Tartares.
Elle roule sur le côté, entraînant la couette vers elle.
Dans les cendres glacées de nos ébats, je fixe le plafond.
Plus une caresse, plus un baiser, pas même un regard mi-clos ; l’amour est consommé, maintenant il se digère.
Nous étions deux à flamber, quelques heures plus tôt. Mais je suis seul à me consumer, à faner comme une braise esseulée.
J’en ai fumé, des nuits au bord du lit, sur son balcon ou bien dans sa cuisine.
Des heures à regarder les rêveurs et les amants invisibles dont les lumières parsèment la ville assoupie. Comme les autels d'un bonheur qui me serait interdit.
Elle flotte dans un monde qui m'échappe tandis que je sombre dans celui-ci qui me lasse.
Je ne vois que son dos ; son corps m'est une énigme.
La marée noire est montée par les fenêtres pour emporter son visage. Mais aussi sa voix, ses doigts et la douceur qu’elle me témoignait.
Trouble est la nuit, et telles sont mes pensées. Que ne donnerais-je pas pour voguer ou même pour m'échouer. Pour me fondre dans le sillage d’Ulysse je voudrais me damner.
J’en ai cuvé, des nuits sur sa terrasse, sur le perron ou bien dans son divan. Des siècles à me noyer, à suffoquer dans ces eaux sombres et vides.
Comme un forçat aux fers, au fin fond d'une épave.
J'hésite à prodiguer une caresse timide qui sonne comme une aumône. Mais me ravise quand elle exhale dans son sommeil.
Les mots d'amour qu'elle me susurrait ont été balayés par la brise régulière qui accompagne son voyage silencieux.
Que lui souffle Morphée qu'il refuse de me dire ? Je me tourne et me renverse entre les draps, balloté par un aquilon glacial.
J'en ai pleuré, des nuits près de ses bras, proche de son être mais bien loin de son âtre.
Des millénaires à soupirer ce je que ne peux exprimer.
Comme un pendu qui voudrait s'exclamer...
Quel est mon crime ?
Quels sont donc mes pêchés ?
De quelle colère cosmique suis-je donc la cible ?
Jamais l'amour n'est assez plein pour combler mes fêlures.
Nuit après nuit, j'arpente ces donjons dont je me constitue prisonnier par passion. J'évolue dans la fumée, les volutes et le funèbre ; je me consume encore un peu, je déambule dans l'absolu.
Je me ferai voyageur de chaque nouvelle aube, aussi avare de promesses
soit-elle. Et pour chaque matin qui me crachera au visage, je serai Sisyphe de la romance ou bien Prométhée du cœur de ces belles.
Tant qu’il y aura des âmes à séduire, je trouverai des dieux à défier.