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 Un café

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MessageSujet: Un café   Un café Icon_minitimeVen 30 Aoû 2013 - 22:16

Un autre nouvelle, dont je mets en orbite ici la première partie:

Un Café



‒Tu me dis.
Perchée comme une religieuse, elle remplissait de café le mug de Tangi, qui trônait face à lui sur la table du salon.
‒J'avais dit non pour l...merci. Ça ira. Oui, un sucre.
Une goutte du liquide noir tomba sur le bord de la tasse, glissa entre les visages de William et Kate peints sur l'émail jusque la table.
Tangi l'essuya du pouce. Il retira aussitôt son doigt, car le mug était brûlant. Il suça sa blessure pendant que la vieille dame, cafetière à la main, trottinait derrière lui comme une souris.
Avec la précaution d'un rituel japonais, en levant le menton, elle se servit.
Le jeune homme patienta que le breuvage eut dépassé la tête de la Reine, qui s'incrustait en rouge, bleu, doré, et ouvrit la bouche.
Mais elle se redressa, et dit :
‒Les gâteaux.
Elle avait posé la cafetière, et repartait déjà dans la cuisine. Elle ressemblait vraiment à une souris, qui rejoignait son terrier en chaloupant, gênée par son arrière train. Tangi avait remarqué qu'elle boitait légèrement, conséquence d'une malformation des hanches répandue dans la région.
Pendant qu'elle s'affairait, il se répétait mentalement son discours. En même temps il essayait de ne pas trop bouger sur sa chaise, qui était plus courte d'un pied, comme sa propriétaire. Est-ce que celle-ci l'avait d'ailleurs entendu, tout à l'heure, quand il s'était présenté à son appartement ?
Bonjour, je suis Tangi Thulliez, contrôleur à la CAF. Madame Le Floc'h, nous avons un problème.
Houston ?
Houston ne semblait pas l'avoir entendu.
‒Si j'avais su, j'aurai fait des crêpes.
Elle était réapparu de la cuisine, portant une assiette de gâteaux qui paraissait énorme entre ses mains courtes d'enfant. On eut dit un morceau de fromage trop gros pour elle.
Houston n'avait pas le profil habituel des fraudeurs. Tangi se demanda si elle n'était pas un peu gâteuse, elle avait l'air de le prendre pour son petit-fils, venu prendre le café après une longue absence.
‒Mange, donc. dit-elle en lui mettant le plat devant, l'obligeant à déplacer sa tasse pour éviter la catastrophe.
Elle lui faisait penser à sa grand-mère maternelle, qui avait fini sa vie à l'hospice en suçant des bonbons au miel.
‒C'est gentil madame, merci, je n'ai pas très faim.
Il était même noué, pour tout dire, un sacré nœud de marin, même et par-dessus le marché totalement incapable de retrouver un seul fil de son texte.
Apollo 13 était perdu dans l'espace.
Un grain de sable, dans l'immensité de l'infini, n'est pas près d'en rencontrer un autre.
Elle grimpa sur sa chaise, une chaise à haut dossier, d'où elle ne touchait pas le sol, et qui lui donnait l'air d'un juge. Sa chaise à lui avait un dossier normal et le jury des chouettes miniatures s'alignait sur un living, leur regard de porcelaine fixé sur lui. Au mur, juste au-dessus, la photo d'un homme les surplombait, présidentiel, auquel il ne manquait que les drapeaux, les livres dans la bibliothèque.
Le mari, décédé quelques années plus tôt. C'était dans son dossier.
Tangi se sentait impressionné en même temps que ridicule de l'être, et son trouble lui fit négliger pendant une seconde la boiteuse géométrie de son siège.
La chaise tangua comme une bête de rodéo, donnant sous les reins du jeune homme un coup de roulis, la claque d'un éclair dans sa poitrine quand il crut un instant qu'il allait tomber à la renverse. Il réussit à rétablir l'équilibre, décida de placer le bout de sa chaussure sous la jambe trop courte.
‒Il n'est pas trop chaud ?
Il avait le pied à quatre-vingt-dix degrés, coincé sous la chaise, un pouce à demi-brûlé et il venait officiellement d'oublier pourquoi il était venu.
‒Le doigt ?
‒Le café.
‒Oh. Parfait.
‒Tu veux du lait ? Édouard prenait son café avec du lait. Du lait écrémé. Il ne supportait pas autre chose. Mais je n'ai que que du lait entier. Mon médecin...
Elle était encore partie. Attente du prochain passage. Soixante seize ans la comète de Haley, disait-on.
Il soulagea son pied, pendant son absence, tout en prenant une gorgé de café, pour ménager de la place au lait, appuyé sur le bord de la table.
Il replaça son pied sous le pied lorsqu'elle revint avec le lait.
‒Un nuage, merci.
En le servant elle vit la jambe de Tangi bizarrement tordue, mais ne dit rien. Elle se contenta de verser le lait comme s'il s'agissait de l'affaire la plus minutieuse qui soit.
Tangi crut deviner qu'un léger sourire se dessinait sur ses lèvres pendant qu'elle posait le broc de lait à côté de la cafetière avec une lenteur rituelle, mais il n'aurait pu en jurer.
Elle se réinstalla dans son fauteuil qui avait du être, avant sa disparition, celui d'Édouard. Si ses souvenirs du dossier étaient fidèles -cela lui revenait maintenant par bribes- Édouard avait travaillé aux services fiscaux, dans les contentieux, ce qui rendait la situation présente particulièrement ironique. La veuve d'un agent du fisc soupçonnée d'escroquerie à la CAF, voilà qui était savoureux.
Mais quelque chose clochait là-dedans.
D'ordinaire il savait repérer les menteurs dès les premières minutes, un regard, une excitation anormale, un ensemble de signes révélateurs.
Il avait vu tous les épisodes de Mentalist. Au bureau, le Mentaliste était d'ailleurs son surnom, et il affectait de croire que ses collègues ne l'appelaient pas ainsi juste pour se ficher de lui.
Elle semblait attendre.
Tangi lui lima un sourire contraint, tâchant d'oublier la position de son pied, dont il commençait doucement à perdre la sensation, hormis sous la plante, qui se creusait en fourmilière. Pas sûr qu'en se relevant il puisse se maintenir debout. Pour combler le vide -le vide du silence de sa tête- il but une rasade de café en prenant son temps. La tasse lui dévorait les doigts, le pouce  le lançait comme s'il avait quintuplé de volume.
Comment ce café pouvait encore être si chaud ? Il cherchait son discours, mais la capsule avait dérivé, au-delà de la portée de ses neurones, et Houston, pendant ce temps, sirotait son café tranquillement, aussi tranquillement que s'il n'avait pas été chauffé à blanc. Par bravade -bravade ? Mais c'était une vieille dame!-il tint à ne pas montrer sa douleur et but à petits coups, avec la plus grande dignité dont il pouvait faire preuve.
Puis il reposa lentement sa tasse, affable, couvrant son calvaire d'une raideur stoïque.
‒Madame Le Floc'h. commença-t-il, sans l'once d'une idée sur ce qui allait suivre.
L'intéressée appuya son regard bienveillant sur le jeune homme, avala un long trait de café, ce qui n'aurait pas manqué de provoquer chez lui, s'il l'avait imité, de graves lésion internes. Elle ne cilla pas, continuait à le scruter paisiblement, presque avec encouragement.
‒Madame Le Floc'h. répéta-t-il, selon le mode de l'enfant qui récitant sa poésie, et en ayant oublié la majeure partie, tente vainement de la retrouver en répétant ses premiers mots.
‒Je m'appelle Tangi. Thulliez. Tangi Thulliez.
Commencer par les bases, c'était bon, ça. Peut-être oublier le reste du pedigree, ce n'est pas un entretien d'embauche.
Simon Baker avait fière allure.  Pourvu qu'ils n'apprennent pas cela, au bureau !
Bien. Où était la suite ?
Il concentra toutes les forces de sa volonté, qui en ce moment tenaient dans l'embryon d'un noyau de pêche.
Apollo 13, où êtes vous ? Vous n'êtes plus sur les écrans !
A son avis il n'existait pas de technologie capable de retrouver sa trace, dans ce fichu cosmos.
Il fut mentalement touché par le passage d'une idée qui venait de le traverser comme un astéroïde.
‒Un gâteau?
L’astéroïde avait disparu, emportant l'idée.
La vieille dame trempa un palet dans son café, pour lui montrer la marche à suivre.
Amorçant sa descente Apollo 13 franchit d'un bond l'atmosphère, se brûla les doigts et atterrit, se planta droit sur le pied utilisé comme cale. Cela lui fit à peu près le même effet que s'il s'était lui-même coincé le doigt dans une porte, trouvant étrange tiens que cette porte ne ferme pas bien, quelque chose doit la bloquer...
Il serra les dents, qui lui parurent vouloir rentrer dans ses gencives. Il retira le pied scié net aux tendons, se rattrapa d'un coude, empoigna le mug pour faire bonne figure et connut le remarquable pouvoir de conservation calorifère de la céramique.
C'était tout bonnement prodigieux.
Il avait le choix entre deux options, qui se résumait à choisir que sa main fasse définitivement corps avec le mug en gardant sa dignité, ou sauver son membre et choir lamentablement à terre, car son pied ankylosé au-delà du dernier stade n'aurait pas consenti à lui venir en aide.
Il ne manquait plus que le lustre se décroche, au-dessus de sa tête, et c'était fini. Par Toutatis.
A nouveau il tenta de rassembler ses esprits, qui étaient du côté des anneaux de Saturne, rattrapa au vol un des débris qui tombaient maintenant autour de lui, comme une pluie de shrapnels.
‒Je suis contrôleur à la CAF.
Elle sourit, immobile. On aurait dit qu'elle n'avait pas compris.
‒La CAF.
Ça pleuvait, tout à coup, mais les morceaux n'arrivaient pas dans le bon ordre.
‒Les allocations familiales. L'aide au logement, l'allocation enfant. Enfin, pas pour vous.
Elle grignota son palet au-dessus de sa tasse, étirant le cou, pour ne pas faire de miettes. Tangi regarda autour de son café, qu'étoilait une myriade de poussières dorées. Il se sentit comme un petit garçon pris en faute, le petit garçon que sa mère réprimandait d'un coin de regard au salon de thé, avec les amies de grand-mère.
Du tranchant de la main, il rassembla les miettes comme ses bouts de texte, dressant un petit tas au bout d'une traînée plus sombre, qu'une goutte de café avait aggloméré.
Il n'avait pas imaginé, jamais, que prendre le café put être si compliqué.
‒Nous avons étudié votre dossier, madame le Floc'h.
Il cacha ses mains sous la table, s'essuya les miettes de gâteau collées sur son pantalon.
Une trace noire sur la nappe formant avec l'amas de poussière une flèche qui partant de la vieille dame sur son siège de juge, le désignait comme le doigt de dieu.
‒Vous touchez de l'argent, pour l'appartement.
Il lui avait semblé qu'elle opinait de la tête mais il n'en était pas bien sûr.
‒Nous avons décelé quelques irrégularités.
Son visage de souris resta impassible, conservant cette bonhomie maternelle qu'il ne parvenait pas à déchiffrer.
Apollo 13 venait-il de découvrir une civilisation inconnue, sur la face cachée de la lune ?
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MessageSujet: Re: Un café   Un café Icon_minitimeDim 8 Sep 2013 - 15:30

J'ai eu du mal à rentrer dans l'histoire, c'est assez farfelu et pas forcément très clair.
Il y a beaucoup de choses qui se mêlent mais la qualité de la langue et l'humour m'ont plu!
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MessageSujet: Re: Un café   Un café Icon_minitimeJeu 12 Sep 2013 - 8:51

La deuxième partie, en orbite!

...

C'est à peine s'il pouvait reconnaître sa propre écriture, sur le dossier qu'il venait de sortir de sa sacoche. Est-ce que sa sacoche pouvait aller sous le pied trop court de sa chaise ?
Elle l'écoutait d'un air studieux et poli, mais comme si tout cela ne la concernait pas vraiment.
-‒Vous...vous touchez une pension de votre mari, c'est cela ?
Elle confirma d'un bref mouvement de tête, allant prendre la photo au-dessus des chouettes.
‒Édouard...
Son esprit parut refluer vers un lointain passé.
‒C'est drôle, il a toujours tenu à passer en premier, devant moi, pour tout. A l'entrée du restaurant, il me tenait la porte, montait d'abord les escalier. Des hommes comme cela on n'en fait plus, de nos jours. Maintenant c'est l'égalité, et chacun veut passer devant.
Tangi ne savait pas si c'était drôle et il ne put rien répondre, se contenta de sourire évasivement.
C'était Houston qui avait pris les commandes de la capsule et il était impossible de dire si à terre on ne s'amusait pas follement à lui faire des ronds dans le ciel, sous la direction d'un Jango Edwards au sommet de son art.
‒Il ne s'était pas trompé, pour cette fois là non plus. Il est parti avant moi. Il ne se trompait pas souvent, il avait un don pour cela, surtout avec les gens.
‒Cela devait beaucoup lui servir dans son travail.
Elle hocha distraitement la tête, toute à ses souvenirs.
Il jeta un œil sur le cadre, où Édouard le toisait, l'air profond et hiératique d'une justice. Détournant le regard, il croisa celui de la vieille dame, qui l'observait au scalpel.
Elle était gentille, charmante, mais quelque chose émanait d'elle qui le mettait mal à l'aise. A moins que cela ne vint de lui. Il voyait peut-être des choses qui n'existaient pas, tant il est vrai que ce que l'on voit dans les gens n'est que le reflet projeté de soi. Des ombres de nos propres esprits.
‒Nous avons vérifié, et vos revenus réels ne correspondent pas à ceux que vous avez déclaré.
Son visage s'éclaira tandis qu'elle avalait son dernier quart de palet.
Tangi tenta de deviner si elle feignait la surprise, mais ses talents de mentaliste étaient ici totalement impuissants, se heurtant à la trajectoire de deux yeux comme des balles à bout portant.
Apollo 13 s'écrasait net sur la surface gelée de la Lune.
Tangi reprit son explication, essayant de lire les lignes inscrites sur les feuilles du dossier, qui s'embrouillaient devant ses yeux, racontant une histoire qu'il ne comprenait pas comme un film pris en cours.
‒Sur les cinq dernières années, vos déclarations de revenu ne font nullement mention de cette pension, seulement de votre retraite, mais le montant n'est pas non plus conforme, un détail...Madame Le Floc'h ?
Elle venait de se lever, et se dirigeait vers le living.
‒Continuez, je vous écoute.
Elle replaça le mort au-dessus du collège des chouettes, ouvrit un tiroir dont elle sortit une boîte à lunettes, et fit demi-tour, pour revenir se mettre à côté de lui.
Les fines montures lui donnait l'air d'une institutrice minuscule rapetissée par des enfants facétieux, qui rirait de ces gamineries.
Elle se pencha sur les feuilles, épaule contre épaule, comme elle vérifierait une copie.
Il inversa des feuillets, en souleva une pour qu'elle put mieux la lire.
‒C'est mon écriture. dit-elle comme si elle faisait une découverte exceptionnelle.
‒Vous le confirmez ?
‒Bien sûr. C'est moi qui ai écrit cela.
C'était dit avec le plus grand naturel.
‒Malheureusement ce n'est pas le bon chiffre que vous avez mis. Et sur les quatre autres c'est pareil. On n'est pas remonté plus loin, on n'a pas le droit de revenir plus loin que cinq ans. Votre mari...quand est-il décédé ?
‒C'était en avril.
‒Quelle année ?
‒Il y a douze ans. Le colon.
‒Le colon ?
‒Le cancer du colon.
‒Pardon. Oui, bien sûr.
Cinq ans. Le plus étonnant était que personne n'avait rien remarqué jusque là. Pourtant vu l'adresse...Les beaux quartiers. Une belle vue, un immeuble bourgeois, les petits napperons sur les tables.
Il était probable que la fraude soit bien plus ancienne, ils n'auraient jamais aucun moyen de savoir, les archives étant passées par la déchiqueteuse.
‒Je voudrai bien attester de votre bonne foi, mais une pareille erreur ne peut raisonnablement pas se répéter autant de fois.
Elle avait pris un des feuillets à la main, l'examina attentivement, semblant la découvrir pour la première fois malgré la trace de son écriture.
‒Les chiffres c'était Édouard.
Elle abaissa la feuille, puis la posa avec douceur sur le tas.
‒-C'est monsieur Berthelot, depuis, qui m'aide pour les papiers. Les impôts, et tout ça.
Elle fit un geste.
‒Monsieur Berthelot ? Qui est-ce ?
‒C'est mon médecin. dit-elle, comme d'évidence. Pardon, c'était. Il nous a quitté le mois dernier. Les poumons.
Voilà qui était triste. Triste et commode.
Mais cela ne changeait rien au bout du compte. Peu importait qui avait commis le flacon, l'ivresse était la même.
‒Bon. Mes condoléances.
Elle trotta jusqu'à son fauteuil.
‒Par ailleurs vous avez coché quelques cases qu'il ne fallait pas.
‒J'ai du décaler. Ou dans le doute, j'ai du cocher.
Elle se foutait de lui ?
‒A la ligne « personnes à charge » vous avez mis une croix dans la case oui. Là. Vous n'avez pas d'enfant, madame Le Floc'h ? Je veux dire, en bas âge ? Des enfants qui vont à l'école ?
‒Penses-tu non, cela fait longtemps qu'ils ont quitté la maison. Quand même.
Elle lui reprochait presque d'avoir posé une question aussi stupide.
‒Ils font leur vie, maintenant...
Elle calculait dans sa tête. Ça avait l'air d'être mieux rangé que dans la sienne.
‒Jacques vient de fêter ses cinquante ans, alors tu vois ça. Et la petite a trois ans de moins.
C'était charmant d'appeler petite une dame de quarante sept ans qui avait l'âge de sa mère.
‒Alors pourquoi avez vous dit que vous aviez une personne à charge ?
‒C'est la femme de ménage.
Tangi avait mal entendu.
‒La femme de ménage. Elle remplit aussi vos déclarations ?
Que dirait le médecin s'il se savait remplacé par une femme de ménage ?
‒Bien sûr que non. Elle fait mon ménage. C'est pour cela que je le dis.
‒Je ne vous suis pas.
‒Je pensais que cela concernait des charges de personnel. Ça n'était pas les charges de personnel ?
‒Non. dit Tangi, du poil de la bête. J'espère que le docteur Berthelot était meilleur médecin que comptable. Pour la prochaine fois, un conseil, prenez directement contact avec le ministère des finances.
‒Je n'y manquerai pas.
Une colère subite monta en lui, qu'il refréna à grand peine. Elle se payait sa tête ! Mais c'était impossible, une dame si charmante !
L'instant d'après il était presque aux larmes, voulant s'excuser, il avait été incorrect. Pourtant rien dans les paroles de la vieille dame ne montrait qu'il l'avait choquée en quoi que ce soit. Elle offrait toujours le même visage compatissant, maternel, de la grand-mère qui donne des bonbons et une petite pièce.
‒Madame Le Floc'h, je vais avoir du mal à convaincre mes supérieurs de votre bonne foi.
‒Prends un autre gâteau, donc.
‒Non merci, j'en ai déjà...
‒Sinon tout va partir à la poubelle, il y en a trop pour moi toute seule. Anne, elle, n'aime pas ça. dit-elle comme si c'était quelque chose de tout à fait incompréhensible. Pourtant c'est une bretonne, une vraie bretonne, pas une demi-sel. Elle est des Monts d'Arrée, ce n'est pas drôle ?
‒Si. Enfin, je ne sais pas.
‒C'est vrai qu'Édouard n'était pas très fort sur les fruits de mer et il était du Conquet, mais comme on dit les chausseurs sont les moins bien chaussés.
Tangi prit un palet, par politesse, l'estomac nerveux.
‒Bien, je...qui est Anne ?
‒Ma femme de ménage.
Elle ôta ses lunettes, les plia, les rangea dans la boîte ouverte telle une mâchoire.
Elle ne semblait plus faire attention à ce qu'il disait, si tant est qu'elle l'eut fait avant, mais décidé à en finir Tangi reprenait un peu plus confiance :
‒Vous n'avez jamais trouvé étrange qu'on vous verse autant d'argent? Cela fait une somme, tout de même, tous les mois. Ne me dites pas que vous ne vous en êtes pas rendue compte.
Le visage de la vieille dame disparut un instant derrière la reine d'Angleterre, reléguée à l'état de décoration de vaisselle.
‒Oh oui. Je regarde mes relevés, tout ceux que je reçois de ma banque, mais tout ces chiffres...
‒Laissez moi deviner, c'était Édouard...
Cinq années la même erreur, c'était dur à avaler. On ne le croirait jamais, au bureau.
Il ne savait que penser, sinon que comptabilité faite ce serait la même danse et qu'au final, vu l'étalement des mensualités elle ne rembourserait jamais sa dette, que la France en serait pour son argent. Est-ce que tout cela en valait la peine ? Quel âge pouvait-elle avoir ? Dans les quatre-vingt ans, par là ? C'était dans le dossier mais il n'arrivait pas à se remettre l'information, et il n'était plus très sûr de tout ce qu'il contenait.
‒Nous allons devoir parler remboursement. dit Tangi, presque sur le ton d'une question.
‒Bien. Combien je te dois ?
Elle avait sorti un porte-monnaie en cuir, minuscule, un de ceux qui ne peuvent contenir que trois pièces et une épingle.
‒94.650 euros. Et trente-cinq centimes.
Elle fouilla une fraction de seconde, puis, s'arrêta.
‒Il va me manquer.
Tangi mangea rageusement son gâteau. Il avait presque oublié son doigt torturé et son pied qui faisait des exploits de géométrie.
Elle aussi allait lui manquer. Les petites chouettes de porcelaine, belles comme ses billes d'enfant, et le portrait du maître au-dessus. Il se sentit tout à coup minable, ridiculement minable.
Par la fenêtre on voyait la mer et deux mouettes jouaient dans les airs.
Le cliquetis de sa montre sonna midi, à une seconde d'intervalle de la grande horloge qui se balançait dans l'angle. Déjeuner, puis trois dossiers encore, et le retour sur terre. Il n'avait pas faim.

Fin
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MessageSujet: Re: Un café   Un café Icon_minitimeJeu 12 Sep 2013 - 11:16

Tiens, je suis passée à côté de celle-ci visiblement? Voyons si je peux rattraper mon retard avant de filer en cours.
Spoiler:
Ah, le devoir m'appelle, je corrigerais la deuxième partie cet après-midi! C'est excellent en tout cas, j'ai hâte de découvrir la chute.
Edit : me revoilà donc, évitons le double post.



Spoiler:
Hum, je suis extrêmement frustrée par cette deuxième partie. Je n'ai pas l'impression qu'on ai beaucoup avancé par rapport à la première, et je m'attendais à une chute beaucoup plus percutante. Et puis même s'il semble avoir un rapport étrange avec cette vieille dame, cela me semble étrange qu'elle lui manque. Je ne sais pas quoi dire d'autre, pour le coup je suis vraiment surprise, j'ai l'impression que ça tombe un peu à plat. J'ai du mal à saisir l'effet voulu...
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