Une dose de wug(deuxième version)

Enfin, la connexion. Bien, Nikko se sentait bien. Il se trouvait dans son élément, presque extatique. Autour de lui, les milliers d’espaces virtuels se matérialisèrent, de forme, de taille et de couleurs différentes. L’affichage par défaut. Evidemment, il le changea, optant pour un cylindre de portes autour de lui, qui s’envolait vers ce qui représentait le ciel dans cet univers virtuel. Il avait toujours considéré que le seul moyen d’avancer dans la vie était d’ouvrir des portes. Bien sûr, ici l’expression prenait un sens littéral.
Il était temps de regarder un peu les nouvelles. Rapidement, Nikko choisit une porte, et l’ouvrit. Un oiseau bleu en sortit, ce jetant sur lui dans un pépiement digitalisé. Après que l’animal eut fusionné avec lui, il apprit, instantanément, qu’une nouvelle pierre avait été découverte, la sélénite. Les recherches dans les vieilles mines abandonnées des nains portaient enfin leur fruit. Après tout, les nains étaient les maîtres du Wug. Mais la sélénite était vraiment spéciale. Elle avait comme particularité de pouvoir améliorer le débit du Wug, jusqu’à …
Il vérifia, abasourdi.
Jusqu’à 20 Teraflop. Une vitesse de téléchargement hallucinante ! Tout serait à sa portée, enfin. L’intégralité de la grande Bibliothèque de Sedoue pourrait être stockée en quelques minutes. Un sentiment grisant d’ivresse l’envahit. Il sentait son corps se réchauffer, sa tête commencer à tourner. D’un coup il repoussa cette sensation. Avec tout ce qui se passait, il ne pouvait pas se permettre d’être soul à coup de réseau. Il devait se changer les idées, et vite.
L’icône qui passa devant ces yeux, alors que le cylindre tournait pour qu’il puisse faire son choix, retint son attention. La petite tête de mort ornée de défenses, mise en relation avec la porte à moitié démontée devant laquelle elle se trouvait ne pouvait signifier qu’une chose : un réparateur. Cette caste justifiait à elle-seule l’absence d’odeur dans le Wug. Malgré la bouffée de dégout qui avait dû être inscrite dans le patrimoine génétique de tous les habitants de ce monde, Nikko ressentit de la pitié pour l’orc. Après tout, il avait été un elfe. Puis il s’était fait prendre dans l’addiction au wug. Petit à petit cette connexion épuisait son byo, l’énergie magique de sa race. Il faut dire aussi que ce crétin se connectait simplement en touchant des surfaces serties de fibres optiques, sans écran ni clavier. Mais là où tous se seraient moqués, Nikko ne sourit pas. Et comme le voulait la logique, un jour il était tombé à court de byo, se trouvant pour toujours en situation de manque.
A chaque fois, cette période envoyait le drogué vers la folie, et faisait de lui un orc, tout juste bon à réparer le réseau. C’était triste et tragique. Mais Nikko ne pleura pas. Il avait autre chose à penser, principalement au fait que sa session allait bientôt prendre fin. Il jeta un coup d’œil sur la pierre précieuse incrustée dans son bracelet tressée : elle brillait encore d’un beau rouge sang. Il lui restait quelques minutes, pour une dernière porte.
Seulement, avant qu’il n’ait pu actionner aucune commande, l’un d’entre elles s’arrêta devant lui. Elle était semblable à toutes les autres, excepté peut-être les éraflures qu’on pouvait voir en s’approchant. Que cachait-elle ? Le réseau ne le précisait pas. La pire des émotions prit ensuite le contrôle de Nikko : la curiosité. Il se fichait qu’elle ait pu lui causer tous ses ennuis ; il devait absolument savoir.
D’un coup sec, il ouvrit la porte. Derrière, seulement le noir total et opaque d’une nuit voilée. La curiosité partit prendre un café, laissant place à la terreur. Parce qu’il n’y avait absolument rien. Pas d’yeux rouges, pas de sourire malveillant. Pourtant, Nikko sentait très clairement une présence. Un mélange dangereux de folie et de génie. Il la referma immédiatement. Au moins, il aurait une bonne raison d’être insomniaque cette nuit.
La pierre à son poignet brillait maintenant faiblement, d’un rouge plus foncé. Partir. Tout de suite.
Et Nikko se retrouva dans son arbre. Il laissa ses mains posées sur la table vide. Après quelques secondes, la peur qui hantait toujours son esprit d’estompa, et ses longues oreilles pointues arrêtèrent de frétiller.