C'est étrange, mais en relisant attentivement, j'ai l'impression que tu as tendu inconsciemment vers des vers de 6 pieds (sans rimes).
Je m'explique : tous les vers courts font 6 pieds (sauf "des landes des plaines des mers" qui en fait 7). Les vers longs se découpent presque tous naturellement en deux moitiés d'environ 6 pieds ("tu foules ce chemin / comme bien d'autres avant toi" ; "ignorer un passé / qui ne nous appartient" ; bon, ça ne marche pas vraiment pour les deux autres, car ils font 13 pieds ; mais en prenant en compte qu'il y a des E muets, on peut s'imaginer assez aisément que les découpages suivants ont du s'imposer dans ton esprit : "oublier ses souv'nirs / au profit du nouveau" ; "vois-tu dans mon sourir' / la craint' de l'inconnu").
Ce que je veux dire par là, c'est qu'on a l'impression que tu as essayé de maquiller en vers libres quelque chose qui tendait naturellement vers une versification classique. On sent bien que tu aspires à une certaine régularité ; à la rythmique de la répétition des rimes.
Assume-toi ! petit lapin.
Ah, et petit chipotage : je suis pas sûr que ta ponctuation soit vraiment nécessaire. J'irai même jusqu'à dire qu'elle nuit aux lignes qu'elle vient conclure. "Et tu ignores tout" : le "et" signale déjà que l'on se dirige vers une pause, et le "tout" est un mot rond qui fait bien office de conclusion je trouve. "vois-tu dans mon sourire la crainte de l'inconnu" : le point d'interrogation vient changer trop avant son terme la tonalité de la phrase ; et le U d'"inconnu" en est négativement affecté (du point de vue de sa petite musique interne). Bref, à mon avis, pas besoin de ponctuation.
Bon, j'espère que je t'ai pas plombé
Maintenant les points positifs !
Tu as le sens de la musicalité, et le sens de l'image. C'est la base je crois pour faire de la poésie. Ce que tu écris est sobre, mais touchant au sens fort du terme (toucher les sens, toucher le coeur, ces choses-là que seuls les mots sont capables de faire).
- Citation :
- Enfant de l’autre monde
En regardant vers nous
Vois-tu ce que je vois
Vois-tu une étrangère
- Citation :
- Enfant venu d’ailleurs
Et enfant voyageur
Ces deux passages sont très bons, et portent un grand potentiel. Mais ça n'est pas un hasard si ce sont deux passages très réguliers (vers de 6 pieds, nonobstant l'absence de rimes)
Enfin voilà. J'ai pris du plaisir à te lire. Mais j'attends la suite