Atelier d'écriture Communauté d'écrivains en herbe |
| | Les Emeraudes jumelles | |
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Invité Invité
| Sujet: Les Emeraudes jumelles Jeu 16 Avr 2015 - 17:11 | |
| PROLOGUE La lumière de l'aube pointait à l'horizon, envahissant les sous-bois à travers les branchages, pourtant feuillus, des divers frênes et autres marronniers. À ce moment précis les perles de rosée ondulèrent avec paresse le long des herbes hautes, formant un collier de diamants sur l'humus encore humide de la forêt printanière. Tel un écho onirique résonnant dans la solitude, les pas du jeune homme se perdirent dans la nature. Ses yeux d'un vert émeraude se délectèrent de chaque détail, son regard s'enfonçait à travers l'écorce des puissants troncs, traversait les branchages à la recherche de volatiles colorés, sondait chaque creux et chaque forme. Encore aux frontières du sommeil, sa démarche n'était pas assurée et ses réflexes non moins aiguisés. Il en était à se demander si ce qu'il voyait n'était pas simplement le fruit de son imagination. Quand enfin ses idées devinrent claires et qu'il put sentir l'air frais et vivace lui fouetter le visage, il se mit à courir. D'abord d'un petit trot prudent, puis l'allure s'accéléra et sans qu'il ait put s'en apercevoir il courait déjà aussi vite qu'il pouvait se le permettre avant de perdre son souffle. Sous ses pieds défilaient de multiples fourrés, cailloux de granit et insectes apeurés ; en relevant la tête il fut frappé par la hauteur du soleil dans le ciel. Des rayons lumineux vinrent lui caresser le visage d'une douce et réchauffante étreinte, le garçon se perrmit même de rabattre ses paupières pour d'autant plus profiter de ce chaleureux contact. Au bout d'un moment lorsqu'il décida avoir assez profité de sa course matinale, il ralentit ses pas au moment même où il pénétrait dans une petite clairière arrosée de lumière. Les arbres se faisaient plus rares mais, comme pour rétablir l'équilibre, l'herbe et les fleurs avoisinaient le mètre de haut, chatouillant la taille du coureur. Laissant son cœur reprendre un rythme plus régulier il s'avança et traversa la flore resplendissante ; frôlant de sa paume le haut de lupins et de pavots surgissant de la verdure. Soudain il se baissa, s'accroupissant de telle sorte que l'on eu pût le discerner qu'avec une attention méticuleuse. Il avait trouvé un des trésors de la forêt et si il avait eu du mal à sortir de son lit, plus aucun regret ne persistait en lui. A trente pas droit devant se trouvait un magnifique chevreuil, baissant régulièrement le museau afin de satisfaire sa gourmandise sur quelques feuilles de sa convenance. Il se mouvait avec la plus grande délicatesse et une élégance démesurée s'en émanait pour un animal d'apparence si fragile. Son pelage ras et mordoré s'agitait subrepticement au gré du vent ; ses fines pattes cachaient une grande puissance et semblaient prêtes à bondir à la moindre alerte. Son aisance et son assurance inspiraient le respect, son silence la sagesse, sa douceur la passion. D'un coup il releva la tête, son museau frémissant allant de gauche à droite à la recherche du perturbateur. L'intrus en question, ayant prit conscience que sa présence pouvait être incommodante, fléchit les jambes un peu plus et s'isola, invisible pour la bête. Tous les sens aux aguets, l'animal tourna sur lui-même avec une surprenante vivacité, cherchant l'origine de la senteur étrangère. Le jeune homme, furtif comme une ombre, restait dans une immobilité parfaite. Peint de blanc il aurait facilement pu être confondu à une statue de marbre. Voyant le chevreuil reprendre son calme il porta un doigt à ses lèvres et l'humidifia ; il comprit alors que le sens du vent avait changé et qu'à présent son odeur ne le dévoilerait plus. Il déplaça lentement sa main gauche jusqu'à son dos et décrocha habilement l'arc qui s'y trouvait ; puis de son autre bras agrippa une flèche dans son carquois de cuir. La bête majestueuse avait reprit ses activités et semblait ne plus se soucier de rien d'autre que de son petit déjeuner. Toujours d'une impressionnante prudence, la flèche de bois taillée et aiguisée à la perfection fut encochée. L'arc d'if récurvé que le garçon affectionnait tant se courba sous la pression, le grincement de la corde qui se tendait jusqu'à l'oreille lui inspira un sentiment de satisfaction dont la jouissance lui parcourue l'échine de bas en haut. Puis tout se figea : le chasseur, l'animal, même le vent parut s'arrêter un instant pour assister à la scène meurtrière. Son cœur se mit à tambouriner dans sa poitrine, amenant une angoisse insoupçonnée jusqu'alors ; il l'a renvoya d'une expiration agacée. Il se focalisa de nouveau sur sa cible. A peine quelques secondes plus tard la flèche fut décochée, elle partit à une vitesse effroyable, écartant l'air sur son passage et savourant avec impatience son festin de douleur et de mort. Le chevreuil observa le projectile converger vers lui, faisant preuve d'un calme et d'une sérénité remarquable devant son sinistre destin. Mais il n'en avait pas été décidé ainsi et la flèche se planta avec un bruit mat dans une souche d'arbre quelques pas plus loin. Comme un signal de départ, la bête effrayée s'élança, effectuant des bonds à faire pâlir de jalousie toute la caste animale puis disparut dans les profondeurs de la forêt. Loin de repartir bredouille, le chasseur s'en alla le sourire aux lèvres sur le sentier tortueux du retour, fier d'avoir renoncé à son acte, d'avoir préservé la beauté du bois, le trésor de la forêt. Voilà, ma première publication :) lien vers les commentaires : https://ecrire.forumactif.org/t6015-commentaire-les-emeraudes-jumelles#156165 |
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| Sujet: Re: Les Emeraudes jumelles Sam 18 Avr 2015 - 13:55 | |
| CHAPITRE 1 : Il passa le seuil de la cabane en bois, un logis bien rudimentaire mais qui lui inspirait confiance et sécurité. Si il eut été courroucé de sa chasse peu fructueuse, tout son mal-être disparu en s'engageant dans l'unique pièce de la demeure plongée dans une atmosphère humide. Il posa sur la vieille table fissurée le maigre lièvre qu'il avait attrapé dans un collet et s'allongea sur son lit de paille posé à même le sol. Le sommeil le rattrapa alors de manière si brusque qu'il eu à peine le temps d'ôter ses bottes de fourrure qu'il sombrait déjà dans ses méandres. - Calveen ! Hey, tu es là ? Il rouvrit les paupières et observa les minces poutres du plafond durant un temps qui lui parut s'éterniser. Se redressant avec peine, il tenta de reprendre ses esprits. Il n'avait aucune idée de l'heure qu'il pouvait être et remarqua les fins faisceaux de lumière qui filtraient à travers les diverses embrasures de la porte. Un second appel finit de le réveiller et il sauta sur ses pieds. Le jeune homme ouvrit la porte en plissant les yeux devant le flot de lumière qui s'en déversait et vit un homme légèrement plus âgé que lui marcher dans sa direction. D'un pas assuré, il était châtain foncé et avait une carrure déjà impressionnante avec de larges épaules et des bras habitués aux travaux de force. Calveen sourit et alla à la rencontre de son frère. - Comment vas-tu, Thomas ? - Bien, répondit-il en l'étreignant vigoureusement. Et toi aussi apparemment, vivre dans la forêt t'as redonné des couleurs. - Viens, entre, la journée est déjà bien entamée tu dois avoir faim. Ils s'installèrent dans la cabane et firent cuire le lièvre en discutant. - Tu as des nouvelles des parents ? Continua-t-il en faisant tourner leur dîner sur une petite broche de sa conception. - Ne t'en fais pas pour eux ils vont bien, je m'occupe de tout à Ibra. - Tout ce qu'un bûcheron peut faire, marmonna Calveen. - Ecoute, la situation est compliquée là-bas. C'est très tendu les grandes familles se castagnent pour remplacer le jarl, moi de mon côté j'en profite pour aider papa et man ok ? Crois-moi dans peu de temps nous pourrons tous les deux les revoir. L'invité resta ainsi jusqu'à tard dans l'après-midi et se décida enfin à aborder la véritable raison de sa venue. - Ecoute petit frère tu as déjà dix-sept ans, dans le domaine Dascalide tu as donc atteint ta majorité. Ce qui signifie... - Ce qui signifie l'année de service au jarl, le coupa-t-il. Je sais, tu crois que je compte l'éviter ? Cependant si ça pouvais attendre encore un peu, je suis ici depuis à peine quelques mois et je commence enfin à perfectionner mes techniques de chasse, c'est long de s'habituer à un nouveau rythme de vie tu sais. Il baissa les yeux et entreprit de tripoter nerveusement un morceau de cuir. - Ne sois pas bête ! Ils vont vite se rendre compte de ton absence, et alors attends-toi à voir débarquer une escouade d'hommes en armes. Calveen se leva brusquement et commença à faire les cents pas. Les sourcils froncés il finit par dire d'un air renfrogné : - Bon très bien, puisque je peux pas y échapper je me plie à l'autorité toute puissante du jarl. Je vais préparer mes affaires et partirai demain matin à la première heure. Puis sans attendre de réponse il tourna le dos et sortit prendre l'air. Un pli de contentement se dessina aux coins des lèvres de Thomas ; il connaissait bien son cadet, le moment de résistance passé il saurait se montrer digne de l'année d'apprentissage martial. De plus il ne doutait pas que les grands bretteurs d'Andralis sauraient lui conférer le meilleur des entraînements. En silence il reprit sa sacoche de voyage, passa la bandoulière par dessus son épaule et s'en fut, le rougeoiement intense du soleil couchant dans le dos. Comme prévu, il quitta la cabane de bois dès l'aurore. Jetant un dernier regard sur ce qui fut pendant plusieurs mois son abri, il s'élança d'un pas qu'il voulait souple et rapide sur le sentier de terre qui menait à la ville. Les premières heures de marche passèrent sans inconvénient. On pouvait remarquer que la flore s'amoindrissait au fil du temps, les buissons étaient moins touffus, les arbres d'habitude regorgeant de vie semblaient à présent ternes et silencieux, il n'y avait plus d'écureuil ni de hérisson qui traversaient la route ( si tant est qu'on puisse la qualifier de telle ) et qui s'arrêtaient un instant pour observer le voyageur solitaire avec des yeux emplis de curiosité. Tout était calme. La journée était déjà bien avancée quand Calveen décida de faire une pause. Les muscles de ses jambes le tiraillaient, aussi il s'assit un moment sur un large rocher plat qui émergeait du sol à côté du chemin. Il sentit avec bonheur les derniers rayons de chaleur sur ses épaules endolories par le poids du sac tout en se massant activement les mollets. Un bruit inhabituel attira son attention, un bruit qu'il ne reconnaissait que trop bien et qui ne lui plaisait guère. Tendant l'oreille, il écouta attentivement au cas où cela se reproduirait, et en effet un hurlement animal retentit tel un écho au premier dans l'air devenu frais de cette fin d'après-midi. Le jeune homme s'empara alors de son arc et regarda de tous côtés à la recherche du prédateur présumé. Ce qu'il vit le pétrifia, non pas de terreur mais de stupéfaction. Un loup d'une taille frôlant l'anormal se dressait le buste en avant sur un talus de terre surélevé à une centaine de mètres du jeune homme. Outre le choc de cette rencontre inattendue, c'était l'expression globale de l'animal qui prêtait à confusion ; d'une immobilité parfaite, le temps semblait figé autour d'eux. La scène aurait pu inspirer nombre de peintres et de poètes par son harmonie. En effet tout semblait être lié par un fil invisible : le loup à la forêt, l'homme à son arc, et surtout le loup et l'homme. Nul n'esquissait le moindre geste de peur d'effrayer l'autre, ils s'observèrent ainsi jusqu'à ce que les muscles du garçon se détendent et qu'il dépose finalement son arme à ses côtés. Ne le quittant pas des yeux une seconde, il découvrit avec étonnement le vert intense au dessus du museau, au plus profond des pupilles, le fixant d'un air rassurant mais sauvage. Abasourdi, il se rendit enfin compte de l'heure qu'il était et jeta son sac sur son dos. Quand il releva la tête l'endroit où se trouvait la mystérieuse créature était désert et de là où il était il n'aperçut rien qui puisse révéler sa présence. Il profita donc de la lumière restante pour achever sa longue journée de marche. Il ne dormit que d'un œil cette nuit-là, redoutant la venue du loup, mais finalement il ne fit aucun signe de vie. La journée qui suivi fut longue et ennuyeuse, le climat alternait entre brumeux et orageux avec une fine pluie tombant en continu qui formait une détestable couche de boue sous les pieds. Le soir venu Calveen avait l'impression de n'avoir pas progressé tellement l'environnement devenu inhospitalier offrait un décor inchangeant. Les hauts arbres luxuriants qui siégeaient autour de sa cabane perdue étaient à présent chétifs et dégarnis, cependant ils dégageaient de part et d'autre du chemin un sentiment imposant de puissance. La multitude de troncs droits et minces qui s'enfonçaient dans les ténèbres semblait prompte à égarer un voyageur un peu trop aventurier là où sa forêt pouvait être traversée pendant des jours entiers en gardant une réconfortante impression de chez-soi. Le marcheur n'était que plus fatigué de la monotonie de son voyage et n'aspirait à présent qu'à un paysage ouvert où l'œil humain pouvait parcourir des distances colossales en un clignement de cils. De nouveau la journée s'affaissait, laissant les nombreux nuages empourprés amener les astres nocturnes derrière leur rideau de pâleur. Mais elle n'allait pas se terminer sans qu'une rencontre inopinée ne fasse s'arrêter le jeune archer. Surgissant de derrière un fourré épineux et barrant l'unique passage laissé par un rocher renversé sur le sentier, un groupe d'hommes et de femmes aux mines patibulaires et à l'allure misérable se dressèrent devant lui. Reculant d'un pas devant leur expression menaçante, il laissa tomber son sac afin de retrouver l'intégralité de son agilité et serra le poing sur le manche courbe de son arc. - Nous commencions à désespérer de trouver un voyageur dans cette maudite forêt, commença d'une voix rauque un petit homme râblé dont un couteau à dépecer dépassait bien visiblement de la ceinture. Calveen ne prononça mot, observant plus précisément le groupe de marauds vêtus de loques qui lui jetaient des regards où se mêlaient agressivité et désespoir. Ils étaient étonnamment nombreux et semblaient même former une sorte de petite communauté autonome vivant de brigandage. - Allez morveux laisse-nous ton sac et lâche ton arme. On te laissera finir ton voyage en un seul morceau, promis ! Quelques rires gras fusèrent mais sans grande conviction. L'esprit du jeune homme travaillait à toute vitesse, calculant le nombre de flèches qu'il devrait utiliser en cas de problème, définissant les points faibles de ses adversaires. Mais il comprit vite qu'il n'aurait jamais le dessus face à une douzaine d'ennemis furieux. Une goutte de sueur perla sur son front, dévalant douloureusement ses traits crispés et révélant toute la future colère qu'il ressentirait si il accédait à leur demande, tout le sang qui serait versé en cas de refus. Il ignorait à présent les nombreuses invectives qu'on lui lançait, les conseils de certains de se rendre car ils ne voulaient pas lui faire de mal, les menaces d'autres qui, à bout, se laissaient aller à la violence. Il serra si fort son arme que les jointures des ses mains blanchirent. Telles des sœurs insoupçonnées, quelques nouvelles gouttes vinrent rejoindre la première, regorgeant de crispation à évacuer. Une femme d'âge mûr sortit d'un coup du lot en tendant une main osseuse, l'air pathétique. - Lui… Attendez mes frères, c'est lui. Oui j'en suis sûre à présent. Annonça-t-elle d'une voix discordante. - Comment ça ? qui c'est ? Tu connais ce garçon, mère ? intervint un homme aux multiples cicatrices d'un ton pressant. Elle laissa retomber son bras et, tournant le dos au jeune homme incrédule, s'adressa à tout son groupe. - Je me souviens de lui, il m'avait protégé face à un garde-chasse ivre qui m'en voulait d'avoir attrapé un malheureux pinson ! Calveen reconnut à son tour la vieille femme chétive qu'il avait croisé en mauvaise posture à peine quelques semaines auparavant. Les différents visages hostiles endurcis par les difficultés de la vie se radoucirent légèrement, laissant place à une image bien plus tragique d'individus maigres et sales qui se détournèrent du jeune homme. - La vieille Magda t'est reconnaissante, l'apostropha un homme à l'aspect miteux, t'agresser reviendrait à transgresser nos règles. Je te conseille cependant de déguerpir, la misère entraîne parfois des actes désespérés et stupides. De nombreux personnages se retinrent visiblement de céder à la brutalité, tremblant d'envie d'en découdre par appât du gain. Empoignant ses affaires il traversa d'un bond le petit fossé qui le séparait du reste de la route, sans un regard en arrière de peur d'attirer de nouveau l'attention sur lui. Un embranchement le fit tourner à gauche et perdre de vue les malfrats ; il crut entendre des bruits de dispute mais tenta de ne pas y prêter attention. La nuit tomba si vite qu'il ne s'en rendit pas compte, trop plongé qu'il était dans ses multiples réflexions. La voûte céleste se constella de billes lumineuses, comme une gigantesque toile d'araignée où scintillaient des perles de rosée. Il s'éloignait quelque peu de la route à la recherche d'un endroit où passer la nuit en pensant aux événements récents quand il fut subitement tiré de sa rêverie. Un sentiment d'inconfort profond emplissait tout son être, comme tentant de réunir chaque partie de lui en un halo de crainte. Sans savoir dire pourquoi, il se sentait observé. Calveen eut l'impression qu'à ce moment même une pléthore d'yeux avides le scrutaient, l'analysaient, s'apprêtant à fondre sur lui une lueur carnassière dans le regard. La nuit est un lieu cruel où toute personne seule devient un intrus indésirable. Les entités nocturnes se jouent des mortels, métamorphosent les ombres en créatures démoniaques et attirent l'imagination jusqu'à ses plus sombres recoins. Il devait se concentrer pour rester calme, lutter pour conserver son sang-froid car la frontière entre peur et folie s'affinait à chaque instant. Il se sentait comme entouré d'un gouffre sans fond, une faille où les esprits les plus innommables riaient de le voir piégé de la sorte, incapable d'esquisser le moindre geste. Son sang se glaçait dans ses veines à chaque bruit, une branche qui craquait, un bruissement d'ailes, un souffle de vent… Les formes se mouvaient autour de lui, la même forêt qu'il connaissait si bien devenait un ennemi sans corps, inaffrontable. Puis surgit des ténèbres un assemblage incertain d'obscurité qui prit forme, se modelant jusqu'à devenir humain. Les pensées agitées du jeune homme se bousculèrent si vite dans son esprit confus qu'il crut en perdre le contrôle. Une femme se tenait devant lui, les traits dissimulés sous une capuche de toile. Elle portait une armure d'un cuir aussi noir que le jais et une ceinture qui traversait des boucles d'acier la scindait de l'épaule droite à la taille. Elle s'arrêta à quelques pas de lui sans prononcer un mot si bien que le garçon éperdu s'interrogea sur la réalité de sa vision, tentant par de gros efforts de volonté de s'extirper du cauchemar qui le maintenait en cage. Il ferma les yeux de toutes ses forces, contractant les tempes jusqu'à les sentir bourdonner et remarqua avec tristesse que même les formes dissidentes qui s'agitaient en tous sens devant ses paupières closes paraissaient plus attirantes que celles qui l'attendaient au dehors. Revenant à la réalité il retrouva la femme qui n'avait pas bougé et discerna un bref mouvement de sa main. Puis tout se passa très vite, le picotement dans sa nuque, sa main qui se portait à son cou, y découvrant un objet qui s'y était planté, l'affaissement de son corps chutant lourdement au sol, son esprit s'en extirpant et perdant tout contrôle de ses membres. La nuit reprenait son dû. Le petit lien vers les commentaires :) : https://ecrire.forumactif.org/t6015-commentaire-les-emeraudes-jumelles#156165 |
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| Sujet: Re: Les Emeraudes jumelles Sam 16 Mai 2015 - 22:14 | |
| Chapitre 2 La terre tremblait sous le pas des géants. Les esprits de la foudre, arme fatale du châtiment divin, faisaient résonner la tempête dans la vallée de ruines. Les guerriers d'étain affutaient leurs lames sans prendre compte des bouillons de lave surgissant du sol. Ici le feu semblait s'allier à l'eau en un mélange homogène d'écume, le ciel empli d'une brume violacée enveloppait la plaine de son étouffant manteau, des statues de métal observaient les armées sans afficher la moindre expression, des soldats cadavériques ajustaient leurs boucliers d'or pur ; nul ne parlait. Toute humanité avait déserté le plateau, la logique prenait des versions totalement aléatoires en faisant souffler le vent dans plusieurs directions , en mélangeant les solides, les liquides et les gaz ; la gravité elle-même semblait difficilement maintenue. De titanesque démons dont la peau passait d'écailles à poussière enjambaient les montagnes d'un air de défi, depuis les colonnes brisées d'antiques monuments émanaient des vagues de regrets pour toujours irrésolus. Dans cet univers de désarroi on aurait pu confondre lumière et obscurité, les frontières de la réalité se perdaient à jamais dans des tourbillons infinis. D'un même mouvement, toutes les entités tournèrent leur regard en un point précis. En cet endroit on vit apparaître une boule lumineuse aux contours incertains, telle une pelote de laine tissée à partir d'un soleil infernal. Cette dernière grossissait à vue d'œil, son volume atteignant des proportions colossales et submergeant tout sur son passage. Tant est si bien que rien n'en réchappa, laissant seulement place à un ultime flash, apogée de l'apocalypse.
Daelan eu un mal fou à reprendre ses esprits. Il se retrouva allongé sur les dalles de marbre froid qui recouvrait le sol de la salle des arcanes. Se relevant péniblement il tituba un instant, puis le brouillard devant ses yeux se dissipa enfin. - Alors, comment s'est passé ton voyage ? Une main sur le front, il tourna la tête vers l'homme qui lui avait adressé la parole. - Douloureusement, parvint-il à articuler, serrant les dents pour résister à la migraine persistante. - Cela ne m'étonne guère, tu es resté dans les limbes de Bea'intü durant presque une dizaine de minutes. Et Dieu sait que rien n'est plus efficace pour rendre fou quelqu'un de non-préparé. Il avança à la lumière des bougies et les flammes tremblotantes l'éclairèrent en faisant danser les ombres sur son visage. Entre deux âges, une petite barbe noire faisait contraste avec la blancheur de son teint. Son accoutrement laissait transparaître une certaine sobriété avec un veston brun et un pantalon d'étoffe, une sacoche pendait à sa taille et une paire de gants était posée à ses côtés. Mais outre son aspect ordinaire, bien qu'un peu blafard, il dégageait une sensation de sagesse aussi impénétrable qu'incompréhensible. - Bien d'autres moins avisés s'y seraient perdus, continua-t-il. - Je veux bien le croire, mais je ne sais toujours pas à quoi ça m'a servi. - Ce que tu as vu peu de gens en connaissent l'existence, trop occupés qu'il sont à s'agiter dans leur petite réalité. Ils ne font que profiter de la liaison que nous autres avons avec cette dimension, ils imaginent sans doute que l'art de l'invocation consiste à créer une entité pour nous servir. Mais il n'en est rien ! L'homme se rapprocha jusqu'à ce que son souffle rauque atteigne le visage du garçon encore sous le choc. - Ce n'est qu'un passage vois-tu, un pont que nous créons d'un monde à l'autre, une faille interdimensionnelle qui amène une créature trop affaiblie pour se rebeller à nous obéir. Et ce que tu as vu n'est qu'une alvéole de la ruche, un infime fragment des multiples possibilités auxquelles on accède en maîtrisant le domaine. Daelan ne dit rien car aucune réponse ne paraissait convenir à la tirade du sorcier. Il acquiesça tout de même, montrant que le message était passé. - Bien, maintenant va rédiger ton compte-rendu. Et fais preuve d'inventivité je te prie, je n'ai que faire des devoirs-types que certains me rendent dans l'espoir de m'impressionner. L'élève prit congé en récupérant ses affaires et descendit dans une cour intérieure pour accéder à la rue. L'université était d'une beauté implacable, contrastant avec les taudis alentours elle paraissait briller de par sa propreté. Ses murs étaient fait d'une pierre violette très lisse importée directement du domaine Alcardian ; de plus chacune de ses fenêtres était entourée d'un halo bleuté provenant d'éclairages immatériels qui ne jamais pouvaient s'éteindre. Au niveau architectural elle prenait des courbes arrondies qui semblaient défier les lois de la physique par leur audace, de petites tours émergeaient du bâtiment principal pour s'élancer élégamment vers le ciel nuageux. De nombreux matériaux colorés agrémentaient la façade et des apprentis bavardaient avec entrain sur des bancs de cristal transparent. Daelan emprunta le chemin le plus court et sortit par la porte aux lourds battants pour rentrer chez lui.
Immédiatement le vent glacial lui fouetta le visage, rentrant la tête dans son cou il accéléra le pas. La ville de Palanihl avait perdu toute sa splendeur d'antan ; une tempête de neige abattait perpétuellement sa colère de glace sur les toits blanchis. Certains y voyaient une malédiction liée à d'anciens blasphèmes, d'autres un hiver éternel que nul n'arrêterai. Quoi qu'il en soit la population cultivait une humeur irascible qui n'égayait guère l'ambiance déjà oppressante des lieux. Les écoles de magie se faisaient de plus en plus rares sur le continent. Quand un siècle auparavant s'élevaient des citadelles entièrement consacrées aux arts surnaturels, les universités restantes étaient à présent disséminées ça et là, presque cachées, sous forme de petits manoirs appelés "illuminatur scholae". L'un d'eux siégeait à Palanihl, ville du nord où les habitants excellaient davantage au maniement de la francisque qu'à la pratique de l'altération élémentale. Pourtant le jeune homme ne se laissait pas démoraliser par les brutes de fonderies, taillées comme des grizzlis, qui le regardaient avec un mépris très mal dissimulé dans les allées enneigées. Il se dirigea promptement à l'annexe de l'école. Le manoir, bien que de taille respectable, n'avait pas la place pour loger les étudiants qui affluaient du monde entier. Il toqua à la porte et quelques secondes plus tard le lourd mobilier de chêne pivota, laissant apparaître l'expression constamment irritée de la gardienne au tempérament hargneux chargée d'entretenir les locaux. - Il est tard monsieur In-iräh, dit-elle d'un ton suffisant. - Oui je suis désolé, l'entretien en salle arcanique a duré plus longtemps que prévu. Je n'ai… pas vu le temps passer. - Et bien veillez à abréger vos fanfaronneries à l'avenir, je ne vous ouvrirai plus à pareille heure ! Cracha-t-elle. Agacé, Daelan ne se donna même pas la peine de répondre et monta au premier étage. Par chance il avait réussi à obtenir une chambre pour lui seul et n'avait donc de ce fait pas de problèmes de bruit contrairement aux dortoirs de l'étage supérieur. Une unique table sans pieds sortait directement du mur et faisait office de bureau. Il y déposa ses affaires et s'attela sans plus tarder à l'analyse d'un parchemin traitant des runes antiques.
Ses études n'étaient pas prises au sérieux par les autres élèves et les quelques illustres professeurs de l'académie n'y prêtait pas attention. Les pouvoirs mystiques de la magie runique avaient cessé d'agiter les consciences depuis des temps immémoriaux ; seules de rares inscriptions gravées sur des roches ou des troncs d'arbres millénaires restaient la preuve de leur gloire passée, de leurs pouvoirs mystérieux et suprême qui fit trembler la terre et ébranla des montagnes. Cependant le jeune homme était persuadé d'un jour parvenir à d'importantes découvertes, il croyait dur comme fer que les problèmes jusqu'alors insolubles que lui posaient les maigres documents en sa possession cachaient une puissance effroyable. L'alphabet runique, appelé également futhark, est composé de vingt-quatre symboles que l'on pourrait apparenter à des lettres. Pourtant leur symbolique est autrement plus complexe puisque chaque terme a une signification spirituelle qui lui est propre ainsi qu'un élément, presque toujours d'origine naturelle, qu'on lui associe. Par exemple la rune , bjarken ou berkano de nom, symbolise le pouvoir de créer ou de se réincarner ; on identifie en elle le bouleau. Toute la difficulté de leur décryptage, outre le travail de retranscription dans le contexte temporel, provient des innombrables significations possibles de chaque phrase runique. Quand à leur capacités magiques, nul ne s'en souvient. La seule chose que leur héritage nous ai enseigné est l'utilisation de leurs propriétés afin d'enchanter des objets de toute sorte. On dit que cette étrange pratique entrainerait les forces de la terre à nous écouter, ce qui rendrait le rapport à la magie bien différent. En réalité les mages actuels ne font qu'emprunter ce qui façonne leurs sortilèges à l'essence même de la magie : la nature. Il n'ont donc pas cette proximité avec les esprits puisqu'ils ne forment pas de lien direct avec eux comme prétendent le faire les rituels ancestraux runiques. En clair, les recherches de Daelan n'étaient rien de plus que la voie vers la découverte d'une seconde sorte de magie, encore plus dévastatrice et indomptable que la première. Autant dire une utopie pour le moment…
Il continua ainsi toute une partie de la nuit, il s'arrêta une heure plus tard alerté par des bruits méconnaissables dans le couloir. Prudemment il entrouvrit sa porte et aperçut un homme allongé au sol qui gémissait faiblement, visiblement saoul. Ce dernier se mit soudain à crier, si fort qu'on aurait pu croire qu'il désirait vider tout l'air de ses poumons. Daelan paniqua, il sentit les locataires s'éveiller et tenta de calmer l'ivrogne en le forçant à se lever. Depuis la pièce au fond du couloir déboula la femme qui avait failli ne pas lui ouvrir, furibonde, le faciès d'un rouge foncé et les traits déformés par la colère. Elle avait une stature imposante et un tempérament qu'ont ceux qui ont l'habitude de commander, ayant déjà eu affaire à elle le garçon ne résista pas quand elle les jeta dehors sans ménagement. - Et dîtes bonjour aux chevaux de l'écurie de ma part !
La main sur son épaule meurtrie, il laissa le fêtard se lamenter en gisant lamentablement sur le pavé et parti à la recherche d'un endroit où dormir. Son exploration se révéla peu fructueuse, il décida alors à défaut d'avoir sommeil de partir faire une ballade nocturne qui promettait d'être longue.
Ses traces de pas formèrent un alignement de pointillés, perdus dans l'immensité laiteuse de la plaine. Comme un serpent lové derrière le marcheur dont le sifflement strident était celui du vent. Le froid ne le dérangeait plus, sa peau s'était habituée à sa morsure bénigne et il observait à présent une étrange construction de pierre qui se dressait devant lui. Entourée de quelques arbres isolés dont les branches dégarnies faisaient peine à voir, elle ne devait pas mesurer plus d'un mètre de haut. Rectangulaire, on aurait dit une tombe constitué d'une roche effritée et moussue dont des inscriptions à moitié effacées en ornaient les contours. Il s'approcha, laissant sa main caresser la surface gelée, ses pensées s'attardèrent sur ce qui aurait pu pousser les gens à construire une telle chose au beau milieu de nulle part. Un frisson inquiétant lui parcouru l'échine, le contact avec la pierre rugueuse lui avait laissé une désagréable sensation de malaise qui ne voulait pas s'estomper. Les yeux fixés sur le monument recouvert de multiples fissures, il ne vit pas émerger l'harmonieux assemblage de glace qui, diffusant une ésotérique lumière bleue, se formait derrière lui. Le surprenant phénomène défiait les lois de la gravité en lévitant à quelques centimètres du sol. Au fur et à mesure les formes se précisèrent et on assista bientôt à une sorte de naissance fabuleuse ; la chose avait la taille d'un chat adulte mais sa forme faisait plutôt penser à un ver dont la peau était comme une enveloppe spectrale, variant du cyan au gris et gardant cette transparence fantomatique. La créature qui résulta de cette manifestation imprévue avait un aspect effroyable, elle dégageait surtout une aura malsaine qui envahissait tout ce qui lui était proche. C'est ainsi que le garçon sentit sa présence, se détachant de sa contemplation il pivota et se retrouva nez à nez face à une rangée de crocs semblable à du cristal que deux orbites vides surplombaient. Le tout flottait à présent au niveau des épaules du garçon, son corps ondulant dans l'air sans pourtant avancer. Conscient du danger que représentait le monstre, il sauta par-dessus l'édifice et alla se réfugier derrière. La créature n'avait pas bougé mais commençait à s'agiter, voletant en cercle sans se rapprocher, comme retenue par une force invisible. Malgré cela ses intentions étaient claires, elle lui en voulait d'avoir profané son sanctuaire oublié de tous et allait lui faire payer. Daelan fit le vide dans son esprit. Se rappelant de ce qui lui avait été appris en matière de magie offensive il prépara un sort d'attaque basique. Pour cela nul besoin de formule ou de baguette, il canalisa son énergie intérieure tel qu'il l'avait appris pendant de long et épuisants entraînements. Une fine lame faite de givre se dessina au creux de sa paume, étincelant à la lumière des étoiles, et il la projeta d'un mouvement souple sur le spectre. Le projectile se brisa en mille morceaux brillants sans lui faire le moindre mal. Fulminant de rage, son agitation de décupla et il parut proche de fondre sur lui. A ce moment précis le jeune homme remarqua la présence de symboles encore lisibles gravés sur la pierre et reconnu des formes familières : des runes. L'entité se libéra alors en une explosion de grêle, appréciant enfin le goût de la liberté et savourant d'avance celui de la vengeance. Il entamait déjà le chemin qui le séparait de sa proie que Daelan comprit ce qu'il avait à faire. Misant tout sur la chance, il convoqua les esprits ancestraux et les força à l'écouter :
- Viens à moi l'épineux Thurisaz, ennemi des puissances hostiles, et donne-moi la force de repousser celui qui m'assaille !
En même temps qu'il appelait l'esprit de la rune ses bras dessinèrent devant lui la forme " " qui lui était associé, un mince filet bleu clair suivait ses mouvements à l'extrémité de ses doigts. Certaines des inscriptions du tombeau s'éclairèrent alors d'une lueur flamboyante, celles-là même qui recouvrirent d'un halo lumineux le jeune homme en transe. La bête en furie poussa un cri si strident que des blocs de neige s'effondrèrent du haut de lointaines cimes. Elle s'élança à une vitesse fulgurante droit vers lui et le percuta violemment, gueule ouverte.
Le choc propulsa Daelan au sol, il entendit comme un bruit de verre brisé et il comprit que l'obstacle qu'il avait dressé s'était détruit. Il n'avait pas assez d'expérience en la matière, c'était la première fois qu'il utilisait ce genre de magie il ne pouvait pas réussir. Maintenant sa prétention allait le conduire à une mort affreuse. Relevant la tête, il vit que le spectre était dans le même état que lui, affaibli et blessé comme si… une épine avait repoussé son assaut, une barrière avait en partie retourné l'attaque contre l'agresseur. Il hallucinait, ça avait marché ; il avait conjuré un esprit des runes qui lui était venu en aide. Sans perdre un instant il se releva, boitant quelque peu. Se rappelant de l'endroit où il se trouvait il récita à nouveau un hymne cérémoniel.
- Oh puissant Othala, maître de l'accomplissement, calme les ancêtres belliqueux de ces lieux et apaise leur colère. Toi, le serviteur du patrimoine, affaibli le gardien de ce sanctuaire jusqu'à dissoudre sa rage et empêche-le de me juger.
De la même façon il mima par d'amples gestes le symbole " " dans l'air et d'autres runes sur la tombe de pierre s'illuminèrent. Cette fois-ci des jets de cendre apparurent et se ruèrent vers le monstre, l'enveloppant pour finalement disparaître en une déflagration de millions de particules. La bête semblait apaisée, elle respirait calmement d'un long souffle régulier ; des profondeurs de ses entrailles s'échappait un grondement sourd. Malgré tout son ardeur à en finir avec l'étranger ne paraissait pas entièrement achevée. Daelan misa tout en une dernière invocation, elle lui pomperait probablement ses dernières forces, et en appela une troisième fois aux entités de la Terre-Mère.
- Je me confie à toi sublime Elhaz, l'élan vers le salut ; tu es la connexion entre les êtres, la liaison qui nous maintient tous réunis autour d'un même destin.
Une douleur fulgurante le traversa soudainement, animant d'un coup une douleur pure. L'entité était visiblement réticente à son appel et ne voulait pas lui répondre, ce qui provoquait une fracture dans la cohésion magique, déchirant psychiquement le jeune homme. Pourtant il continua, choisissant ses mots instinctivement et retraçant le symbole " ".
- Je t'ordonne de te soumettre, Algiz ! eohl ! iwar ! Lie cet être à mon âme afin d'établir l'ultime connexion. Agit !
A l'instant même où il prononça ce dernier mot, l'apprenti vit défiler dans son esprit tout ce qu'avait vécu la créature de glace ; il était ses yeux , il était son corps, ils étaient liés à jamais.
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Les Emeraudes jumelles Mer 17 Juin 2015 - 18:54 | |
| CHAPITRE 3 :
Il était assis, attaché à une grosse racine difforme et adossé à un rocher d'une hauteur vertigineuse, il n'avait aucune idée du temps qu'il avait passé dans le coma. Sentant son ventre gargouiller et sa gorge sèche quémander de l'eau, il en conclut qu'il ne préférait pas le savoir. Calveen venait de faire un rêve qu'il se rappelait anormalement bien, chaque chose paraissait s'encastrer parfaitement entre elles. Il se souvenait en particulier de la présence d'un loup. Du loup. Il était immense, chacun de ses pas avait chassé les ténèbres et l'indescriptible chaos du sol qu'il foulait. Les monstruosités tentaculaires qui surgissaient de la terre avaient été ravalées aux tréfonds des enfers, comme aspirées dans un torrent de purgation.
Puis il s'était réveillé. Reprenant le cours du temps et retrouvant sa sinistre situation. Ses mains entravées étaient en sang, il avait du se débattre inconsciemment durant son sommeil.
Un temps de réadaptation plus tard il parvint à observer l'endroit où on le retenait prisonnier ; son corps par contre ne semblait plus désireux de répondre à ses demandes sous les effets encore présents de la drogue. La première chose qu'il remarqua fut qu'ils avaient quittés la forêt pour un endroit plus rocailleux. Il esquissa une grimace quand il souleva son dos endoloris des gravas jonchant le tapis de terre, et le brouillard devant ses yeux se dissipa peu à peu. Il vit s'avancer vers lui, telle une ombre, la femme à l'allure élancée, toujours vêtue de noir, qui l'avait fait capturer. Quand elle fut à sa hauteur elle l'observa un moment, les traits toujours cachés derrière un tissu sombre à l'abri des regards indésirables ; seuls ses yeux couleur noisette restaient visibles, le fixant sans ciller. Enfin elle prit la parole.
- Tu as mal ?
Son ton était froid, comme si aucun sentiment de pouvait transparaître en ses paroles et que le moindre écart l'aurait dévoilé. Le garçon, prit au dépourvu, mit un certain temps à comprendre ce qui lui était demandé.
- Plutôt oui, mais...
- Très bien. La douleur est le premier pas vers le renforcement, ensuite viendra la reconnaissance envers le guide.
Ses propos étaient constamment enveloppés de mystère, refusa d'un signe de tête les multiples questions qui se bousculaient dans la tête du garçon : où était-il ? Pourquoi l'y avait-on amené ? Qu'était-il advenu des pauvres bougres qui lui avaient barré la route ? Qu'allaient-ils faire de lui ?...
- Ne demande rien, contente toi de m'écouter et cherche tes réponses en mes mots. Si tu ne fais pas cet effort de concentration c'est que tu n'es pas digne de comprendre ; puis elle se détourna et observa les étoiles les bras croisés.
Tu es dans le hall de la rédemption, continua-t-elle ; oublie toutes tes erreurs et tes exploits passés, seuls comptent à présent ce qui adviendra lorsque tes actes deviendront décisifs.
Elle marqua une pause, puis continua.
- En ce lieu tu peux choisir de rester enfermé dans tes soupçons, pourrir de l'intérieur accablé par le remord et t'anéantir dans ta déception ; mais tu peux aussi décider de devenir comme le papillon de nuit : apparaître quand bon te semble aux endroits éclairés par tes objectifs, tu peux être la main qui frappe ou bien celle qui se contente d'applaudir. Enfin si tu tiens à le savoir la misère que ce monde a oublié a été éradiquée, leur malheur a prit fin et leur souffle s'est éteint.
Calveen écarquilla les yeux.
- Assassins ! Que vous avez-ils fait ?
- La lame de brume agit quand le moment l'exige, et le moment l'exigeait.
- Je reconnais ce nom ! Cracha-t-il avec colère. C'est celui d'une misérable guilde de meurtriers !
- Nous dispensons une juste miséricorde à travers les peuples, la voie de la faucheuse n'est qu'une triste obligation pour y parvenir. Rétorqua-t-elle en gardant un calme inébranlable. Et je t'ai dis de te taire, tu parleras quand ce sera utile et réfléchi. Fit-elle plus sèchement.
Ton trouble est bien futile, nous n'aurons pas affaire à la justice du jarl. Nous sommes censés être tous égaux devant elle, mais qui juge le papillon de nuit caché sous le banc des accusés ? Nous serons trouver une utilité à leur corps. J'ose espérer que tu as comprit mes dires avant de m'interrompre tout à l'heure ; j'attend donc ta réponse. Tu peux parler.
Calveen l'observa un moment, tentant de remettre de l'ordre dans son esprit pour trouver le meilleur moyen de s'en sortir.
- Je souhaite prouver ma valeur dans ce cas, annonça-t-il finalement.
- Très bien, ne penses plus aux conséquences de tes paroles, maintenant tu es disciple de la lame de brume et elle seule estimera tes capacités à servir la salvation suprême. Lève-toi.
Ignorant comme il put une douloureuse crampe à la jambe, il se redressa, les poings toujours entravés par les chaînes de métal.
- Que la lune soit témoin de ton initiation.
La femme leva soudain ses bras vers le ciel puis les tendis au sol en direction des pieds du jeune homme. Autour de ces derniers se forma alors un cercle violacé d'où s'échappait une mince fumée opaque. Une odeur proche de celle de l'encens lui provoqua une légère nausée, mais s' il en fut importuné il n'en laissa rien paraître.
- Quelle discipline te guideras vers l'accomplissement, pour t'affranchir des règles de ce monde ?
- Je désire...
- Réfléchis bien, le coupa-t-elle. Garde à l'esprit que la guilde tire sa gloire de la furtivité et de la précision. Si tu choisis un art brutal tel que la maîtrise de la hache de combat, pour ne donner qu'un exemple, je te considérerais comme inapte à rejoindre nos rangs.
Cette dernière phrase sonnait plus comme un conseil qu'une menace, mais il ne put réprimer un frisson à l'idée de la vexer par son choix. Pourtant il répondit sans l'ombre d'une hésitation.
- L'archerie sera mon guide sur la voie, la lame de brume prendra forme à la pointe de mes flèches.
- Qu'il en soit ainsi.
Elle retira alors le châle qui lui cachait le visage et pendant qu'un de ses acolytes lui retiraient ses liens Calveen vit enfin à quoi ressemblait sa geôlière. Elle aurait pu être d'une beauté inégalable, avec un nez aquilin, des traits fins d'où émanait assez ironiquement une absolue délicatesse, de longs cils courbés mettaient en valeur ses yeux félins. Quant à ses cheveux en majorité cachés par la capuche de toile, une mèche rebelle, brune et frisée, dépassait de son large front. Oui, elle aurait pu être ravissante.
Seulement voilà, couverte d'un pus empêchant toute cicatrisation, une profonde estafilade lui déformait le visage, courant de sa joue droite à la bouche, celle-ci légèrement tordue en un rictus indélébile. Son physique ne reflétait aucunement sa personnalité ; on eut dit que la douce personne qu'elle fut peut être avait été frappée d'une sombre malédiction. Une malédiction fort bien représentée par l'affreuse marque qu'elle portait.
- Volkin ! Appela-t-elle en direction d'un amas rocheux.
Le garçon se rendit alors compte des nombreux hommes et femmes, cachés dans l'ombre à l'écart, assis à peine une vingtaine de mètres plus loin. Il n'avait pas perçu leur présence, comme fondus dans le décors et ils n'avaient pas émis le moindre bruit. Aussitôt l'appel lancé, une des formes se détacha du lot et les rejoignit sans un mot. C'était un homme mince et élancé, lui ne portait pas de capuche mais un tissu le cachait du menton jusqu'au nez. Ses cheveux, châtains comme ceux de Calveen, étaient longs et raides, lui tombant en cascade sur les épaules. Il tenait un arc dans chaque main et s'immobilisa un peu plus loin, à son tour il laissa le cercle violet l'entourer jusqu'à être complètement enfermé.
- Vous voyez les arbres là-bas ? Reprit la femme en désignant un bosquet chétif à une soixantaine de pas. Vous avez deux essais chacun, celui dont les flèches s'approcheront le plus du vieux tronc remportera l'épreuve.
Elle se tourna vers eux.
- Ce n'est pas seulement une question d'adresse méfiez-vous, n'oubliez jamais votre but et sa finalité. Une dernière chose Calveen, ne t'avise surtout pas de sortir hors du cercle.
Il l'avait comprit avant même qu'elle ne le précise et le regard qu'elle lui lança suffit à pétrifier ses jambes. Mais autre chose le perturbait davantage, il ne se rappelait pas lui avoir jamais dit son nom.
Avant qu'il n'ait eu le temps d'y réfléchir davantage un autre individu encapuchonné apparut à ses côtés, le faisant hoqueter de surprise. Sans en tenir compte, ce dernier lui remit deux flèches et le dénommé Volkin lui lança un des arcs depuis son cercle fumeux. L'attrapant habilement au vol, il se prépara.
- Calveen commence, décida-t-elle d'un ton sans équivoque.
Il se rendit compte de la pression qui montait en lui, formant une boule d'anxiété de plus en plus grande dans son estomac. Il n'osait imaginer les conséquences qu'engendrerait une défaite, aussi se concentra-t-il sur l'objectif en empoignant fermement le manche de l'arme, les mains moites. Il respira un grand coup et récupéra une des flèches coincées à sa ceinture ; de nouveau le son familier de la corde qui se plisse sous le bandage résonna dans sa tête. Il ferma un œil. Ses mains tremblantes le déconcentraient et quand le tir partit, fusant à travers l'obscurité, il atterrit sur un roc de granit bien loin de la cible. Le son que le bois produisit en se brisant contre la pierre fit écho avec un accent aigü de défaite, pour couronner le tout d'interminables secondes s'écoulèrent sans que personne n'esquisse le moindre geste. Une terrible déception suivit d'une peur incontrôlable prirent possession de son corps avec une rapidité hallucinante, ses derniers espoirs reposaient sur la possible maladresse de son adversaire. Malheureusement pour lui, le jeune assassin arborait une posture des plus assurées, chacun de ses gestes était précis et calculé. A peine un instant plus tard le trait fila se loger à quelques mètres du troncs.
Les tremblements du jeune homme redoublèrent et c'est avec difficulté qu'il saisit sa dernière chance de salut. Alors qu'il ajustait son tir un sentiment des plus désagréables l'envahit. Il se sentait menacé. Tournant la tête la garçon vit avec horreur Volkin qui, flèche encochée, le visait depuis son cercle geôlier. Calveen regarda la main de l'agresseur, dédaignant son regard où miroitaient des reflets pervers, et attendit le moment où son poignet commença à se détendre pour se jeter au sol. La pointe d'acier lui longea le front tandis que son corps se renversait en arrière ; il se rattrapa à l'aide de ses bras avant que ses épaules ne commettent l'irréparable erreur de toucher l'extérieur des limites. Puis, contractant les abdominaux, il se projeta en avant et se remit debout.
- Lâche ! Cracha-t-il avec dédain. Tu voulais m'abattre pendant que j'étais concentré sur la cible ?
Voyant son adversaire blêmir il continua.
- Voyons à présent qui est le prédateur.
Il dirigea son arc vers l'homme, le filet de sang qui coulait sur ses yeux renforçant un peu plus sa rage. Prit de panique, ce dernier chercha un endroit où se cacher, en vain. Calveen se délectait de la tournure que prenait les événements, savourant la peur de l'individu qui lui avait paru si sûr de lui. A l'instant où ses doigts allaient fixer son sort à tout jamais, un éclair de lucidité lui traversa l'esprit et il repensa aux recommandations de l'étrange femme. S'il le tuait il n'aurait plus de flèches et donc Volkin, bien que mort, aurait remporté l'épreuve en réalisant une meilleure performance... Toujours aussi peu désireux de découvrir le sort réservé au perdant, il reporta de nouveau son arme vers le tronc, visa plus haut que la première fois, tendit la corde autant que sa force le lui permit et expira tout l'air de ses poumons.
Pendant un incroyable moment, le demi-cercle que fit la flèche parut s'accorder à la voûte céleste en un incommensurable alliage d'espoir et de crainte.
<< Tchoc >>
Il avait réussi. Elle s'était enfoncée dans l'épaisse écorce comme un souvenir marquant dans la mémoire – et dieu sait qu'il se souviendrait de celui-ci –, comme s'il avait dû en être ainsi depuis la nuit des temps. La fumée colorée se dissipa subitement autour des deux participants. Sans perdre un instant, Volkin sortit une dague de sa manche et couru se jeter sur le gagnant, la haine surpassant toute autre émotion.
Mal lui en prit, il fut stoppé net par le poing qui lui traversa les omoplates à la recherche du plexus solaire. Tombant à genoux le souffle coupé, il eut à peine le temps de comprendre ce qui lui arrivait que la lame effilée d'une épée lui transperça le bassin. Son dernier regard rempli d'incompréhension fut pour Calveen, implorant une pitié qui ne pourrait plus lui être accordée ; puis un flot de sang jailli de sa bouche et il s'affaissa lourdement en un ultime spasme convulsif.
- Lorsque la discrétion nous fait défaut il faut savoir user de ruse, tu t'es bien débrouillé tout à l'heure.
- J'ai surtout eu besoin d'agilité et de réflexes.
- Tu as bien fait de ne pas l'abattre.
- Qu'importe que je l'ai tué ou non puisqu'il est mort à présent !
- Si tu avais failli à l'épreuve c'est moi-même qui t'aurais coupé la gorge. Il faut toujours prêter attention aux règles imposées, en agissant ainsi Volkin était dans son droit car rien ne stipulait l'interdiction de s'attaquer entre participants. Tu as prouvé que tu savais contrôler tes instincts primaires, voyons comment tu te débrouilles quand tu ne peux te cacher.
- Comment ça ?
Elle désigna du menton un point derrière le garçon, quand il se retourna le soleil pointait à l'horizon. Le grand hêtre que sa flèche avait percé trembla un instant, puis bougea jusqu'à sortir carrément du sol. Des membres de bois et de terre apparurent, se détachant du tronc initial ; une monstrueuse créature humanoïde de dressa bientôt au sein du bosquet feuillu, marchant d'un pas pesant vers le perturbateur qui avait osé le sortir de son profond sommeil.
**
Les membres du conseil s'assirent d'un même mouvement. La table sur laquelle ils avaient l'habitude de délibérer siégeait en plein centre de la pièce, les réunissant tous en un but commun. Tant de décisions avaient été prises autour de l'imposant meuble de marbre gris, tant de problèmes avaient trouvés une solution ou au contraire restaient irrésolus.
Finement ouvragée, elle comportait de multiples symboles et mots en jade scintillant à la lumière des chandeliers. On éprouvait un intense sentiment de fierté de se tenir aux côtés des membres du célèbre Parlement d'In-panel, reconnus dans le monde entier pour leur sagesse et la justice qu'ils dispensaient. Ils formaient une hiérarchie très organisée au sein duquel chacun trouvait sa place et son utilité ; tout en haut de l'échelle les huit anciens résidaient sous le nom de "respectables", une appellation qui, simple signe de politesse au départ, s'était transformée en véritable titre honorifique. C'était eux qui décidaient de l'importance des sujets et octroyaient la parole. Juste derrière eux, debouts, d'une politesse frisant l'obséquiosité, se trouvaient les officiers administrateurs chargés d'apporter les sujets à traiter et de conseiller au mieux lorsque la parole leur était accordée. Enfin une foule d'ambassadeurs et de dignitaires, hommes et femmes, humains comme elfes venant de tout horizon, attendaient leur tour dans le couloir adjacent pour bénéficier de leur savoir.
C'était un ancien qui parlait, des rides lui striaient le visage et son front plissé rapportait la complexité de son travail ; le stress de toute une vie marquée par la politique se reflétait sur ses traits fatigués. Cependant chacune de ses paroles reflétait une volonté de fer, une détermination sans faille.
- ... et nous nous devons d'agir pour sauvegarder la sécurité gouvernementale de Cabenne contre l'émergence du banditisme financier. Le jarl Thomar le preux n'est plus en capacité de conserver le marché du bois dont il est le principal fournisseur, les grandes familles cabéniennes tentent d'en prendre le contrôle et ont, j'en suis certain, recours à certains individus peu recommandables pour arriver à leurs fins.
Une elfe à la peau bleu azur intervint.
- Que pouvons-nous faire ? Il ne s'agit pas là de simples brigands que l'on chasse en envoyant la garde !
Comme tous ceux de sa race, ses fines oreilles se terminaient en pointes et une partie de son visage anormalement fin était recouvert de tatouages colorés, symboles de sagesse et de patience.
- C'est un problème bien plus grave auquel nous sommes confrontés, continua-t-elle. Des bandes de malfrats dissimulés dans chaque recoin sombre qui attendent le moment propice pour mettre leurs plans à exécution.
- J'ai bien peur que la maladie du jarl n'ait raison de lui. Répondit-il d'une voix triste. Il n'est plus en mesure de mettre un terme aux fraudes qui ne cessent de se multiplier, il faut à tout prix les aider avant que la corruption et l'attrait de l'argent facile ne submerge Cabenne toute entière.
Un autre homme d'âge mûr et à la barbe grisonnante prit la parole d'un ton des plus assurés.
- Nous ne possédons déjà pas assez de forces militaires pour repousser les pirates qui assaillent nos côtes et pillent nos villages ! Comment voulez-vous envoyer des troupes pour soutenir des soldats ivrognes, incapables de contenir deux ou trois vols dans leur propre ville ?
Certains acquiescèrent et des avis énergiques fusèrent du public pour accueillir sa déclaration. L'elfe se leva brusquement et tapa du poing sur la table, tous se turent.
- Nous sommes le conseil d'In-panel, Parlement humano-elfique depuis plus de dix générations, comité directionnel du centre d'études astrales ainsi que de l'école d'alchimie fondée il y a deux cents treize ans par Minarhé, le plus éminent savant de son temps. En tant que Respectables, il nous incombe de mériter ce nom et notre mérite durement acquis. Et cela passe par la conservation de la sécurité de nos citoyens, qu'ils soient pêcheurs à Andralis ou braconniers au nord de l'exode des géants.
Un long silence tomba sur la pièce , puis des voix s'élevèrent. Administrateurs comme anciens finirent par déclencher une cacophonie de tous les diables, les uns prêchant l'intervention à Cabenne, les autres souhaitant conserver la maigre garnison sur l'île d'Alcardian, d'autres encore s'évertuaient à proposer de se faire aider par les domaines voisins... Une voix recouvrit l'ensemble, comme amplifiée par certains procédés magiques.
- Silence ! Nous allons décider à main levée, que chacun rassemble ses conseillers.
La personne qui avait pris la parole était un elfe blanc, un des membres les plus anciens de l'assemblée. On disait que la première fois qu'il s'assit sur un siège du Parlement remontait à plus de onze décennies. Cette race d'eldars à la peau laiteuse extraordinairement claire, bien que possédant pour la plupart une longévité supérieure à celle de leurs congénères bleus, ne dépassaient que rarement les cent vingt ans. Les Respectables n'accédaient à leur rang qu'à un âge déjà avancé, cela paraissait donc peu plausible.
Très vite de petits groupes se formèrent, chuchotant avec agitation avant de s'éparpiller à nouveau, prêts à délibérer. Quand chacun fut prêt et décidé, l'administrateur chargé de l'affaire précisa les conditions du vote.
- Je rappelle que seuls les respectables sont autorisés à donner leur voix, en cas d'égalité les ambassadeurs présents devront s'accorder en un ultime avis qui décidera quelle action entreprendre.
Le petit homme à la calvitie avancée avait un ton pincé que l'on aurait pu prendre pour méprisant si on n'y était pas habitué, il saisit une plume qu'il trempa dans un pot d'encre et avisa chacun pour compter les voix. Le recours aux ambassadeurs ne fut pas nécessaire, à cinq contre trois l'intervention fut décidée dans la ville rongée par le crime. Appuyée par quelques remarques mécontentes, l'elfe bleue reprit la parole.
- L'accord a été conclut et nous ne pouvons y revenir, cependant il est évident que nos troupes armées ne peuvent être envoyé en territoire systilemne, faute d'effectif. Les pirates sont une préoccupation majeure qui relève de la sécurité régionale, nous ne pouvons la négliger. Aussi avec votre accord, je désirerais envoyer les unités de l'aurore vagabonde effectuer un travail de... comment dire ? Reconnaissance et nettoyage.
Nombres de regards étonnés la fixèrent, d'autres plus sérieux se contentèrent d'hocher la tête gravement. De manière terriblement laconique, tous finirent par approuver la proposition, reléguant le devoir judiciaire entre des mains aguerries. Ainsi fut clôturée l'affaire et un instant après, un nouvel arrivant les mains chargées de dossiers entra, prêt à renouveler le sujet de débat.
-Mesdames, messieurs, si je suis ici aujourd'hui avec vous c'est pour aborder un soucis à propos du transport de marchandises sur la route d'Ybra... |
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