Petit peintre (profession de foi)

Petit chose
Petit truc
Petit peintre

Dans les grandes maisons règnent la loi des adultes, la guerre sans rémission des filiations
Dans l’école règnent les mauvaises notes et l’ennui
Derrière la vitre pleine d’eau et de brume
Le printemps lave les lilas
A l’abri derrière tu tiens tes crayons
Résumes ce jour entre vert et mauve
Sans doute en chantant un peu, tout doucement
Sans doute ton chat ronronnant tout prés de toi
Ses moustaches blanches brillantes à la lumière d’une éclaircie

Petit chose
Petit truc
Petit peintre

Devant le sort de l’enfant : grandir
Allonger les centimètres et les bonnes manières
De l’école au collège, du collège au lycée, du lycée en fac
Apprendre-régurgiter
Apprendre -régurgiter
Tu apprends-régurgites et meurs toujours un peu plus
L’idée de mort
La semence jetée au fond du cœur
A coup de poing de tant d’absence
A coup de sécateur
Un élevage bonzaï
Découpe et tord le corps et l’esprit
Métastase le corps et le désir
Le petit canard coule au fond de la mare
Se rattrape au petit bois de ses crayons de couleurs

Ces jolies familles qui défilent
Sûres de leurs joies
Propriétaires de leurs vertus
Oublient ces gosses qu’on pousse
A la sortie de la vie
Qu’on jette sur les chemins
Le néant en héritage

Petit chose
Petit truc
Petit peintre

Avec tes crayons de couleur tu ne casses pas des briques
C’est vrai que peintre est un métier de chien
Etre acheté
Peut être se vendre
Peux-tu arriver à penser bifteck dans ta petite tête ?
Il faut vendre pour vivre
Il faut vendre pour racheter ses crayons de couleur
Il faut gagner pour continuer
Il faut vendre quelques choses
Si ce n’est de l’art, un morceau de toi, un bout de quelques choses
Tu trouves et tu débrouilles
Ou t’abandonne :
Fini d’amonceler ces morceaux de monde
Qui s’agitent sur tes toiles !
Fini de trouver de la place !
Fini de trouver sa place !
Un peintre est un lierre
Un peintre est une vie grimpante
Le mur ne suffit plus
Le toit ne suffit plus
Reste le ciel
Ou t’abandonne

Un peintre est une âme mouvante
Respire à fleur de terre
Lèche à fleur de sel
Le vent sur sa peau arrose ses nerfs
L’orage habite ses yeux
L’oiseau envie sa main
Ou t’abandonne

Enfin vient le moment
De la défaite
Dans ce champ de fatigue
Meurent en silence
Le sang de ton iris
Le cœur de tes désirs
Le chant sombre de la vie
Un peintre qui abandonne
Est un homme
Est une femme
Qui en silence
Sans un cri
Jette son âme
Comme un os aux chiens
Jette son âme
À l’absolue solitude
À l’entiers ténèbres
Des fosses communes

Mais comme il fait très nuit
Mais comme tu as peur du noir
Tu sors un crayon et dessine
Même timidement
Même à l’économie
Même maladroitement
Une étoile


Les petits peintres
Les petits choses
Les petits trucs
Sont minuscules avec leurs vies de fourmi enragée de passion
Reste ce besoin d’étoiles qu’à l’univers
Reste ce besoin de beau qui habite le cœur de l’homme
Et font croire aux artistes
Quel qu’ils soient
Si retranché qu’ils soient dans le monde
Souvent à occuper à simplement survivre
Croire à leur indispensable mission
A l’idéale quête
Du sublime