un jour gris
un lever du jour lorsque le soleil n'est pas preneur
lorsqu'il jette les cartes
les abandonne aux chiens
et l'horizon livrés à lui même
aux seules couleurs que peuvent porter une terre
sans lumière
une aube qui monte a reculons
telle une mule rebelle qui tire
en renâclant
mauvais jours et mauvais ennuis
une aube impuissante à la lumière
une aube qui ne sait rendre à la nuit
notre angoisse et nos sueurs
un matin triste
comme un train de banlieues
banlieues perdues
des villes de provinces
livrées à des départs sans rêves
livrées aux luttes quotidiennes et terriblement prosaïques:
jours travaillés, jours chômés
jours ouvrés, fériés
tristes comme un agenda d'hôpital
dans ce jour même
une fleur monte en graine
entre les cailloux des ballastes
entre les rails emmêlés et oubliés
au milieu de la rouille
s'ouvre une fleur jaune
la force de cette fleur
qui arrache au paysage
sa vie et sa couleur
contre un mur rapiécé
cette fleur qui rend le monde a nos yeux
un peu moins abimé, un peu moins salopé
une fleur jaune
solide et solitaire
cette solitude
d'un gout de bouche si particulière
ce fade qui appartient
aux solitudes que nul ne dérange
jamais
inexorable
inéluctable
comme une fleur de Lune, en sorte
et encore
sans fusée, sans satellite
sans choses rares qui émerveillent
oui mon cœur
dans son abime
oui mon cœur
les fleurs mêmes
savent en remontrer au soleil
la tige bien droite
les pétales doux et chauds
l'esprit à l'aventure
oui les fleures savent en remontrer au soleil
tant bien même
il tire le verrou
quand Dieu égoïste
il se barricade à notre monde
la fleur monte au ciel