de mon mari. Je vais lui dire que ses enfants seront sous ma responsabilité pendant deux ans et passé ce délai je les renverrais chez lui. L’ainé sera formé pour être l’écuyer de Darian. Ainsi il pourra laisser partir Penn, le moment venu.
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| Sujet: Re: Les vilipendes du sendris [roman] Mar 26 Mai 2015 - 0:40 | |
| Fastrade et Darian: Les cachots Elle leur caressa la tête pour les rassurer. Ils n’avaient pas vu le soleil depuis si longtemps... Leur corps était couvert de croûtes et leur chevelure de parasites. « Je vais envoyer quelqu’un vous chercher. Vous n’allez pas rester ici. Ce soir vous ne dormirez plus dans ce cachot, mais dans un bon lit.Vous serez lavés, coiffés et nourris correctement.» Le jeune garçon la remercia. Les enfants se mirent à pleurer de plus belle lorsqu'elle les quitta.Elle entendit alors l’aîné leur chanter une douce mélodie qui les calma aussitôt. Dans la cellule suivante un homme s’agrippa aux barreaux de la grille si brusquement que la reine sursauta : « Suis-je en train de rêver ou entends-je vraiment une douce voix ?» Il se pinça la joue. « Ah non, je ne rêve pas. Que vient donc faire une telle beauté dans un endroit aussi sordide ? Avez-vous commis un quelconque délit pour être sous si bonne escorte ou alors cela signifie-t-il que je sois mort?» Il passa son bras au travers des barreaux « Venez donc partager ma cellule. Certes, ce n’est pas très douillet mais vous ne trouverez rien de plus confortable que mes bras. — Écartez-vous, ne parlez pas ainsi à la reine ! » Le garde qui venait d’intervenir frappa sur les barreaux pour le faire reculer. D’un geste la souveraine lui signifia que ce n’était rien. Ce prisonnier, elle le connaissait. C’était le fils d’un des barons exécutés par son mari. « La... la... la reine ? Toutes mes excuses, Votre Grâce. — Quel est votre crime ? — Ne pas avoir plié le genou devant Sa Majesté Kal. Comment pourrais-je servir un homme qui a fait exécuter mon père, après qu'il ait tendu l'embuscade au prince en échange de fief. A la place il a été accusé de trahison et pendu. — Je vois... » Ainsi donc il a fait condamner ceux qui avaient agis sur ses ordres.Elle réfléchit un instant avant de reprendre : « Ce soir vous serez transféré dans une autre cellule. Il se peut que j’aie un travail pour vous, si vous l’acceptez vous serez libre d’ici quelques jours. J’enverrais quelqu’un vous chercher. — Tout ce qu’il vous plaira Votre grâce, tant que vous ne m’obligez pas à prêter allégeance à votre mari. — Ne vous en faites pas pour ça. Ce n’est pas dans mes intentions. Vous travaillerez pour mon fils et moi . J’ai une dette envers votre père. Malheureusement mon mari ne m’a pas permis de l’honorer. » Darian toucha le bras de sa mère : « Mère, si père venait à l’apprendre. — Il n’en saura rien. » Je me sens responsable de tout ce qui arrive. Si tu savais dans quelle condition tu es venu au monde. J’ignorais alors que mon envie d’enfant allait semer la mort pour tes seize ans. Elle s’adressa à nouveau au prisonnier : « Deux de mes hommes viendront vous chercher cette nuit. » Elle jeta un regard à un de ses accompagnateurs qui acquiesça d‘un signe de tête. Ils quittèrent la cellule. Dans les suivantes ils trouvèrent un homme si malade qu’il n’avait même plus la force de se lever. Les rats le dévoraient sans qu’il ne les chasse.Quelle désolation. Il ne se rends même pas compte qu'il sert de nourriture aux rats. « Abrégez ses souffrances. » Combien vais-je encore en trouver dans cet état ? ? Dans la suivante, allongé sur le sol un Celisien semblait souffrir le martyr, s’agitant comme si la mort s’emparait de lui. Au bout de quelques secondes il se redressa sur son séant l’air triste et se releva. Comme si de rien n’était il secoua sa tunique pour la débarrasser des morceaux de pailles qui s’y accrochaient, avant de lever la tête vers elle. « Il est mort n’est-ce pas ?» D'un signe de tête elle acquiesça. — Que fait un homme des pluies ici ? » L’homme éluda sa question d’un geste. Il sortit sa dague sacrée. Croyant la reine en danger un garde voulut s’interposer et fut étonné lorsque l’arme s’effrita sous les doigts fins de son porteur. Un immense sourire illumina son visage. « Je suis libre. — Vous étiez lié à lui ? — Je l’ai senti mourir. Je suis heureux que tout soit terminé pour lui. Une chance qu’il n’ait pas souffert » Lui mais pas vous, fils de la pluie. Vous avez senti les rats le dévorer. Il ne devait certainement pas s’en rendre compte. Il ne cherchait pas à les chasser. Il a même esquissé un semblant de sourire en voyant l’arme qui allait le frapper. « Vous n’avez pas répondu à ma question. Que faisait un Celisien dans ces prisons? Personne ne vous emprisonne normalement. — Je voulais être avec mon double mais ils n’ont pas voulu nous mettre dans la même cellule. — Vous êtes un peuple bien étrange...Naitre pour souffrir à la place des autres. » Le Celisien observa la reine et son fils. « Je suis béni car j’ai accompli la moitié de mon chemin, mais je devrais attendre ma mort, revivre et chercher à nouveau mon double, je n’ai pas accumulé assez de souffrance. Je me réjouis aussi de savoir qu’un de mon peuple réalisera son rêve. Il sera relié au traqueur des « Glors ». Je ne peux vous révéler son nom mais il est dans le Sendris. Il est maintenant temps pour moi de retourner sur mon île diamant. » La reine fit ouvrir la grille. Il sortit. Posant sa main sur le bras de la souveraine, il ajouta « Si je puis me permettre Votre Grace. Pourrais-je vous donner un conseil ? — Faites donc. — Ralliez-vous aux Elfes, vous ne le regretterez pas. » Les elfes...Ils ne se mêlent jamais des querelles des humains. Pourtant cet oiseau... « Merci du conseil Monsieur ?... — Je vous en prie pas de Monsieur. Gauvain suffira, Votre Grâce. » Il se tourna vers le prince qui jusque là était resté silencieux. « Faites appel à nous en cas de besoin Prince Darian. Et attention plus bas. Protégez votre mère. » lui dit-il par télépathie. Le jeune Dauphin était perplexe. Il le regardait s’éloigner. Il savait que l'inconnu ne craignait rien, que les gardes le laisseraient passer, ceux de sa race étant vénérés comme des divinités. Les gens de la pluie se ressemblent-ils tous ? Toujours le sourire quelque soit les circonstances. Un sens du devoir hors du commun, et une acceptation de la souffrance comme si elle était normale. Qu’a-t-il voulu dire par protégez votre mère ? La troupe fit demi-tour et s’engagea à nouveau dans l’escalier. Au fur et à mesure de la descente, l’angoisse et l’inquiétude étreignait le cœur de Darian
Dernière édition par Sunpatty le Dim 18 Oct 2015 - 18:27, édité 3 fois | |
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| Sujet: Re: Les vilipendes du sendris [roman] Sam 30 Mai 2015 - 15:51 | |
| Darian et les stagiaires : Les cachots Alors qu’ils atteignaient le dernier guichet, des cris résonnèrent dans le couloir. C’était une voix apeurée, celle du geôlier. « Que... que faites-vous ici ? — Nous venons rendre visite à notre cher prince. » Quelqu’un venait de dégainer son épée. « Vous... vous ne deviez pas arriver main..., maintenant. Il... Il n'y a pas de pr...prin... prince ici. — Notre Roi nous a ordonné de lui rendre visite aussi souvent que nous le souhaitions...Vous lui aviez envoyé un message, nous en sommes la réponse... Nous devons terminer le travail. Ouvrez la cellule sinon je vous débite en tranches » Darian ne reconnaissait pas l’autre voix. Il passa devant les soldats, leur fit signe d’attendre et surtout de rester près de la reine. La lourde porte était restée entrouverte. Ne devrait-elle pas être fermée ? Darian se plaqua contre le mur et jeta un œil. Des « Kal’urs ». L’homme agita furieusement son arme devant « La baleine. » « Grouilles toi ! Nos amis s’impatientent » Il désigna trois autres hommes placés dans l’ombre, derrière lui. Ils ont hâte de tâter de la chair royale. Le roi nous a conseillé d’accélérer le processus.» L'homme donna un grand de son épée sur la table faisant sursauter le gardien. —Tout...tout...tout de suite. » Le processus ? Quel processus ? se demanda Darian.
Le geôlier ventripotent se leva en ronchonnant. Il quitta son pantagruélique repas un instant et repoussa la table. Il ouvrit la grille tremblant et les laissa entrer, attendant près de celle-ci. Il n’y mettait jamais les pieds et se contentait de déposer la nourriture au sol, obligeant ainsi le détenu à se déplacer jusqu’à la grille. Il en profitait alors de lui jeter les détritus de son propre festin. Parfois il mettait la gamelle tout contre les barreaux et en profitait de le frapper de la poignée de son arme, s’il mangeait avec les doigts au lieu de faire comme les chiens. Talmir en vint à ne plus se déplacer jusque la grille. « Où est-il ?! Où est le prisonnier ?! » Le « kal’urs » semblait furieux. « Je...je... je l’ignore. Je...je...je croyais qu’il était ici. — Vous croyez ?» Le geôlier recula effrayé. « Vous étiez pourtant sensé le surveiller ! Sa Majesté ne vous avait-elle pas fait comprendre qu’il pouvait être dangereux pour lui ? » L’homme recula davantage jusqu’à ce que le mur l’empêcha d’aller plus loin. « Ou...oui. Mais... mais...mais... De... Demandez aux nouveaux...Ils savent peut-être quelque chose. — Les nouveaux n’ont pas été choisis pour ce rôle de confiance et ont reçu des ordres strictes, ne pas se mêler de vos affaires. Ce détenu vous avait été confié.Il y a des disparitions étranges entre ces murs et celui-ci ne devait pas disparaitre. —Il, il, il y est peut-être encore, vous ne devez pas avoir bien regardé. Il fait si sombre là dedans. — Venez vérifier par vous-même.» l'individu le tira par le bras pour le faire avancer. « Laissez-moi ! » Il se débattit, deux « Kal’urs » tentèrent alors de l’attirer dans la cellule. « Mes amis vont s’amuser avec toi alors, et puis pour une fois ils vont se régaler. Entendre quelqu’un leur demander grâce est plus jouissif pour eux que de simples grognements. — Laissez-moi ! Je vous en prie. » Il se pencha en arrière, essayant tant bien que mal de résister. Il se laissa trainer. Deux miliciens se postèrent derrière lui et le poussèrent. Des cris et des hurlements parvinrent rapidement à Darian et sa mère. « Pitié ! Laissez-moi. »Un bruit de lutte montait du corridor. L’obèse, entièrement nu, parvint à se dégager et à s’extirper du cachot, en rampant, nez en sang. Le pauvre, je le plaindrais presque. Ces cris Talmir a du les pousser sans qu’il ne lève le petit doigt. Je dirais bien à mère de remonter, mais elle n’acceptera jamais. Je ne peux pourtant pas rester indifférent.
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| Sujet: Re: Les vilipendes du sendris [roman] Ven 5 Juin 2015 - 23:14 | |
| Darian le justicier Les « Kal’urs » apparurent de nouveau. L’un d’entre eux asséna un violent coup de pied au geôlier qui se remit à hurler. Petit à petit, les cris laissèrent place à des gémissements.Les prisonniers, attroupés près de leur grille, se mirent à rire. Un peu de spectacle dans leur triste quotidien ne leur ferait pas de mal. Darian ne les distinguait pas, mais aperçut leurs mains au travers des barreaux cherchant à happer l’infortunée victime. «Eh les gars, matez-moi ce cachalot échoué. — la marée a du être vachement forte pour qu’il atterrisse ici. » Des éclats de rire résonnèrent dans le couloir. Les miliciens imposèrent le silence par le seul fait de lever les yeux vers eux. Le geôlier gisait toujours sur le sol. Il ne bougeait pas. « Regardez-moi ce gros plein de soupe, ce pleutre, et c’est lui qui devait garder le prisonnier ? » Déclama un « kal’urs ». Il le poussa du pied. « Ce n’est que de la viande flasque et avariée, même mon chien n’en voudrait pas. — Faut croire que notre roi a le sens de l’humour. Il n’a même pas osé sortir son arme. — C’est à nous qu’il aurait du confier la garde du prisonnier.» Un « Kal’urs » lui donna un nouveau coup de pied dans les flancs. « Nous allons fouiller les cellules à tous les étages, si tu l’as caché quelque part, nous finirons par le retrouver. Debout gros tas, Donne-nous les clefs." A ces mots les prisonniers reculèrent au fond de leur cachot. — Je n’ai que celle de ce cachot. Ce sont les stagiaires qui ont les autres. — Bien alors allons trouver ces stagiaires. Arwan, Pierc, suivez-moi. Vous trois on vous laisse votre joujou.» Les stagiaires...songea aussitôt le prince.
Darian jaugea la situation et recula. Le couloir n’était pas assez large pour que les gardes interviennent avec leur lance. Il se mit à hauteur du guichet et s’agrippa au rebord. Gurvan l'aperçut le prince et donna un coup de coude à son voisin. Leurs regards se croisèrent et il mit un doigt sur ses lèvres pour leur imposer le silence. Un de ses hommes lui fit la courte échelle. Il se hissa et atterrit de l’autre côté. Les deux apprentis-gardes, Niort et Gurvan se tapirent au fond de leur bureau, entendant les miliciens remonter le couloir. Holmett, après avoir barricadé l’entrée, attendait bien campé sur ses pieds. Il jeta le trousseau de clef au prince et reporta son attention sur la porte. Darian les donna au capitaine des lanciers. « Fermez la porte du couloir, afin qu’ils ne puissent sortir. Holmett et moi allons nous occuper d’eux. — Darian, c’est de la folie. — Mère. Je frapperais trois coups si ça tournait au vinaigre. Mais j’aimerais mieux vous savoir en sûreté. — Nous avons nos gardes. — Je veux qu’ils restent avec vous. Le peu d’espace entraveraient leurs mouvements. Il nous faudrait des épéistes pas des lanciers. » Darian se tourna vers ses hommes. « Capitaine faites ce que je vous dis. Quant aux autres préparez-vous à évacuer ma mère si nécessaire. Ils approchent.» Dans le petit bureau, Darian se mit lui aussi en position pour intervenir. Les pas des miliciens se firent de plus en plus proches. : « Nous devons le retrouver, sinon c’en est fini de nous. » Darian s’adressa aux deux jeunes hommes. « Vous pouvez partir si vous le désirez. — Nous voulons devenir des gardes nous n’allons pas fuir à la première bataille. — Voilà qui est bien dit. » Il leur fit signe de se tenir prêt. Deux coups furent frappés violemment à la porte. « Ouvrez ! Nous avons ordre de fouiller les cellules. Le prisonnier fou a disparu !» N’obtenant pas de réponse, l’homme fit signe à Pierc de la défoncer avec sa hache. Niort sursauta lorsqu’il vit le fer percer le bois du panneau. Plusieurs coups plus tard, l’ouverture fut assez grande pour laisser passer un des « Kal’urs » « Surprise ! » cria Darian en portant la première estocade. Le milicien, déséquilibré, franchit la brèche en sens inverse et se retrouva cul par-dessus tête. Ses compagnons s’empressèrent de le relever. Darian emprunta le même chemin, les bouscula et se rua dans le couloir, imité par Holmett, Niort et Gurvan. Il jeta un regard sur sa droite. Près de l’ancienne cellule de Talmir, les trois autres s’acharnaient toujours sur le geôlier qui ne s’était toujours pas relevé. Darian l’entendit sangloter. Je ne peux le laisser ainsi, sans défense. Je ne serais jamais un bon roi si je laissais frapper un homme à terre, même la pire des ordures.
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Dernière édition par Sunpatty le Dim 18 Oct 2015 - 18:30, édité 1 fois | |
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| Sujet: Re: Les vilipendes du sendris [roman] Jeu 11 Juin 2015 - 19:17 | |
| Darian et la reine: les cachots, suite et fin « Quelqu’un avec moi ! Holmett tu t’occupes de ces trois là. Si besoin fais entrer les gardes.» Pendant Qu’Holmett et Gurvan s’occupèrent du premier trio, il se rua sur les autres, suivi par Niort.
« Tiens donc Son Altesse en personne. Le fils à maman, le prince de rien du tout. » Manfred Lancaster, l’homme qui a changé de camp aussitôt qu’il apprit la mort de son roi. « Vous ! J’aurais du me douter que mon père n’engageait que des scélérats dans sa milice. — Un fils de traître qui trahit son père. Voilà qui n’est pas courant. C’est de famille ? — Gardez votre salive pour vous, Judas! Vous avez abandonné mon cousin dans l’embuscade tendu par mon père ! Vous étiez son second garde du corps et vous avez fui. — Vous ne savez pas de quoi vous parlez ! — Dix-huit ans ! Il devait fêter ses dix-huit ans ce jour là ! Il n’a trouvé que la mort parce que l’un de ses deux gardes du corps a préféré déserter. — Vous ne savez rien. Vous ne savez pas ce qui m’a fait fuir ! — Et je n’ai pas envie de le savoir.»
Le dénommé Manfred dégaina son épée et engagea le combat. D'esquives en pirouettes, Darian évita ses attaques. L’arme du « kal’urs », une épée à deux mains, le ralentissait . Il balaya l’espace restreint d’un coup horizontal avec la ferme intention d’atteindre le prince au cou. Darian se baissa. Au moment où il se redressa son adversaire fit revenir son arme dans l’autre sens, c’est alors que Niort plongea, bouscula le prince et frappa par en dessous, envoyant voltiger l’épée contre le mur,qui retomba dans un bruit assourdissant. Sur sa gauche, la baleine gisait toujours sur le sol en position fœtale. Un «Kal'urs», le menaçait, un pied posé sur sa tête, la pointe de son espadon sur la gorge. « Voilà bien le genre d’homme que vous êtes, des lâches ne s’en prenant qu’aux plus faibles ou désarmés. — Pourquoi vous inquiéter pour lui ? Il a envoyé un message à votre père afin de signaler votre trahison. — Cela n’a aucune importance, il n’a fait que son devoir.» Même s’il a dénoncé mes manigances, je ne peux le laisser.
A l’autre bout du couloir, la situation était plus critique. Gurvan blessé au bras, était assis dans un coin, Holmett debout devant lui, le protégeait tant bien que mal. Acculés près de la porte il frappa violemment trois coups. Les gardes entrèrent alors. Maîtrisant rapidement les « Kal’urs. » Darian et Niort, encore aux prises avec deux miliciens étaient encouragés par les détenus qui s’accrochaient aux barreaux de leur cellule. Apercevant les gardes venus en renfort, les « kal’urs » cessèrent le combat et se ruèrent vers le fond du couloir, talonnés par Darian et ses hommes. Le corridor se prolongeait après la cinquième et dernière cellule. Ils tournèrent à droite et ... disparurent. Il n’y avait aucune porte, aucune trappe, rien et pourtant ils n’étaient plus là. Lorsqu’ils revinrent sur leurs pas « la baleine » s’était rhabillée. Il avait la joue rougie et avait perdu deux dents sous la violence des coups. Il remercia le prince de l’avoir sauvé. « Gardez vos remerciements. Vous allez tout de même payer le mal que vous avez fait. Vous avez un aller simple pour les galères de Rhodyan pour crime de lèse-majesté et tentative d’assassinat du prince héritier : Talmir Dotan. — Je...Je n’ai jamais tenté de tuer le prince. J’ignorais que c’était lui. On m’avait dit qu’il était mort. — Peu importe vous deviez le surveiller et aussi le protéger or vous avez fait l’inverse. Il est inacceptable qu’un détenu soit martyrisé dans sa cellule ! — Je ne faisais qu’exécuter les ordres de votre père. Ils me disaient venir de sa part. — Et vous ne vous donniez pas la peine de demander un laissez-passer ? — C’était des « Kal’urs », ils n’obéissent qu’au roi. — Je pense plutôt qu’ils vous soudoyaient en vous offrant de la nourriture. Plusieurs fois les stagiaires s’étonnaient de leurs présences et vous leur répondiez qu’ils étaient médecins. Que ce soit votre collègue ou vous, vous ne donniez que cette réponse. Comment entraient-ils ? Estimez-vous heureux que ma mère m’ait recommandé de vous envoyer aux galères. Cela aurait été différent si vous aviez réellement été un gardien de prison. — Plutôt ça que la pendaison. J’espère que je n’irais pas seul. — « L’huître » fera aussi partie du voyage rassurez-vous. Il vous attends sagement en haut, chez Guilbert . — Ce n’est peut-être pas grand-chose, mais restez sur vos gardes. J’ai prévenu votre père à propos du prisonnier. Je vous dois au moins ça. J’espère qu’il n’est pas trop tard. Vous ne me croirez sans doute pas, mais j’ignorais réellement qui il était.» Darian regarda l’homme avec mépris. Son pourpoint taché de gras et de vin, montrait qu’il n’était pas du genre à attirer la confiance Même un geôlier, aussi ingrat que soit son travail, peut faire un minimum d’effort pour être présentable. « Ne comptez pas sur ma bonté d’âme pour faire en sorte que votre captivité vous soit plus douce. J’aurais pu vous laisser mourir sous leurs coups. Vous n’auriez eu que ce que vous méritiez. Je n’aime tout simplement pas que l’on s’en prenne aux personnes sans défenses. A travailler à de sales besognes, on en récupère le revers de la médaille. Pour ma part vous n’êtes rien, pas même un garde. Je sais fort bien que mon père vous a recruté dans les bas-fonds où vous semiez la terreur, ainsi que votre complice. »
Malgré l’air féroce et le regard mauvais de l’homme devant lui, n’importe quel prisonnier en pleine possession de ses moyens armé ou agile, n’aurait aucun mal à le maîtriser, prenant en compte son embonpoint. Talmir en aurait été capable. Il s’est rendu pour me protéger et je n’ai pu le faire sortir avant...
Un des hommes de la reine prit la place du geôlier, s’installant nonchalamment sur la chaise. Il repoussa l’assiette encore pleine du goinfre, le plat où baignaient encore dans leur jus de bonnes tranches de rôti et un panier empli de fruits. Et bien en tant que geôlier il ne se refusait rien...songea-t-il. Il s’empara d’une pomme qu’il dévora avec assiduité, posa ses pieds sur la petite table de bois, ouvrit sa sacoche et en retira le journal remis par Guilbert. C’était un recueil à la couverture en cuir orné de lettres dorées. L’ancien roi y consignait ses dernières recommandations adressées aux geôliers qu’un de ses serviteurs récupérait une fois par semaine, afin qu’il lise les observations du gardien en chef. La reine et son fils se penchèrent au-dessus de lui, éclairés par la lanterne qu’un garde maintenait bien haut « Au moins, mon beau-frère reposera en paix. Mon sang et celui de mon fils ne seront pas souillés par la tyrannie de son cadet... » Elle se tourna vers un de ses gardes : « Clérald, envoyez un messager prévenir Valtán le gardien des plaines. Sa tête est mise à prix, qu’il quitte au plus vite son poste. Donnez-lui ceci. C’est un signe de reconnaissance et cela aussi.» Elle tendit un message écrit de sa main et un insigne représentant le blason de l’ancien roi. « Surtout prévenez-le de garder un œil sur Jon Valendis...Qu’il veille à ce que rien de fâcheux ne lui arrive. — A vos ordres. Puis-je vous en demander la raison ? — Une promesse que j’ai faite à la reine Fiona. Rien que vous n’ayez besoin de savoir pour le moment. — Votre serviteur, Ma Dame... — Vous irez ensuite voir si le page de Darian est de retour. » Elle se tourna vers le garde qui parcourait les dernières notes. « Qu’en pensez-vous Jocastre ? — D’après ce que votre beau-frère a mentionné, il avait prévu de reloger les détenus dans des cellules plus aérées et aussi qu’il était désespéré que les travaux n’aient pas encore démarrés... Le charpentier et le chef des bâtisseurs s’étant mystérieusement envolés.... — Dont un a été retrouvé ici, dans ce cachot. D’après les ouï dire, ils se seraient volatilisés après avoir quitté le château, certaines rumeurs faisaient même allusion à de la sorcellerie. Vous assignerez une dizaine d’hommes à la surveillance des Tailleurs de pierre et tous ceux qui s’occuperont des travaux, si je parviens à en recruter. Les ordres de Firmin seront exécutés, je demanderais à mon père de financer le projet, cela m’évitera de toucher au trésor royal. — A vos ordres. — Dès que vous aurez terminé l’inspection des cachots, et le transfert des détenus au premier étage, endroit où ils devraient normalement se trouver. — Comme il vous plaira. Et pour les autres, ceux qui ne sont pas de sang noble ou en passe d’être exécuter ? — Emmenez-les dans l’autre tour. Vous les installerez dans les premières cellules, leur exécution étant proche. Pour les derniers, installez-les dans les cellules les moins insalubres. Vous choisirez aussi parmi vos hommes, les meilleurs éléments pour surveiller cet étage. Comme ce n’est pas un travail plaisant, ils auront une double solde de ma part. Trois par trois, ils seront affectés ici et relayés toutes les quatre heures. Neuf serait un minimum, dix-huit serait mieux. Je veux qu’ils arpentent régulièrement les couloirs et les cachots. Qu’ils notent chaque bruit suspect Chaque matin vous enverrez quelqu’un chercher les rapports. Il se passe des choses étranges dans ces lieux et je les découvrirais. — Et si votre mari soupçonnait quelque chose ? — Ne vous inquiétez pas pour ça. J’en fais mon affaire... Je veux que tout soit en place ce soir. — Bien Ma Dame... » Elle tourna les talons, suivie de Darian « Ah, j’allais oublier, Jocastre. Prenez les enfants comme pages et écuyers. Ils sont quatre. Un pour vous et un pour Clérald, la fillette sera à mon service. Envoyez-les chaque matin voir le précepteur de Darian, il sera enchanté d’instruire d’autres enfants...par la même occasion vous formerez l’ainé, il deviendra un écuyer pour mon fils. — Mère, Penn me convient parfaitement. — Penn partira un jour Darian, tu le sais. » Oui, il retournera auprès de Talmir. Et s’il trouvait son binôme ?... « Je crains pour votre vie Mère...N’est-ce pas un peu... — Votre père ne me fera rien, si c’est ce que vous voulez dire. » Il restait néanmoins inquiet pour elle. « Avec les « Glors » dans les parages, nous devons nous attendre à tout. — Vous avez peut-être raison mais votre père ignore que j’ai des alliés précieux. Vous ne tarderez pas à faire connaissance avec l’un d’entre eux, si ce n’est déjà fait. Allons donc voir votre cousin. Le pauvre Penn doit s’impatienter. — Puis-je vous poser une question, mère ? — Je vous écoute. — Pourquoi affecter des gardes à l’étage du dessous si vous condamnez la porte ? — Question pertinente. Vous auriez fait un bon roi. Il parait que des prisonniers disparaissent mystérieusement d’après Guilbert. Hormis Talmir gardé par des individus suspects, certains des détenus se sont volatilisés. Les gardiens s’étonnaient que plusieurs cellules fussent vides au matin. Il semblerait qu’ils disparaissent entre deux rondes... C’est parce qu’ils désertent chacun leur tour que j’ai mis en place les stagiaires, et Holmett depuis deux semaines.»
Deux geôliers par étage...cela ne suffit pas. Penn m’avait bien parlé d’ombres et de bruits suspects.
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| Sujet: Les vilipendes du sendris [roman] Penn et Talmir Dim 14 Juin 2015 - 19:16 | |
| Penn et Talmir: les cachots, premier étage. Penn agenouillé près de son prince, essaya tant bien que mal de le faire manger. Dérogeant à la règle de la bienséance, il n’hésita pas une seule seconde à le gronder, comme le ferait avec lui un père ou un frère. A l’écart, le médecin, désigné par la souveraine, préparait une mixture pour le fortifier et soigner ses blessures. Sceptique à propos du rétablissement du prisonnier, il reconnut néanmoins que les habitants de l’île des pluies avaient une certaine promptitude à soigner et guérir les maux les plus variés. « Avalez ça mon Prince. C’est une bonne soupe au lard, comme vous l’aimez, avec quelques lentilles. Votre tante et votre cousin ne devrait plus tarder. Je les entends remonter des cachots. Quelle folie qu’elle ait insisté pour s’y rendre. » Talmir tourna la tête en gémissant, repoussant la cuillère. « Ne faites pas l’enfant. Je vous prie. Ce n’est pas digne d’un homme de votre rang.»
D’un mouvement brusque, l’héritier envoya promener le bol de soupe. Celui-ci se renversa sur son infortuné écuyer. Malgré le liquide brûlant traversant ses vêtements, Penn se releva sans une plainte et nettoya les dégâts. « Vous me décevez !» Il avait haussé le ton et le sermonna comme un enfant. « Vous devez reprendre des forces. Ce soir, à la nuit tombée nous allons quitter cette cellule.» Penn était malgré tout inquiet sur la réussite du plan. Talmir est si faible...Et s'il était incapable de marcher aussi longtemps? Darian a-t-il prévu un autre plan? « Vous êtes différent. Quoi qu'il en soit, je suis et je resterais toujours votre serviteur, votre écuyer. J'ai parfois l’impression que vous me reprochez de rester avec Darian.» Les larmes perlaient à ses yeux et sa voix tremblotait légèrement. Plus que la brûlure c’était l’indifférence de son maître qui le perturbait. « Vous pensez certainement que je vous ai trahi. Ce serait déshonorer mon peuple, ce genre de bassesse. C’était la seule solution pour que nous puissions rester en vie, vous et moi. »
Talmir tourna la tête et darda sur lui son regard las, conscient cependant des efforts qu’avaient fait Penn pour ne pas le laisser dépérir. Avait-il seulement envie de redevenir comme avant ? Tu en as assez fait pour moi, Penn. Pourquoi n'es-tu pas parti lorsque je te l'ai demandé? Tu n'étais pas obligé de rester. Je voulais que tu t'éloignes de Tendris, du fort, de moi...Que tu accomplisses ton rêve. Pourtant tu es toujours là. Oh Penn, ne remarques-tu pas que je n'ai plus rien d'un prince?
Le Celisien ne baissa pas les yeux. Je ne dois pas faiblir se dit-il. « Je voulais que votre cousin m’enferme avec vous. Il a refusé parce que ce n'était pas ma place. Je pense plutôt qu'il avait peur que son père ne me fasse exécuter, comme vos serviteurs... Darian m’a proposé de venir travailler aux cachots la nuit, pour qu'ainsi je continues à être à votre service. J’ai veillé sur votre sommeil, pris soin à ce que vous n’ayez jamais froid et déprimais chaque matin, lorsque je devais vous quitter...Tout ça pour quoi ? Pour rien !»
Talmir grimaça en tentant de s’asseoir. Le jeune serviteur s’empressa de l’aider et lui glissa un autre coussin sous la nuque. « Je comprends que ces années de détention vous aient quelque peu affaibli, mais avant vous ne baissiez jamais les bras quelque soit la difficulté. J’ai beaucoup d’affection pour vous, mon prince. Je n’aime pas le changement qui s’est opéré en vous. Vous n’êtes guère présentable. Vous êtes sale, pas rasé, les cheveux en broussailles et vous refusez que je remédie à cela. Vous devez reprendre des forces. Nous allons enfin quitter ces lieux infects. Vous vous rendez compte ? Votre tante va venir vous faire ses adieux. Que va-t-elle penser de vous ? Vous ne pouvez plus parler et je le déplore mais je reste persuadé qu’à l’instant où votre main se posera à nouveau sur une épée, vous retrouverez vos réflexes d’antan. »
Talmir grogna. Penn avança une main vers le visage anguleux du prince mais il la repoussa. « Cela fait deux semaines que vous refusez que je prenne soin de vous. Je ne puis rester à vos côtés. J’ai besoin d’un maître qui garde toute sa dignité et refuse de plier sous le joug. Le véritable Talmir n’abandonnerait pas et se saisirait de la chance qu’on lui offre. Vous n’êtes plus celui que j’admirais...Vous faites honte à votre père, à votre rang, à votre sang ! Vous êtes un imposteur mais pas mon véritable prince.» Talmir baissa les yeux. Penn avait-il touché un point sensible ? Il baissa la tête et reprit : « Ma condition de fils de la pluie ne m’oblige en aucun cas à rester avec vous. Je le faisais parce qu’à mes yeux vous étiez un grand homme, un futur roi et que j’avais tout à gagner en restant à vos côtés. Mais au fond, je me suis trompé. Vous n’êtes pas ce seigneur qui gouvernera le Sendris.» Tout en prononçant ces paroles, il ferma les yeux. Faire croire à son maître qu'il lui faisait honte lui brisait le cœur. Cela fera-t-il réagir Talmir, lui fera-t-il reprendre conscience qu'il était en vie et qu'il devait renaître? Il l’observa du coin de l’œil, se redressa et s’empara de sa petite cape qu’il jeta prestement sur son dos. « J'abandonne. Vous m'avez donné mon congé il y a quatre ans, je le prends donc. Je vais faire part à Darian de ma décision, veuillez me pardonner Mon Prince. J’ai été heureux de travailler à vos côtés.» Il tourna le dos au jeune malade et fit un pas vers la sortie. Talmir le retint brusquement par sa tunique, émettant un son incompréhensible dont l’intonation suffit à faire comprendre à Penn de rester. Nonchalamment, il se retourna vers lui. Le détenu lui jeta un regard suppliant, l’implorant de ne pas le laisser. Sur cette paillasse, recouvert de chaudes couvertures, il avait plus l’apparence d’un chien, d’un enfant sauvage que d’un jeune noble. Penn en eut pitié et lui prit la main. « Je ne peux vous abandonner même si je sais qu’un jour viendra où je ne pourrais faire autrement, dès que j’aurais découvert mon double.» Le prince acquiesça d’un hochement de tête et d’un son guttural différent. « Quel dommage que ce ne soit pas vous. J’aurais immédiatement compris et ça vous aurait épargné bien des souffrances. Vous connaissez mon rêve et n’ignorez rien de la destinée des habitants de l’ile des pluies... » Il fut interrompu lorsque la porte s’ouvrit. commentaire ici
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| Sujet: Re: Les vilipendes du sendris [roman] Mar 11 Aoû 2015 - 1:34 | |
| Il se tourna vers les nouveaux arrivants et mit un genou en terre. « Votre Grace....Prince Darian. — Relevez-vous, Penn. » La souveraine l’examina. « Que vous est-il donc arrivé? — Oh, ce n’est rien, j’ai uniquement été maladroit. » Répondit-il en baissant la tête. La mère de Darian lui releva le menton tout en observant à la dérobée le prince déchu. « Dites-moi la vérité. — Je suis désolé. » S’adressait-il à son maître ou à la reine ? Au deux surement. Il jeta brièvement un regard à Talmir et reprit : « Il ne veut rien avaler et a envoyé promener son bol de soupe. » La reine était anxieuse. De nombreux jeunes hommes ayant entendu dire qu’il y avait une chance que le prince fut en vie, décidèrent de se faire passer pour lui... Devant la recrudescence de ces usurpateurs, son mari les fit enfermer et ordonna qu’on leur tranche la langue avant de les libérer dans la nature. Elle fut aussi prévenue de l’arrivée imminente du jeune Jon à Tendris. Si les rumeurs sur Jon sont fondées, il va se jeter dans la gueule du loup. Mon mari est tout sauf un tendre avec ceux qu’il a banni. Je pourrais plaider sa cause et lui rappeler la malédiction de Jon. D’un autre côté si tout ce déroule comme Darian et moi l’avons prévu, je ferais en sorte que Talmir les rejoigne. Il devrait être possible de les faire se rencontrer. Talmir appréciera sûrement de revoir son ancien garde du corps. Elle examina la pièce pour se changer les idées. Visiblement Guilbert et ses fils veillaient au confort des prisonniers, en changeant régulièrement la jonchée, même dans les cellules inoccupées. Celle dans laquelle avait été transféré Talmir était la plus spacieuse et disposait d’une cheminée et d’un plancher. En ce jour, elle faisait plutôt office de salle de soins, dont un côté accédait à la tour du praticien. Le souverain précédent en avait supprimé la fonction de cachot. Cela rendait plus pratique l’évacuation des malades contagieux ou des défunts vers l’hôpital, sans ameuter les habitants de la cité. Des cloisons séparaient la couchette surélevée, du lieu d’aisance, et deux ou trois ouvertures dans le mur assuraient le renouvellement de l’air. Il est bien mieux logé ici, même si cela reste une cellule. Demain il sera libre.La souveraine s’approcha du jeune prince pendant que son fils interrogeait le soigneur. « Allez-vous changer mon cher Penn. Je vais veiller sur lui jusqu’à votre retour. — Sauf votre respect, Votre Grâce, j’aimerais rester. » Ils se regardèrent silencieusement. Il est vraiment bien ce jeune homme. Talmir ne pouvait rêver mieux comme écuyer. « Comme il vous plaira. Je ne veux pas vous chasser. » Il lui avança l’unique siège de la cellule et resta debout à ses côtés pendant qu’elle s’adressait au blessé. « Mon pauvre Talmir. Mon mari n’est qu’un monstre, moins sans doute que vos tortionnaires, mais un monstre tout de même. » Elle approcha lentement la main vers le visage du prince déchu. Il ne se déroba pas à ce geste. Elle lui caressa la joue. Talmir leva les yeux vers elle et pencha légèrement la tête de côté, appuyant davantage sa joue sur cette main douce et chaude. Il faisait penser à un enfant innocent cherchant à déchiffrer le comportement des gens. D’emblée, il sut lui faire confiance. Avait-il reconnu sa tante ou est-ce tout simplement parce qu’elle était la seule présence féminine qu’il vit après quatre ans? Elle l’aida à s’asseoir, posant délicatement son bras derrière son dos. Il grimaça et se laissa aller. Il posa la tête sur l’épaule réconfortante de la reine attendrie. commentaire ici
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| Sujet: Re: Les vilipendes du sendris [roman] Lun 7 Sep 2015 - 22:54 | |
| Talmir et la reine: quelques heures avant l'évasion Il paraissait si fragile, lui qui autrefois était si robuste. Deux ans plus âgé que Darian mais le cœur lourd de tristesse. Il a déjà souffert plus que la normale. Il a eu un bien triste anniversaire. Comment réparer ce que j’ai provoqué ? Tout ça parce que je voulais donner un fils à mon mari. « Ce soir, tu seras libre eu égard à ta mère, Talmir. Je ne te laisserais pas croupir un jour de plus dans ces lieux infects. Je suis navrée. J’aurais du te faire sortir avant. » Je ne pensais pas qu’il te garderait quatre années entre ces murs. La voix du médecin la tira de ses réflexions. « Excusez-moi, Votre Grâce. » Il s'avança suivi de Darian portant le plateau d’onguents. Penn s’en empara aussitôt le suppliant du regard, c’était son rôle de s’occuper de Talmir. Celui-ci ne put lui refuser et se mit en retrait. Darian regardait, avec tendresse et un peu de jalousie sa mère caresser les cheveux broussailleux de son cousin. Il ne m’a pas reconnu. J’avais l’impression d’être un étranger pour lui. Il paraissait avoir peur de moi. Il est touchant de les voir ainsi. Au moins, il n’a pas repoussé ma mère. « Excusez-moi » Reprit le médecin avec sa voix de stentor. « Il faut que je lui nettoie ses blessures Ma Dame. —J’aimerais vous aider. Ma présence le calmera peut-être. » Sans insister davantage, le vieil homme procéda aux soins. Il déshabilla avec délicatesse le blessé, toujours lové contre la mère de Darian. Son dos avait tellement saigné que ses vêtements adhéraient à ses plaies. Talmir se dégagea brusquement de l’étreinte, se débattit, poussant des cris à faire se dresser les cheveux sur la tête. Il s’agitait dans tous les sens. Il ne supportait pas que cet inconnu le touchât et le poussa violemment. Déstabilisé, le vieil homme chuta envoyant valser le plateau tenu par Penn. Talmir hoqueta. Son regard était apeuré. Darian tenta de le raisonner et fut bousculé à son tour. « Laissez-moi faire... » L’héritier se calma légèrement en entendant la voix doucereuse de Penn mais continuait à gémir. « Laissez-moi vous examiner Mon Prince. » le blessé le bouscula un peu « C’est moi. Penn. » Talmir répondit par le langage des signes que lui avait enseigné Penn. Darian tentait d’en saisir le sens. Il connaissait quelques bribes mais pas suffisamment hélas pour comprendre. « Il aimerait que vous nous laissiez seul. » annonça Penn, répondant ainsi à la question muette de Darian. Darian se tourna vers sa mère. « Je pense qu’il vaudrait mieux faire ce qu’il demande mère. Talmir est entre de bonnes mains. » La souveraine se leva à contrecœur, prit la main de Talmir et se pencha pour déposer un baiser sur son front. « Je ne laisserais plus jamais votre oncle vous humilier. Ce soir vous pourrez dire adieu à ces sinistres murs. » Elle le laissa le cœur serré. Il est devenu une épave...Je n’ai retrouvé, ni force, ni volonté dans son regard devenu si terne, si triste que j’en suis meurtrie.Talmir désigna le soigneur et la porte d’un geste furieux. « Non, mon prince. Cet homme ne vous veut pas de mal. Il va vous soigner. C’est le médecin. » D’un non énergique de la tête, Talmir montra son désaccord. « Entendu, il ne vous touchera pas, mais il doit rester. Vous êtes si borné par moment. Il m’expliquera ce que je devrais faire. Faites-moi confiance, comme par le passé.» Talmir se résigna. Comment résister à l’attraction de l'enfant de la pluie ? Son père lui-même en était incapable. Un regard ; un sourire ; peu importe, pouvait le faire prendre une autre voie. Les habitants de Célise étaient destinés à veiller sur le monde après leur mort pour peu qu’ils aient pu accomplir leur mission sur terre. Leur charme naturel et leur attraction particulière calmaient les esprits les plus belliqueux ou réticents. Le médecin guida donc le jeune Celisien dans ses gestes. Penn s’attela à la tâche en chantonnant et retint un frisson de dégoût. Des zébrures couvraient le dos de Talmir. Son bras était couvert de morsures, pas des morsures de rats mais bien d’homme. Pendant deux semaines il a refusé que je m’occupe de lui. Il ne voulait pas que je voie ce qu’il endurait. Pour m’épargner ou pour laisser Darian dans l’ignorance ? Penn s’empara de l’onguent du soigneur et sous ses directives en badigeonnât le dos du prince. En le frictionnant, il perçut des ondes négatives qui le mirent mal à l’aise. De l’essence de « Glors ». Je comprends mieux la dégradation de sa santé et son refus de communiquer. Elle lui fait perdre le sens des réalités et rends méconnaissables tout individus. Il ne les voit que sous un aspect effrayant voire monstrueux. En tant qu’enfant de l’ile des pluies, je suis le seul qu’il reconnaisse. Mon pouvoir a ralenti le leur. Maintenant que je sais ce qui le perturbe, je serais à même d’être plus efficace pour l’aider. Reste à savoir pourquoi et comment je ne pouvais percevoir cette essence au sous-sol.commentaire ici
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| Sujet: Re: Les vilipendes du sendris [roman] Ven 18 Sep 2015 - 22:26 | |
| Penn et Talmir quelques heures avant l'évasion. « Votre cousin est très inquiet pour vous, Mon Prince. Il est déçu que vous ne l’ayez pas reconnu. Il ne cesse de répéter qu’il ne méritait pas un trône volé et que cette place vous revenait. Il veut vous la rendre. Mais pour ça il vous faut guérir, vous battre.» Talmir s’agita à nouveau. Darian allait lui rendre sa place. Eu égard pour son père, il honorera son héritage. D’un geste, il repoussa ses couvertures et entreprit de se lever. Penn chercha à le retenir. « Mon Prince, ce ne serait pas prudent. Attendez encore un peu avant de vous lever. Reposez-vous et recouvrez vos forces.» Il jeta une œillade inquiète à son maître et y lut une détermination farouche, de celles qui signifiaient que rien ne l’arrêterait. Talmir se redressa, prit appui sur l’épaule de son serviteur, sans que celui-ci ne cherche à le dissuader davantage. Bien qu’il ne fût pas d’accord, le médecin vint prêter main forte au tandem. Malgré ses blessures lancinantes et sa faiblesse apparente, Talmir fit un pas chancelant, traînant. Une ébauche de sourire lui vint aux lèvres. D’un son guttural étrange, il fit comprendre à ses porteurs de le lâcher. Il tituba. Sa main prit appui contre le mur. Il fit un pas seul, puis deux, comme un enfant apprenant à marcher. On sentait monter en lui le plaisir. Son dos le tiraillait mais il avançait. La jambe droite, plus faible que l’autre, traînait encore un peu. « C’est un miracle. » s’étonna Penn Cela faisait déjà une semaine que le prince n’avait pas marché. Les violences qu’il avait subies et l’essence de « Glors » l’avaient rapidement affaibli. Son état avait empiré en trois jours. Deux de plus et Penn aurait surement découvert un cadavre. Le voir à nouveau marcher était vraiment incroyable, même s’il ne doutât pas que son pouvoir y fut pour quelque chose. « Je n’en reviens pas moi-même, lui qui refusait tout soin il y a à peine quelques heures. Ainsi c’est donc vrai. Les enfants des pluies savent guérir les âmes meurtries. —Disons que nous savons persuader. — Non, la magie des « Lumens » dort en vous, jeune Penn, ne me prenez pas pour un idiot. — Vous avez peut-être raison, mais ne comptez pas sur moi pour révéler notre secret. J’ai senti l’énergie des « Glors » en lui. C’est ce qui l’épuisait, mais je ne sais comment elle a pu l’atteindre. Je l’ai annulée, du moins je l’espère. » Talmir revint vers eux lentement et prit place sur le tabouret, épuisé mais heureux. Le médecin lui tendit une potion fortifiante qu’il avala mimant une grimace de dégoût. L’odeur du produit le rebutait. Contre toute attente, il accepta un petit morceau de pain. Il rayonnait, semblait reprendre goût à la vie. Mais son sourire s’effaça aussitôt lorsqu’il entendit la clé jouer dans la serrure et vit la porte s’ouvrir. Il se laissa tomber et se dirigea à quatre pattes derrière l’estrade, se faisant tout petit, tremblant comme une feuille. Penn ne comprit pas comment son maître pouvait être aussi effrayé à vingt-deux ans alors que quatre ans auparavant il défiait même la mort. commentaire ici
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| Sujet: Re: Les vilipendes du sendris [roman] Mer 30 Sep 2015 - 0:55 | |
| Darian et Talmir: deux heures avant évasion Guilbert entra apportant le plateau repas. Il jeta un regard circulaire dans la pièce, découvrit Talmir apeuré et se détourna aussitôt, ne voulant pas ajouter à la gêne occasionnée. Peu lui importait de qui il s’agissait, mais s’il était le protégé de la reine ce devait être quelqu’un d’important. Il ne connaissait pas le prince, ignorait même qu’il fut encore en vie. Il savait que c’était le neveu de la reine sans plus. Il se tourna vers Penn, afin de ne pas effrayer davantage le jeune prisonnier. « Sa Majesté la reine, me fait vous dire qu’un messager du roi Kal venait d’arriver. Sa Souveraineté devrait être de retour demain peu après l’aube. Il serait plus prudent d’avancer votre départ. La traversée des souterrains étant longues, vous risquez d’atteindre la forêt au moment où le roi en sorte. » Le médecin fit les cents pas, le menton dans sa main. « Nous allons donc mettre en place le plan B, sortir au vu et au su de tout le monde. — Je crains ne pas comprendre. — Voyons, vous n’ignorez pas que cette cellule communique avec ma tour, elle-même menant d'un côté à l’hôpital, de l'autre à l'intérieur de votre maison. » Il désigna le rideau placé contre le mur. « Je le sais très bien mais comment allez-vous le sortir discrètement ? — Une fois dans la tour, je n’ai plus qu’à prendre la porte menant à la clinique. Personne à part moi n’emprunte ce passage. Nous irons donc ensemble. Le trajet est court. Une fois dans l’établissement mon assistant le déposera sur un brancard. Il m’est arrivé bien souvent de sortir des corps où des malades contagieux de la ville ou de la prison, en général à la nuit tombée. — Vous allez le faire passer pour mort. — Ou si mal en point qu’il devra être mis en quarantaine au mouroir de la ville. Les crécelles ça a du bon pour mettre à distances gardes ou villageois. — Et même le roi fera un écart si vous le croisez. » Tout le monde se retourna. Darian venait apparaître, de la tour les bras chargés de vêtements. « Je connais mon père, il a une peur bleue de la maladie. » Il se tourna vers Penn. « Dans deux heures, les hommes de ma mère vont être aux portes. Ils ont du intervertir leur tour de garde avec ceux de mon père. Encore une de ses règles stupides. Il ne veut être accueilli que par ses gens. Tu sais ce que cela signifie. Je ne serais pas de la partie avec vous, ce que je regrette. Mère et moi devons aussi être présents à son retour. C’est d’ailleurs pour cela qu’il nous fait prévenir par son messager. Je te fais confiance pour la marche à suivre. J’espérais tant faire un bout de chemin avec vous.» Il fit la moue. « Voilà des vêtements pour mon cousin et toi-même. Je les ais sélectionné parmi le tas que m’avait apporté mon page. Vous vous rendrez chez les chasseurs, la maison est à une vingtaine de kilomètres de la forteresse. Je vous y rejoindrais demain dans la journée ou au plus tard dans la soirée. Mon père sera tellement soul et épuisé qu’il y a de grandes chances qu’il dorme après un bon repas. Jon Valendis est encore dans les parages et sa présence pourrait attirer les « Glors ». Restez sur vos gardes surtout. » Penn se tourna vers le médecin qui n’avait pas l’air inquiet et examina les vêtements pour Talmir: Des chemises de chanvre ; des pantalons de même matière ; des surcots de toile et un manteau en peau de daim dont la large capuche bordée de fourrure de loup dissimulera aisément ses traits. C’étaient des tenues de baroudeur un peu dépenaillées pour un prince mais qui le mettront à l’abri pour les recherches. Après le départ de Guilbert, Penn s’approcha de Talmir et se mit à sa hauteur. Talmir, recroquevillé, avait suivi l’échange sans se montrer. S’il s’était habitué à la présence du médecin, il voyait d’un autre œil celle de ce jeune homme blond qui semblait s’obstiner à rester et qui lui avait semblé trop familier, la veille. Il avait beau faire sombre mais il se souvenait parfaitement de sa visite. Il s’était comporté différemment aussi, ne l’avait pas molesté, mais il resta méfiant. Les gardes venus me chercher venaient de la part du prince. C’est moi le prince, pas lui. Mon père est le roi. Penn m’appelle toujours comme ça... Il examina ses mains aux doigts décharnés, ses frusques rapiécées et compara son allure à la prestance naturelle de son cousin. Non, ce ne peut être moi. Le prince est bien habillé. Le roi est mort... pensa Talmir. « Vous pouvez sortir de votre cachette Mon Prince, vous ne craignez rien. » Son père a tué le mien. Darian...Qu’est-ce qu’a dit Penn déjà ? Le silencieux croisa les bras. Son écuyer le rassura lui désignant le nobliau. « C’est votre cousin, voyons. Il ne vous fera aucun mal. Rappelez-vous, il vous a sauvé la vie. » commentaire ici
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| Sujet: Re: Les vilipendes du sendris [roman] Mar 13 Oct 2015 - 17:19 | |
| Talmir,Penn et Darian (deux heures avant l'évasion: les retrouvailles) Talmir l’examina attentivement d’un œil nouveau. Sauvé la vie...Oui, sans doute...Je n’ai pas encore mon esprit bien clair. Son père a tué le mien et m’a fait trancher la langue, ça je m’en souviens. Puis-je faire confiance au fils ? C’est lui le prince maintenant, moi je ne suis plus rien...Sans sortir de ses retranchements, Talmir continua à scruter son cousin. Darian n’osait s’approcher. Me reconnaitra-t-il ? J’ai tellement changé. Songea–t-il. En quatre ans, il avait forci. La dernière fois que Talmir l’avait vu il était maigre, n’avait aucune force et commençait à peine son entrainement à l’épée. Son cousin Talmir me charriait souvent avec mes jambes baguettes de tambour. C’était son expression favorite. Il aimait me rappeler que j’étais épais comme une brindille et qu’un coup de vent pourrait me faire m’envoler. J’en riais afin de ne pas lui montrer le mal qu’il me faisait. Je l’idolâtrai, c’était un prince, un futur roi. Parfois Talmir était si dur avec lui, qu’il refusait de lui parler pendant plusieurs jours, jusqu’à ce qu’il vienne le voir de lui-même. Ce n’était pas toujours facile avec lui, mais ça m’a endurci, maintenant On dirait que les rôles se sont inversés. Sous le regard inquisiteur de son cousin, Darian ne put oublier que son père voulait faire de lui un guerrier digne de ce nom et l’avait obligé à s’entrainer quatre heures par jour dès l’âge de quatorze ans. Réticent au début, l’adolescent qu’il était alors, avait fini par accepter. Il adorait Talmir et l’enviait pour sa force, sa carrure, son courage. Près de lui il faisait grise mine: plutôt maigrelet il n’aimait pas les sports de combats. Il préférait accompagner sa cousine Gillie avec son luth lorsqu’elle jouait du piano. Tout deux formaient un duo si talentueux que même les plus grands musiciens ne tarissaient pas d’éloges envers eux. Son cousin se moquait gentiment de lui, de son apparence fragile et de sa maigreur, mais il donnerait tout pour revenir en arrière .C’est une remarque de son père qui lui avait mis la puce à l’oreille « En apprenant à te battre tu deviendras aussi fort que Talmir. Tu pourras alors le vaincre dans une joute s’il t’en prenait l’envie. Les hommes de notre famille doivent savoir se battre. Prends exemple sur lui et je serais fier de toi. » La perspective de démontrer à son cousin qu’il pouvait lui aussi manier l’épée l’avait encouragé à s’améliorer. Il lui prouverait qu’il n’était pas qu’un gringalet et un musicien de pacotille, comme celui-ci aimait l’appeler. Chaque fois que Darian venait au château, Talmir l’encourageait et parfois même l’entrainait. Que de bons souvenirs que ces moments là. Deux ans plus tard, Darian déchanta lorsqu’il apprit le projet macabre de son père auquel il devrait participer lui aussi. Comme chaque année il avait pour mission de rejoindre le convoi du prince afin de donner le signal du retour, mais cette année, il avait reçu l’ordre d’anéantir Talmir. Je ne le voulais pas. Mon père m’avait sous estimé s’il s’imaginait que j’allais me ranger de son côté. J’ai toujours rêvé d’un combat contre mon cousin, mais à la loyale pour prouver ma valeur, pas en tant qu’ennemi. Cette fois-ci, je ne lui obéirais pas. Au moment du départ, Darian avait croisé Penn dans les couloirs en proie à la peur. Le regard effrayé qu’il lui lança lui fit comprendre qu’il le craignait. Je ne l’avais jamais vu dans cet état. Il avait plu ces derniers jours et il était couvert de boue. Son manteau recouvrant sa tunique était crotté de bas en haut. Il était venu trouver son roi pour obtenir des renforts et il l’a découvert à moitié mort. Les mains tâchées de sang, il avait cherché à les dissimuler. Il voulut s’enfuir en m’apercevant et lorsque je l’ai vu regarder en direction du cabinet de mon oncle j’avais compris. Mon père venait d’accomplir son forfait et Penn l’avait croisé. Darian avait du lui courir après, l’attraper et lui demander ce qui l’amenait au château. Il se méfiait de moi...J’ai dû user de persuasion pour qu’il m’écoute. « Retournes auprès de ton maître, va le protéger. Je vais amener des renforts. Je ne suis pas mon père, je ne lui ferais aucun mal. » Quelques minutes plus tard, Darian partit accompagné d’une dizaine d’hommes. A son arrivée à l’emplacement du guet-apens, tout était terminé. Que s’est-il passé ? Cinq Lords, du côté de Kal, avaient emmené dix hommes chacun. Une cinquantaine contre une dizaine peu ou pas armé, le prince, ses quatre gardes du corps, deux valets et deux palefreniers chasseurs, armés de simple arcs. Et debout au milieu des cadavres, face à quelques rares ennemis, Penn se démenait, empêchant les hommes encore valides de s’approcher davantage. Quatorze ans et déjà si dévoué. La force, la grâce et le courage des siens le servaient bien. Très peu osaient l’affronter de peur d’encourir la vengeance de son peuple. Nul ne bougeait. En observant plus attentivement, Darian aperçut une bannière flottant sur une lance plantée en terre. Lord Castelbrown, un retardataire pour les festivités. Il voyageait toujours avec son fils Gustav, tombé dans la bataille et une cinquantaine d’hommes d’armes. Voyant son prince en difficulté, il était naturellement venu l’aider. Sont-ils tous tombés ? S’était demandé Darian à ce moment. Est-ce possible que tous soient morts ? Ce n’est qu’ensuite qu’il constata les arbres déracinés, les pierres déplacées. La plupart des hommes n’avaient pas été tués par une arme, dans un camp comme dans l’autre, un ennemi inconnu les avait décimés. Ce n’était pas qu’une bataille, c’était une hécatombe. Cinq survivants du côté ennemi, à peine deux chez le lord. Darian, arpentait le charnier, lentement, prenant garde à ne pas marcher sur un blessé. Il chargea cinq de ses hommes d’entasser les morts et aux autres d’achever les moribonds et de faire prisonnier les survivants. Il passa au dessus d’un corps, en poussa un du pied, planta son épée dans un autre. Partout où il posait son regard, il y avait du sang, des boucliers défoncés, dont certains avaient encore un bras qui le tenait. Des râles d’agonie, des prières marmonnées, des blessés qui suppliaient qu’on fasse cesser leur supplice, mais toujours pas de Talmir. La boue les entravait, ils peinaient à avancer. Penn, le chariot. Darian repéra le véhicule. Il était renversé, un essieu brisé. Un chasseur était bloqué en dessous. Penn aperçut le fils du traître et le menaça d’un arc. Il avait perdu son épée dans la bataille. Il engagea une flèche, banda l’arc, puis finalement le baissa. Derrière l’écuyer, une roue détachée, s’était plantée dans la boue. Darian aperçut alors une silhouette, cachée derrière. Je reconnus Josh, baignant dans la mélasse et le sang, près de lui un ou deux hommes de mon père. Il protégeait quelqu’un de son corps. Je me souviens de la colère dans son regard, mais aussi de l’effroi, comme si ce qu’il avait vécu dépassait l’entendement. Il avait pointé tremblant, son épée vers moi, avec le peu de force qu’il lui restait, secondé par l’infatigable Penn, qui l’avait rejoint après avoir récupéré une épée.C’est alors que je vis Talmir, face contre terre. Darian avait tenté de toucher son cousin mais Penn avait pointé une nouvelle fois son arme vers lui. Il aurait pu me tuer, aurait du le faire, mais il me connaissait et savait que je respectais toujours ma parole. Après avoir rassuré ses protecteurs, en déposant mes armes, je dévêtis mon cousin et échangeai ses vêtements avec ceux d’un de ses gardes tombés. Tous étaient méconnaissables, leurs membres avaient été arrachés, leurs crânes défoncés. Penn n’a jamais voulu me dire ce qui les avait réduits en bouillie, mais je compris que ce n’était pas quelque chose d’humain. La magie des « Lumens » avait contribué à la survie de Talmir et de Josh, j’en étais persuadé. Tout à ces souvenirs pénibles, Darian ne quittait pas des yeux son cousin. A quoi peut-il bien penser ? S‘imaginait-il que je resterais un gringalet toute ma vie ? Avec patience il attendit la fin de l’inspection. Il sentait le regard du jeune prince déchu le scruter dans les moindres recoins. Finalement, n’y tenant plus, il mit un genou à terre et se plaça à sa hauteur. Talmir recula encore un peu malgré tout sans le lâcher des yeux. Mon cousin, mon prince, mon roi. C’est ce qu’il est pour moi. Debout près d’eux, le soigneur marmonnait répétant dans sa tête ce qu’ils devraient faire. Il vérifia aussi ses onguents et autres soins qu’il devra remettre au duo puis se saisit du tabouret et alla s’asseoir contre un mur dans l’ombre pour faire oublier sa présence. Ce qui allait se passer ne le regardait pas. Darian le suivit des yeux avant de reporter son attention sur celui qu’il allait libérer de son enfer. Une main lui serra le genou. Tout d’abord il crut que c’était Penn, voulant le rassurer, mais en baissant les yeux il vit que c’était celle de son cousin. Leurs regards se croisèrent un instant. « Talmir...Te voila revenu... » D’un geste Talmir lui répondit et Penn s’empressa de traduire. « Gringalet » Darian se mit à sourire. Il posa son autre genou à terre et l’étreignit. Il s’écarta un peu pour mieux observer ce revenant. L’héritier refit les mêmes gestes « Gringalet » retraduisit Penn « Voilà au moins un mot que je reconnaîtrais. — Oui, je me souviens maintenant. Tu es Darian, le musicien de pacotille.» Ajouta-t-il un sourire narquois sur les lèvres, aussitôt traduit par Penn. Darian l’enlaça une dernière fois et disparut en direction de l’hôpital accompagné par le médecin, le laissant avec son fidèle serviteur. Il venait de retrouver celui qu’il pensait avoir perdu. Il était ravi. commentaire ici
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| Sujet: Re: Les vilipendes du sendris [roman] Dim 18 Oct 2015 - 17:42 | |
| Penn et Talmir Penn aida son prince à se mettre debout et l’aida à se dérouiller les articulations en le faisant marcher. « Nous allons sortir en passant par les sous-sols. Vous vous souvenez des caves de votre père ? » Talmir, hésitant, hocha la tête affirmativement. Débarrassé de l’essence des « Glors », il redevenait petit à petit lucide: Les leçons qu’il apprenait; Les promenades à cheval avec son père;Les courses dans l’immense jardin avec Darian lorsqu’ils étaient enfants; Les parties de pêches avec son oncle Kal et puis plus rien. Chaque fois que l’image de son oncle apparaissait dans ses souvenirs, tout redevenait flou. Talmir cherchait à effacer tout ce qui fut lui avant qu’il ne dépérisse dans ces cachots. Il refusait de se souvenir du prince qu’il était avant, mais surtout de celui qui l’avait déchu de ses droits. Pour survivre, il lui fallait faire table rase de son passé, devenir quelqu’un d’autre. Seulement son écuyer voyait les choses autrement... Il parvint à persuader Talmir de faire un brin de toilette, de se laisser couper les cheveux et se faire raser, comme au début de sa détention. « Enfin, je vous retrouve comme avant. Nous allons à nouveau être ensemble dès que Darian n’aura plus besoin de moi. » Penn s’appliqua comme il put à couper les cheveux emmêlés de son maître, prenant soin à ce que la coupe ne fut pas trop soignée. Il la fit inégale, comme taillée à la serpe, glissa la main dans la chevelure princière et lui donna un air encore plus décoiffé. Au final, il décida de ne pas raser Talmir et de lui laisser sa barbe de quelques jours. Il n’était pas peu fier du résultat, son prince avait véritablement l’allure d’un baroudeur. Tout ne redeviendra peut-être pas comme avant, mais je prendrais toujours soin de lui, Darian est un bon prince mais ce n’est pas le mien. Lorsque Talmir ira mieux, j’irais avec lui chercher son frère. Il repensa à nouveau à ces années de galère. Talmir était un battant, un dur à cuire et pour son écuyer il ne faisait aucun doute qu’il survivrait à cette épreuve aussi difficile soit-elle. Il ruminait, cogitait, tournait comme un lion en cage mais n’abandonnait pas. Il se nourrissait normalement, même si sa blessure encore à vif le faisait souffrir. S’il y avait une chose que Penn ne pouvait reprocher au souverain actuel, était le fait d’avoir laisser son neveu sans soins. La première semaine un médecin su Nordis venait lui rendre visite escorté par les geôliers, qui étaient nombreux encore avant les disparitions inexpliquées. Talmir supportait aussi son incarcération grâce à la venue d’un visiteur inhabituel, un oiseau multicolore, mais pas que... Certains jours, il se métamorphosait en une sublime créature aux cheveux arc-en-ciel qui prenait aussitôt l’apparence d’un rat, si un de ses gardiens entrait dans la cellule. Ce qu’ils firent de plus en plus rarement, se contentant de déposer la nourriture près de la grille. Jour après jour, Talmir restait assis sous le soupirail, guettant l’arrivée de l’animal. Dès qu’il put communiquer avec Penn, il lui parlait de ce volatile fabuleux. A l’aide d’un bâton, il le dessinait sur le sol en terre battue de la cellule. Penn connaissait cet oiseau multicolore. Il était venu le chercher sur son île et l’avait fait prendre la mer vers sa destinée. Cet oiseau semblait s’intéresser de très près à la famille royale et à sa destinée, car lui aussi l’avait vu à plusieurs reprises. Seulement tout avait basculé il y a deux semaines, l’oiseau ne venait plus ou moins souvent. Talmir refusait de s’alimenter, de s’améliorer dans le langage des signes, ce qui l’inquiétait. Il laissa alors des notes de plus en plus anxieuses dans son journal afin d’alerter Darian. Un jour, en le quittant, il surprit une conversation pour le moins ambiguë entre le roi et un des geôliers. « Ce que vous m’apportez là est une bonne nouvelle. La poudre semble être efficace et le diminuer sérieusement, mais c’est encore trop lent. Il faut qu’il soit prêt avant le début des présages. Je ne commettrais pas deux fois la même erreur en envoyant un sujet non terminé. Continuez à noter dans votre journal que le prisonnier va bien afin de rassurer Ma Dame la reine. La prophétie est sur le point de se réaliser. Il faut maintenant qu’il disparaisse pour de bon. Augmentez les doses et laissez entrer les « Kal’urs » qui se présenteront à vous. Ils ont envie de s’amuser un peu et ça accélèrera le processus...»Le soir même lorsqu’il se rendit à son poste, Penn avait interrogé le balourd dénué de jugeote qui avait toujours la panse pleine mais n’était pas des plus tendres. Chaque fois qu’il prenait la relève, il sentait son regard le transpercer et n’avait qu’une envie le tuer... Il n’ignorait pas que cet homme n’était pas fiable, il suffisait de lui donner de la boustifaille ou du vin pour qu’il se plie aux demandes émanant de types louches. Ce soir là, lorsqu’il interrogea le gros, celui-ci s’était mis à rire franchement lui proposant les mêmes jouissances que le prisonnier s’il caftait quoi que ce soit au bon prince Darian. Bien qu’il l’ait menacé, il n’en saura pas plus de cet homme. Tout en préparant son prince pour son évasion, Penn le questionna. « Mon Prince, la liberté pour vous est proche. Vous n’aurez plus rien à craindre. J’ai l’impression qu’il vous est difficile de me parler de votre calvaire. Me permettez-vous de lire dans votre esprit ? Ce sera rapide, je vous le promets. » Talmir le regarda de travers. « Je vous en prie mon Prince, il me sera plus facile de vous aider ensuite. Je pourrais même effacer de votre mémoire ces mauvais souvenirs. » L’air interrogatif de l’héritier lui fit comprendre qu’il ne connaissait pas réellement les peuple des pluies. « Normalement je n’ai pas le droit de faire cela. Mais si je veux vous retrouver je pense que c’est nécessaire. L’oiseau me l’a conseillé... » Un sourire se dessina sur le visage de Talmir. Il acquiesça. Penn lut l’horreur dans les souvenirs du prince et comprit alors sa réticence à lui expliquer. Il avait peur. Comment, en effet ne pas être effrayé, devant des monstres et sans aucune possibilité d’appeler à l’aide ? Qu’aurait-il pu faire devant des hommes armés alors que lui était si faible ? Penn essuya les larmes qui glissaient le long de ses joues, en repensant à son incompétence. C’était la peur des représailles, rien d’autre, voilà pourquoi il ne m’a rien dit. « Je suis désolé. Je ne vous ais été d’aucune aide dans ces moments là... » Par geste, Talmir le rassura. Non, il n’était pas responsable de son état. Il avait été d’une grande aide même s’il servait Darian, lui avait-il fait comprendre. Il lui expliqua ensuite qu’Obeline venait le voir aussi dans ses rêves et que ça le calmait, le rassurait : « Vous dîtes que je ne suis pas responsable... Vous avez été battu, violé, mordu, torturé en mon absence. J’aurais dû insister auprès de Darian pour qu’il m’emprisonne avec vous. Je vous aurais protégé. Il n’est pas mon prince. — Je ne suis pas non plus ton binôme, un jour tu seras obligé de partir, jeune Penn. Tu ne pourras pas servir trois maîtres. Vis ta vie et fasse en sorte qu’elle ne tourne pas uniquement autour de moi. Tu es libre de choisir, tu as toujours eu cette possibilité en tant qu’enfant des pluies. Personne ne vous dirige... » Par gestes, Talmir venait de le libérer une nouvelle fois de sa servitude. Un sourire se dessina à nouveau sur son visage fatigué. Il reprit ses gesticulations. : « Si Darian t’avait emprisonné, dis-moi comment pourrais-tu me faire évader ? » Penn se massa la tête. C’est vrai comment le pourrais-je ? commentaire ici | |
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| Sujet: Re: Les vilipendes du sendris [roman] Dim 1 Nov 2015 - 19:16 | |
| L'évasion Aussitôt la nuit tombée, Guilbert vint leur ouvrir la porte de la tour afin de la refermer derrière eux. Penn le remercia et, soutenant son maître, l’aida à gravir les deux marches qui menaient à l’intérieur avant d’emprunter la porte de gauche. Talmir gémissait de douleur, son dos meurtri par le fouet le lancinait au moindre mouvement. Le praticien les attendait à l'entrée de la clinique et lui fit boire un antidouleur, ce qui le calma. Talmir revêtit le manteau de baroudeur et dissimula son visage sous l’immense capuche. Il gardait la tête baissée en permanence afin que nul ne puisse le voir. Ils longèrent les couloirs de l’hôpital sous les regards curieux des soignants. Une infirmière voulut leur prêter main-forte, mais fut refoulée. Le chariot était prêt et l'assistant, un homme de grande taille attendait sur le siège conducteur. Talmir frissonna et croisa les bras. Il n’avait pas mis le nez dehors depuis si longtemps, qu’il fut surpris. Tout lui semblait nouveau, gigantesque, vivant. Il resta un moment sans bouger près de la porte, admirant les étoiles. Elles lui paraissaient plus belles ainsi éclairées par la lune. Il respira à plein poumon et toussa. L’air pur lui emplit les bronches et les dégagea de leurs impuretés. Le bras droit du médecin l'impressionnait. Ce guerrier imba était loin de le rassurer, mais Penn lui avait dit qu'il n'avait pas à s'en méfier. Talmir se tourna vers les chevaux un sourire aux lèvres. Il se souvenait. Les chevaux étaient sa passion avant. Légèrement craintif il s’approcha d’eux et les caressa. « Mon Prince. Il ne faut pas trainer. Venez. » Penn l'aida son prince à grimper dans le chariot et voulut qu’il se couchât à l’arrière. « Allongez-vous ici. Il ne faudrait pas que vous attrapiez froid. — Je suis resté cloîtré quatre années de ma vie. Laisse-moi profiter de ma liberté retrouvée. Tout le monde me croit mort. Je ne dirais pas un mot, personne ne me reconnaîtra. — Prince... — Je ne veux pas me cacher.» Haussant les épaules, Penn installa Talmir sur le siège, le couvrit d’une fourrure épaisse, lui conseilla de baisser la tête et de bien rester dans l’ombre de sa capuche. Je ne peux l’empêcher. Il a envie de redécouvrir le monde, il en a le droit. Il prit ensuite place entre le conducteur et son prince, posa une couverture sur ses épaules, prenant soin de la poser sur sa tête afin de dissimuler ses traits, et la tint fortement serrée contre lui. L’homme fit claquer le fouet et la carriole s’ébranla lentement. Le praticien marchait devant. Le bruit de la crécelle rompit le silence de la nuit et attira l’attention des gardes. Le martèlement des sabots et crissement des roues sur les pavés, retentirent sur les parois de l’arche qui séparait la cour de l’hôpital de celle de la forteresse. Le géant conduisait l’attelage. Il maintenait fermement les chevaux, agacés par le son strident de l’objet. Les gardes de faction s’écartèrent automatiquement, laissant l’équipage s’engager sous la porte du château sans encombre. Ils traversèrent la place de Tendris rompant le silence semi-nocturne. C’était l’heure où les soudards se rendaient à la taverne pour prendre un remontant bien mérité après une dure journée de labeur. Avant que la nuit eusse complètement avalé le jour, les ménagères décrochaient leur linge, appelaient leurs enfants et se pressaient de fermer portes et fenêtres. Il faisait encore chaud à cette heure. Talmir regarda une dernière fois la ville qu’il aimait, sans savoir quand il pourrait la revoir. Il serra la main de son fidèle serviteur. Un garde ivre, tenant à peine sur ses jambes, fit stopper l’attelage. « Halte là, personne ne sort de la ville à cette heure-ci. » Il titubait et avançait maladroitement vers eux. Sur la terrasse du dernier tripot ouvert, le patron observait la scène d’un air curieux. Il portait une chaise qu’il allait remiser avant de fermer son auberge. Derrière les volets clos, Talmir discerna une pâle lueur de chandelle. Un client ouvrit sa fenêtre, regarda dans leur direction et ferma ses persiennes avant de souffler sa bougie. Un chien aboyait. « Mon bon monsieur, si ces malades ne sont pas évacués immédiatement, toute la ville sera dévastée par un fléau. » L’homme ne semblait pas avoir compris et chancelant s’approcha davantage. « Je dois fouiller votre chariot. Qu’est-ce qu’il y a là dessous? » Il désigna la bâche. «Ce ne sont que des médicaments. Ces hommes semblent avoir la peste ou la mort lente. Ignorez-vous donc que lorsque j’agite ainsi ma crécelle il serait plus simple de vous éloigner? Voulez-vous condamner les citoyens en empêchant ces deux là d’être évacués ? La peste, la caquesangue, la léprose sont des maladies très contagieuses. Talmir baissa encore plus la tête et Penn fit semblant de tousser, s’enroulant davantage dans la couverture. Le garde bouscula le médecin et tendit la main vers le véhicule. Le conducteur s’empara alors du poignard à sa ceinture et descendit du chariot en le menaçant. « Toi pas comprendre? Eux malades, eux bientôt condamner ville si pas partir.» Un officier alerté par un fantassin et apercevant le remue-ménage se dirigea vers eux. « Un souci messieurs ? » Penn toussa à nouveau. « Ah capitaine, vous tombez bien. Ces deux hommes sont extrêmement contagieux, je soupçonne qu’ils aient la peste et cet hurluberlu s’octroie le droit de nous refuser le passage. » Le capitaine observa tour à tour le médecin et sa crécelle, jeta un regard à Penn qui toussait encore et tremblait puis rabroua le garde. « Triple idiot. Lorsque le médecin sort ainsi avec sa crécelle, cela signifie « écartez-vous ! » Il va sans dire que vous serez sanctionné sévèrement. Non seulement vous êtes ivre et en plus n’êtes pas de service ! » Il se tourna vers le médecin « Allez-y avant que les portes de la ville ne soient fermées. Si c’était le cas, il est fort probable qu’on vous les ouvrira. Tendris a vu assez d’épidémies. — Merci beaucoup capitaine. Sa Majesté sera prévenue de votre geste. » Le conducteur grimpa à nouveau et reprit la route. Penn poussa un soupir de soulagement. Il jeta un regard à la dérobée à son maître et remarqua qu’il avait la main posée sur son poignard de baroudeur. Une fois assez éloignés de la ville, l’héritier posa son index sur la joue de Penn, comme l’avait fait son cousin le matin même. Le jeune Celisien écarta les pans de sa couverture et invita son maître à l’y rejoindre. Mon seigneur et maître sera un bon roi. Je ne voudrais pas qu'il prenne froid. A les voir ainsi, on pourrait croire qu’ils étaient deux frères très unis. Talmir avait fini par s’habituer à la présence du géant bien que n’étant pas encore très à l’aise face à lui. Il avait quelque peu oublié que les hommes et les membres d’autres tribus pouvaient être pacifiques. Il apprendra rapidement à lui faire confiance, une fois qu’il aura rassemblé tous ses souvenirs d’avant. La nuit était complètement tombée. Penn alluma une lanterne et le cheval avança tant bien que mal sur le sentier. Bientôt ils seraient au chaud dans une cabane de chasseurs. A cette époque de l’année, ils étaient peu nombreux à chasser dans ce coin. Tous préférant se diriger vers le Nord. Talmir épuisé par tant d’efforts, posa sa tête sur l’épaule de son écuyer. Penn remonta encore plus la couverture sur eux deux. Il ne fallait pas que le prince prenne froid. Il se mit à sourire. Vivre au grand-air avec son maître lui ravivait le cœur. Il ne doutait pas un instant qu’il reprendrait rapidement du poil de la bête. Il avait marché, souri, communiqué, mangé. Il ne retrouvera jamais sa voix, ne chantera plus jamais, mais il était resté identique à lui-même. Je ne sais si les autres seigneurs sont aussi gentils avec leur écuyer mais je n’ai jamais eu à me plaindre du mien, des miens devrais-je dire. Le cheval dodelina de la tête, tirant le chariot sans peine. Le conducteur avait cédé la place au médecin et s’était installé à l’arrière. Le vieil homme arrêta le véhicule, ils étaient arrivés. L’étranger descendit en premier. Talmir s’était endormi et commençait à peser sur l’épaule de Penn. Il en fut rapidement délesté par le guerrier, qui le souleva comme s’il s’agissait d’un petit enfant. « C’est ici que nos routes se séparent. J’ai été ravi de vous rencontrer noble Celisien. — Que votre retour se fasse paisiblement Ser. » Penn regarda s’éloigner le praticien et poussa la porte de la maisonnée. Il s’arrêta net sur le seuil. Un homme était dans la pièce, tranquillement assis dans un fauteuil, près de la cheminée. « Entrez, je vous attendais » | |
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| Sujet: Re: Les vilipendes du sendris [roman] Lun 16 Nov 2015 - 23:20 | |
| Jon: arrivée à Tendris Nous avons quitté Taris hier matin, peu après midi, pourtant j’eus l’impression que cela faisait des jours. Personne ne voulut de nous dans les autres villages même si je me proposai d’aider les habitants à rebâtir. Des personnes compatissantes firent parfois boire notre jument, donnèrent quelques fruits pour ma mère, offrirent du pain ou de la viande à mes parents mais aucune ne prit le risque de nous héberger, ni ne vint me parler. Tous évitèrent mon regard autant que faire se peut, craignant que je ne leur jette un sort, d’autres restèrent à distance raisonnable. Notre cheval s’abreuvait et s’alimentait indifférent à toute cette agitation. Je pris place près d’un arbre, regardant ces gens vivre, pleurer, se lamenter et déblayer. Un enfant vint vers moi tout sourire mais un homme, son père sans doute, le tira rapidement par un bras pour le faire changer de direction. Je sentis les regards lourds de reproches sur moi. Je contournai l’arbre, me mis face à la route pour ne plus voir ces visages emplis de colère. Détournant la tête, je reportai alors mon attention sur un oiseau bien étrange, que je n’avais jamais vu auparavant. Il se lissait les plumes dans un rayon de soleil. Les enfants couraient autour de moi et il ne s’envola pas. Rapidement rappelés auprès de leurs parents, ils partirent m’abandonnant à nouveau à ma solitude. L’oiseau était toujours là. Il sautilla un instant, agitant ses ailes. Je crus qu’il était blessé et fut pris de compassion pour lui. Comme s’il ne perçut ma présence qu’à cet instant, il leva la tête et, chose incroyable, voleta vers moi. Il se posa sur mon pied, tourna légèrement la tête à gauche pour me fixer avec son œil marron. Le temps d’un battement de coeur, j’eus l’impression de voir au travers de sa pupille une fille aux cheveux multicolores. Il avança le long de ma jambe. Je ne te ferais rien bel oiseau. Tu es le seul qui semble comprendre ma souffrance. Il frotta son bec contre ma main et je pris cela pour une signe de réconfort. Un chien de l’autre côté de la route se mit à gronder en me voyant. Il montrait les dents et je crus un instant qu’il allait bondir sur moi. Mon père fit alors irruption devant moi armé d’un bâton le faisant fuir. Je l’admirai, c’était mon idole. Je ne comptais plus les fois où il nous protégeât des attaques de loups, de voleurs. Moi, j’étais bien trop peureux. Le jeune garçon qui me remplaçait parfois aux travaux des champs, savait se battre aussi bien que mon père. Nous avons le même âge et je les laissais défendre la ferme à eux deux, sans lever le petit doigt, préférant rêvasser ou lambiner. Malgré son bras handicapé, mon père apprit à tirer à l’arc. Sa main à moitié fermée lui faisait office de pince. Je ne pus m’empêcher de penser qu’un jour ou l’autre il faudra bien que j’apprenne à me battre. Mon père se tourna vers moi et me sourit. Je compris qu’il ne serait pour moi une sorte de garde du corps. L’oiseau quitta ma main pour se poser sur son épaule un court instant et s’envola brusquement, me laissant rêveur. Merveilleux, cet oiseau était magnifique. Je ne prêtais généralement pas attention aux animaux autres que les chevaux ou ceux de la ferme, mais ce petit volatile était parvenu à m’émerveiller. Je compris alors qu’un petit rien pouvait changer un homme. L’insouciance de ce passereau, me fit comprendre le sens du mot liberté. Il n’avait rien et pourtant paraissait heureux. Que ne donnerais-je pour être comme lui et ne pas avoir à me tourmenter ? Pourquoi les humains s’arrogeaient-ils le droit d’imposer des lois alors que la vie pourrait être si simple ? Ma mère s’approcha sans que je ne l’entende. Je ne remarquai sa présence que lorsque son ombre se projeta sur moi. Elle n’eut pas besoin de parler, je compris le signal. Il nous fallut repartir. Nous avions eu de la chance que dans ce petit hameau de cinquante âmes nous pûmes nous arrêter un moment. Ce ne sera pas le cas ailleurs. Cette recherche infructueuse pour un abri nous contraignit donc à monter jusqu’à Tendris. Je n’en avais pas spécialement envie mais j’étais persuadé que le roi reviendrait sur sa décision, qu’il n’était pas différent de l’ancien souverain. J’ignorai alors qu’il était tout sauf compatissant. Encore une fois j’avais agi sans me soucier des conséquences. Je ne cessais de me reprocher ma faute et ne cherchai qu’à la minimiser tout au plus à faire en sorte qu’elle soit moins difficile à vivre. Notre première nuit hors de chez nous fut assez tranquille. Dans chaque forêt, où le gibier abondait, des cabanes étaient mises à disposition pour les chasseurs ou les voyageurs égarés. Une tradition nous venant du Nordis, pays partageant sa frontière avec notre royaume. Chaque cabane était pourvue d’une écurie et d’un petit hangar fermé pour chariot. Nous arrivâmes dans une maison que je connaissais bien, c’était celle de mon ami Keluan dont le frère était un génie. | |
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| Sujet: Re: Les vilipendes du sendris [roman] Lun 16 Nov 2015 - 23:28 | |
| Jon arrivée à Tendris (suite) Keluan était ce jeune garçon qui me remplaçait lors des travaux de la ferme. De temps en temps pour se faire un peu d’argent, il accompagnait son frère pour escorter le roi Firmin, et plus tard le prince et son cousin, jusqu’aux endroits où le gibier abondait. Accusé d’avoir blessé le prince Darian l’année dernière, il fut banni avec son ainé. La demeure semblait intacte. La dernière tempête avait emporté le toit du hangar et ce fut un miracle qu’elle tenait encore debout. Les murs et la porte avaient résistés sous l’assaut. Pour éviter les vols de chevaux ou même de véhicule, tout se fermait de l’intérieur et communiquait entre eux : Le hangar, l’écurie et enfin la maison. Plus grande que les maisonnettes habituelles, elle disposait d’un système ingénieux permettant d’entrer le chariot dans le bâtiment. Il fallait d’abord longer un couloir assez vaste pour laisser passer deux chevaux attelés de front. On dételait ensuite les animaux pour les loger. Un système de plancher pivotant permettait de tourner le chariot afin de pouvoir le sortir facilement. Il suffisait ensuite de pousser les cloisons pour amener les chevaux devant et les atteler. Nous n’en avions qu’un et heureusement. Je n’ai jamais vu cheval plus peureux lorsqu’il devait aller dans un endroit inconnu, seul mon père parvint à le faire entrer. Depuis l’exil de ses propriétaires, la maison était abandonnée. Réputée hantée, ce que mon père et moi-même ne crûmes évidement pas, les chasseurs connaissant son existence n’y mirent plus jamais les pieds. L’unique pièce à vivre, séparée du couloir par une cloison était spacieuse et comprenait le nécessaire pour se chauffer et dormir. Par principe ma mère préféra utiliser nos propres affaires. Il était étrange pour moi de partager la même pièce que mes parents pour la nuit, cela me ramenait des années en arrière lorsque je n’avais que sept ou huit ans. Je dormais dans la même pièce que ma mère. Chaque soir, elle tirait un rideau me séparant sommairement de sa couche. Mon père aménageait une remise pour y faire ma chambre, dès qu’il nous rendait visite. Il y travaillait jusque tard dans la nuit parfois, lorsque le temps le permettait. Il ne put la terminer que lors de son retour définitif. Comme la toute première fois où je dormis seul, je dus me réadapter. N’ayant pas le choix, je m’y fis rapidement. A l’aube, après une bonne nuit, j’étais prêt à reprendre la route et nous conduire vers notre destin, le pardon ou l’exil. La route devenant moins encombrée et de ce fait plus praticable, nous arrivâmes assez rapidement. Au fur et à mesure de notre progression nous constations que certains hameaux avaient été épargnés et d’autres dévastés. Villeclaire, Mercante, Blancheberge avaient subis de relatifs dégâts tandis que Mornebourg et Talesherbes étaient réduits en cendres et rayés de la carte. La dernière ville, Tarlac fut la moins touchée et pansait ses plaies. Il semblait y avoir eu une sélection. Je me remémorais alors ce que Valtán m’avait appris. Mornebourg et Talesherbes étaient sous la protection du souverain Firmin. Ces villages étaient régulièrement pillés par les villes avoisinantes et notamment Tarlac, qui en plus de faire des razzias dans ces villages, réduisait en esclavage les habitants. Des chevaliers et des soldats avaient donc élus domicile à Villeclaire, Mercante et Blancheberge pour les protéger. Bien que le souverain actuel ait conservé cette coutume, les «Glors » venaient de supprimer tout ceci. Mon père observait d’un œil éteint ce désastre. Il avait grandi à Talesherbes auprès d’un père autoritaire, ivre du matin jusqu’au soir, qui le battait pour un oui ou pour un non. Lorsqu’il devint garde de la reine, il le surprit en train de vendre des esclaves sur le marché de Tarlac. Sans aucun remords il le fit arrêter et le livra à la justice du roi Firmin. | |
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