Atelier d'écriture
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

Atelier d'écriture

Communauté d'écrivains en herbe
 
AccueilRechercherS'enregistrerDernières imagesConnexion
Le deal à ne pas rater :
Bon plan achat en duo : 2ème robot cuiseur Moulinex Companion ...
600 €
Voir le deal

 

 La Légende d'Ëlhia. [Roman]

Aller en bas 
AuteurMessage
Invité
Invité
Anonymous



La Légende d'Ëlhia. [Roman] Empty
MessageSujet: La Légende d'Ëlhia. [Roman]   La Légende d'Ëlhia. [Roman] Icon_minitimeVen 11 Sep 2015 - 20:14

Partie 1 : L’immobilité émouvante.


Chapitre 1.



1


– Lucie Amiran !
La voix grave d'André Bulock l'expulsa de sa rêverie.
La ramenant face à lui.
– Lucie Amiran, ça fait trois fois que je vous appelle, qu'est-ce qui vous préoccupe tant pour que vous ne daigniez pas répondre à ma question ?
Elle dirigea son regard à travers la fenêtre.
– Il neige...souffla-t-elle.
– Il neigeait il y a une semaine, rétorqua-t-il, je sais à quel point vous aimez la neige mais si…
Lucie secoua la tête.
– Il a neigé il y a six jours, contredit-elle.
Puis, fixant les yeux durs de son psychiatre :
– Et je n'ai jamais autant aimé la neige qu'aujourd'hui.



2


Six jours plus tôt.

Suivant son long voyage dans l'espace, la neige se déposait sur les toits et gouttières, sur le bitume noir des rues et les pavés blancs des places. Aux alentours les gens se pressaient, emmitouflés dans des vestes qu'ils serraient au niveau du col.
Perdue dans ses pensées, Lucie ne sentit pas la première de ces petites boules blanches fondre dans le roux de ses cheveux. Ni la deuxième, ni la troisième.
L'adolescente rêvait. Elle rêvait d'un monde sans voitures et sans autre frontière que celle qui sépare les hommes des hommes-cochons, habité par des monstres sanguinaires dotés de mandibules acérées ou de groins douteux, habillé de grandes métropoles et d'une chaîne montagneuse réputée infranchissable, dessiné de déserts et de plaines, de forêts et d'océans. D'un monde avec ses merveilles et ses horreurs. Et dans ce monde une femme. Une héroïne dont elle suivait les aventures dans une trilogie. Ellana, l'héroïne, allait-elle mourir ? Allait-elle retrouver son fils ? Le sauver ?
Rien ne revêtait plus d'importance pour Lucie, pas même la neige. Aussi si cette dernière la recouvrait peu à peu et comblait sa capuche, elle ne s'en rendit compte qu'une fois aux portes d'un centre commercial.
Lucie laissa ses yeux papillonner, s'émerveiller de voir et sentir enfin ce qu'elle appelait « les baisers de l'hiver ». Puis elle sourit, renversa la tête en arrière et inspira. Les bras écartés.
Lorsqu'un rayon de soleil éclaira son visage, un petit lit de flocons glissa de son manteau pour choir à terre. Les secondes s'étirèrent jusqu'à ne plus avoir de limite. Vers elle les yeux cheminèrent, comme des esquifs vers un phare.
Elle le savait : il lui faudrait plus d'une avalanche de baisers avant de considérer étouffer sous le nombre.
Pour Lucie, la neige était chaude.
Elle cligna des yeux et reprit sa marche sous le regard interloqué des gens. A Clermont-Ferrand, une grande librairie jouxtait la place Jaude. Elle y pénétra, traversa l'affluence et gravit les escaliers.
Quand elle arriva aux rayons d'écrits pour enfants, elle manqua de heurter une femme enceinte et s'excusa. Être ailleurs ne devait pas l'empêcher de faire attention aux autres. Encore moins à une femme enceinte. Une femme enceinte, c'est deux vies dans un corps…  
Quand elle mit les doigts sur la côte du livre désiré et le prit entre ses mains, elle ne put s'abstenir de songer à sa mère. Elle qui ne voulait même pas lui donner un peu d'argent pour prendre ces trois livres qui lui étaient si chers. Lucie ravala sa bile, l'ouvrit et se détendit comme par magie. Alors elle put s'asseoir.
Ses yeux bistres allaient d'un bout à l'autre des lignes et des pages, chuchotant à ses lèvres de s'étirer lors de jolis moments. Elle lut et lut une heure durant. Elle apprit ainsi bien des choses et sourit plus encore.
Son bonheur lié à la perfection avec ses longs cheveux roux en bataille, formait un tableau peu commun. Cette lumière dans la toile n'était pas sans rappeler à l'adolescent qui déboucha près d'elle, celle de la Jeune Fille à La Perle, de Vermeer. Œuvre qu'il avait eu loisir de contempler il y a quelques années. Seul tableau potable selon lui, de sa maigre liste de connaissances.
Il se figea, amusé de constater que sa présence n'était pas prise en compte.
Elle fut bouleversée de voir à quel point, avec ses mots, l'auteur glissait en elle.
Il s'accroupit pour mieux l'observer.
Elle entrouvrit la bouche, frappée par ce qu'elle lisait.
Il sourit.
Elle rit.
Puis elle le vit. Ses yeux muèrent en deux grands lacs crépusculaires, ses mains plaquèrent le livre ouvert contre sa poitrine comme pour le protéger ou se protéger, ses jambes en tailleur se contractèrent et une mèche rebelle lui vint dans l’œil. Elle la souffla doucement.
Ce qui chez lui la frappa, fut tout d'abord son regard. Non pas que ses yeux ne fussent étranges - ils contenaient plus d'or que de noir -, mais son regard l'était d'avantage. Ensuite ce fut sa façon de se tenir; détendu. Comme s'il prenait son bain.
Lorsqu'il ouvrit la bouche pour parler, dévoilant des dents blanches, droites et aiguisées, elle inspira et n'expira plus. Laissant en suspens l'instant.
– Continuez, je ne voulais pas vous interrompre.
– Vous me fixez comme le lait sur le feu, comment voulez-vous que je continue ? réussit-elle à lâcher.
– Peut-être est-ce ce que vous étiez : un lait sur le feu. Vous débordiez sur la cuisinière.
Dans leur rencontre, ni l'un ni l'autre n'éprouvait le besoin de bouger. Ce fut avec une petite moue qu'elle lui offrit ces mots :
– Vous auriez dû me laisser déborder. J'étais bien.
– Vous admettrez qu'il n'est pas évident de ne pas vous regarder.
– Ah bon ?
Elle se sentait idiote d'avoir posé cette question, mais c'était sorti. Le reste faisait son chemin : le garçon ne répondit pas et se contenta de l'observer, démontrant mieux qu'un discours l'inutilité de sa réaction.
Elle rougit, ce qui fit briller ses pupilles.
Puis elle ouvrit la bouche et la referma aussitôt, ayant pris conscience qu'une autre bêtise allait s'échapper. Ce qui le fit sourire.
Finalement il se hissa sur ses jambes, la ramenant quelque peu sur terre. Elle se leva avec lui et un grognement à l'encontre de ses chevilles, châtiées entre le sol dur et ses fesses fermes. Elle se pencha pour les masser en grimaçant (ses chevilles), et sortit d'instinct son téléphone portable. Il indiquait dix-huit heures trente. Oh non ! Elle tourna sur elle-même, regardant à ses pieds, regardant même ses pieds, cherchant quelque chose sans savoir quoi. Quand elle réalisa que c'était le livre et qu'elle le tenait en main, elle buta dessus sans comprendre comment il était arrivé là. Elle le rangea avec soin, fébrile.
Enfin Lucie se tourna vers le garçon, qui la dominait d'une bonne tête. Elle se força à se calmer.
– Je dois vous laisser...
– Bien-sûr. Si ce n'est pas trop indiscret : pourquoi une telle précipitation ?
– Ma mère n'aime pas quand je suis en retard. Je dois rentrer à sept heures.
Dans sa voix tremblait le rancœur.
– Vous avez un numéro de téléphone portable ? enchaîna-t-elle.
– Non.
– Un téléphone fixe alors ? Tout le monde a un téléphone fixe.
Une adresse e-mail ? Un pigeon voyageur ?!
– Pas moi.
– Mais...vous êtes injoignable ?
– C'est à peu près ça, sourit-il.
Puis devant son désarroi.
– On se retrouvera bien assez tôt. Filez avant de ne plus pouvoir rattraper votre retard.
Lucie recula en enregistrant son visage : la finesse de ses lèvres et de son nez, autant que l’ampleur de son regard; le rideau court et noir de ses cheveux, l'étincelle de ses yeux; la taille de son buste, la force dans ses épaules, la bienveillance dans ses mains. Mains qu'il avait d'ailleurs grandes.
De grandes mains rassurantes, pensa-t-elle.
Puis elle se retourna et s'en fut.

Ce n'est qu'une fois dans la rue, courant dans la neige, qu'elle comprit avoir omis de lui dire l'essentiel : elle n'avait pas tout son temps pour profiter de la vie.


* * *


Ëlhia passa une main dans ses cheveux.
Il respirait avec calme, comme à son habitude. La musique diffusée dans les baffles disséminées ici et là lui tapait sur les nerfs. C'était une voix aiguë qui s'en échappait, mais c'était un homme qui chantait. La batterie était monotone et soûlante, la guitare électrique stridente. Cette fille rousse avec son naturel rêveur l'avait emporté suffisamment loin pour qu'il en oublie le bruit. Mais à peine était-elle partie, que celui-ci rugissait de nouveau.
Il détestait les villes. Il détestait la fumée âcre des autos, les murs et les beuglements intempestifs des nombreuses (très nombreuses) créatures de mauvais poil. Au reste, comment pouvait-il en être autrement dans les villes ? On ne respirait pas, on étouffait. Et comme toute personne étouffée, on éprouvait le besoin vital de se faire entendre.
Il aimait la vieille femme qu'il hébergeait. Assez en tout cas, pour venir au pire endroit au monde prendre un bouquin qui n'avait aucune importance pour lui. Il aimait la fille rousse. Assez en tout cas pour lui avoir dit qu'il reviendrait.
Ëlhia prit le livre qu'elle lisait et en parcouru la quatrième de couverture. Il n’hésita pas longtemps avant de prendre la trilogie complète sous le bras, se dirigeant vers les livres pour adultes. Celui qu'il cherchait était bien là, visible parmi tous de par sa taille et sa position. Il le prit dans sa main droite et fila les payer, désirant partir au plus vite.

Si traverser la ville prenait du temps, s'en éloigner en prenait d'avantage. Dans sa main droite, un petit sac bleu marine fourni par les caissières de la grande librairie, contenant les quatre livres achetés. Dans sa main gauche, un brin d'herbe sectionné en cours de route. Sur son dos, un lourd sac à dos rempli d'aliments. Son jean était si vieux et usé qu'on aurait dit un clochard, mais tout de lui dénotait le contraire. Son visage n'était ni crasseux ni fiévreux. Ses yeux reflétaient à la fois l'aube et la nuit, sans jamais s'éteindre. Son début de barbe n'était pas encombré de victuailles. Son manteau était simple, propre, son t-shirt dépourvu de la moindre trace. Et puis, il se tenait bien, droit, fort. Pas comme ces malheureux sans le sou. Au reste, ne vivant que de petits boulots épars et des économies d'Anne-Lou, il se considérait un peu comme un clochard. C'était à peine s'il pouvait se payer la nourriture et les besoins tyranniques de sa chère Anne, d'engloutir les écrits.
Ëlhia aimait à se dire que, si la vieille femme avait eu le même appétit pour les tartines de viande-moutarde, il n'en aurait rien resté pour lui.
Sa demeure trônait entre pins et buissons, encastrée dans une vallée difficilement accessible. Un petit potager en contre-bas. Il y jeta le brin d'herbe et tapa ses chausses pleines de neige avant d'ouvrir sa porte. Fourbu et fatigué, la nuit à son apogée. La pleine lune l'avait éclairé comme il l'avait escompté, et si cela n'avait pas suffit, il possédait une lampe frontale.
Il tira le rideau servant à tenir le froid dehors, retira sa veste et l'accrocha. Une bougie éclairait la table inoccupée. A côté d'elle, sous un couvercle, un plat préparé par Anne-Lou. Il était encore chaud. Il remit le couvercle, prit la bougie et se dirigea vers le lit de la vieille femme. Elle était là et avait les yeux ouverts.
– Tout s'est bien passé ? Questionna-t-elle, la voix ensommeillée.
– Très bien, répondit-il en couchant ses lèvres sur une joue striée de pattes d'oie. Je pose ton livre sur la table de chevet.
Ce qu'il fit. Mais la vieille femme ne manqua pas de remarquer que le petit sac bleu contenait autre chose.
– Tu as pris autre chose ?
– Mmh, oui. Je me suis permis cette folie.
– En quel honneur ?
L'adolescent sourit.
– J'ai rencontré une petite lumière. Dors maintenant, nous parlerons demain.


3


André Bulock porta le goulot d'une bouteille d'eau à sa bouche. Il n'en prit qu'une gorgée. Puis il y remit le bouchon et la déposa à même le sol, au pied de son fauteuil. Au dehors la neige poursuivait sa danse, le soleil montait dans le ciel. La lumière avait été aveuglante, aussi le psychiatre avait-il usé de ce prétexte pour baisser les stores. Que Lucie cesse de tourner la tête vers le jour et le regarde.
Toutefois, l'adolescente ne le regardait pas. Ses yeux éclairés par un rayon filtrant à travers l'un des interstices des stores, fixaient la bouteille fraîchement déposée au lieu même d'une autre lueur, l'eau rayonnante bercée de droite à gauche. Quelques gouttes coulant sur le plastique intérieur de la bouteille. Affalée sur un fauteuil en face de Bulock, elle souriait étrangement.
– C'est une rencontre étrange, commenta l'homme.
Lucie hocha la tête doucement, toujours le regard dans le vague.
– Les yeux jaunes et noirs ? Poursuivit-il. C'est rare. Aucun moyen de le joindre ? C'est louche. Le visage d'un ange ? Vous êtes tombée amoureuse, Lucie !
Sa remarque sonnait comme une réprimande. L'adolescente haussa les épaules avec un petit sourire :
– Peut-être. Mais ce n'est pas le plus important.
Bulock bougea dans son siège, gêné.
– Ah oui ? Et qu'est-ce qui est plus important que l'amour ?
– L'amour et « tomber amoureuse » sont deux choses différentes…
Elle leva la tête et, la lumière sur ses pupilles glissant sur ses lèvres, plongea son regard dans les yeux troubles de son psychiatre. Laissant le temps aux mots de faire leur chemin.
– L'amour est envol, continua-t-elle. « Tomber amoureuse », outre le fait que l'expression est stupide, nous rend dépendant. Je ne suis pas dépendante de lui, monsieur Bulock. ( Elle sourit, s'avançant légèrement, et dieu seul sait comment devant tant de charme l'homme put écouter la suite.) Je ne suis pas dépendante de lui et je l'aime…!
Après quoi, elle s'adossa et profita du confort du fauteuil. Il fallut deux minutes à André pour se ressaisir, alors raclant sa gorge, il la questionna. Penaud. On eu dit que les rôles étaient échangés; celui qui sait ne fut plus cet homme cinq minutes plus tôt arrogant.
– Pour...pourquoi l'aimez-vous ?
Le regard de Lucie avait bien changé en quelques jours. Aujourd'hui et à cet instant, il se fit dur, intense.
– Parce qu'il me dit : « va ! ».[/size]
Revenir en haut Aller en bas
 
La Légende d'Ëlhia. [Roman]
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Daltehyon - La Légende de Dakréos [Roman]
» Légende (sondage)
» Légende : Le Défi des Dieux
» Hommage à une Légende...
» Légende oubliée

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Atelier d'écriture :: Au coin du feu :: Archives fantasy-
Sauter vers: