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lundi 17 août 2009, 20h00 environ.Bonne chance et merci à tous les participants
PS : il vous est possible (mais pas obligé) de voter pour 2 textes différents. Afin que ces deux votes soient effectifs, il vous faut cocher les deux choix avant d'envoyer le vote. Merci.---------------------------------------------------------
Texte n°1Laissez-moi vous présenter mes amis d’enfance…
Il est cinq heures moins dix ; la cloche ne va plus tarder à sonner. Je regarde Sissi commencer à ranger ses affaires : son petit bureau posé sur le mien, ses petits cahiers, sa minuscule trousse… Elle me fait un clin d’œil avant de venir s’assoir sur mon épaule – sa place préférée pour regarder la classe. Elle aussi a hâte de rentrer à la maison. Lorsque la sonnerie nous libère enfin, elle se glisse dans ma poche.
Le collège (oui, je suis en sixième) n’est pas très loin de chez moi et je rentre seule à pied. En chemin, je suis rejointe par Sarah et Toby, un couple à la peau bleue et aux oreilles pointues. Je les aime bien. En marchant – enfin, moi, je marche, car eux lévitent tranquillement à mes côtés – ils me racontent la planète d’où ils viennent. Ils sont contents car leur fillette va venir les voir pour les vacances, bientôt.
J’arrive chez moi. Un petit détour par la cuisine pour choper un paquet de biscuits et jeter mon cartable. « Maman, je suis rentrée ! Je vais jouer dans la cabane ! » Sarah et Toby se sont cachés.
Au fond de mon jardin, il y a une magnifique cabane construite par mon papa. J’adore jouer là, on y est si tranquille… Même si les coussins sentent un peu l’humidité et si il y a parfois des araignées.
Lorsque j’entre dans ma petite maison, ma fille Léa se jette dans mes bras, heureuse de me retrouver. Elle a trois ans et elle adore les câlins. « Maman ! » Je sort sa poupée préférée du placard à jouets. « Tiens, ma puce, joue à la poupée pendant que maman prépare à manger. » Voilà Sarah et Toby qui arrivent, avec leur petite Lori. Les deux fillettes jouent ensembles pendant que nous prenons le thé.
Tiens, voilà mon frère qui passe la tête par la fenêtre.
« Qu’est ce que tu fais ? Tu viens grimper dans l’arbre avec moi ?
-Non, je joue, fiche – moi la paix.
-Bah, tu joues pas, t’es assise toute seule et tu fais rien.
-Pfff, laisse-moi jouer tranquille. »
Il finit par s’en aller en grognant. Ça comprend vraiment rien, un frère.
Un peu plus tard – «Isa, à table, dépêche-toi! » Ma mère m’appelle pour manger. J’abandonne Léa, Sarah et Toby dans la cabane.
Après le repas en famille, chacun fait ce qu’il veut au salon. Mes parents regardent la télé, mon frère et ma sœur jouent aux petites voitures, et moi je lis dans mon coin.
Finalement, c’est l’heure d’aller se coucher. Douche, brosse à dents, bisous… Une fois seule dans ma chambre, ce soir, c’est mon amoureux, Martin, que je retrouve. Il me prend dans ses bras pendant que je finis mon livre, et je m’endors contre lui.
Ben quoi, j’avais beaucoup d’amis. Imaginaires, oui, et alors ? Ils étaient gentils avec moi, eux, au moins, ils me faisaient pas des croche-pieds dans la cour de récré.
...
Texte n°2UN ETE EN ENFER
Quelle chance incroyable. Il m'aura fallu attendre d'avoir neuf ans pour m’échapper, le temps d'un été, aux remparts de ma cité.
Je vais découvrir le monde, de nouvelles terres et partir à la rencontre d'autochtones : je vais en Espagne.
Le périple s'annonce palpitant. Le coffre de la simca 1100 peine à se refermer. Trop de bagages dans son gosier pour qu'il puisse, sereinement, déglutir.
Le soleil est du voyage. Dans l'habitacle surchauffé du véhicule, les oreilles grandes ouvertes sur notre mange-disque, mes deux frères et moi chantons le dernier tube de Claude François. La voiture tangue au rythme de nos déhanchés. La caravane, prêtée par des amis, hésite à garder le cap. Aujourd'hui et pour la dernière fois, les clodettes sont trois garçons en train de rôtir, thermostat sur 40 ° C.
Des centaines de voitures encombrent "notre" nationale, ralentissent notre progression pour finalement s'arrêter, au milieu de la chaussée, sans raison apparente. Ce qui a le don de nous mettre en rogne. Nous prions le Saint-Esprit d'envoyer un escadron d'hommes en képi et Il nous entend : les sirènes de leurs fiers destriers, bleutés et fumants, couvrent la voix de Cloclo. Ces hommes, presque des magiciens, sont d'une efficacité redoutable : il ne leur faudra qu'une demi-journée pour rétablir la circulation. Bravo. Et en attendant, les piles du mange-disque sont à plat et nous aussi.
La nuit tombe enfin, avec son petit cadeau de bienvenue: Exquise fraîcheur qui nous plonge dans un sommeil nimbé de rêves multicolores et joyeux.
Lorsque j'ouvre mes yeux, le soleil est déjà de retour. Il n'a pas dormi longtemps lui aussi. Pourtant il brille déjà si fort qu'il réussit à transformer le paysage qui nous entoure: la route est défoncée, les trottoirs inexistants, les chênes ont disparus, des palmiers les ont remplacés, des carrioles tirées par des ânes ou des chevaux, couvert de sueur, se sont glissés dans la circulation...et je comprend que, ça y est, je suis dans un nouveau monde ! Viva España !
Nous traversons une petite ville, San Carlos de La Rapita, et décidons de nous installer dans un camping situé à sa sortie. Les places ombragées sont déjà prises par des centaines de colons en maillots de bains et nous sommes contraints de bivouaquer à quelques mètres de l'entrée, en plein cagnard et le long de la route principale qui se prolonge jusqu'à l'extrémité sud du pays. C'est certain : on devrait bronzer plus vite que les autres.
Le quatrième jour, mes frères et moi décidons de nous enivrer. Nous nous dirigeons, puis nous pénétrons dans le bar-restaurant-accueil-salle de jeux, placé judicieusement à moins de dix mètres de l'entrée du camping, et commandons une Agua Limon. La dizaine de personnes présentes profite du gros ventilateur suspendu au plafond. L'air tiède qu'il pulse dans le lieu procure un bonheur comme seuls les grands explorateurs des pays d'Afrique centrale, rafraichis par les palmes d'arbres encore vert agités, d'une main habile, par des forçats de l'esclavagisme, peuvent apprécier. Et nous apprécions !
Tout à coup, en l'espace d'un dixième de seconde, un bruit assourdissant déchire nos tympans, me faisant perdre définitivement un quart de mon audition. Les murs tremblent et une roue fracasse une fenêtre et traverse la pièce en volant dans les airs. Elle passe au-dessus de ma tête et vient percuter le poitrail du serveur qui s'écroule dans une montagne de verres brisés, derrière lui.
Je me retourne et voit, par le carreau à présent détruit, des flammes d'une hauteur vertigineuses. D'autres explosions se succèdent, presque instantanément. Le camping est en feu et la chaleur, devient insupportable.
Mon grand-frère, âgé de quinze ans, me prend par la main, me laissant à peine le temps de saisir celle du plus jeune de nous trois, et m'entraîne vers le fond de la pièce. Dans les toilettes, où nous nous serrons les uns contre les autres, tremblant de peur tandis que les explosions, au dehors, redoublent en nombre et, parfois, en intensité. Des cris et des hurlements de douleur nous parviennent. Des voix prisonnières de la souffrance.
Lorsque le vacarme se calme. Nous sortons de notre abri de fortune. Nous avançons prudemment dans le bar vidé de ses occupants et sortons pour découvrir un paysage de cauchemar. L'idée que je me faisais de l'enfer s'offre à mes yeux d'enfant. Les arbres, les voitures et les caravanes brûlent. Une odeur de chair calcinée et de caoutchouc s'entremêlent et agresse mes narines. Puis je vois un petit garçon, debout, bras en croix, la peau coulant sur son corps. Il me regarde, sans un cri. Puis il tombe. Sans vie.
D'autres arrivent, hommes, femmes, enfants. Leur agonie s'éternise et la plupart tombent à leur tour. D'autres courent vers la plage et nous les suivront. Parce que nous ne savons pas où aller, parce que nous ne savons pas comment atténuer leurs horribles souffrances, parce que nous cherchons l'eau, nous aussi.
Nous découvrons, sur le sable, des dizaines de corps calcinés. Je passe près d'une femme avec un bébé assis près d'elle. Le souffle de ma course renverse le petit. Une poussière de cendres s'envolent de ce qui devait être ses cheveux. Les personnes brulées se jettent dans la mer. Et, sans que je sache pourquoi, meurent dans les secondes qui suivent.
Des hélicoptères survolent le camping. Je vois sur l'un d'entre eux le sigle RTL. La radio qu'écoute parfois mon Papa. Mais il n'y a pas de pompiers, pas d'ambulanciers, pas de médecins.
Nous sommes une douzaine sur la plage. Vivants. Et des inconnus arrivent enfin, pour apporter leur aide. La plupart sont des touristes du camping voisin et des habitants des environs. Ils découvrent l'étendue de la destruction et certains perdent la raison. Il faudra attendre près de quatre heures avant que les secours interviennent. Trop tard.
J'apprendrai, des années après, que ce n'était pas le crash d'un avion, comme je l'avais tout d'abord pensé, qui avait tout détruit, mais un camion-citerne, rempli de produits hautement inflammable et qui faisait la course sur la route avec un autre camion avant de venir percuter le mur d'enceinte du camping, à moins de dix mètres du bar où nous étions avec mes frères.
Et le chauffeur a survécu...
Les explosions successives étaient celles de véhicules et des bobonnes de gaz des caravanes. Le serveur du bar est décédé, lui aussi, sous la violence du choc avec la roue.
Cet été m'a enlevé mon père et ma mère. Il a aussi ôté la vie à des centaines d'innocents. Cependant, il m'a laissé mes frères.
Je n'oublierai jamais cet été de 1978, au camping Los Alfaques de San carlos, en Espagne: un été en enfer.
...
Texte n°3La vie, cet intermède entre rien et rien... Que signifie-t-elle dans les yeux des enfants qui ne savent que rire et s'amuser ? Je pense qu'elle compte beaucoup pour eux. Plus encore que pour quiconque.
Se lever le matin, n'avoir que futilité et jeux en tête, vouloir étonner et s'étonner, et ainsi laisser une journée de plus passer : voilà ce que c'est qu'un gosse.
Être un enfant, n'est-ce finalement pas la plus belle chose au monde ?
Je me réveille, et m'assois sur le rebord de mon lit. Je n'ai pas de rêves en tête, ni de folies à faire. Je ne veux pas courir, je ne veux pas m'amuser. Je regarde mon corps. Je me dégoute. Ma carcasse ainsi courbée me montre à quel point mon ventre est lipideux et immonde. Je suis tout entier fait de graisse. Mes cuisses s'étalent sur le lit, mes mollets tombent, mes pieds s'écrasent par terre. Le miroir ne me renvoie chaque fois que l'image d'un pauvre idiot qui ne sait faire que grossir.
Pourtant, ainsi affalé au bord de mon lit, au bord du précipice, je ne veux pas manger. Ma gloutonnerie me dégoute, et je sais que je vais encore subir les moqueries aujourd'hui. Je le sais très bien. Je ne petit-déjeûne pas.
Ma mère glisse un sandwich pour moi dans mon sac pour la pause de dix heures. Elle sait que c'est mon mal, et a la fois mon seul bien. Le mal qui me ronge, et le bien qui me soulage de toute cette haine.
Pendant la récréation le matin, mon reflet me hante déjà ; la grande vitre au milieu du collège semble me narguer, en exposant cette cour emplie de jeunes garçons frais et agiles, et cette horreur sans nom au milieu, le regard vide d'expression. J'ose à peine manger mon goûter tellement il me fais honte, mais j'en meurs d'envie.
Et elle... Elle pour qui mon coeur bat... Je ne sais pas si je suis vraiment amoureux ou si c'est la solitude qui me fais halluciner, mais chaque soir lorsque je pleure, je pense aussi un peu à elle... Elle est si belle dans ses habits clairs, avec ses airs mystérieux et ses mouvements grâcieux...
Et moi qui n'ai l'air que d'un pauvre malheureux, que le poids semble épuiser... Je ne suis vraiment pas de taille... Quoique s'il s'agissait de taille en largeur, peut-être que je pourrais gagner, et pour une fois mon gros corps de parasite servirait à quelque chose.
Les moqueries. Les bousculades. Les pions qui ne m'aiment pas mais qui viennent me défendre. Les cours maintenant, puis le repas de midi... Toujours la même apathie, toujours le même désintérêt pour cette vie... De nouveau les cours, puis la récréation. Je me fiche de ce temps de repos, je préfèrerais encore que le professeur nous garde pour la pause.
Un élève arrive soudain pour venir perturber la monotonie habituelle. Est-ce une moquerie ? Non, il a juste pronomcé mon nom de famille en riant... Tout le monde m'appelle par mon nom et me connaît. Je déteste cela : certaines personnes pensent même que je ne m'appelle pas comme ils m'apostrophent.
Calmement mais fort, je réponds : « Je suis Florestan ».
Je ne comprends pas ce qui se passe. Je ne lui ai pas tenu tête, mais il me tient par les cheveux et appuie son poignet sec sur mon cou débordant de graisse. Il crie alors que les minutes passent, en me demandant « ce que j'avais dit ». Il a finalement décidé de simplement me brutaliser, et avec un mouvement violent, ma tête heurte le mur. De toute façon, je connais bien l'infirmerie, j'y viens de temps en temps lorsqu'un abruti décide de cogner, ou, ce qui arrive plus souvent, que ma flemme me dicte de sécher le cours de sport.
Ce soir, je m'endormirai avec une bosse de plus mais je ne serai pas plus triste. Pourquoi être triste ? C'est bien d'être jeune.
Être un enfant, n'est-ce finalement pas la plus belle chose au monde ?