Le Clan des Présageurs

Voilà le tout premier texte que je poste ici ! Il s'agit du début du premier chapitre de mon premier roman dont je n'ai pas vraiment encore décidé du titre exact... J'attends vos avis !

Chapitre 1

L'Infiltreur

Sans un bruit, Nolwan Fertador se glissa furtivement dans la pénombre, entre deux colonnes de marbre. Sa démarche était souple et silencieuse. Ses pieds semblaient seulement effleurer le sol. Il essayait de respirer le plus doucement possible, car l'air glacé de l'atmosphère transformait chacun de ses souffles en nuage de vapeur argentée et risquait de le faire repérer par un oeil avisé.
Il appuya sa tête contre la pierre froide et tendit l'oreille pour écouter les alentours qu'il pressentait pour le moins hostiles. Il valait mieux ne pas compter sur ses yeux dans un endroit aussi sombre. Nolwan avait d'ailleurs remarqué que l'air était comme coloré par un brouillard légèrement opaque - une ruse employée par l'adversaire pour ne pas lui faciliter la tâche. Mais cela n'était guère gênant. Nolwan n'avait pas besoin de voir, il lui suffisait d'écouter. L'air pouvait bien être embrumé, les sons demeuraient intacts.
N'importe qui d'autre que lui aurait affirmé qu'il régnait un silence total dans la salle où il se trouvait, mais Nolwan Fertador n'était justement pas n'importe qui. Il savait entendre ce que personne d'autre ne pouvait entendre.
Les organes internes de ses oreilles se contractaient actuellement pour capter et trier toutes les informations sonores des environs. Une faculté rare dont était pourvu un Infiltreur de sa trempe. Son ouïe lui permettait de différencier et de classer les sons en fonction de l'endroit d'où ils étaient émis. Nolwan était ainsi capable de localiser précisément la source d'un bruit et de déterminer la distance à laquelle elle se trouvait de lui.
Ses paupières se fermèrent lentement sur ses yeux bruns, signe qu'il se concentrait. Dans son esprit, il traça un cercle imaginaire, lumineux, dont il était le centre. Désormais, c'était comme s'il avait quitté son corps et s'était accroché quelque part au plafond, d'où il se regardait lui-même. Il se voyait, tapi dans l'ombre, entouré du halo de lumière que représentait son cercle imaginaire. Le reste du décor était plongé dans le noir.
Pour l'instant.
Pour commencer, il choisit un rayon de dix mètres. Derrière ses oreilles, Nolwan sentit les habituelles contractions qui survenaient chaque fois qu'il sollicitait cette capacité. Il avait l'impression que des mains invisibles tiraient sa peau en arrière, par à coups. Dans son esprit, il vit son cercle imaginaire s'étendre, anneau de lumière glissant silencieusement dans les airs. Lorsque les contractions cessèrent, il entendait absolument tout ce qui se trouvait dans un rayon de dix mètres autour de lui. Et il n'y avait rien, hormis le bruit régulier et calme de sa propre respiration. Par précaution, Nolwan attendit quelques secondes, avant de continuer son investigation auditive.
Il augmenta le rayon et passa à vingt mètres. De nouvelles contractions lui tendirent la peau de sa tête, le temps que les vingt mètres soient atteints. À présent, il possédait trois options d'écoute : entendre tout ce qui se trouvait dans un rayon de dix mètres, tout ce qui se trouvait dans un rayon de vingt mètres, et tout ce qui se trouvait dans un rayon compris entre dix et vingt mètres uniquement.
Il ne perçut encore que sa respiration, qui s'était faite plus irrégulière maintenant qu'il se concentrait.
Nouvel agrandissement. Trente mètres. Six options d'écoute : dix mètres, vingt mètres, trente mètres, entre dix et vingt, entre vingt et trente, entre dix et trente. Toujours rien.
Quarante mètres. Dix options d'écoute. Les contractions devinrent un peu douloureuses. Nolwan connaissait ses limites : il pouvait aller jusque cent mètres, soit cinquante-cinq options d'écoute. Au-delà, les contractions devenaient insupportables, et il risquait l'évanouissement. De plus, son cerveau n'arrivait plus à gérer les dizaines d'options d'écoute qui s'ajoutaient à chaque nouvel agrandissement. Généralement, il n'avait pas besoin d'aller jusque ces extrêmes. Il se contentait de procéder cinquante mètres par cinquante mètres.
Mais cette fois-ci, il devait faire face à une infiltration particulièrement retorse, et il savait qu'il ne pourrait pas se ménager. L'endroit qu'il pénétrait était sous surveillance étroite. À plusieurs reprises, il avait manqué se faire prendre, malgré son ouïe réglable et ultra-fine. Les gardiens des lieux usaient d'une stratégie inhabituellement subtile, changeant sans cesse de positions et faisant preuve d'une imprévisibilité redoutablement efficace. Fort heureusement, Nolwan avait de l'expérience derrière lui et avait réussi jusqu'à présent à déjouer les pièges tendus par ses ennemis. S'il pouvait éviter l'affrontement direct et ne pas se salir les mains...
En cas d'attaque, il n'était cependant pas sans reste. Son ouïe exceptionnelle ne constituait pas son seul atout. Elle lui était certes indispensable en tant qu'Infiltreur, mais contrairement à beaucoup d'autres de ses collègues qui faisaient l'erreur de tout miser sur leur discrétion en espérant ne jamais se faire réperer et devoir recourir à la force physique, Nolwan s'était forgé une bonne aptitude au combat.
Toutefois, même s'il avait plutôt confiance en lui, il ne se sentait pas rassuré pour autant. L'attitude des gardiens l'inquiétait. Leur manière de se mouvoir, volontairement aléatoire, lui laissait penser qu'ils avaient été spécialement formés pour arrêter des Infiltreurs tels que lui. Leurs déplacements étaient vifs, précis, économes en énergie. Nolwan avait déjà deviné que les gardiens n'étaient pas humains, mais il n'était pas parvenu à déterminer à quelle race ils appartenaient. Il espérait que ce ne soit pas ce à quoi il pensait... Intérieurement, il se félicita d'avoir échappé à leur vigilance jusqu'à présent. Il pria pour que cela dure.
Sinon, il avait encore une carte à jouer, en dernier recours... Mais il préférait ne pas avoir à l'utiliser.
Cinquante mètres. Quinze options d'écoute. Les contractions étaient maintenant très désagréables, et un froncement de sourcils douloureux se dessina sur le front de Nolwan. Sa respiration devint plus saccadée. Son coeur battit plus vite. Il sentit une goutte de sueur perler sur sa tempe, puis rouler le long de sa joue avant de disparaître sous son menton.
Toujours rien.
Nolwan s'apprêtait à passer à soixante mètres lorsque des taches vertes apparurent soudain sur son "radar" sonore. Deux silhouettes avaient franchi la limite de son cercle d'écoute et se rapprochaient de lui. Leurs trajectoires laissaient subsister une traînée lumineuse dans son esprit, comme un trait de peinture phosphorescent sur un fond noir.
Des gardiens.
La première silhouette avançait en zigzag, avec de brusques accélarations, traçant un éclair difforme et verdâtre dans la tête de Nolwan, tandis que la seconde maintenait une allure constante et progressait en ligne droite. Elles se dirigeaient clairement toutes les deux vers un même point : lui.
L'Infiltreur pesta. Il avait pourtant pris toutes ses précautions pour ne pas être repéré, et voilà que deux gardiens fonçaient simultanément sur lui. Il soupçonna l'air embrumé d'avoir joué le rôle d'alarme et, d'une manière qu'il ignorait, d'avoir informé les gardiens de sa présence. Mais peu importait la façon dont il s'était fait avoir, il allait devoir maintenant affronter ses ennemis en face à face.
Il entendit leurs pas, presque aussi légers et silencieux que les siens. À la manière dont leurs pieds martelaient le sol, Nolwan comprit que les gardiens étaient dotés de coussinets, qui feutraient excessivement bien leur course. Puis quand ils furent plus proches de lui, il perçut leur souffle. Un souffle rauque, et puissant.
C'étaient sans doute des Singeommes. Nolwan ne connaissait pas d'autres créatures capables de se mouvoir avec autant de zèle. De plus, il savait les Singeommes intelligents. Ces monstres, souvent regroupés en meute, pouvaient élaborer des plans d'attaque relativement complexes. Un seul Singeomme n'était pas redoutable - quoique... Mais à plusieurs, leur intelligence et leur force combinées faisaient des ravages.

C'est assez prometteur comme début.J'aime bien; on rentre directement dans l'action avec quelques indications sur ce qu'est le personnage (peut-être pas le principal?) sans trop en dévoiler, et la petite part de mystère propre à tout départ qui sert à lancer l'intrigue.
l'écriture est fluide, bien détaillée sans être trop lourde.
vraiment bien.

Haaa, j'adore ce genre de récit, je sens que je vais bien m'amuser avec la suite

C'est vraiment très bien écrit. Les phrases coulent bien et je n'ai pas repéré de fautes d'orthographe. Très – immensément – agréable à lire, on se laisse vite emporter par le flux de suspens et d'informations (tu ne lésine apparemment pas avec les descriptions).

Hakkrat a écrit:

N'importe qui d'autre (que lui)* aurait affirmé qu'il régnait un silence total dans la salle (où il se trouvait)*, mais Nolwan Fertador n'était justement pas n'importe qui.

* inutile, je pense...

C'est peut-être la seule accroche que j'ai repéré. Je trouve la tournure de la phrase légèrement...enfantine, ou pas assez travaillée.

En gros, voilà ce que j'aurais mis :

N'importe qui d'autre aurait affirmé qu'il régnait un silence total dans la salle, mais pas Nolwan Fertador, qui savait entendre ce que personne d'autre ne pouvait entendre.

Merci beaucoup pour toutes ses remarques ! Je suis content que le début vous plaise. J'essaie de m'appliquer du mieux que je peux pour la suite... Mais j'espère que vous arriverez à vous montrer patients, parce que je ne suis pas rapide pour écrire...

*révérence de remerciement*

Et ben, pour quelqu'un qui n'écrit pas depuis longtemps, c'est époustouflant !

Ecriture fluide, on entre en plein dans l'action, des descriptions très précises, de l'originalité, du suspens...

Pour reprendre Morrigan, vraiment bien !

J'adore ! Au début, l'atmosphère est géniale, avec l'air glacé, puis la tension qui monte... Et tout cela parfaitement bien écrit. Je l'ai dévoré, ton extrait !

Merci, merci...

*s'incline, s'incline*

Citation :

Et ben, pour quelqu'un qui n'écrit pas depuis longtemps, c'est époustouflant !

On peut écrire bien pour la 1er fois je pensse que cela dépend des livres qu'on lit et le vocabulaire qu'on utilise au long de sa vie

Ousinon côté texte c'est sympas, il y a mieux mais c'est prometteur,continue, il y a toujours du boulot mais continue de plus l'écriture est fluide

Petit asticot

Merci...

Petit asticot a écrit:

il y a mieux mais c'est prometteur,continue, il y a toujours du boulot

Ca m'aiderait si tu pouvais me signaler ce qu'il y a à améliorer... Merci pour les encouragements !

Ce que je evxu dire c'est qu'un texte peut toujours être améilorer, il n'y a personne qui fait un texte parfait, à tous je dit toujours que ça peut être amélioré mais j'adore ton texte, j'ai peut être mal passé mon sentiment^^

Mais continue ,c'est très prometteur moi j'aime bien mais ça peut être amélioré

Ok...

Citation :

Ok...

*saleté d'ordi... je recommence*


Le style, je ne trouve rien de choquant.


Là, où j'ai des remarques à faire c'est plutôt sur le "radar" lui-même.
50m ne me semblent pas très impressionants. En effet, dans une salle qui semble vaste, froide et de pierre (style cathédrale), le son se propage plutôt bien. Un souffle rauque et puissant ne passerait pas inaperçu même pour des oreilles "normales".

Ensuite, le fait qu'il ait la tête appuyée contre la roche, cela ne fausserait-il pas un peu les données du "radar" ? Il y aurait des rebonds/distortions, non ?
Pour éliminer les remarques de "chie****" dans mon genre, il suffit de faire mention de distortions liées au terrain ou encore dire qu'il s'agit d'un pilier ! A moins je ne n'aie mal compris et qu'il s'agisse du sol ! dans ce cas, cela ne m'étonne plus qu'il ait du mal à respirer !


Voilà !


Ah si ! A la fin l'infiltreur peste... intérieurement ?



Bon, maintenant j'ai fait le tour je pense ! ::rolling::

Continue !

Oui, j'avais pensé au fait que les cinquante mètres, c'était pas beaucoup dans le fond... Mais du coup, ça m'embête dans mes calculs du nombre d'options d'écoute... XD

J'ai aussi pensé au problème du pilier (elle voit tout, cette petite akira !). En fait, Nolwan n'émet pas d'ultrasons comme les chauve-souris ou les dauphins, qui lui reviennent et lui indiquent les divers obstacles. Sa capacité utilise de la magie (que j'appellerai Krill par la suite) et donc ça n'est plus un problème.

Ensuite, on m'avait déjà fait remarquer le coup du "radar" qui fait un brin anachronique. Je remplacerai par "carte sonore" ?

Enfin, on ne sait pas vraiment si Nolwan peste intérieurement. Comme il est repéré, ça n'a pas d'importance et je laisse au lecteur le loisir d'imaginer ce qu'il veut. Dans une première version, je précisais qu'il pestait intérieurement, mais j'utilise cet adverbe pour une autre phrase (Intérieurement, il se félicita) et ça fait répétition. Ou alors, je supprime cet adverbe là où il est actuellement et je le mets pour le fait qu'il peste...

Sinon, merci de m'avoir lu !

De rien !

Le krill ??? La consonnance me semble familière... pourquoi ?
Sinon, s'il y a de la magie...


cela ne règle pas tous les problèmes... cela en rajoute car on a un facteur inconnu alors ! Bah oui, il peut écouter à travers les murs comme si de rien n'était ?


Et puis pour les calculs... le principe suffit ! Je ne pense pas que tout le monde ira vérifier les résultats...


Edit :=> j'ai trouvé le krill... souvenirs... cours d'SVT... crevettes !

Non, le Krill ne traverse pas les murs (enfin, je ne sais pas encore... si le mur est poreux, oui, car ce sont de toutes petites particules que je confondrai un peu par la suite avec les atomes de la nature, dans une explication que j'essaie de rendre le plus scientifique possible (oui, c'est maaaaaal, la magie se déleste des lois naturelles et du bon sens ! oui mais non, j'aime pas ça)).

Sinon, le Krill fait référence au vrai terme qui est une minuscule crevette vivant en bancs de plusieurs millions d'individus et qui constitue la principale nourriture des baleines bleues. Je trouve ça magnifique: les plus gros mammifères qui mangent un truc aussi petit... Ca a un côté philosophique que je vais tenter de développer.

Voilou voilou !

Et...à quand la suite ?


::rolling::

J'ai hâte

Beuh je n'arrive pas à l'écrire... Il y en a déjà un bout, mais comme j'ai décidé de réviser un peu mon histoire de base, j ene sais pas trop.

En revanche, je peux passer le début du deuxième chapitre... qui n'est pas un chapitre d'action.

Passe quand meme, j'adore !

Je trouve que tu a reussi a creer un univers tres interessant. Normallement, quand l'univers est bien, il peut etre simple de trouver des histoires. Enfin, c'est ce que je ressens.

Ouais... Le deuxième chapitre n'a vraiment rien à voir avec le premier dans le style (donc il n'est pas dit que tu aimeras). On passe à quelque chose de plus humoristique... Je le charge sur ma clé USB et je le mets.

Chapitre 2

Le DIR

- Je vais le tuer !
La main s'abattit sur la table avec une telle violence que Georges, qui était pourtant habitué aux colères bibliques de Dame Hilbra, sursauta derrière son bureau.
- Comment a-t-il pu ? Jamais de ma vie je n'ai eu affaire à une pareille plaie ! Il m'en a déjà fait voir de toutes les couleurs, mais celle-là, celle-là, c'est la fleur blanche sur le voile de la mariée !
Georges regarda sans dire mot sa supérieure saisir le plus gros livre qui se trouvait sur sa table et le lancer avec rage à travers la pièce. Le livre percuta lourdement le mur et tomba sur le plancher avec un bruit mat.
- Je vais l'étrangler ! Oh oui, je vais l'étrangler si fort que sa tête et toutes les idées fumeuses qui s'y logent éclateront dans une explosion de boyaux et de cervelle ! Vous m'entendez, Georges ? Une explosion ! Un véritable feu d'artifice sanglant !
- Mais certainement, Madame, répondit Georges avec calme.
Un deuxième livre vola dans les airs, victime de la fureur de Dame Hilbra, et atterrit quelque part derrière une armoire.
- Ah, Georges, je sens que je m'énerve ! Arrêtez-moi si je tente de mettre le feu à votre bureau.
- Je n'y manquerai pas, Madame.
Les yeux perçants de Dame Hilbra se posèrent sur un vase en porcelaine qui était garni d'un bouquet de fleurs aux teintes jaunes et mauves, et qui trônait sur une étagère. Georges, qui pressentait le triste devenir du bel objet, fut forcé d'intervenir :
- Je vous déconseille de vous en prendre à ce vase, Madame. Il vous a été légué par votre defunte mère, si je me rappelle bien. Préférez plutôt l'assiette d'à côté, si je puis me permettre.
Dame Hilbra grogna, saisit quand même son précieux héritage, mais au lieu de le briser par terre, comme Georges le craignait, elle le retourna à l'envers. L'eau et les fleurs se déversèrent sur le plancher sans plus de cérémonie. Dame Hilbra reposa ensuite le vase à sa place, et entreprit de piétiner les innocentes fleurs en marmonnant des "Je vais l'étrangler" furibonds.
Ce n'était pas la première fois que Georges assistait à une scène aussi terrifiante. Dame Hilbra faisait partie de ces gens qui avaient un penchant récurrent pour le laisser-aller colérique et qui, dans leurs accès de rage, ne pouvaient s'empêcher de balancer ou de casser tous les objets qui avaient le malheur de se trouver à proximité d'eux.
Mais avec le temps, Georges s'était habitué à ces sauts d'humeur. Il se souvenait encore de sa première rencontre avec Dame Hilbra - comment l'oublier !
Il venait d'être affecté à un nouveau poste dans le DIR - le Département des Infiltrations et des Récupérations. Il avait été nommé premier secrétaire de la présidente du département, un poste peu recommandable aux dire des employés du secteur. Tout le monde murmurait que personne n'avait tenu plus d'un mois avant de démissionner - ou d'être renvoyé - à cause de l'exécrable caractère de la présidente.
Tandis qu'il traversait le couloir qui le menait à son futur bureau, le ventre un peu noué à l'idée d'affronter sa première journée de travail, Georges avait entendu des cris hystériques retentir à travers les murs. L'instant d'après, une porte avait claqué et un homme terrorisé l'avait bousculé, mains sur la tête, pour échapper à une pluie d'objets en tout genre - et d'insultes - qui lui tombaient dessus.
- Incapable ! Concentré de crétinnerie ! Aéré de la cafetière ! Retournez donc dans les profondeurs abyssales de votre propre bêtise !
Derrière le fuyard, une furie d'un âge avancé le poursuivait, un encrier à la main. Elle portait une robe bleu roi un peu trop courte pour sa forte personne et qui tourbillonait autour d'elle, malmenée par ses mouvements brusques. Ses cheveux gris poivre étaient attachés en un chignon tellement serré que Georges s'était demandé par quel miracle le front de cette vieille femme ne se détachait pas du reste de son visage.
Dame Hilbra était passée devant lui sans le remarquer, telle un éclair bleu, et avait lancé l'encrier sur le malheureux et désormais ex-secrétaire du DIR. L'encrier s'était écrasé sur le sol en éclaboussant de noir les splendides murs tapissés de velours pourpre, manquant de peu sa cible qui venait de disparaître au détour d'un virage.
- Et que je ne vous revois plus traîner dans les environs ! Erreur de l'Humanité !
La respiration saccadée, Dame Hilbra s'était accordée exactement trois secondes pour reprendre son souffle. Puis elle avait ensuite tourné sur elle-même, se retrouvant nez à nez avec Georges, et lui avait brandi un index boudinet juste sous son menton.
- Vous ! Allez me chercher mon nouveau secrétaire. Il devrait déjà être là !
Georges, qui sentait des sueurs froides lui mouiller le dos, avait un peu desserré le noeud papillon qui lui entourait le col et avait répondu :
- C'est moi-même, Madame. Georges Edmond Bordas, pour vous servir.
- Quoi ? C'est vous ?
Dame Hilbra l'avait rapidement regardé de haut en bas de ses yeux d'aigle, et il avait eu l'impression qu'elle le jaugeait, comme un boucher tâte un boeuf pour estimer la qualité de sa viande. A l'expression qu'elle avait affiché sur son visage, il aurait dit qu'elle devait le considérer plutôt comme un veau maigrelet et prématurément rhumatisant. Pourtant, l'instant d'après, elle lui criait déjà :
- Et bien, qu'attendez-vous pour prendre place ? Allons, pressons, pressons.
- J'y cours, Madame.
Et il y avait couru.
Assis derrière son bureau de premier secrétaire, il s'était alors retrouvé aux premières loges pour assister aux crises d'hystérie de la présidente qui s'enchaînaient à une cadence folle. La fureur de sa supérieure semblait n'avoir aucune limite et se déclenchait à la moindre occasion. Il l'avait ainsi vue renvoyer des dizaines d'employés, réprimander, gronder, rabaisser, secouer et insulter copieusement des centaines d'autres, chaque entrevue se terminant, dans le meilleur des cas, par un lancer de livre ou de verre sur la - ou les - malheureuse victime.
Les manifestations colériques étaient plus ou moins violentes, selon la gravité des erreurs commises. Les pires que Georges connaissait étaient celles où Dame Hilbra s'en prenait directement à l'employé en faute. Un jour, elle avait tenté d'en étouffer un avec les parchemins qu'il avait amené avec lui pour faire son rapport. Une autre fois, c'était avec les restes carbonisés d'un objet qu'un Récupérateur était censé ramener en parfait état. Et il y avait eu ce soir où elle avait même essayé d'écraser un des rédacteurs du courrier qui avait oublié d'envoyer un message important en lui renversant une armoire dessus. Heureusement pour le pauvre homme, elle n'avait pas eu assez de force pour le faire et s'était contentée de l'incendier verbalement.
Jusqu'à ce jour - et c'était déjà le quarantième ! - Georges avait échappé à la colère divine de la présidente. Il fallait reconnaître qu'il excellait dans son domaine. Son travail était impeccable, net, sans bavure. Il n'avait jamais de retard, et même toujours un peu d'avance. Sa fonction principale était de planifier l'emploi du temps de la présidente et de trier la quantité phénoménale de rapports que les employés du DIR lui envoyait chaque jour. Méthodique et organisé, il y parvenait sans peine et Dame Hilbra n'avait jamais rien trouvé à lui reprocher.

Hmm..je dois avouer que j'ai un petit faible pour cette partie.
C'est vrai que le style est totalement différent mais c'est toujours aussi bien écrit et l'humour (c'est pas forcément facile d'en faire en plus sur ce genre d'histoire,enfin à mon avis)rajoute du plaisir à la lecture.

Woow !

On peut pas vraiment dire que ce soit un texte joyeux, mais je me suis bien marre !

C'est sur que la facon d'ecrire et l'atmosphere ne sont pas du tout pareil que dans le 1er chapitre (quoique, ca a l'air tout aussi dangeureux...), mais ca me plait autant !

Parfait !

Rien d'autre à dire.

Ca me fait encore plus plaisir de recevoir vos compliments sur cette partie... Vraiment. (Et merci à ma très chère femme )

Ca fait toujours plaisir...



(as tu lu le livre des mots de J.V. Jones ?
Ton style sur cette deuxième partie est très proche.)