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 une bonne mauvaise journée

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MessageSujet: une bonne mauvaise journée   une bonne mauvaise journée Icon_minitimeMer 26 Aoû 2015 - 23:52

Je mis mon arme en bandoulière, et rangeais les accessoires dans mon gilet tactique.
Je suivais Gricks sans rien dire, ne sachant pas où il me menait. Il avançait silencieusement vers le portail de la base. Le dispositif de défense était assez lourd. Il y avait deux positions retranchées avec des sacs de sables qui abritaient chacune une mitrailleuse de calibre cinquante. De chaque côté du portail il y avait un mirador avec un garde dedans. Gricks se dirigea vers un des plantons, lui serra la main et lui présenta une feuille, sûrement l'ordre de mission. Le garde hocha la tête et Gricks revint vers moi.
« Bon maintenant y a plus qu'à attendre.
-Attendre quoi ?
-Le convoi.
-Pourquoi faire ?
-L’hôtel est à huit kilomètre, si t'as envie d'y aller à pied et de servir de cible mouvante aux francs-tireurs vas y te gênes surtout pas pour moi !
-c'est quoi cet hôtel ? Un genre de poste d'observation ?
-Disons que c'est plus un caillou dans leur chaussure. C'est notre repère lorsqu'on part en opération. On s'y repose, se ravitaille en bouffe et munitions et on va chasser le gibier...et parfois c'est nous qui servons de gibier.
-Tu veux dire qu'on part déjà en mission.
-ben ouais, tu croyais quoi ? Qu'on se la coulait douce ici ?
-Non c'est juste que je viens juste d'arriver, bah ça me pose pas de problèmes, même au contraire.
-Tant mieux ! Ah justement voilà le convoi, allez prends ton barda et monte dans le dernier véhicule !
-c'est le plus sûr ?
-pour sauter en route sans te faire écraser par le blindé qui suit.
-On va sauter en route ?
Le convoi peut pas s’arrêter la zone est trop dangereuse. »

Le convoi était assez impressionnant Il devait y avoir une quinzaine de véhicules lourdement armés, le premier engin motorisé était un char avec un énorme parchoc et avait une forme bombée au niveau du sol pour limiter les dégâts au cas où il ne pète sur une mine.
Sur les autres blindés il y avait plusieurs canons, des mitrailleuses lourdes et des hommes allongés ou assis.
Le dernier véhicule était un camion dont on se sert dans le civil sur les chantiers pour charrier les gravas. Je m'accrochais à la portière du côté passager. Le gars qui été assis à droite du conducteur tapa contre la vitre et me fit signe de monter dans la benne. J'escaladais la cabine et me jetais dans la benne. Le métal fit un bruit sourd lorsque j'atterris dedans. Elle était pleine de couvertures sales, de vêtements ensanglantés. Gricks était déjà installé, il s'était allongé, la tête appuyée sur un sac et fumait une cigarette. Je me décidais à l'imiter, je me saisissais d'un sac mais le camion roulait sur une route accidentée, je perdis l'équilibre et me ramassais sur les rangers de Gricks qui me regarda d'un air blasé.
« Mince t'es défoncé ou quoi ? C'est quoi ton problème ? »
Frustré je m'allongeais dans les fringues sales et les couvertures et contemplais le ciel. Il était d'un bleu très clair et était saupoudré de quelques morceaux de cotons blanc pure qui ressemblaient de temps en temps à des animaux. Il y en avait qui me marqua, mon regard se plaça dessus presque instinctivement. Il était d'une taille différente des autres, il ne s'en détachait pas, il n'avait rien d'extraordinaire, enfin je crois, de toute façon je suis pas expert en nuage sinon ça se saurait, mais il y avait quelque chose qui en émanait. Il n'avait pas une forme précise ou qui portait de nom en géométrie ou même dans les légendes. Le vent poussait les nuages vers l'Est, ils y allaient tous à la même vitesse comme des moutons qui fuient les aboiements du chien de berger. Mais celui-ci suivait plus lentement, il semblait presque immobile comme si il réfléchissait sur ce qu'il allait rencontrer en suivant cette route. On aurait dit qu'il suivait un autre chemin que les autres en prenant la même direction.
« On entre dans la ville James, charge ton arme la sieste est finie on reprend les choses sérieuses ? Et oublies pas si tu merdes je merde aussi, reçus ?
-T'en fais pas pour tes fesses ! »
Je portais ma main à mon gilet tactique et soulevais le scratch de la poche qui contenait un des chargeurs. En voyant les ogives des cartouches qu'il contenait je fus parcouru d'un frisson et me dis qu'il faudrait que j'adresse une prière à Saint Antoine ce soir pour ne peut en recevoir une de ce gabari. Je plaçais le chargeur dans mon arme qui émit un bruit sec et tirais la culasse d'un geste sec ce qui produisit un bruit métallique que l'on oublie pas.

Je me remis debout et calais ma jambe de devant entre deux sacs pour ne pas tomber et appuyais mon fusil d'assaut sur le bord de la benne.
Lorsque j'ai levé la tête je fus choqué par le spectacle qui s'offrait à moi. C'était un spectacle inquiétant dans lequel se mêlait le passé et le présent, un genre de combat que le passé comme une sorte de gros cancer invisible gagnait petit à petit. C'était une ville morte. Oh bien sur je l'avais déjà aperçu en la survolant en hélico, mais depuis le sol c'était autre chose. On a comme l'impression d'en être un acteur. Il y avait tout autour des immeubles dont les façades étaient dévorées par des plantes grimpantes. De temps en temps les murs étaient noircis par des traces de flammes d'un incendie qui faisait maintenant parti des livres d'histoire. Les vitres qui restaient étaient peu nombreuses et elles étaient extrêmement sales à cause de la quantité de poussière. Les yeux n'étaient plus utiles pour voir ce qu'il y avait derrière, c'était à l'imagination de prendre le relais. La route n'était plus apparente, les lignes blanches et le goudron noir avaient disparu sous la végétation. Les hélicoptères et les avions de lignes qui jadis frôlaient les gratte-ciel avait laissé la place au néant. Des deux côtés il y avait des carcasses de voitures carbonisées. Les sirènes des voitures de police restaient muettes. Il ne s'élevait plus aucun cris d'enfants insouciants des écoles. Les hôpitaux que l'on nous avait décrit avec leur super matériel en cour d'histoire étaient aussi calme qu'un cimetière. Même le ciel semblait être figé par un sortilège. Les poteaux électriques et les panneaux publicitaires, fières représentant d'une époque révolue avaient laissé place à des platanes et des chênes qui masquaient la présence d'anciens restaurants, magasins et autres vestiges de l'histoire. Nous restions tous sans voix à la vue de cette vision sortie de nos souvenirs de gosse et des cours d'histoires. Personne ne disait rien, les hommes les plus aguerris du convoi gardaient un air cérémonial pour honorer la folie de ces grands bâtisseurs d'autrefois. Lorsque nous passâmes à côté d'un vieux tunnel je crus apercevoir une biche qui courut comme si elle avait été effrayée par des fantômes. Aux croisements de certaines rues j'aurais juré entendre les gens s'insulter, parler aux téléphones. les pigeons roucouler, les klaxons des voitures prises dans les embouteillages rugir d'impatience et de frustration. Sentir le vent puant la pollution nous mordre et se coller à notre peau comme une étiquette. Nous scrutions cette ville fantôme à la recherche du vendeur de journaux, des mères poules qui serraient fort la main de leurs enfants de peur que ceux-ci ne s'envolent. Nous cherchions l'odeur des viennoiseries et du café chaud, celle des marchands de hot-dog que l'on croisait d'ordinaire sur tous les trottoirs. Nous cherchions ce morceau de nous qui avait disparut au loin vers un avenir meilleur. J'en avais les larmes aux yeux. Quand j'étais encore merdeux je m'imaginais dans un monde post-apocalyptique à courir dans les rues désertées, le monde était à moi, rien qu'à moi et je pouvais faire ce que je voulais. Je pouvais devenir ce que je voulais, qui je voulais. Je m'inventais des métiers qui n'existaient que dans mon imagination. Je me prenais pour un pompier qui montait à la grande échelle du camion pour arriver à la fenêtre du dernier étage et secourir la grand mère qui était incapable de descendre toutes les marches. Désormais je me rendais compte qu'il n'y a que quand on est petit que l'on peut voir les choses comme ça, juste le ciel bleu avec un arc-en-ciel le champ avec des fleurs et la maison avec une cheminée qui fume. Je me rendais compte en cet instant précis que ce que je fuyais cette réalité que je grimais avec mon imagination sans borne c'était mon chez moi, notre chez moi, celui de notre espèce. Putain le monde c'est pas ça, le monde c'est moche et on l'aime parce-qu'on se l'imagine différent, il nous est commun et personnel à la fois. On vit tous dans le même, on crache tous dessus pour ce qu'il est mais quand on nous le change on pleur parce qu'on nous l'a changé. Nous étions les seuls à nous en rendre compte, nous ceux qui le détruisions en prétendant protéger ceux que l'on aime alors qu'on ne fait que marcher dessus par bêtise, parce qu'on est des enfants et que l'on court sans prendre le temps de s'arrêter. Toute cette ville ça n'était rien du vent, sans la vie humaine ça ne voulait rien dire, ça n'avait aucun sens, c'était juste une tâche au milieu de la planète un genre d'imperfection, un truc immonde, juste un ramassis de nostalgie, de douleur. Cela vivait mais dans notre tête. Nous étions des bagnards prisonniers de nos souvenirs et de notre passé.
Il y avait pourtant des ressemblances avec la citadelle où j'avais grandi et la cathédrale dans laquelle se trouvait l'élite de notre espèce, mais ça n'était pas pareil. On n'était plus vraiment chez nous ; on avait l'impression de n'être plus que des moins que rien. On n'était plus les maîtres du monde, on rampait à plat ventre dans la merde et l'espoir pour retrouver une miette de notre passé. Sur le coup ça me fit penser à un poème que j'avais écrit pour une fille qui m'avait mis un vilain rein quand j'étais ado. Je me comparais à ses yeux à une feuille morte qui était tombée avec ses belles couleurs sur le sol froid du mois de novembre.
« Eh t'es sourd ou quoi !? Ça fait trois fois que je t’appelles bouges toi un peu mon vieux on est à l’hôtel faut qu'on descende, je te l'ai déjà dit le convoi peut pas s'arrêter.
-Désolé je t'avais pas entendu, quand tu veux !
-Bon j'aime mieux ça ! Tu vois le vieux feu de circulation quand le camion le dépasse on saute, tu es prêt ? Un, deux maintenant ! »

La chute fut rude, je manquais de me fracasser le crâne sur la bordure du trottoir. En sautant j'entendis comme un sifflement passer à coter de ma tête ; je n'y fis pas vraiment attention et me relevais. Je me dirigeais vers Gricks qui étrangement lui qui semblait préssé était toujours couché au sol. Je m'approchai de lui et il ne bougeait absolument pas, un doute terrible m'assaillit, mon cœur se mit à battre rapidement. Je posai ma main sur son épaule mais il n'eut aucune réaction. Je le retournais vers moi. Il était mort, un léger filet de sang pourpre s'écoulait de sa bouche comme un serein ruisseau de montagne. Je le lâchai et reculai de terreur. Je serrai fort mon arme dans mes mains et commençai à scruter les innombrables fenêtres d'où n'importe qui pouvait me voir. Je m'imaginais des centaines de paire d'yeux qui me scrutaient à travers les vitres brisées. Je ne savais pas d'où était venu le tire, je cherchais un abri du regard, n'importe quoi ; un banc, une vieille cabine téléphonique, une carcasse de voiture. Mais il n'y avait rien suffisamment proche de moi pour que je puisse me cacher derrière. J'avais déjà ressenti une telle peur lorsque j'étais à la tour. J'avais espéré pouvoir la revivre pour essayer de la maîtriser mais je me rendais compte que c'était impossible. J'étais seul il n'y avait que cette ville morte, ma peur, le tireur qui me tenait à sa merci et moi.



L'invisible et moi.

J'étais comme paralysé, je me sentais tout petit et inoffensif. Je n'osais pas bouger en me disant que si je ne faisais pas de mouvement la mort allait m'ignorer alors qu'en même temps mon instinct me suppliait de me mettre à courir. La rue était immense, elle était très large et devait s'étendre sur cinq cent mètres facile. Les grands buildings semblaient se rapprocher et je me sentais écraser. Je balayai une seconde fois du regard la zone pour rechercher un refuge, il y avait bien un genre de supermarché sur ma droite mais la distance à parcourir m'avait l'air assez grande.
Pourquoi est ce qu'il ne tirait pas ? Il devait m'avoir dans sa lunette depuis qu'il avait descendu Gricks. Hors de moi je ne pus m'empêcher de m'emporter, je ne pouvais plus supporter cette attente insupportable.
« Vas y tires ! Tu attends quoi sale pervers ? Tu te sens puissant pas vrai ? »
Il n'y eut aucune réponse. Mes oreilles étaient grandes ouvertes et attendaient la détonation. Mes yeux scrutaient l'horizon à la recherche du reflet du soleil sur sa lunette. Mais il ne se passait rien.
« Alors j'attends ! »
Je commençai à perdre patience, mais je ne bougeai pas pour autant.
« S'il te plaît arrêtes de jouer, décides toi mais fais le vite. »
Rien, le silence toujours. Ne supportant plus d'attendre je préférai choisir et mourir ; j'avançais d'un pas sur le trottoir puis regardais autour de moi ce décor époustouflant et lugubre. Je fermais les yeux en espérant que ma mort me serait plus douce si je ne voyais pas tout ceci. C'est alors qu'une odeur de nourriture chaude portée par le vent vînt jusqu'à moi me caresser les lèvres et remontant jusqu'à mes narines. L'air me semblait plus lourd aussi, comme chargé par des centaines d'émotions de centaines de personnes qui s'entre-mêlent. La ville revivait, les gens râlaient, rigolaient et pleuraient autour de moi, se bousculant, se marchant dessus, avançant inexorablement vers le chemin qu'ils avaient choisi de suivre. Bientôt c'était à mon tour de me déplacer, je n'avais pas à bouger mes membres ; j'étais emporté par ce courant humain, je découvrais mon humanité. Je n'étais plus un individu qui peinait à trouver son chemin, je faisais désormais parti de quelque chose, je ne me faisais plus de souci, je me laissai porter par la foule, ça m'était agréable et je trouvais ça apaisant de ne plus avoir à courir sans savoir pourquoi je le faisais.
Alors en gardant les yeux fermés je fis un pas en avant, puis un second j'avançais au milieu d'êtres humains qui n'étaient pas préoccupés par la guerre mais plutôt par le fait de savoir si ils allaient arriver au travail sans être en retard, ou par le fait de savoir sur quoi leur réunion de dix heure allait porter. C'était magique je n'avais jamais ressenti ça ; être coupé du monde pour se retrouver dans un autre. En tendant les bras je pouvais presque les toucher, sentir glisser entre mes doigts les longs cheveux brillants de la blonde de devant. Je pouvais voir sur ma droite les gens assis à un bar qui buvaient un café et discutaient entre eux en fumant une cigarette. Je sentis alors comme une humidité se poser sur ma peau et venir me tapoter rapidement et répétitivement sur ma tête ; une averse commença à s'abattre sur la ville. Alors tous levèrent leur parapluie d'un même mouvement et les déployèrent d'un bruit sec. Le geste était bénin mais la façon dont il avait été exécuté me laissa sans souffle. Les autres personnes s'abritèrent sous les terrasses et les stores des magasins et des différents commerces. Certains s'approchèrent de la route et levèrent le bras, rappelant à eux un chien jaune tout de métal vêtu qui leur offrit ses services.
La pluie ne me dérangeait pas, au contraire cela faisait si longtemps que je n'en avais plus vu. L'eau ruisselait le long de mon front et descendait sur l’arrête de mon nez pour tomber sur ma bouche. Mes vêtements furent vite imprégnés et devenaient désagréable à porter, ils étaient lourds et froids.
Je fus soudainement ramené à la réalité par une sensation désagréable ; celle du contact du métal que l'on plaque contre la nuque. J'ouvris les yeux et tout ce que j'étais en train de vivre disparu. Il y avait cette ville morte, ces immeubles asphyxiés par leur passé et leur présent qui les dévoraient et cette rue déserte. Je levais mes mains en l'air et essayais de tourner la tête mais je fus rappelé à l'ordre par le morceau de métal qui appuya un plus fort contre ma peau. Une voix féminine sortit de derrière mon dos.
« Ne bouges plus !
-Pourquoi tu ne tires pas ?
-Tais toi et gardes les mains bien en vue.
-Bon très bien.
-Ah et pendant que tu y es détaches ton arme lentement et lance la sur ta gauche avec ta main gauche . Bien très bien, maintenant tu vas détacher ton ceinturon et l'envoyer devant toi avec un coup de pied.
-N'empêche que j'aimerai bien savoir pourquoi tu ne me tues pas.
-ça te pose un problème de toujours respirer ?
-Non au contraire ça m'enchante.
-ça t'enchantes ?
-Oui du verbe enchanter, tu connais ?
-Tu es comique hein ?, me dit elle en m'assénant un coup de crosse entre les omoplates.
-Si c'était le cas tu aurais réagis autrement.
-Bon fermes la le comique, maintenant tu te tais et tu fais ce que je te dis
-je...
-Ta gueule j'ai pas fini. Tu es mon prisonnier et tu vas faire ce que je te dirai de faire, pas la peine d'essayer de fuir mes balles vont plus vite que toi. Maintenant que nous sommes sur la même longueur d'onde tu vas rentrer dans le grand immeuble gris sur ta droite. »

Je suivais les consignes de cette sympathique jeune fille dont je ne connaissais pas le visage. J'aurais bien voulu essayer de l’assommer d'un coup de poing ou par la parole mais les douleurs de mon dos me rappelèrent à l'ordre. Sans un mot j'entrais dans le bâtiment dont la porte avait été enfoncée et était couchée sur le sol. Le hall avait quelque chose de malsain qui émanait sûrement du manque de lumière et du goût amer de l'air. Tout était gris et noir cela ressemblait à un vieux négatif de photographie. Pour toute indication de la direction je reçus un coup sous le genoux suivi d'un :
« Montes »
Les escaliers étaient encombrés de décombres comme de vieilles planches de bois et des pierres difformes. Les marches étaient en béton et résonnaient sous mes bottes. Les murs étaient couverts de moisissures verdâtres qui empestaient la pourriture. Les marches s'arrêtèrent devant un couloir et reprenaient sur ma gauche.
« Continues au fond du couloir. »
Le plancher grinçait et craquait à chaque fois que je posais un pied, j'avais peur qu'il ne cède sous mon poids et j'hésitais à continuer mais ma nouvelle compagne ne me laissa pas le choix et me frappa à nouveau en visant cette fois ci le creux du dos. En passant dans le couloir je découvrais l’intérieur de certains appartements, je ne pus y attarder mon regard que brièvement distinguant les vestiges de la vie quotidienne de personnes qui y avaient vécu. Au fond du couloir la bête me frappa à nouveau et m'ordonna de prendre à gauche. Je m'enfonçais dans un appartement recouvert par la poussière, je traversais un salon dans lequel je vis un vieux canapé éventré, une table basse juste à côté avec des photos d'un homme et d'une femme. La miss me poussa vers le balcon dont la rambarde avait disparu et qui donnait sur un immense parc recouvert par la végétation. Je me penchais bêtement pour regarder quand un coup de crosse moins violant que les précédents me fit perdre l'équilibre et basculer dans le vide. Je me fracassais sur le toit d'une carcasse de voiture. J'étais K.O. Je ne sentais plus mon corps et je crachais du sang. La fille s'approcha de moi me dévisageant comme si j'étais la chose la plus pathétique qu'elle ait jamais vu. Enfin je pus voir à quoi elle ressemblaient c'était une sorte de chat de gouttière féminin, elle avait de petites oreilles rondes, des poils noirs et gris tigrés avec de grands yeux bleus. Elle se tenait debout dans de grandes bottes marrons et revêtait un trench noir qui lui arrivait jusqu'aux chevilles.
« Ben quoi tu fais une pause ? Hors de question tu te reposeras quand je te le dirai. Aller relèves toi ou je t’abats ici, tu peux me croire j'hésiterai pas une seule seconde. »
Ne désirant pas savoir si elle le ferait vraiment, je me levais du mieux que je pus, évitant de lui montrer où j'avais mal je me remis sur mes deux pattes.
« Si tu voulais me tuer pourquoi ne pas l'avoir fait tout à l'heure ? Ça aurait été plus simple que d'essayer de me briser les os un par un tu ne penses pas ?
-Tu es toujours en vie de quoi tu te plains ?
-Je me plains que tu ne m’abats pas comme un chien pour me balancer d'une terrasse.
-C'était un raccourci et t'es pas mort, juste que tu es un gros balourd incapable de tenir debout ! Maintenant lèves toi on a assez perdu de temps comme ça, ils vont pas tarder à sortir.
-Attends c'est qui ça « ils » ?
-Tu le sauras bien assez tôt, maintenant bouges toi ! »
Mes membres étaient engourdi, et mes bras étaient écorchés. L'obscurité commençait à tomber, précédent la nuit et son cortège de ténèbres et de terreur. Je m'enfonçais dans le parc qui avec le temps était devenu une sorte de micro jungle. Le coin était inquiétant, j'avançais en terrain inconnu dans un endroit sauvage avec un fusil dans le dos. De temps en temps ma gardienne m'indiquait le chemin à prendre en grognant des ordres. À mesure que j'avançais je pouvais sentir les battements de mon cœur s'accélérer. Le ciel s’obscurcissait et était à peine visible à travers les branches des arbres qui se resserraient petit à petit. Cela me rappelait les histoires que je racontais à mon frère les nuits d'orage pour lui flanquer la trouille. Sauf que, là c'était moi qui me chiais dessus. Je ne sais pour quelle raison je tentais de garder un snobisme machiste en dissimulant mes peurs à mon ennemi féminine. Je me disais que j'avais déjà assez honte de m'être fait capturer par une chatte sans avoir tirer un seul coup de feu, alors si en plus j'avais la frousse...

Cela devait bien faire un quart d'heure que nous marchions dans ce parc. Il semblait infinissable, peut être m'étais je trompé en pensant que ça en était un alors que ça aurait pu être la fin de la ville. Je n'avais de cesse de réfléchir à trouver un moyen pour parvenir à me libérer. Chaque branche, chaque pierre pouvait potentiellement m'aider à fuir. Le problème résidait dans le fait de savoir comment je ferai pour retrouver mon chemin. Il valait mieux attendre que le jour se lève et voir comment la situation évoluerait. Je dois avouer que ma ravisseuse m’intriguais, il y avait quelque chose qui me poussait à savoir pourquoi elle ne m'avait pas tué et pourquoi elle c'était encombré d'un fardeau dans ce royaume de la mort qui ne semblait vouloir que les plus forts.
Alors que je me parlais je n'avais pas fait attention à cet environnement meurtrier et une détonation retentit. Une ombre se détacha des ronces et vint s'écrouler à mes pieds. C'était un homme, ou en tout cas ça en avait la forme et portait des vêtements noirs. La félidé se plaça à côté de moi et retourna le cadavre encore chaud du bout de son arme. C'était un homme affreusement laid ; son visage était boursouflé et couvert d'énormes pustules verdâtres.
« Foutu maraudeurs. Ces potes ont dû entendre le coup de feu, ils ne vont pas tarder à rappliquer, viens suis moi.
-Que je te suive ? Tu n'as pas peur que je m'enfuis ?
-Tu es encore plus con que t'en as l'air ! Quand ils te prendront, car sois sûr que tu ne leur échapperas pas, ils te feront des trucs si atroces que cela dépasse le bien et le mal.
-Charmant...Bon bah j'ai pas le choix alors, vas y je te suis ! »


Sains et saufs ?



J'avais l'impression d'être dans une battue. Nous étions le gibier et nous venions de nous faire lever par les chiens. Je peinais à suivre la minette qui se déplaçait avec une agilité et une vélocité extraordinaire. Je courrai à en perdre haleine et pourtant j'étais à la traîne. De temps en temps elle se retournait pour voir si je ne l'avais pas perdu et elle me hurlait des trucs que je n'arrivais pas à comprendre. Les branches et les ronces me lacéraient le corps, je devais être couvert de sang. J'aurai voulu pouvoir m’arrêter ne fut ce que quelques secondes pour reprendre mon souffle mais les hurlements inhumains me pourchassaient. Je continuais de courir sans m'arrêter, je devenais fou. Je m'étonnais de trouver la force de continuer de garder le rythme. Une lueur d'espoir m'apparut alors, il me semblait voir le bout de toute cette foutu verdure. Des bâtiments se détachaient au loin
« Plus vite le Nue-mains on arrive à l'abri ! »
Elle n'aurait pas eu à me le redire deux fois. Ses mots eurent le même effet qu'une dose d'adrénaline ; je sentis mon cœur repartir et tout mon corps suivre le mouvement, mes muscles eurent comme un coup de fouet. Je traçais ma route vers les immeubles qui se rapprochaient de plus en plus. Ils représentaient une sorte de sécurité incertaine, comme un genre de terrier. Je peux jurer que je n'avais jamais couru aussi vite de ma vie. Je sortis de la lisière du bois comme un boulet de canon. La chatte de gouttière était déjà dans l'immeuble elle m'attendait prêt de la porte et faisait feu dans ma direction. Je me disais que ces salauds n'auraient pas ma peau qu'ils pouvaient toujours rêver. Il ne devait plus rester que quelque mètres entre l'entrée et moi. À bout de souffle je fis un bon absolument ridicule et j’atterrissais la tête la première dans le bâtiment. Je ne pris pas la peine de savourer mon exploit, et me jetais de tout mon poids contre la porte pour la refermer. Je n'eu même pas le temps de respirer que je les sentis frapper contre la porte en métal et s'acharner dessus.
« Vite dépêches toi, trouves quelque chose pour bloquer la porte, je ne tiendrais pas longtemps ! »
Je sentais toute la force et l'acharnement qu'ils mettaient pour essayer d'entrer. La porte grinçait, mon dos se courbait peu à peu et mes pieds glissaient sur le sol.
« Le sadomaso c'est pas franchement mon truc alors actives !
-Je fais que ça ! Pousses toi ! »
Elle tira dans le plafond lézardé au-dessus de l'entrée et d'énormes blocs de béton tombèrent dans un fracas terrible. C'est à peine si je pus me déporter dans les escaliers pour m'abriter. Nous nous regardâmes sans un mot et nous tournâmes vers la porte qui semblait être scellée à jamais.
« Bienvenue dans la ville morte ! » lâcha t'elle sèchement.
Puis elle monta les marches jusqu'au deuxième étage. Ne sachant que faire je la suivais. Elle enfonça la porte d'un des appartements et y entra, elle attendit que j'y rentre puis poussa une étagère pour faire office de barricade. Sans dire quoi que se soit je me dirigeais vers le salon et me laissais tomber de fatigue sur un vieux tapis couvert de poussière. Elle m'observait du couloir d'un air curieux et eut un sourire nerveux puis elle se joignit à moi et s'allongea sur un canapé tout abîmé. Elle me regarda à nouveau, se saisit de son sac d'où elle sortit une gourde métallique. Elle essaya de dévisser le couvercle mais elle tremblait et n'y arrivait pas. Pris d'un sentiment de sympathie je posais ma main sur la sienne. Surprise elle se saisit de son couteau et me regardait ne sachant que faire. Toujours en gardant le silence je plaçais mon autre main sur le bouchon de la gourde le dévissais et retournais m'installer sur le sol. Elle but une longue rasade. Pauvre petite chose elle me semblait moins féroce d'un coup. Je détournais la tête et regardais par la fenêtre. La ville morte me faisait face. De petites lumières se détachaient de l'obscurité, sûrement des incendies. Ce triste spectacle était accompagné par des coups de feu isolés. Je restai là planté assis sur ce tapis grouillant de vermines à scruter l'obscurité et je pensais à chez moi, à la citadelle, à mon quartier, la maison de mon enfance, mes parents, mon frère et à Mélanie. Je me demandais ce qui pouvait bien sa passer de commun que j'avais fui là-bas. Pendant que je pensais à tout ça je fus surpris par un gargouillis infâme qui émanait de mon ventre. Elle se redressa aux aguets et complètement crispée. Je fus envahi par un sentiment de honte. J'avais l'impression d'être un crevard mais aussi de ne pas savoir me maîtriser, surtout devant elle.
« t'as faim ?
-Non ça va aller t'en fais pas.
-C'est pas parce que je suis du camp d'en face que tu dois te laisser crever de faim.
-J'ai pas faim je te dis, lâches moi !
-Bon, très bien comme tu veux, pasque moi j'ai la dalle. »
Elle farfouilla dans son sac et en tira une barre de céréale enveloppée dans du papier aluminium. Elle déchira lentement l'emballage et s'amusa à le froisser provoquant un bruit qui devînt vite insupportable. Je lui tournais le dos et regardais par la fenêtre à nouveau. Le tableau était toujours le même et avait le même effet sur moi à chaque fois que je posais les yeux dessus. J'étais terrorisé et empli de nostalgie par une époque que je n'ai pas connu. Pendant ce temps elle mangeait sa barre de céréale. Je me retournais à nouveau vers elle et la regardais manger. C'était une à la pomme, mes préférées. Elle en prenait des petits morceaux avec ses doigts et les mastiquait longuement. J'avais faim et j'étais trop fier pour l'avouer. Je maudissais ma stupidité et mon orgueil. Elle avait bien compris que j'avais faim mais que je refusais de l'admettre et ça l'amusait. Je la regardais manger et m'imaginais le goût que cela devait avoir. Sans m'en rendre compte je me mettais à saliver et à faire des bruits de mastication ce qui eut pour effet de l'énerver. Lassée elle me lança la barre de céréale dessus.
« Tiens prends la espèce d'idiot !
-je t'ai dit que j'avais pas faim.
-A d'autre mais pas à moi, ça fait cinq minutes que tu me regardes avec envie manger sans en perdre une miette »
Je me jetais sur le maigre repas que cela représentait et mordais dedans à pleine dents, j'avalais goulûment sans prendre la peine d'avaler. Elle me regardait m'empiffrer à son tour d'un air écœurée. Je me foutais éperdument de savoir que je passais pour un gros morfal. J'avais faim bordel et pour moi cela pardonnait mon comportement. Elle ne me lâchait pas des yeux, j'avais l'impression d'être un animal, une espèce de curiosité en voie de disparition.
« T'as de l'appétit pour quelqu'un qui n'a pas faim. »
Sur le coup je failli m'étouffer, j'étais encore plus gêné.
« C'est l'émotion.
-Tu viens juste d'arriver , si tu ne m'avais pas rencontré tu aurais pu t'habituer.
-Tu vas me livrer aux tiens ?
-C'est l'idée. »
Ses derniers mots avaient confirmé mes craintes. J'avais l'impression d'être un mort en surci et que mon temps de liberté se restreignait à chaque seconde qui passait. Je mordis à nouveau dans la barre de céréale en me disant que je risquais de ne plus en manger avant longtemps. Je prenais la peine de savourer. Je mâchais lentement, très lentement et savourais chaque bouchée jusqu'à ce qu'elle n'ait plus de goût. Et seulement à ce moment précis j'avalais. J'avais la tête baissée et je fixais le tapis machinalement en ne pensant à rien. De temps en temps je jetais un œil sur la ville morte.
« Tu manges comme si c'était ton dernier repas. C'est la première fois que je croise quelqu'un comme toi.
-Pourtant je n'ai rien d'extraordinaire.
-Tu es juste au mauvais endroit.
-Pourquoi tu me dis ça ?
-Tu es différent. Ici les gens costauds ont du mal à s'en sortir. Il faut être fort pour survivre, il n'y pas de place pour les faibles ou pour ceux qui hésitent. Et toi tu es là.
-Et je suis là. Oui je suis là.
-Mais pourquoi, qu'est ce que tu fous ici ? Les gens comme toi sont planqués chez eux d'ordinaire.
-Tu pourrais pas comprendre. Et puis en quoi je suis différent ? Et ça veut dire quoi différent ? C'est parce que tu me trouves différent que tu ne m'as pas tué ? C'est quoi ton délire ; tu voulais m'étudier en me balançant des pistaches ?
-Je me suis peut être trompé sur toi, tu te comportes comme les autres de ton espèce, tu n'es pas bien différent de ton ami. Tout à l'heure je t'avais dans ma lunette, ça faisait un moment que je observais, j'aurais pu te tuer. Mais toi on aurait dit que tu t'en foutais, tu étais ailleurs, tu faisais revivre cette ville et ne me dis pas le contraire !
-Je préférais être ailleurs pour mourir que...ah c'est trop con....laisses tomber, oublies.
-Comment tu peux être ailleurs en étant là ?
-Tu ne m'as pas tué pour que je réponde à ta question c'est ça hein ? Avoues le ; de toutes façons je m'en fous au point où j'en suis.
-Réponds s'il te plaît c'est important pour moi de le savoir ! »
On aurait dit que sa vie en dépendait, elle me bouffait du regard. J'essayais de comprendre en quoi c'était si important pour elle. J'étais son prisonnier et c'est moi qui la tenais à ma merci, sur le coup j'eus un rire nerveux.
« Y a rien de sorcier, il suffit de voir avec son cœur et de laisser les choses te raconter une histoire.
-Comment ça? »
Je me relevais et lui souris.
« Laisses moi te montrer. »
Elle semblait hésiter, ne sachant comment réagir. Fallait pas être devin pour comprendre qu'elle était méfiante.
« Écoutes je peux pas t'expliquer avec les mots, il faut que je te montre, allez viens je vais pas te manger j'ai horreur des poils. Je vais pas m'échapper je suis trop fatigué pour foutre le camp, donnes moi ta main. »

Après quelques secondes elle me tendit une main hésitante. Je la pris par la patte et la rapprochais de moi. Je passais délicatement mon bras gauche autour de sa taille, et avec la main droite je levais son bras et le tendis à hauteur d'épaule. Elle n'était pas franchement à l'aise et moi non plus je devais bien l'avouer. Elle tremblait comme une feuille, elle qui m'avait semblé indestructible.
« Essayes de suivre le mouvement, ne réfléchis pas, il n'y a rien de compliquer, tu vas voir ça vient tout seul.
-D'accord je te fais confiance.
-Heu t'en es sûr ?
-Certaine ! »
Je commençais doucement à danser, elle me marcha plusieurs fois sur les pieds avec ses grandes bottes. Puis elle prit peu à peu le rythme. Elle se décrispait petit à petit. Cela semblait même l'amuser. Nous tourbillonnions en parfaite insouciance. Je me sentais léger et elle aussi, cela se voyait. Elle souriait. Nous dansions et rigolions ensemble comme un seul être. Je ne savais pas pourquoi je faisais ça. Je dansais avec l'ennemi comme si ça avait été avec Mélanie. Je trouvais ça beau et effrayant à la fois. Je frémissais et tremblais. Et elle rigolait comme une gamine qui faisait de la balançoire. Son rire était léger et pétillant. Il avait quelque chose de magique qui me détendait. Et je rigolais à mon tour. On était comme transporté dans un autre endroit. Très vite le décor changea, le vieux tapis crado disparut et se transforma en une pelouse d'herbe verte. Puis se furent les décombres, la poussière et ses souvenirs angoissants du passé qui devinrent des meubles recouverts de nappes blanches en dentelle et de couverts en argent. Enfin les murs et le toit s’effacèrent laissant apparaître un ciel étoilé d'été. Le temps semblait s'être arrêté. Nous dansions à en avoir la tête qui tournait. Ses yeux brillaient de malice, je n'y voyais plus la survivante de la ville morte mais une jeune femme pleine de vie entourée d'une hora de sentiments sucrés. Je sentais sa respiration contre mon coup et son cœur battre contre le mien. C'était quelque chose de sublime qui dépassait les rêves. On dansait tous les deux, elle une anthros et moi un humain comme si on se connaissait ou qu'on avait des sentiments l'un pour l'autre. Il n'y avait rien de romantique ou d'autre connerie à l'eau de rose. Non c'était mieux on dansait comme ça pour être ailleurs, on aurait dit qu'on se connaissait depuis toujours. Je n'avais même jamais fait ça avec Mélanie ou avec aucune autre fille. Je le faisais avec elle qui n'était pas comme moi, je veux dire j'étais humain et elle non mais c'était tout comme. Il n'y avait plus rien d'autre à part le un deux trois, un deux trois qui rythmait notre frénésie de gamins. Nous étions crasseux et nous sentions la transpiration et la saleté et cela ne rendait la chose que plus magnifique. Ma main droite serrait fort la sienne qui serrait fort la mienne et nous les suivions instinctivement sans réfléchir. Ça dura bien une heure facile jusqu'à ce que nous soyons épuisés. Nous nous arrêtâmes sans pour autant nous quitter et nous nous fixâmes les yeux dans les yeux.
« Tu as compris le truc ?
-Oui c'était...je..ouah y a pas de mots pour décrire ce que j'ai ressenti.
-C'est le principe.
-On aurait dit que tu avais fait ça toute ta vie.
-De quoi danser ? C'était la première fois que je dansais de ma vie.
-Non pas que de danser, c'était plus que ça, j'étais autre part. Il n'y avait plus rien d'inquiétant, je me suis cru chez moi, en sécurité et heureuse.
-C'est pour ça que j'ai fait la même chose cet après midi, je ne voulais pas mourir dans cet endroit...il est si triste..il y a trop de souvenirs c'est douloureux. »
Elle continuait à me dévorer du regard, elle me sondait avec ses yeux pour savoir ce que je pensais et ce que je tramais. Je lâchais mon étreinte et me retournais vers la fenêtre d'un air mélancolique. Je pensais à mon chez moi.
« Tu es un drôle de type, me dit elle sans me laisser ouvrir la bouche, tu es mon prisonnier tu es loin des tiens, n'importe qui aurait essayer de s'enfuir ou de me tuer et toi tu m'invites à danser. Je ne sais plus quoi penser.
-Le pire dans tout ça, c'est que je ne sais pas vraiment pourquoi je le fais. J'ai l'impression d'être décroché de la réalité. Je suis dans ma bulle.
-Oui ça je l'ai remarqué.
-ça se voit tellement que ça ?
-On le devine au premier coup d’œil. Tu t'enfermes dans le rôle du gars fière mais tu crèves d'envie de parler.
-Arrêtes.
-j'ai touché un point sensible on dirait.
-Non c'est pas ça, juste arrêtes de jouer la gentille avec moi, rends moi service et recommences à être désagréable c'est mieux comme ça. »
Elle ne dit plus rien, ses yeux n'étaient plus pétillants, ils me parurent d'abord triste et en les voyant j'eus comme un sentiment de culpabilité, je n'aimais pas faire de la peine aux gens puis ils devinrent sérieux et antipathiques comme lorsque nous nous étions rencontrés.. Je me retournais vers la fenêtre et regardais à nouveau la ville morte ; je ne voulais pas qu'elle me voit pleurer. Je venais de me priver d'un peu de bonheur dont j'avais besoin. Elle s'approcha de moi, elle tenait une ficelle, sans dire un mot je tendis mes mains et elle les attacha l'une à l'autre et serra jusqu'au sang. Elle retourna s'asseoir sur le canapé et s'enveloppa dans une vieille couverture polaire.
« Tu ferais mieux de dormir, tu risques d'en avoir besoin quand les dix dansants vont te récupérer. »
Je m'en fichais complètement de ce qui allait arriver. Je repensais à la gare routière et à la conversation que j'avais eu avec Mélanie. Je me demandais ce qui serait arrivé si j'étais resté, si j'avais papoté plus longtemps avec elle au lieu de m'enfuir comme un moins que rien. Qui sait ce qui aurait pu arriver !




Les dix dansants.


Je n'avais pas réussi à dormir de la nuit. J'étais resté assis en tailleur seul avec mes pensées à regarder la ville et ma geôlière. Elle a mis du temps avant de s'endormir et s'était réveillée plusieurs fois dans la nuit. On aurait dit que cet endroit influençait le sommeil des gens. Moi je ne dormais plus depuis l'épisode de la tour depuis que j'ai commis l’irréparable. Je n'avais de cesse de me demander qui il était, comment il s'appelait, qu'est ce qu'il faisait avant d'avoir été embarqué dans cet enfer. Je me demandais aussi si j'arriverais un jour à trouver un moyen de me faire pardonner. J'aurais aimé savoir qui il était pour retrouver sa famille quand tout ceci serait terminé et me mettre à genoux devant eux pour leur dire que je ne voulais pas le tuer que je regrette amèrement et que je voudrais dévouer ma vie pour les aider. Mais la vie est ainsi et on ne peut pas faire ce qu'on veut et ce qui est juste.
Je restais là immobile à moitié endormi, le regard vide comme devait l'être mon cœur. En tuant ce pauvre type j'avais conclu un pacte avec le diable ; je renonçais au bonheur à jamais pour vivre. Je me disais que je ne me laisserais pas faire, que je ne baisserais pas les bras que j'arriverais à retourner à la citadelle et à dire à Mélanie que je l'aime, mais au fond de moi je savais que c'était peine perdue. Je fouillais dans la poche de mon pantalon et en sortais un paquet de clope et cette foutue photo dont je ne m'étais jamais séparé et qui symbolisait ce pacte maudit. Je mis une cigarette dans ma bouche et pris le paquet d'allumettes.J'avais du mal à gratter les allumettes avec les mains liées. J'en cassais une première en deux, puis une deuxième, la troisième fut la bonne. Je la portais jusqu'à ma clope, la plaçais devant et tirais dessus pour l'allumer. Je savais que c'était mauvais pour moi mais je m'en foutais un peu, au moins ça me décontractait. Je me relevais et m'appuyais sur le rebord de la fenêtre. Le soleil était en train d'apparaître. Il dépassait timidement la tête d'au-dessus les immeubles d'en face et se levait petit à petit. L'obscurité s'en allait peu à peu et les premiers rayons de lumière créaient une sorte de brume matinale. Ils faisaient encore un peu froid et la cigarette me réchauffait un peu.
Du bruit se faisait entendre dans le couloir. J'avais la certitude que quelqu'un était derrière la barricade et se préparait à entrer. J'espérais juste qu'ils me laisseraient fumer ma clope en paix. Ma gardienne venait d'ouvrir les yeux, elle avait la tête dans le cul et était décoiffée. Je tirais sur la cigarette et regardais à nouveau la photographie en me demandant ce que la vie me réserverais.
« Qui est ce sur la photo ?
-Réveillée ?
-Non je dors toujours, alors qui est ce ?
-Je ne sais pas, je sais , juste que j'ai une dette envers eux dont je dois m’acquitter.
-Tu te promènes avec un photo de quelqu'un que tu connais pas ? Tous les Nues-Mains sont comme toi ?
-J'espère sincèrement pas...
Est ce que par hasard cette photo aurait un rapport avec les raisons pour lesquelles tu es là ?
-Peut être qu'un jour tu le sauras, je n'ai pas envie d'en parler, laisses moi profiter de ma clope avant que tes copains ne déboulent dans l'appartement.
-De quoi tu parles ?
-Il y a quelqu'un derrière la barricade, j'imagine que ce sont eux.
-Tu n'as pas dormi de la nuit...
-Comment tu peux le savoir, tu dormais.
-C'est ce que je voulais que tu penses. Je n'avais pas besoin de mes yeux pour savoir que tu ne dormais pas. »
à ce moment on entendit taper à la porte et une voix sortit de derrière la barricade.
« Lucie ? C'est Vincent. Tu te souviens de Moi ? Si oui tape deux fois. »
Alors elle s'appelait Lucie. Je trouvais que ça lui allait bien.
Elle resta figée, perplexe comme si elle avait vu un fantôme. Elle ne bougeait pas. La voix se fit entendre une nouvelle fois, plus insistante.
« Mais putain, souviens Toi. Les calanches, la rando qui t'as cassé cheville. Tu fais chier... Eh ! Si je disais a mes Connards ton surnom, ça te ferrais changer d'avis ? »
Elle me regarda d'un air désolé comme pour me dire que ça devait finir comme ça. Sans rien dire, résigné et acceptant mon sort je hochais de la tête et me retournais vers la ville morte, je m'appuyais à nouveau sur la fenêtre et tirais une dernière bouffée de ma cigarette que j'écrasais. J'entendis la barricade bouger et des voix, mais je ne les entendais plus, je n'étais plus vraiment là, je voulais être encore à la gare routière à discuter avec Mélanie, mais c'était impossible. Je soufflais vers l’extérieur ma dernière bouffée de cigarette et me retournais. Ils étaient dix à me fixer, de grands chats aux traits de visages endurcis. Ils me dévisageaient d'un air dédaigneux, sans vraiment de haine, juste que j'étais l'ennemi.
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