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 Vieux.

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MessageSujet: Vieux.   Vieux. Icon_minitimeVen 5 Nov 2010 - 10:05

La nouvelle qui m'a fait commencer mon projet actuel. Sur son lit de mort, un vieil homme se souvient de sa vie.


J’ai mal. Mon corps entier n’est que douleur, mes membres sont lourds, mes os glacés. Je souffre mais ne peux rien dire. Prisonnier de la chair, invalide, inutile, croulant. Les mots ne manquent pas pour définir mon état. D’heure en heure, je sens la vie me quitter, mes dernières forces m’abandonnent. Ainsi la fin ressemble à ça… si j’avais su, je me serai suicidé en bonne santé.
Je suis bloqué sur cette chaise, incapable de faire un mouvement. On m’a mis devant la télévision, mais mes yeux ne peuvent voir les images. Tout est brouillé, y compris le visage de mes proches. Je ne les reconnais plus. Qui sont tous ces gens ? Je ne comprends même plus leurs paroles. Mon esprit divague, mes pensées ne parviennent plus à rester en place. Formuler une simple idée me prend des heures. Qui suis-je ? Pourquoi m’inflige-t-on pareille torture ? Les jours prennent l’apparence de minutes, des secondes paraissent des heures. J’aperçois des gens qui ne devraient plus exister. Leurs ombres me hantent, leur souvenir me terrifie. Ils semblent m’attendre, parfois j’entends leurs gémissements. Ils m’appellent. J’ai peur.

Des moments de ma vie me reviennent en mémoire. Mes jeux d’enfants dans les ruines de la guerre, les après-midi d’été passés avec mes amis, nos explorations, nos aventures, nos batailles pour rire. Mon visage se fige en un sourire. Où est donc passé cette époque ? Le monde était à nous, nous étions jeunes, innocents, pleins de rêves et d’espoirs. On se pensait immortels. La vie n’était que jeu et amusement. L’univers était rêvé pour nous. Puis est venu l’adolescence, l’école, des jeux différents ont remplacés nos anciens, on s’amusait encore mais déjà l’ombre nous rattrapait. Nous n’étions plus des enfants. A peine commencé, le songe se terminait déjà.
J’ouvre les yeux sur ma prison. Tout est flou, et seulement un vague son parvient à mes oreilles. Un grondement sans substance. Pourquoi s’obstinent ils à me laisser le poste de télévision allumé ?
Les heures passaient, pendant que j’essayais de retrouver le fil de mes pensées. Où en étais-je ? Le collège, les filles, l’usine… L’usine. On pensait que c’était normal. On était même heureux de pouvoir enfin travailler. On était des adultes, on allait au boulot. 10 heures par jour dans la chaleur et la crasse. A travailler pour un type qu’on n’avait jamais vu. A le rendre riche. Nous étions payés trois sous, on se morfondait dans les bistrots entre deux tournées, et on pensait que c’était normal. Il faut bien travailler. C’est dans l’ordre des choses.

J’ai gâché ma vie, je m’en rends compte aujourd’hui. J’ai épousé… comment s’appelait-elle déjà ? C’est sans importance finalement. Je me suis marié, j’ai eu des enfants, deux magnifiques garçons. Ou peut être trois… tout en continuant à me tuer à la tâche pour les élever. C’était pour eux que je faisais ça, pour leur permettre d’avoir une vie meilleure… c’est-ce que je me répétais, ce que je leur répétais sans cesse. Comme pour me convaincre moi même. J’aurai pu être artiste, j’aurai dû laisser quelque chose en ce bas monde. On vit pour créer une œuvre, pour parfaire la Création. N’importe quel homme est un génie potentiel. Moi je n’étais rien.

Ainsi soit-il. J’ai travaillé, j’ai aimé, pleuré, sué, râlé pendant tant d’années et je n’ai plus que des regrets. Mon lit de mort est froid, personne ne vient, personne ne s’intéresse à ma personne, car je n’ai rien accompli. Après plus de quarante ans de souffrance, j’ai accueilli la retraite comme une délivrance. Beaucoup de mes collègues avaient peur d’arrêter de travailler. La liberté peut être insupportable. J’étais déjà fatigué. Comment ma vie pouvait elle commencer à plus de soixante ans ? J’en paraissais dix de plus, je n’étais qu’une épave. La liberté que j’attendais depuis un demi siècle se révélait être une illusion. Je quittais l’usine, mais je restais chez moi, prisonnier de ma faiblesse, avec ma vieille femme. Seuls dans notre silence.
Les jours se ressemblaient tous, les semaines étaient semblables, ponctuées seulement des retransmissions des matchs de football à la télévision. Je m’ennuyais mais encore une fois, je pensais que c’était normal. Après avoir travaillé, il fallait se reposer. Rester assis, ne rien faire, attendre que le temps passe.

Et le temps a passé. A une vitesse folle. Rapidement, je me suis retrouvé hospitalisé pour une histoire que je pensais mineure. Mes genoux avaient flanché, l’usine avait laissé des traces. Je ne pourrai plus remarcher.
J’étais faible. Je ne comprenais pas. Une vie de travail pour cette récompense ? J’enrageai. Mes muscles s’atrophiaient, je maigrissais à vue d’œil, je commençais à perdre mes cheveux par poignée. Je déprimais, déversant ma frustration sur mes proches, qui s’éloignaient un par un. J’étais un sous-humain. Soixante sept ans d’existence sur terre pour en arriver là. Je me conduisais comme un gamin. Et dire que je me croyais sage.

Je revois mon passé comme s’il défilait devant mes yeux. Mes dernières larmes coulaient. Ma vie n’avait été qu’une succession d’échecs et de malheurs. Je n’étais personne, j’idolâtrais des gens qui ne le méritaient pas, je n’étais rien d’autre qu’une larve qui vivait pour vivre une journée de plus. Naitre, souffrir, suer, travailler, se marier, s’accoupler, avoir des enfants, prendre sa retraite puis mourir. Quelle triste existence. Pourquoi l’ai-je vécu ?

Tout était fini maintenant. La peur a elle-même disparu. Je ne ressens plus rien. Je ne me souviens plus. Tout s’arrête. Mon esprit s’envole et comme le papillon qui ne vit que quelques heures, je meurs.
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Rima68
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Rima68


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MessageSujet: Re: Vieux.   Vieux. Icon_minitimeVen 5 Nov 2010 - 17:14

Pas très joyeux, mais j'aime bien
juste
Citation :
Mes genoux avaient flanché
flanchés

Sinon c'est pas mal.
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MessageSujet: Re: Vieux.   Vieux. Icon_minitimeSam 18 Déc 2010 - 11:06

Oh c'est triste, j'en ai les larmes aux yeux :( . A la fin, je me suis dit " pauvre bonhomme " dont la vie a été vain ... la vie est compliquée ...
Sinon c'est bien écrit, c'est fluide , j'adore ... >.< n’empêche que ça me soûle de voir autant de talent . *rire*

Ps : J'aime bien la comparaison avec le papillon Razz .

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MessageSujet: Re: Vieux.   Vieux. Icon_minitimeMer 20 Juil 2011 - 12:44

J'aime ! Ses pensées sont très bien décrites !
On apprend, on travaille, pour vivre la belle vie ensuite, sauf qu'ensuite on est vieux et on ne peut même pas en profiter :s (je reprends un peu histoire de pas faire un commentaire trop court...)
J'ai beaucoup aimé cheers
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MessageSujet: Re: Vieux.   Vieux. Icon_minitimeMer 20 Juil 2011 - 13:12

Ah ouais, ça fait longtemps ça !
C'est ce texte qui m'a fait démarrer "un monde meilleur", mais je n'ai jamais su y retrouver le ton acerbe qui faisait tout l’intérêt de la nouvelle originale...
A force d'être trop dans le souvenir et la nostalgie, c'est devenu chiant à écrire... et encore plus à lire ! Faudrait que je le reprenne en y incorporant plus de mordant, de rage, de haine, de lassitude...

Merci pour ce commentaire en tout cas !
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MessageSujet: Re: Vieux.   Vieux. Icon_minitimeVen 22 Juil 2011 - 10:51

Ta nouvelle amène à cette réflexion sur le "vide" de la vie, sur les regrets que l'on pourra avoir de n'avoir pas vécu notre vie pour nous même mais d'avoir suivi un "schéma" qui ne nous ressemble pas, et d'avoir gaspillé notre temps sur cette terre.

Ça fait sérieusement réfléchir, j'ai beaucoup aimé également!
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MessageSujet: Re: Vieux.   Vieux. Icon_minitimeVen 22 Juil 2011 - 11:25

Rima68 a écrit:
Pas très joyeux, mais j'aime bien
juste
Citation :
Mes genoux avaient flanché
flanchés

Sinon c'est pas mal.

>>>> Non, c'est bien "flanché" . Cela s'accorderait si c'était l'auxiliaire "être".


En ce qui me concerne, je trouve l'idée intéressante, même si pas très gaie. Attention cependant à la concordance des temps car tu t'emmêles d'une phrase à l'autre. Quelques fautes de français, mais le tout reste sympathique à lire. =)
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sombretoile
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MessageSujet: Re: Vieux.   Vieux. Icon_minitimeVen 22 Juil 2011 - 14:38

Je suis d'accord avec lilabelle. Ta nouvelle laisse une grande place à la réflexion. C'est déjà un très bon point.
Sinon ton écriture est plutôt claire ce qui donne envie de te lire.

Tu aurais pu facilement divaguer sur ton sujet mais je trouve que tu as bien respecté ton personnage et tu as su resté sobre.

Maintenant j'espère lire de tes textes qui ne me donneront pas le cafard. Very Happy
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MessageSujet: Re: Vieux.   Vieux. Icon_minitime

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