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| | Dans les ruines | |
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Salut modératrice
Nombre de messages : 967 Localisation : Au pied des montagnes Loisirs : Crise existentielle perpétuelle Date d'inscription : 10/11/2015
| Sujet: Dans les ruines Jeu 24 Nov 2016 - 22:12 | |
| Coup de tonnerre sur le forum, pluie diluvienne qui s'abat sur vos têtes, oui, on croirait à la fin du monde! Salut va poster un texte!!! "Mais cela n'était pas arrivé depuis des mois!" protestez-vous. "Et alors?" je réponds, parce que je ne vois pas le rapport Donc ma requête auprès de vous est assez spéciale, c'est à dire que j'aimerai poster ici un extrait de mon "futur" roman (oui certains sont TRES optimistes) sans pour autant que vous sachiez de quoi il retourne parce que vous n'en avez pas le droit C'est un passage dans lequel j'ai tenté de faire naître chez mon lecteur un certain sentiment et étant très dubitative face au résultat j'aimerai le soumettre à votre lecture acérée. Quelques clés de compréhension tout de même: -Trois personnages dans cette scène: Jelena, Emy, et Mathys. Ce sont des adolescent, il sont bons amis. -Jelena (qui est un garçon) est celui qui nous fait vivre l'action. -On leur a donné rdv dans un lieu discret pour avoir une discussion secrète. Cet endroit est en fait une partie de leur école laissée à l'abandon et en ruine. Juste avant d'y pénétrer, Emy raconte à ses camarades une histoire étrange. Un autre étudiant y aurait déjà rencontré une créature effrayante qui aurait tenté de lui manger la main... Je pense que cela suffit mais si vous ne comprenez rien n'hésitez pas à me demander des infos supplémentaires Merci beaucoup à ceux qui prendront le temps de lire, et les autres, même pas je vous parle >< - partie 1:
-On devrait y aller, déclara alors Jelena.
Et contre ses propres attentes, ce fut lui qui se chargea de tirer la lourde porte et qui le premier en franchit le pas.
Cela ressemblait exactement à ce à quoi il s'attendait.
Il n'y voyait goutte mais pouvait sentir la présence des épais murs de pierres tout autour de lui, enserrant l'atmosphère dans un étau presque étouffant. La chair de poule lui courut immédiatement le long des bras jusqu'à la nuque. Des piqûres de froid se glissaient dans chaque petit interstice que laissaient filtrer les moellons et s'attaquaient à leur épiderme délicat, comme pour les vacciner, tandis qu'un léger courant d'air leur parvenait depuis la brèche qui éventrait l'autre versant de la pièce. Celle-ci laissait en fait juste assez de place pour le passage d'un être humain, à condition que celui-ci ne soit pas trop imposant. Au sol, suivant les contours de cette blessure infligée à la pierre, un halo de faible clarté permettait tout de même de distinguer le strictement nécessaire. À savoir, qu'ils étaient les premiers sur les lieux.
-Ils sont pas là, constatait d'ailleurs Mathys dans son dos, et le son de sa voix aussitôt sorti de sa bouche sembla se faire aspirer par les invisibles parois de pierre.
-Alors qu'est-ce qu'on fait ? demanda Emy en frissonnant. On les attend ?
Quoi d'autre ? Ils n'allaient quand même pas rebrousser chemin. S'ils les croisaient en sortant, ils auraient l'air de poules mouillées. Ils seraient sans doute là d'une minute à l'autre. Peut-être y avait-il des complications avec le reste de leur bande. Il se pouvait que Lili et Davion ne soient pas ailleurs comme Sofiane le pensait mais bel et bien à l'Institut. À cette idée, l'estomac de Jelena se noua.
Tout allait bien se passer, se força-t-il à se rassurer. Lili n'était au courant de rien et c'était Juen avec ses beaux cheveux noirs qui n'allait pas tarder à les rejoindre, pas Davion ni Cassandra.
D'ailleurs, maintenant que ses yeux s'habituaient à l'obscurité et son cœur à la situation, l'endroit ne paraissait plus si terrible. Il parvenait même à distinguer les visage de ses amis, ainsi que les vieux murs tout autour, il discernait également…
-C'est quoi ça ?! s'écria Mathys paniqué.
Devant leurs yeux venait d'apparaître une haute silhouette vaguement humaine. Le cœur de Jelena manqua un battement. -Le monstre des ruines, murmura-t-il terrifié.
Levant deux bras décharnés comme prêts à s'abattre sur les trois amis, son corps tordu se détachait désormais nettement, tache obscure sur fond sombre, comme un trou noir dans la nuit de l'univers.
Emy venait de pousser un cri, bien que Jelena n'aurait pu le jurer, assourdi qu'il était par le sang qui s'était si violemment mit à lui tambouriner contre les tempes.
Se balançant faiblement de gauche à droite comme si elle roulait des épaules, la silhouette semblait les appeler. Un son rauque et guttural emplit soudainement l'espace, poussé à intervalle régulier, comme une respiration.
C'est alors que les trois apprentis firent leur premier pas en avant, premier pas vers le monstre.
-Mais qu'est-ce que…
Jelena se regardait marcher vers la terrifiante créature comme on visionne un film d'horreur, conscient de la catastrophe qui s'apprête à s'abattre sur les protagonistes mais ne pouvant rien y faire.
La peur tyrannique qui s'était abattue sur lui ne pouvait seule expliquer ce surprenant comportement. Jelena était bien certain qu'il ne faisait rien pour avancer !
Emy couina à côté de lui. Il sentit sa main se glisser dans la sienne pour la serrer très fort. Le cœur du garçon battait à tout rompre tandis que son esprit, lui, se débattait en plein cauchemar.
Mais que leur arrivait-il ?!!
C'était comme si on les poussait en avant sans qu'ils n'aient aucune chance de résister. Un véritable mur de béton semblait s'être accolé au dos de Jelena exerçant une pression à broyer du verre en poussière contre ses vertèbres.
Dans leur dos, la porte s'éloignait, et aussi invraisemblable que cela puisse paraître, il leur était bien impossible de la rejoindre, ils ne pouvaient aller que de l'avant. Tout droit, tout droit vers le monstre. Jelena avait envie de crier, mais il n'était même pas sûr de continuer à respirer. Il se contenta donc de serrer plus fort la main d'Emy, tandis qu'ils n'avaient d'autre choix que de se rapprocher encore d'un pas.
Lentement, alors qu'ils se dirigeaient droit sur elle, l'apparition devenait plus complexe et révélait ses détails glaçant à leur regard.
Son visage demeurait invisible à ses yeux, l'obscurité continuant à régner en maîtresse sur les lieux, mais au niveau du ventre de l'inhumaine entité, Jelena croyait rêver (si seulement!), deux longues mains blêmes émergeaient de ce qui semblait être un trou au beau milieu de l'estomac. Elles se débattaient en tout sens comme souhaitant s'échapper de leur prison d'entrailles, comme si elles refusaient d'être digérées vivantes, comme si elles venaient d'être arrachées à un poignet sanglant.
Il hoqueta.
La peur-panique lui faisait perdre la raison.
Pendant un court instant il avait eu la nette sensation que sa main n'était plus dans celle d'Emy mais avalée par la créature, en lieu et place des deux membres qui semblaient vouloir se jeter à son cou.
Jelena le souhaitait presque.
Qu'elles l'étranglent et le cauchemar prendrait fin. La terreur qui lui retournait le cœur comme s'il était enfermé dans la nouvelle machine à laver de sa mère s'évanouirait, la pénombre s'éclaircirait, les cris et les sanglots s'éteindraient, et comme il avait été bien sage, Jelena aurait toute la sécurité du paradis pour se remettre de ses émotions.
Mais les longs doigts, malgré tous leurs efforts ne parvenaient à se détacher du tronc de la créature et tout ce qui lui montait à la gorge était une angoisse croissante, une peur sans nom du prochain pas qu'il ne pouvait éviter et qui le rapprocherait encore un peu plus de l'effroyable silhouette.
Sa main droite comme en un vain recours se plaqua contre la paroi si douce au toucher qui le forçait à faire un pas de plus dans la mauvaise direction.
Emy hurlait entre deux sanglots, la seule chose à laquelle elle parvenait contre l'inévitable. Mathys et Jelena, la gorge nouée, à moitié assommés par l'effroi, ne le pouvaient même pas. Ils courraient au suicide contre leur gré, le monstre les attendant cruellement, il n'y avait rien d'autre à dire, rien d'autre à penser. Impossible de penser. Impossible de crier. Impossible de rien.
Il semblait à Jelena que l'air avait fui la pièce, et que d'ailleurs, il ne serait plus jamais capable de respirer. La pâleur des mains du monstre trouait l'obscurité en deux vagues points clairs et le monde disparaissait, ne lui laissant pour se raccrocher à quelque chose que ces deux halos de clarté, comme deux lampadaires pour lui indiquer la route. De toute façon, il n'avait pas le choix.
Il fit un pas de plus.
- partie 2:
Un froissement, comme deux feuilles de papier qui glissent l'une sur l'autre, lui agressa alors le tympan. Quelque chose sur le sol avait bougé, et dans l'instant de répit que les cris d'Emy s'offraient pour lui permettre de reprendre son souffle, le moindre son leur semblait tonnerre. Un frisson désagréable lui rampa le long du dos et Jelena revint à la réalité aussi promptement qu'il l'avait quitté. Il lui semblait bel et bien entendre un serpent qui se mouvait entre leurs pieds. Peut-être, jusque sous les pieds du monstre…
Il leva les yeux vers l'ombre fantomatique, plus près, plus imposante, mais dont il demeurait difficile de se figurer un portrait net.
Seul le retour du grognement sourd ahané par le monstre permit à Jelena de se rendre compte qu'il avait cessé. Ces inspirations caverneuses résonnaient comme des appels, comme si ce fut par la force de ces cris que la paroi invisible dans son dos s'animait pour le pousser en avant.
Jelena, se forçant à déglutir pour ne pas s'étouffer, parvenait désormais à voir les jambes de la créature.
Particulièrement la jambe droite qu'un pagne déchiré ne réussissait à dissimuler que jusqu'à mi-cuisse. En dessous, la chair blanche et tendre apparaissait plus visible que le reste du corps car comme pour les mains, la peau pâle captait le peu de clarté qui investissait la pièce. Ainsi, de cette hauteur jusqu'aux orteils, le membre paraissait tout ce qu'il y a de plus humain, si ce n'était un détail. Un détail qui donnait la nausée à Jelena et le faisait souffrir pour ses propres os.
Les articulations de la jambe étaient complètement disloquées.
Le genou se pliait à l'envers et donnait à voir le mollet dodu en lieu et place de tibia, l'arrière au lieu de l'avant. La cheville suivait alors la même logique et se pliait de manière surhumaine pour diriger le pied vers le sol. La vision était choquante, écœurante, contre-nature. Oh, Jelena voulait tellement fuir !
Il n'avait jamais autant désiré sa liberté de mouvement !
Ne pouvoir ne serait-ce que tenter de s'enfuir le rendait à moitié fou! Alors impossible de penser, impossible de crier, impossible de rien. Jelena ne se résumait plus qu'à une addition d'impossible dont la solution devait être perdue quelque part entre 0 et moins l'infini.
Il aurait voulu mourir.
Il avança d'un pas.
- partie 3:
Emy s'était tue. Dans sa paume, sa main qui avait voulu le broyer était désormais molle et flasque, comme si la jeune fille avait abandonné tout espoir et se résignait à subir la volonté du monstre.
Et de fait, les trois apprentis n'avaient absolument plus d'issues.
Si tant est qu'ils aient eu le courage d'esquisser le moindre mouvement, ils étaient maintenant trop prêts de la bête pour parvenir à rejoindre la brèche sans que son bras ne se saisisse d'eux. Et cette option n'avait à aucun moment semblé praticable à Jelena qui pressentait que la mystérieuse surface de plus en plus incurvée, bien que toujours aussi solide, dans son dos et sous sa main droite ne les laisserait pas faire.
Ils étaient faits comme des rats et si seulement cela pouvait ne pas être qu'une image !
Le monstre n'en avait sans doute pas après les rongeurs, il n'avait pas de raison de s'attaquer à de si petites créatures, lui, ce qu'il voulait, c'était, c'était…
La langue de Jelena le gênait pour respirer. Tout son être n'était en fait plus qu'un handicap à sa survie. Son corps même, lui criait d'abandonner. Ses jambes, au lieu de le porter, semblaient se liquéfier sous le coup de la peur.
KILL.
C'était là l'objectif du monstre.
Jelena n'inventait pas, ne fantasmait pas, c'était gravé dans la chair lisse de sa cuisse. Quatre lettres nettement distinctes : KILL.
Jelena se mit à pleurer. Sans même s'en rendre compte. Mécaniquement. Mathys geignait déjà depuis un moment, mais le garçon à la natte n'aurait su dire depuis quand.
Ils allaient mourir. C'était certain. Rien d'autres ne revêtait d'importance.
Alors que sanglotant et s'approchant encore d'un pas, forcé et contraint, le regard de Jelena quitta la cuisse de la créature, cherchant plutôt son visage pourtant invisible, comme guidé par un besoin humain de contempler la tête de son meurtrier, c'est cet instant que l'entité choisit pour ouvrir les yeux.
Ce fut si soudain que Jelena hurla. Deux faisceaux lumineux verts venaient d'apparaître au milieu du néant et transperçaient la nuit pour les atteindre.
Mathys l'accompagna dans son hurlement de désespoir, leur ultime appel au secours, la dernière chance qu'il leur était donné de faire résonner leur voix.
Étonnamment, la main molle d'Emy ne réagissait toujours pas. Jelena, ses cordes vocales œuvrant à plein régime, se demanda si elle ne s'était pas évanouie.
Tant mieux pour elle, pensa-t-il alors, elle n'avait pas besoin de voir ça.
Un autre pas en avant, le dernier leur semblait-il, jusqu'à ce qu'un autre encore leur soit soutiré.
Mathys implorait le ciel, Jelena ne pouvait s'arrêter de crier sa terreur, Emy semblait déjà partie. Ils étaient maintenant tout serrés les uns contre les autres, presque l'un sur l'autre, et eux étaient presque sur la créature.
Pas d'issue, pas d'issue, juste la courbe d'un mur qui n'existait pas resserrant son étau autour de leur assassin.
Les mains gigotant étaient juste là, et Jelena ferma les yeux alors qu'il faisait, c'était bien certain cette fois, son dernier pas, le dernier de sa vie, s'attendant à tout instant à ce qu'elles le saisissent à la taille, à ce que les longs bras se referment sur son cou, que les jambes l’enserrent avec force.
Et toujours, à leurs pieds, le serpent rampait.
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| | | Salut modératrice
Nombre de messages : 967 Localisation : Au pied des montagnes Loisirs : Crise existentielle perpétuelle Date d'inscription : 10/11/2015
| Sujet: Re: Dans les ruines Ven 20 Oct 2017 - 13:11 | |
| - Final!:
Jelena tomba littéralement dans les bras du monstre en poussant un petit cri aiguë alors qu'une main saisissait son t-shirt. Il tenta de se débattre mais l'alcôve invisible ne lui en laissait pas le loisir et quelque chose de lourd et de pointu lui donna un coup dans les côtes.
Emy s'était réveillée et hurlait à nouveau au milieu des larmes qui noyaient son visage.
Jelena, le souffle à moitié coupé, se sentit tomber alors qu'un autre coup vint le faucher, au creux du genou. Il s'effondra pour de bon.
C'est alors qu'à terre et plus que jamais sans défense, un objet pesant s'abattit encore sur lui. Le garçon eut seulement le réflexe de se protéger le visage en lâchant un glapissement.
Maintenant, il lui semblait que le monstre riait. Comme dans les films, pour leur montrer à quel point il était cruel, Jelena avait déjà vu ça plein de fois, il savait comment les méchants fonctionnaient.
C'était un rire étrange, dissonant, semblant venir de loin, un peu comme si plusieurs voix s'y entremêlaient.
Mais c'est une unique voix féminine qui prononça d'un ton péremptoire trois mots de latin. La force qui s'échinait encore à les pousser en avant disparut alors.
Jelena, compressé contre le sol par la masse du monstre sur son dos, tourna avec difficulté son visage vers la voix qui venait de les libérer. Ce ne pouvait être celle de la créature. Elle émanait de l'extérieur, de la brèche dans le mur. Il voulut l'appeler à l'aide, qu'elle ne se contente pas de faire disparaître la paroi mais qu'elle terrasse la terrible entité, qu'elle les sauve et que tout redevienne comme avant, parce qu'il ne voulait pas mourir. À la place, il eut seulement le temps de voir trois silhouettes détaler à travers le trou. Elles s'esclaffaient.
Jelena n'eut pas le loisir de s'inquiéter que les renforts s'enfuient ainsi car un nouveau corps obstruait déjà la faible clarté que dispensait l'ouverture.
– Emy ? s'enquit une voix bien connue. Tu as crié ? – Raphaël !! s'écrièrent Jelena et Mathys en même temps.
Le garçon comprit alors que l'objet imposant qui l'écrasait n'était pas du fait du monstre comme il l'avait crû mais le corps de Mathys étalé sur lui !
– Pousse-toi, protesta alors Jelena et d'une ondulation du dos il fit rouler Mathys sur le côté.
L'apprenti rencontra le sol caillouteux dans un « ouch » sonore.
L'intervention de Raphaël procurait au garçon une si grande joie qu'il en oubliait presque qu'un terrible monstre se tenait juste au-dessus de lui, s'apprêtant à le tuer. Mais lorsque sa main tâtonnant à la recherche de ses lunettes perdues dans la bagarre rencontra la peau froide du pied de la créature, toute l'horreur de la situation le percuta à nouveau.
Jelena se douta alors que la présence de Raphaël gênait le monstre et qu'il préférait se dissimuler dans l'ombre, le temps que Raph s'en aille.
Saisi par l'urgence de la situation, il puisa dans le feu de terreur qui brûlait ses tripes et cria à pleins poumons : – Raphaël !! Le monstre !!! Aide-nous !!
Une lueur aveuglante apparut là où se tenait la brèche. Braquée sur eux, elle força Jelena à plisser les yeux.
– Mais qu'est-ce que vous fabriquez ? s'agaçait Raphaël.
Ce que cela faisait du bien d'entendre la voix de Raphaël ! Jelena aurait aimé le serrer dans ses bras !
– Il y a un monstre Raphaël, répéta Mathys, aide-nous !!
Le faisceau lumineux quitta la boule que formait Emy recroquevillée sur le sol et remonta lentement des pieds de la créature vers son visage.
Jelena décida de sacrifier ses lunettes et profita de ce que le monstre se retrouvait maintenant confronté à Raphaël pour s'éloigner à quatre pattes.
Mathys, qui n'avait décidément pas de personnalité, l'imita.
– C'est ça votre monstre ? demanda Raphaël, avec une agressivité dans la voix que Jelena ne lui connaissait pas. Franchement les gars, faut que vous grandissiez un peu !
Le flash de son portable éclairait un grand poteau de bois qui soutenait le toit bétonné de la construction. En travers de la poutre verticale, un long bâton était maintenu avec de la ficelle, sur lequel était enfilée une veste dépenaillée. Plus bas, un autre bout de ficelle rattachait au poteau deux gants blancs et leur donnait juste assez de mou pour que les courants d'air qui hantaient l'endroit les titillent de leurs baisers aériens. Se perdant dans l'ombre, le bas du poteau était encadré de deux jambes en plastique comme celles qui soutiennent les mannequins des grands magasins. L'une d'elle était complètement défoncée et torsadée, de sorte que le membre ne ressemble plus du tout à celui d'un homme. Sur sa cuisse découverte, on avait gravée avec application les quatre lettres qui avaient fait frissonner Jelena quelques instant plutôt. Maintenant, l'apprenti se sentait plutôt honteux et un peu stupide.
Mais les yeux ? se demanda-t-il alors. Scotchés à la poutre, deux lasers verts de nouveau éteints avaient suffit pour figurer le regard criminel de l'effroyable créature.
– Ah ah, ricana Mathys d'une voix cependant vide de joie, on le savait de toute façon que c'était pas pour de vrai. Pas vrai Jelena ?
Jelena accusait le coup. Sofiane et Juen s'étaient bien moqués d'eux. Il n'y avait pas de conversations pacifiques, pas d'accord de paix possible. C'était la guerre. Et les coups de la bande à Lili faisaient très mal. Ils avaient eu tellement tort, un instant, de croire qu'ils pourraient s'en sortir sans dommage !
Ils allaient se faire massacrer…
– Ah ah, oui, on n'est pas stupide, acquiesça-t-il cependant en imitant le ton de Mathys. Pas vrai Emy ?
Malheureusement pour leur crédibilité, la jeune fille ne pouvait s'arrêter de sangloter, recroquevillée sur elle-même au pied du poteau.
Raphaël s'approcha d'elle et lui caressa le dos : – C'est bon Emy, il n'y a pas de danger, tu vas t'en remettre.
– Oh mais Raphaël, chouinait-elle comme un bébé (Jelena trouvait qu'elle en faisait beaucoup pour un épouvantail de rien du tout. Il ne pleurait pas lui !), il y avait un mur qui nous forçait à avancer, on était prisonnier…
– Ah oui, ça c'est vrai par contre, la soutint Mathys, sa voix ayant retrouvé toute sa clarté, on n'a pas eu peur complètement pour rien non plus !
– Ok, admettons, leur concéda Raphaël en inspectant désormais le sol de la pièce.
Il y ramassa quelque chose et Jelena et Mathys s'approchèrent pour voir avec lui.
Il tenait à la main un bout de corde qui faisait tout le tour du poteau de bois et dont les deux bouts étaient noués l'un à l'autre.
– La voilà votre prison, dit-il d'un ton sec en rejetant la cordelette à terre.
Elle rasa le sol comme un serpent se meut à travers l'herbe haute. Le son fit frissonner Jelena, et pendant une insupportable seconde il ressentit la terreur qui lui avait si fortement serré le cœur quelques minutes plus tôt.
– Ce n'est pas un sort si compliqué que ça, remarquait Raphaël. Ils ne se sont pas foulés…
Jelena était content que tout cela ne soit finalement qu'une farce. C'était bien d'être encore en vie. Emy, cependant, n'arrivait décidément pas à s'en remettre. La pauvre ne cessait de trembler.
– Les salauds, crachait-elle, c'est ignoble ce qu'ils nous ont fait, on doit aller le dire aux mentors, ils ne peuvent pas s'en sortir aussi facilement !
– Non, répondit Raphaël d'un ton qui n'appelait pas de contestation, les mentors ne peuvent rien pour nous, c'est nous contre eux, point.
Et à la lueur artificielle que propageait son portable, pour la première fois depuis qu'il avait fait irruption dans les ruines, Jelena distingua les traits du rouquin. Pour la première fois depuis une semaine, même, se souvint-il alors. Il lui sembla qu'il n'avait pas vu Raphaël depuis plusieurs mois tant son visage était transformée. Le petit bonhomme déjà gracile avait les traits encore plus émaciés que d'ordinaire et sa peau était d'une pâleur extrême. La pénombre ambiante et la lumière crue lui donnait des allures de spectre, et Jelena n'aurait jamais pensé qu'il dirait un jour ceci de Raphaël, mais l'apprentie le mettait mal-à-l'aise. D'amples cernes sombres cerclaient ses yeux froids, et si Jelena ne le connaissait ps si bien, il aurait pu se demander si ce n'était pas lui, le véritable monstre des ruines. Lien vers les commentaires | |
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