Boléro [texte court]

Tel un combat incessant à venir j'écoute Le Bolero de Ravel.

Ils prennent place et avancent d'un pas ferme et déterminé.
Petit à petit les troupes se rejoignent dans la course.
La lutte sera et au petit matin les trompettes sonneront la fin d'une histoire sanglante.
Le glas du soleil sombrera sur les corps dévêtus.
Les fantômes se lèveront et s'avanceront dans un tempo réglé.  
La nuit ensevelira l'espoir. Seul restera les traces rouges.
La prairie retrouvera sa splendeur et pourtant tant d'êtres humains auront trépassé.
Seul restera les souvenirs des enfants qui auront eu la possibilité de grandir.
Leurs récits se prolongeront en légende.  
Des musées érigeront de nobles emplacements, fragments finement alignés, de chevaux de bois et d'êtres en plastiques moulés, reconstituant des batailles.

Le Bolero de Ravel accompagnera le bruit des sabres tranchant le vif de la chair.
Les écrans tactiles et interactifs apprendront aux générations futures les enjeux de ces massacres dans l’écho des chants qui raisonnèrent sur les champs.
Certains s'émerveilleront en regardant les armes qui auront servi le passé de leur actuel vie.
Les êtres les plus reconnus auront leurs noms défilant sur le générique du film pédagogique.
Les futurs têtes pensantes, qui ne l'ont pas eu tranché, se souviendront de leur gloire.
Ils observeront dans leur bureau se déployer les soldats des temps modernes, aux nouvelles stratégies, sur des terres encore insoumises.
Ils zapperont les effluves qui tâchent la conscience et s'endormiront paisiblement.
Seul restera les photographies de cette horreur, des êtres humains pris sur le vif, les yeux exorbités, placardées sur les murs des galeries d'art contemporain.

Le Boléro de Ravel sur fond musical feutré accompagnera les mignardises et autres "bouchers" des temps modernes.
Les individus bien pensant finiront leur tour d'horizon la panse explosée admirant les images d'enfants entrain de crevés affamés.
Les cuivres raisonnent et le son de bout de peau tendu se font entendre sur une douce et puissante mélodie. Crescendo. Notes après notes, s'inscrivent les crimes de l'humanité.
Des combats circulent sur des réseaux sociaux, recouvrant la réalité par une fiction, élevant en héros ceux qui ont capturé sur l'instant les mutilations de l'humanité.
Un trophée vivant stocké dans le creux de puces électroniques, chargées, prêt à dégainer, en données binaires.

Le Boléro de Ravel numérisé écoutable à volonté et accessible à un monde connecté.
La révolte sonne, les insurgées sont mobilisées, pas à pas, ils marchent, levant devant le soleil, leurs poings, les forces au pouvoir s'opposent.
Les bataillons se forment et se rejoignent. Le sang de nos ancêtres est versé.
Le Boléro de Ravel au creux de mes oreilles me murmure une mélodie tel un combat incessant à venir comme s'il s'agissait du souffle inachevable de l'humanité.