Chapitre 1
Loanne se réveilla en sueur. Cela faisait plusieurs nuits qu’elle faisait ce rêve bien trop réaliste pour n’être qu’un rêve. Chaque nuit, elle entendait une voix qui lui disait de partir à la recherche du prince disparu dont le décès avait été annoncé quelques années plus tôt. Elle ouvrit la fenêtre de sa chambre et les volets. Le soleil lui caressa le visage. L’odeur des embruns lui chatouillait les narines. De sa chambre elle apercevait le mat des voiliers qui étaient accostés dans la ville portuaire Réandre. La légère bise les dodelinait comme si elle cherchait à les endormir.
C’est aujourd’hui qu’ils partent. J’ai failli oublier. Elle s’empara de la cruche d’eau et la versa dans la bassine pour ses ablutions matinales. La fraîcheur du liquide la réveilla complètement. Après sa toilette elle sortit précipitamment un sac de son armoire et y fourra pêle-mêle des tenues. Au fond sa besace elle plaça aussi quelques affaires de son frère Geb. Elle ne doutait pas un instant qu’elle parviendrait à le convaincre de la suivre, s’il la surprenait.
J’aimerais tant qu’il ait plus confiance en lui et soit plus ouvert envers les autres. Depuis le départ de notre mère, j’ai l’impression qu’il en oublie de vivre. L’absence de leur mère semblait plus difficile à vivre pour lui. La relation qu’il avait avec elle était très fusionnelle. Il est vrai qu’il avait failli mourir peu de temps après sa naissance.
Geb passait ses journées au temple et ne revenait que tard le soir avant que son père ne parte au travail. Peu bavard il passait ses matinées à s’occuper de la maison et du jardin. Il aimait les fleurs et apportait un soin particulier aux rosiers de sa mère. Elle aurait voulu lui parler de son projet, mais celui-ci s’y serait opposé.
Il n’était pas question non plus d’en faire part à leur père. Depuis le départ de leur mère, il s’était ruiné en perdant de grosses sommes d’argent aux jeux dans les tripots de la ville, et en revenait souvent ivre. Ils étaient assez aisés avant mais tout était parti en fumée. A la suite d’un malheureux accident qui avait causé la mort d’un de ses apprentis forgeron, il avait du fermer boutique. Leur manoir leur revenait cher à entretenir et il risquait de le perdre pour éponger ses dettes. Il s’était alors trouvé un petit travail de nuit mal payé et dangereux.
Vite je vais être en retard. Elle sortit en trombe bousculant au passage son frère aîné, qui se retourna pour la suivre du regard avant de se lancer à sa poursuite en apercevant le paquetage qu’elle avait jeté maladroitement sur son épaule.
« Loanne où vas-tu ? »
La jeune fille ne répondit pas, continuant son chemin jusqu’à l’écurie. Il fallait qu’elle parte et ce ne serait pas son frère qui la retiendrait.
Seize ans et un caractère déjà bien trempé, elle n’était pas du genre à se laisser faire. Ses cheveux flamboyants et son teint de porcelaine lui donnait un air mystérieux et sauvage. Pas une seule fois elle ne se retourna ni ne s’arrêta pour attendre son aîné., qui la suivait toujours.
Aussitôt dans la stalle, elle entreprit de seller son cheval, lorsque
son frère posa une main sur son épaule.
« Ne pars pas Loanne, lui demanda-t-il haletant.
— Il le faut.
— Mais où vas-tu donc ?
—Je vais au port. Je veux devenir soldat, m’engager dans les troupes du soleil.
— Tu sais très bien que père ne le veut pas.
— Je m’en fiche de ce que père désire. Je ne suis pas la petite fille docile qu’il aimerait avoir. Je veux remettre le prince Kerry sur le trône.
— Mais le prince Kerry est mort. Il y a déjà deux ans de cela.
— C’est ce que l’on essaie de nous faire croire. J’ai eu une vision et je t’assure qu’il est vivant. Il est prisonnier des forces des abîmes.
— Alors, je viens avec toi. » Il la fixa un instant.
Pourquoi ais-je dis ça ? Je ne vais plus pouvoir me défiler maintenant. Et le manoir, les chevaux, le jardin, qui va s’en occuper ? « Geb...
— Je préfère t’accompagner même si je pense que tu te trompe à son sujet. D’un autre côté je n’ai pas envie de supporter les foudres de notre géniteur. »
Combien de fois ais-je pris à sa place ? Père m’incombe toujours la responsabilité de ses actes. Pour lui je suis le seul responsable, l’aîné. Je ne l’incrimine jamais. Je me tais. « Tu sais très bien que tout va me retomber dessus...
— Geb...Tu n’es pas obligé de faire ça.
— Tu ne m’en empêcheras pas même si je ne sais pas où nous allons, ni comment nous allons faire sans argent. » Ajouta-t-il en décrochant sa selle qu’il laissa tomber aussitôt que sa sœur lui répondit :
« J’ai subtilisé une grosse somme d’argent à père. En fait, je crois que j’ai pris toutes ses économies.
— Tu as fait quoi ?
— Volé, dérobé, soustrait de l’argent à notre cher père si tu vois ce que je veux dire...
— Dans ce cas dépêchons nous de partir. Sa colère va être terrible.... »