Atelier d'écriture
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

Atelier d'écriture

Communauté d'écrivains en herbe
 
AccueilRechercherS'enregistrerDernières imagesConnexion
-20%
Le deal à ne pas rater :
-20% Récupérateur à eau mural 300 litres (Anthracite)
79 € 99 €
Voir le deal

 

 L'énigme de Paris (texte pour l'AT glace d'Etherval)

Aller en bas 
AuteurMessage
Invité
Invité
Anonymous



L'énigme de Paris (texte pour l'AT glace d'Etherval) Empty
MessageSujet: L'énigme de Paris (texte pour l'AT glace d'Etherval)   L'énigme de Paris (texte pour l'AT glace d'Etherval) Icon_minitimeSam 24 Jan 2015 - 22:15

Voici le début de mon texte pour l'AT d'Etherval sur la glace, retravaillé avec les remarques de la soirée Skype d'hier soir.

Bonne lecture.


Partie 1


28 janvier 1910 - Besançon

Accoudé à sa table de travail, dans son laboratoire de l’Institut des Nouvelles Technologies, au cœur de la Citadelle, Victorien Larcher s’efforçait de se concentrer sur sa tâche. Toutefois, il ne pouvait empêcher son esprit de vagabonder et la feuille de papier devant lui restait vierge, à l’exception de quelques traits hâtivement crayonnés.
Avec un soupir, l’ingénieur se frotta les yeux, puis s’étira : son regard se posa sur une photo en noir et blanc, pendue au mur, la raison de sa distraction. Il s’y tenait aux côtés de Catherine, son épouse, et de Samantha et Thomas, leurs jumeaux de quatre ans. Quinze jours plus tôt, sa femme avait gagné Paris avec sa mère et leurs enfants, pour aller soigner une tante malade. Cette séparation momentanée, la première depuis leur mariage, n’aurait pas dû lui peser tant. Pourtant, une angoisse l’avait saisi à leur départ, insidieuse, et ne l’avait pas quitté depuis.
Victorien secoua la tête pour sortir de sa rêverie et se pencha sur son bureau. Autour de la page blanche s’étalaient des clichés de rues et de places inondées : Besançon, une semaine plus tôt, alors qu’elle subissait une des pires crues de son histoire. Depuis, l’eau avait baissé, mais les habitants restaient marqués par la catastrophe. À la demande de Fernand Larcher, directeur de l’Institut, et du Général Dacier, commandant de la Citadelle et beau-père de Victorien, les ingénieurs du lieu réfléchissaient à des dispositifs de protection en cas de nouvelle crue. Le début de l’année 1910 s’annonçait rude pour la France et de nombreuses villes, à travers tout le pays, étaient touchées à leur tour, notamment Paris.
Un coup frappé à sa porte fit sursauter l’ingénieur ; il invita son visiteur à entrer et découvrit Honoré, l’ordonnance de son beau-père :
— Le général vous demande dans la grande salle de réunion, tout de suite.
Surpris par cette convocation inopinée, qui ressemblait peu aux habitudes du militaire, Victorien se leva en fronçant les sourcils :
— Pourquoi, que se passe-t-il ?
— Je ne sais pas encore, il a reçu un message du Gouverneur Militaire de Paris et a aussitôt ordonné cette réunion.
Le sang de Victorien se figea dans ses veines : un message de la capitale, l’endroit où se trouvait sa famille. Il se précipita hors de la pièce, aussitôt suivi par Honoré, surpris de sa vive réaction. Dans l’esprit de l’ingénieur, de nombreuses pensées se bousculaient et il se hâtait, le cœur de plus en plus serré. Il traversa en courant l’esplanade entre les laboratoires et le siège du commandement, s’y engouffrant sous le regard interloqué des deux gardes en faction à sa porte. Il remonta le couloir vers la salle de réunion et y fit irruption sans frapper, criant presque :
— Que se passe-t-il ?
Essoufflé, il vit plusieurs paires d’yeux se braquer sur lui et aperçut son père aux côtés du général, ainsi que quelques officiers et trois de ses collègues. Pétri d’angoisse, Victorien balbutia :
— Ma famille… est-ce qu’elle va bien ?
Comprenant la raison de son entrée peu protocolaire, Gabriel Dacier lui répondit avec un petit sourire :
— Je suis sûr qu’ils vont bien, ils sont hors de la zone inondable, mais si ça peut vous tranquilliser, je vais demander qu’on aille prendre de leurs nouvelles.
Envahi par le soulagement, Victorien acquiesça avec reconnaissance. Sentant ses jambes un peu chancelantes, il s’assit à la table et se concentra pour reprendre ses esprits. L’ingénieur se tourna vers son beau-père, dans les yeux duquel il crut déceler une lueur préoccupée qui démentait son ton rassurant, et reprit :
— Alors pourquoi cette soudaine réunion, juste après avoir reçu des nouvelles de Paris ?
Le général croisa ses mains devant sa bouche, comme pour rassembler ses pensées. Alors que l’attention s’était fixée sur lui, il annonça enfin :
— Parce que ces nouvelles sont inédites, extraordinaires même…
Gabriel Dacier martela la table du bout des doigts, avant de poursuivre :
— Comme vous le savez, une crue submerge aussi Paris, plus de huit mètres.
Il marqua une pause et lâcha enfin la nouvelle :
— Eh bien cette nuit, sans que personne ne puisse l’expliquer, l’eau s’est transformée en glace !
Victorien écarquilla les yeux, stupéfait :
— En glace ? !
— Oui, la Seine est devenue une immense gangue qui emprisonne toute la ville.
L’ingénieur n’en croyait pas ses oreilles : comment une telle chose avait-elle pu se produire ? De nouveau, l’inquiétude pour les siens resurgit, malgré les affirmations de son beau-père.
Autour de la table, tous semblaient incrédules face à ce mystère. Le général poursuivit, en parcourant l’assistance du regard :
— D’autres villes sont touchées par des crues, mais aucune n’a subi un tel phénomène. Le haut commandement ordonne de mobiliser nos ingénieurs pour résoudre cette énigme.
Victorien releva la tête à ces mots, une lueur d’intérêt dans les yeux :
— Il faut aller à Paris ?
La réponse de son beau-père doucha aussitôt l’espoir que la perspective d’y retrouver les siens avait fait naître en lui :
— Non, ils nous demandent de travailler à distance car, ignorant les causes de ce phénomène, ils en ignorent également les dangers.
Gabriel Dacier se leva et fit les cent pas dans la pièce, mains croisées derrière le dos, prouvant que son calme n’était que de façade :
— La situation est inédite et, par précaution, le gouvernement entier est évacué en banlieue, dans un endroit hors des zones inondables.
Le général s’arrêta et fixa tour à tour les membres de l’Institut :
— Messieurs, je compte sur vous tous pour mobiliser vos connaissances afin d’aider à résoudre ce mystère. Nous ferons un point ce soir à cinq heures, ici.
Perplexe, Victorien regagna son laboratoire, pour réfléchir au calme. Lorsqu’il entra dans la pièce encombrée de plans et de maquettes, son regard se posa sur la vouivre automate qui trônait sur une étagère : son premier réflexe fut de s’interroger sur les légendes qu’il connaissait. Existait-il une créature capable de geler une cité entière ? Après tout, même s’il ne l’avait jamais avoué à personne, il savait que les créatures folkloriques existaient bel et bien, comme l’avait prouvé sa rencontre, six ans plus tôt, avec une Dame Verte, du côté du Château de Joux. Toutefois, l’ingénieur avait beau se creuser les méninges, rien de tel ne lui revenait. Le folklore nordique en comptait peut-être, mais il n’en était pas certain. De toute façon, une explication surnaturelle, parfaitement logique pour lui, ne le serait pas aux yeux de son père et de son beau-père : au mieux, il passerait encore pour un rêveur, au pire pour un dément à interner à l’asile le plus proche.
Victorien s’assit à son bureau. Ses yeux tombèrent sur les photos de la crue de Besançon et, un instant, il s’efforça d’imaginer les rues envahies par une gangue de glace. Malgré lui, un frisson le parcourut à la pensée de Catherine seule à Paris pour affronter ce phénomène : elle devait rassurer sa mère et sa tante, et s’occuper des enfants, inconscients du danger, mais qui la soutenait, elle ? Certes, son épouse avait un caractère bien trempé et n’était pas du genre à s’évanouir à la moindre difficulté ; toutefois, dans ces circonstances exceptionnelles, il ne savait pas comment elle allait réagir. Une fois de plus, il maudit la coupure des communications et se promit que, dès qu’il reverrait son beau-père, il tenterait de le convaincre de rapatrier leur famille au plus vite.
L’ingénieur se frotta les tempes, essayant de se concentrer, avec difficulté car il était plus doué en technique qu’en sciences naturelles. De plus, se trouver loin du phénomène, sans pouvoir l’étudier de visu ou pratiquer des expériences, ne l’aidait pas. Plus les minutes passaient et plus il était convaincu qu’il n’y avait qu’une solution pour résoudre l’énigme, se rendre sur place. L’ingénieur lista dans son esprit les arguments susceptibles de convaincre le général : des savants parisiens devaient déjà être à pied d’œuvre, il lui faudrait donc se montrer persuasif ou présenter un début de solution pour espérer gagner Paris au plus vite.

Trois heures plus tard, Victorien n’avait guère avancé et se retrouvait plus frustré que jamais. Il décida d’aller rejoindre ses collègues au réfectoire pour déjeuner : peut-être y verrait-il plus clair en discutant avec eux ?
Alors qu’ils commençaient leur repas, l’ingénieur vit surgir Honoré qui, visiblement, cherchait quelqu’un, même s’il s’efforçait de ne pas attirer l’attention. Lorsque leurs yeux se croisèrent, Victorien comprit qu’il venait pour lui, comme le lui confirma le discret signe de tête qu’il lui adressa. La gorge soudain sèche, tandis que son cœur s’accélérait, l’ingénieur s’excusa et rejoignit l’officier à pas rapides :
— Que se passe-t-il ?
— Le général vous demande d’urgence.
Tout en le suivant, Victorien demanda, de plus en plus fébrile :
— D’autres nouvelles de Paris ?
— Oui.
Cette fois-ci, l’ordonnance le conduisit au bureau du général, preuve que la discussion allait se tenir à huis clos. L’angoisse de l’ingénieur augmenta d’un cran en y découvrant son père, la mine soucieuse. Gabriel Dacier affichait également un visage sombre, tandis qu’il lui désignait le siège vide en face de lui :
— Asseyez-vous mon garçon.
Victorien détestait cette appellation, pourtant, cette fois-ci, il ne releva pas, trop inquiet à cause de cette nouvelle convocation et des expressions angoissées de ses interlocuteurs. Honoré avait refermé la porte derrière lui et se tenait debout, un peu en retrait.
Le général soupira, avant d’annoncer enfin :
— Mon ami vient de m’envoyer un message urgent de Catherine.
Le sang de l’ingénieur se glaça dans ses veines et il balbutia :
— Que… qu’y a-t-il ? Les enfants… ?
Gabriel Dacier baissa les yeux, comme s’il n’osait pas le regarder en face, et lâcha finalement :
— On les a enlevés ce matin, alors qu’ils se promenaient avec Lili au parc Monceau. La police est sur l’affaire, mais il n’y a aucune piste encore.
D’abord abasourdi, l’ingénieur finit par bondir sur ses pieds :
— Il faut que j’aille là-bas, et…
Son beau-père leva la main pour l’interrompre et lui annonça aussitôt, reprenant son attitude de commandant :
— J’ai déjà ordonné qu’on prépare la Vouivre. Allez chercher vos affaires et rejoignez-nous sur l’esplanade de départ dans une demi-heure.
Sans demander son reste, Victorien quitta la pièce en courant, obnubilé par ces pensées : ses enfants étaient en danger et Catherine devait être désespérée.
Il déboula dans son laboratoire et chercha ce qui pourrait l’aider à les retrouver : il avait complètement perdu de vue l’énigme de la glace et ne songeait plus qu’aux siens. Il saisit sa besace et y déposa la vouivre mécanique après l’avoir enveloppée, puis y ajouta quelques outils. La porte de la pièce s’ouvrit et son père entra, portant deux objets qu’il lui tendit :
— Tiens, voici deux prototypes, des lunettes de vue nocturne et un pistolet à seringues soporifiques, avec des recharges. Ça pourra te servir.
— Merci.
L’ingénieur les glissa dans son sac, avant de filer vers sa chambre à la Citadelle : il y dormait rarement, mais y gardait toujours quelques vêtements de rechange, qu’il emporta. Fernand Larcher l’avait suivi et il l’arrêta au moment où il allait sortir :
— Bon courage, j’espère que vous allez vite les retrouver.
Son visage d’habitude peu expressif reflétait son inquiétude pour ses petits-enfants ; spontanément, Victorien le serra dans ses bras, en soufflant d’une voix résolue :
— Je te le promets, je vais les ramener !
Il hésita quelques secondes, avant d’ajouter :
— Surtout, ne dis rien à Charlotte pour l’instant, elle en serait morte d’inquiétude.
Son père acquiesça : il connaissait bien leur gouvernante et savait qu’elle ne supporterait pas la nouvelle. Les deux hommes se séparèrent et l’ingénieur partit en courant vers l’esplanade où la Vouivre, le dirigeable qu’il avait créé quelques années plus tôt et amélioré depuis, se tenait prête au départ. Dès qu’il rejoignit ses compagnons à l’intérieur, l’aéronef s’envola.
Tandis que le sol défilait à toute allure sous leurs pieds, Victorien se rongeait les sangs, regardant le paysage sans le voir. Dans l’habitacle, un silence pesant régnait. Honoré se tenait à l’avant, aux côtés du pilote, et le général était assis à l’arrière, à côté de son gendre. Sans que ce dernier puisse expliquer pourquoi, une image lui revint à l’esprit, presque obsédante, la vision de Samantha serrant contre elle son cadeau de Noël, une superbe poupée Jumeau blonde toute de vert vêtue, juste avant qu’elle ne monte dans la nacelle du dirigeable avec son frère. Quand les reverrait-il tous les deux ?
Pour les commentaires, c'est par ici, merci Smile https://ecrire.forumactif.org/t5879-glace-titre-provisoire-commentaires#154150


Dernière édition par Abigaelle le Sam 7 Fév 2015 - 14:33, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
Anonymous



L'énigme de Paris (texte pour l'AT glace d'Etherval) Empty
MessageSujet: Re: L'énigme de Paris (texte pour l'AT glace d'Etherval)   L'énigme de Paris (texte pour l'AT glace d'Etherval) Icon_minitimeSam 31 Jan 2015 - 18:57

Suite à la session skype d'hier soir, voici la partie 2, corrigée avec les remarques qui m'ont été faites Smile

Bonne lecture study


Un cri fit sursauter Victorien, le tirant brusquement de ses pensées :
— Nous arrivons !
L’ingénieur tourna la tête vers la vitre et ferma les yeux, ébloui. Il dut attendre quelques secondes que son aveuglement cesse, avant de rouvrir les paupières avec précaution. Quelques rayons de soleil perçaient les nuages et se reflétaient sur un miroir : la Seine emprisonnait Paris dans un écrin de glace étincelant. Le silence régnait dans l’habitacle, ses occupants soufflés par ce spectacle incroyable qu’ils contemplaient du ciel. Un immense ruban de glace sillonnait la ville, recouvert par les ponts partiellement pris dans la gangue. Les quais luisaient eux aussi, masqués par un tapis blanc qui faisait disparaître les pavés des rues.
Le pilote poursuivit sa route vers un dôme brillant comme un phare, celui de la cathédrale des Invalides. Il longea la flèche et amorça la descente vers l’esplanade de l’édifice, où quelques hommes semblaient les attendre. Dès que l’aéronef se fut stabilisé, des soldats en attrapèrent les amarres pour les fixer au sol. Honoré descendit et tint la porte pour le général. Victorien sortit à leur suite, fébrile à présent qu’ils se trouvaient enfin à Paris. Il chercha autour de lui, espérant y voir Catherine, mais elle n’était pas là. Déçu, il se tourna vers le général et le découvrit en grande conversation avec un gradé. Enfin, au bout de quelques minutes, Gabriel Dacier rejoignit son gendre et l’attrapa par le bras, l’entraînant vers un véhicule à moteur un peu plus loin :
— Venez, on va nous conduire à nos épouses.
Sur un signe de son supérieur, Honoré leur emboîta le pas et monta à l’avant, à côté du chauffeur. Ce dernier démarra dès ses passagers à bord et remonta des rues parallèles à la Seine, épargnées par la crue. Bientôt, il bifurqua et s’engagea sur le pont de l’Alma, traversant l’étendue de glace qui s’étalait des deux côtés. Malgré son angoisse pour les siens, Victorien observa la surface aussi brillante qu’un miroir, sur laquelle n’apparaissait aucune goutte d’eau susceptible d’annoncer un dégel imminent. Une chose pourtant le surprenait : la température extérieure plutôt douce, qui ne correspondait pas à un tel phénomène…
Enfin, bientôt, la silhouette de l’Arc de Triomphe apparut, proche du lieu de séjour de leur famille. Lorsque le véhicule s’arrêta devant le 128 boulevard de Courcelles, Victorien en jaillit comme un diable et se précipita dans le hall avant de s’arrêter net, réalisant qu’il ne savait pas à quel étage monter. Le général, entré à sa suite, le dépassa et s’engouffra dans l’escalier jusqu’au deuxième, où il frappa à la porte. Celle-ci s’ouvrit aussitôt à la volée : Catherine apparut, les yeux rougis de larmes, et se jeta dans les bras de son père dès qu’elle le reconnut. Il lui chuchota quelques mots, visiblement ému, même s’il s’efforçait de ne pas le laisser paraître, et entra. Lorsqu’elle aperçut son mari, la jeune femme se précipita vers lui. Victorien la prit dans ses bras et lui murmura des paroles de réconfort. Finalement, son épouse les conduisit dans le salon où se trouvaient Agathe, sa mère, et Aglaé, sa tante. Assise dans un coin, sur un tabouret, Lili pleurait à chaudes larmes. Le général prit la direction des opérations et s’enquit auprès de sa fille :
— Alors, quelles nouvelles ?
Catherine secoua la tête, désespérée, et répondit en se serrant les mains :
— Aucune, hélas, même avec la description du ravisseur…
Victorien écarquilla les yeux :
— Parce que vous avez assisté à l’enlèvement ?
— Lili, oui…
L’ingénieur se tourna vers la servante et s’approcha d’elle, la prenant par les épaules sans douceur ; furieux, il lui demanda :
— Et vous n’avez rien fait ?
— J’ai… pas pu…
La jeune fille sanglotait de plus belle, malmenée par son maître. Son beau-père intervint d’un ton sec :
— Arrêtez de la secouer comme ça et laissez-la parler !
Se rendant compte qu’il avait raison, Victorien la lâcha et s’excusa brièvement. Lili renifla plusieurs fois, avant de raconter :
— On était au parc avec les enfants… ils couraient devant moi… et se sont arrêtés devant un bassin pour regarder les canards. Un homme est arrivé près d’eux et leur a parlé, j’ai vu… j’ai vu qu’il voulait voler sa poupée à Samantha, elle la tenait et Thomas a essayé de l’aider… J’ai accéléré le pas pour les rejoindre, mais ma jupe me gênait, et j’ai apostrophé l’homme. Quand il m’a vue, il les a pris sous ses bras et est parti en courant avec eux.
La servante essuya les larmes sur ses joues et reprit :
— Je me suis mise à crier et à courir comme j’ai pu, un gardien a essayé de les rattraper, mais l’homme venait de s’engouffrer dans une voiture à moteur qui a démarré… personne a pu les suivre.
La colère avait envahi le visage de Victorien, qui demanda d’un ton grondant :
— Ce ravisseur, il ressemblait à quoi ?
— Un homme assez grand, bien habillé, blond, avec des favoris… ah oui, il avait aussi une cicatrice horizontale, juste sous l’œil gauche.
À ces mots, l’ingénieur pâlit violemment, ce qui n’échappa à personne. Son beau-père fronça les sourcils et l’interrogea aussitôt :
— Vous le connaissez ?
La gorge sèche, Victorien acquiesça, avant d’annoncer, perplexe :
— Oui, c’est Auguste Rouage, un ancien camarade de classe.
Le général fronça les sourcils :
— Celui qui travaille pour les Industries Aubin & Associés ?
— Oui. Mais que peut-il leur vouloir ?
Gabriel Dacier se tourna vers Lili et reprit :
— Vous avez dit qu’il voulait prendre la poupée de Samantha ?
— Oui, mais elle criait et la tenait fermement, Thomas la retenait aussi. Je crois que c’est pour ça qu’il les a emmenés.
Tous se regardèrent, interloqués : pourquoi Auguste voulait-il cette poupée ? Et surtout, où avait-il emmené les enfants ?

Tandis que Victorien tentait de réconforter Catherine et se demandait ce qu’il pouvait bien faire, il aperçut le général s’éclipser avec Honoré. Lorsque le premier revint dans la pièce, l’ingénieur entendit la porte de l’appartement claquer et comprit que Gabriel Dacier venait d’envoyer son ordonnance en mission. Il hésita à poser des questions mais, devant le mutisme de son beau-père, qui prenait place sur le canapé aux côtés de son épouse, Victorien ravala sa curiosité et décida d’attendre la suite, rongeant son frein.
Convaincu que le ravisseur était Auguste, l’ingénieur avait voulu avertir la police, mais son beau-père l’avait retenu, lui demandant de lui faire confiance. D’abord réticent, Victorien avait dû admettre qu’il ne connaissait pas Paris et n’y avait aucune relation, au contraire du général qui y avait vécu des années. Le mieux était donc de le laisser gérer à sa guise, même si l’inaction lui pesait : Gabriel Dacier, sous ses airs bourrus, adorait ses petits-enfants et ne resterait pas les bras croisés alors qu’ils étaient en danger. L’ingénieur supposa que son beau-père préparait quelque chose, mais pas forcément par la voie officielle. Le départ d’Honoré n’était pas dû au hasard et le général, fin stratège, devait déjà avoir un plan en tête.

La nuit tombait quand l’ordonnance revint à l’appartement. Il s’isola aussitôt avec son supérieur, et l’ingénieur, le cœur rongé par l’angoisse, se demanda ce que cela signifiait.
Enfin, au bout d’un long moment, Honoré appela Victorien auprès du général. Ce dernier, dès que son gendre l’eut rejoint, annonça :
— J’ai envoyé Honoré à la quête d’informations, et sa récolte a été fructueuse.
D’un signe de tête, le gradé encouragea son subordonné à prendre la suite :
— Aubin & Associés a mis à la disposition d’Auguste Rouage un laboratoire au 67 quai d’Orsay, en bord de Seine. L’électricité est coupée dans le quartier, pourtant des voisins y ont vu des lumières assez vives la nuit dernière. Je pense qu’il doit être là-bas.
Victorien se tourna vers son beau-père :
— Vous avez prévenu la police ?
Gabriel Dacier secoua la tête :
— Non, trop long et incertain, ça risque d’alerter le ravisseur qui pourrait les déplacer.
— Alors quoi ? Nous n’allons pas rester sans rien faire !
— Bien sûr que non, mais nous devons frapper par surprise, avant qu’il ne nous voit venir. Honoré a coutume de ce genre de mission.
L’ingénieur réagit aussitôt en se levant :
— Je veux en être !
Les deux militaires échangèrent un regard peu convaincu, et le général tenta de faire entendre raison à son gendre :
— Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée, vous n’avez pas l’habitude et…
Victorien, d’ordinaire respectueux, croisa les bras sur sa poitrine et lui coupa la parole, laissant échapper sa colère :
— Hors de question que je reste ici sans rien faire ! Mon père m’a confié des prototypes qui pourront nous aider.
L’ingénieur asséna l’argument susceptible de les faire céder :
— De toute façon maintenant que j’ai l’adresse, je peux y aller seul !
Avec un soupir, Gabriel Dacier capitula :
— Très bien, alors voici le plan…

Entièrement vêtu de noir, comme ses compagnons, Victorien marchait avec précaution sur la glace qui recouvrait les abords du laboratoire de son rival. La lune était haute dans le ciel, mais cachée par de lourds nuages noirs qui bloquaient ses rayons. L’ingénieur aurait aimé garder les lunettes de vue nocturne, mais s’était rangé aux ordres du général et les avait confiées à Honoré. Son beau-père avait rassemblé quatre hommes de confiance qui allaient les épauler. Pour plus de discrétion, Honoré et Victorien allaient entrer les premiers, avec deux soldats pour couvrir leurs arrières, tandis que les deux autres surveilleraient l’extérieur pour donner l’alerte en cas de besoin. Le général les attendait dans un véhicule à quelques rues de là, en limite de la zone glacée, pour prendre la fuite au plus vite.
Pour les commentaires, c'est ici, merci : https://ecrire.forumactif.org/t5879-glace-titre-provisoire-commentaires#154150
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
Anonymous



L'énigme de Paris (texte pour l'AT glace d'Etherval) Empty
MessageSujet: Re: L'énigme de Paris (texte pour l'AT glace d'Etherval)   L'énigme de Paris (texte pour l'AT glace d'Etherval) Icon_minitimeSam 7 Fév 2015 - 14:35

Et voilà la suite et fin du texte, retravaillé avec les dernières remarques reçues en session skype hier soir.

Bonne lecture Smile


Partie 3

Honoré crocheta une porte de service à l’arrière du bâtiment, et s’y glissa avec Victorien et leurs complices. Laissant ces derniers monter la garde, les deux hommes s’enfoncèrent dans les couloirs. De larges baies vitrées laissaient entrer la lumière de la lune qui filtrait des nuages, leur permettant de distinguer où ils progressaient. Ils traversèrent plusieurs ateliers vides, jusqu’à un autre corridor. D’après l’ordonnance, la crue avait inondé les sous-sols de l’édifice, il fallait donc chercher les enfants, s’ils étaient là, au rez-de-chaussée ou dans les étages. Par un employé qu’il avait soudoyé, Honoré avait appris qu’Auguste disposait d’un vaste laboratoire au premier étage, ainsi que d’un appartement mitoyen, pour ne pas perdre de temps en trajets. L’homme avait aussi mentionné des réserves fermées au rez-de-chaussée, où il était possible d’enfermer des prisonniers. Victorien, tout en espérant que ses enfants ne soient pas reclus dans une pièce sinistre, songea qu’il serait plus facile de les sauver hors de l’appartement. Le cœur de l’ingénieur battait à tout rompre : avaient-ils eu raison de ne pas prévenir la police et d’agir eux-mêmes, de façon illégale, pour tirer les jumeaux des griffes d’Auguste ? Et lui, avait-il bien fait d’insister pour participer à l’opération, malgré son inexpérience en la matière ? Quelque chose l’y avait poussé, son instinct paternel, mais aussi une autre raison, impérieuse, qu’il ne s’expliquait pas : il devait se trouver là, mais pourquoi ?
La main d’Honoré se posa sur sa poitrine, l’arrêtant net, et il sursauta : le militaire, arrêté au coin d’un couloir, guettait un endroit hors de la vue de Victorien. Son compagnon se recula et lui glissa à l’oreille :
— Il y a deux gardes devant une porte, c’est peut-être là.
— Qu’est-ce qu’on fait ?
— Il faudrait en attirer un, pour le neutraliser, et après, se servir du pistolet de votre père.
L’ingénieur acquiesça et sortit de sa besace la vouivre automate ; Honoré fronça les sourcils :
— Qu’est-ce que c’est ?
— De quoi en faire venir un ici…
Victorien appuya sur un bouton et lança l’animal dans les airs : il en avait amélioré le mécanisme et pouvait à présent le guider à distance. La vouivre remonta le couloir en direction de la porte, fendant l’air de ses ailes fines. Un des gardes sursauta :
— Eh, c’est quoi ça ?
Dès qu’il fut sûr que leurs ennemis étaient ferrés, l’ingénieur fit revenir l’automate ; il entendit un des cerbères dire à l’autre :
— Reste ici, j’vais voir c’que c’est !
Honoré se recula, prêt à intervenir ; dès que l’homme eut franchi le coin du couloir, disparaissant de la vue de son acolyte, il l’attrapa d’une clé au cou pour l’étrangler et le serra jusqu’à lui couper la respiration, pour lui faire perdre connaissance. Tandis que sa victime s’effondrait, le militaire le retint et accompagna sa chute jusqu’au sol. Il tendit une fine cordelette à Victorien en lui faisant signe de ligoter ses mains et ses pieds ; ce dernier lui obéit aussitôt. Honoré sortit le pistolet à seringues soporifiques et reprit sa place à l’angle du couloir : grâce aux lunettes, il distinguait parfaitement sa cible qui s’agitait, nerveuse, et fit mouche du premier coup, le touchant à la gorge. L’homme poussa un hoquet de surprise et porta la main à son cou pour en retirer la fléchette. Il allait donner l’alerte quand le soporifique fit effet, et il s’écroula sans un mot. Honoré se glissa jusqu’à lui et le ligota à son tour, puis il essaya d’ouvrir la porte, fermée à clé. Il crocheta aussitôt la serrure, sous le regard inquiet de Victorien qui l’avait rejoint. Enfin, au bout de quelques secondes, le pêne céda et l’ingénieur dut se retenir pour ne pas se précipiter à l’intérieur. Son compagnon jeta un coup d’œil et lui souffla, soulagé :
— Ils sont là !
Victorien entra et, à la faveur d’un rayon de lune au travers de la fenêtre en haut du mur, découvrit ses enfants serrés l’un dans les bras de l’autre, le fixant de leurs yeux agrandis par la peur. L’ingénieur se précipita vers eux et les étreignit, en leur murmurant pour éviter qu’ils ne donnent l’alerte :
— Chut, tout va bien, papa est là, on va vous sortir d’ici.
Honoré tira les deux gardes ligotés jusqu’au réduit, où il les enferma, puis prit Thomas dans ses bras pour partir plus vite, tandis que Victorien emportait sa fille. Celle-ci s’accrocha au cou de son père et protesta en chuchotant :
— Non, attends, on peut pas partir sans ma poupée !
— Où est-elle ?
— C’est le méchant monsieur qui me l’a prise, il faut la récupérer !
L’ingénieur soupira et tenta de consoler Samantha :
— Ne t’en fais pas, je t’en rachèterai une autre, mais là, nous devons partir.
— Mais non, on peut pas la laisser, il va lui faire du mal !
La voix de la fillette montait dans les aigus. Victorien fronça les sourcils et reprit en essayant de la calmer :
— À qui ? À ta poupée ?
— Mais non, à la fée !
L’ingénieur s’arrêta net à ces mots et la fixa, stupéfait :
— Quelle fée ?
— La fée verte, mon amie, celle qu’est cachée dedans !
Pressé par Honoré qui venait de lui faire signe d’avancer, Victorien se remit en marche pour rejoindre leurs compagnons. En murmurant, il chercha à en savoir plus :
— D’où vient-elle ?
— Je l’ai rencontrée à Thise, quand Lili nous a emmenés en promenade là-bas. Elle s’ennuyait, alors je l’ai prise avec moi, dans ma poupée.
— Auguste le sait ?
Samantha fronça les sourcils :
— Qui ?
— Le méchant monsieur.
— Voui, c’est pour ça qu’il me l’a prise !
Le mystère de la poupée commençait à s’éclaircir, en partie du moins. L’ingénieur insista :
— Pourquoi la veut-il ?
— Parce qu’il a vu ce qu’elle a fait, et il veut l’obliger à travailler pour lui, il faut la libérer!
— Ce qu’elle a fait ?
— Voui, comme elle a vu que l’eau me faisait peur, elle l’a gelée… Elle disait que la glace, c’est moins dangereux !
Abasourdi, Victorien comprit enfin la solution de l’énigme soumise par le général. Il fallait retrouver la poupée et libérer la fée, pour que celle-ci délivre Paris, mais aussi pour éviter qu’Auguste ne l’utilise pour de mauvais desseins. Toutefois, avant, il y avait plus urgent : mettre ses enfants en sécurité.
Ils revenaient à leur point de départ, où les attendaient leurs complices. En quelques mots, l’ingénieur informa Honoré de la situation. Ce dernier, perplexe, finit par céder devant son insistance et décida en tendant Thomas à un de ses hommes :
— Très bien, vous deux, ramenez les enfants au général. Victorien et moi allons chercher la poupée.
Samantha ne protesta pas quand son père la confia au second garde, comprenant qu’il la laissait pour aller au secours de son amie. Elle lui fit un signe de la main tandis qu’elle disparaissait par la porte dans les bras de l’homme. Honoré prit l’ingénieur par le bras et lui chuchota :
— Allons-y, vite.
En silence, les deux hommes remontèrent le couloir, cherchant l’escalier qui menait aux appartements d’Auguste.
Honoré se sentait nerveux : il était sûr que les deux gardes qu’ils avaient neutralisés ne devaient pas être les seuls et que d’autres patrouillaient dans le bâtiment. Que se passerait-il s’ils trouvaient leurs camarades ligotés, ou s’ils les croisaient ? Prudent, le militaire resserra la main sur la crosse du pistolet soporifique, prêt à faire feu au moindre danger.
Victorien ne cessait de penser aux révélations de Samantha : une fée verte, dissimulée dans sa poupée. Était-ce celle qu’il avait rencontrée à Joux, ou une de ses sœurs ? Une chose était sûre, il ne pouvait pas la laisser entre les mains de son rival, qui s’en servirait sans vergogne.
Enfin, ils trouvèrent l’escalier. Honoré monta le premier, paume crispée sur son arme, tous ses sens aux aguets. Il avançait lentement et Victorien, derrière lui, bouillait d’impatience, même s’il comprenait sa prudence. Lorsqu’ils approchèrent du palier, Honoré l’arrêta d’un signe et glissa avec précaution la tête pour guetter le couloir sombre qui s’ouvrait devant eux. Pour l’instant, il n’y avait aucun garde à l’horizon, mais Honoré songea que si Victorien avait raison – ce dont il doutait encore personnellement – et qu’Auguste détenait bien la source de la glace mystérieuse qui emprisonnait Paris, il devait la protéger. D’une porte un peu plus loin s’échappait un rai de lumière. Victorien se souvint d’avoir remarqué à leur arrivée quelques fenêtres éclairées à l’étage. D’un geste silencieux, son complice lui ordonna d’avancer et ils s’arrêtèrent à côté de la porte : percevant une voix à l’intérieur, ils collèrent leur oreille au battant. L’ingénieur reconnut ce timbre à l’accent franc-comtois familier : malgré toutes ces années passées à travailler à Paris, Auguste Rouage n’avait pas tout perdu de sa terre natale. Celui-ci était le seul à parler, d’une voix menaçante :
— Je sais bien que tu te caches dans cette poupée, je t’ai entendue parler à la gamine l’autre jour au parc ! Et rappelle-toi qu’elle et son frère sont entre mes mains : si tu ne m’obéis pas, ils en subiront les conséquences !
La colère envahit Victorien : comment son ancien camarade osait-il se servir de ses enfants pour arriver à ses fins ? Il se sentit soulagé de savoir ces derniers en sécurité auprès de leur grand-père, mais cela ne le calmait que partiellement. Il leva les yeux vers Honoré et lui demanda d’un signe la suite des opérations. Le soldat regarda autour de lui, puis lui montra un globe de verre au plafond, destiné à l’éclairage du couloir. D’un autre geste, il désigna le sac de Victorien qui comprit son intention : lancer la vouivre sur l’objet pour le détruire et créer une diversion, afin d’attirer Auguste dehors pour le neutraliser. L’ingénieur sortit son automate et le fit décoller : il prit de la vitesse et frappa de plein fouet la sphère. Celle-ci éclata en recevant le projectile et ses débris chutèrent au sol en provoquant assez de bruit pour être entendu de l’appartement. Derrière le battant, la voix se tut. Honoré fit reculer Victorien derrière lui et se plaqua à côté de la porte, prêt à agir. Celle-ci s’ouvrit et la lumière inonda le couloir, laissant les deux hommes dans l’ombre. Auguste apparut sur le seuil et regarda autour de lui : il fronça les sourcils et avança en direction des débris. Aussitôt, Honoré se précipita sur lui en chuchotant à son compagnon :
— Récupérez-la, vite !
Sans demander son reste, Victorien entra et fouilla la pièce du regard : il repéra la poupée assise sur la table, attachée. Il s’en empara aussitôt et ressortit. Un bruit de lutte lui parvint et il découvrit, en passant le seuil, Honoré et Auguste se battant. Visiblement, le militaire n’était pas le seul à pratiquer la boxe, et son adversaire se défendait. Les deux hommes échangeaient coups de poings, manchettes et coups de pieds fouettés. Lorsqu’il aperçut son ancien rival avec la poupée dans les bras, Auguste cria :
— Alerte, on nous vole !
Honoré lui assena une violente manchette au menton ; son rival vacilla et chuta à terre, sonné. Il était malheureusement trop tard : déjà, des cris et des bruits de course leur parvenaient du rez-de-chaussée, pour gagner l’escalier, la retraite était coupée. Le soldat saisit son complice par le bras et l’entraîna dans le couloir, en direction d’une porte vitrée au fond. Il avait aperçu, l’après-midi même, en fouinant dans le quartier, un escalier de service qui donnait le long du bâtiment. Malheureusement pour eux, il n’aboutissait pas du côté de leurs amis, mais Honoré songeait à une autre voie de salut. Alors que des exclamations retentissaient derrière eux, il se retourna et, sans prendre le temps de viser, tira quelques seringues soporifiques, espérant qu’une ou deux au moins atteindraient leur but. Victorien l’avait dépassé, comprenant son intention, et s’activait déjà à tourner le verrou pour ouvrir la porte. Il posa le pied sur l’escalier métallique et dut se retenir à la rampe pour ne pas glisser, à cause du givre. Prudemment, il descendit aussi vite qu’il le pouvait, suivi par Honoré qui continuait de tirer pour dissuader leurs poursuivants. Alors qu’il cherchait comment retrouver les autres, Victorien entendit l’ordonnance lui souffler :
— Fuyons par la Seine, vite, nous pourrons traverser la glace !
L’ingénieur hésita, mais une balle siffla à ses oreilles, lui faisant réaliser le danger, et il suivit sans broncher les instructions de son compagnon. Derrière eux, des pas lourds indiquaient que la poursuite continuait. Victorien s’efforçait d’avancer vite, glissant plutôt qu’il ne marchait, et Honoré suivait le même rythme en couvrant leurs arrières ; il avait abandonné le pistolet soporifique pour une arme à balles réelles, ripostant contre leurs ennemis.
Tout en progressant sur le fleuve gelé, Victorien murmura à l’oreille de la poupée :
— Je suis le père de Samantha. Nous l’avons tirée de leurs griffes, ainsi que son frère, ils sont hors de danger.
À sa grande surprise, les yeux du jouet clignèrent, lui prouvant que la fée l’entendait et le comprenait ; il reprit, essoufflé :
— Nous allons vous sortir de là, il ne vous fera plus de mal.
La rive approchait, au bout de la course folle, mais leurs ennemis n’abandonnaient pas, même s’ils éprouvaient visiblement plus de difficultés à avancer qu’eux. Honoré attrapa Victorien par le bras pour l’inciter à accélérer, afin d’atteindre enfin la terre ferme, même si celle-ci disparaissait aussi sous la glace. Au loin, sur le pont des Invalides, un véhicule venait de s’engager : l’ingénieur espéra qu’il s’agissait de celui de son beau-père, même s’il risquait probablement d’arriver trop tard à eux.
Enfin, il se retrouva sur la chaussée gelée, et Honoré l’entraîna en direction de leurs amis, tandis que les balles sifflaient toujours à leurs oreilles. Au même moment, Victorien sentit une chaleur contre lui et s’aperçut que les yeux de la poupée s’étaient mis à luire ; il entendit une voix murmurer :
— Recevez votre punition !
Soudain, la glace sous ses pieds se disloqua. Des cris de terreur lui parvinrent et il se retourna, stupéfait : en une fraction de seconde, la Seine avait dégelé, libérée de sa gangue, et les flots engloutissaient Auguste et ses complices, qui n’avaient pas encore atteint la rive. Ils se débattaient dans l’eau froide qui s’était remise à couler, luttant contre le courant qui charriait des débris et menaçait de les engloutir. Les yeux agrandis par l’horreur, Victorien se tourna vers Honoré, aussi effaré que lui :
— Il faut les aider !
Le soldat secoua la tête avec lenteur :
— Impossible, il y a trop de courant, nous risquerions de nous noyer.
Un bruit de moteur les fit se retourner : la voiture du général venait de s’arrêter derrière eux et ce dernier en sortait pour les rejoindre :
— Que s’est-il passé ?
Victorien désigna la poupée dans ses bras, qui avait repris son aspect normal :
— Elle a dégelé l’eau…
Gabriel Dacier examina son gendre, soupçonneux, comme s’il doutait de la raison de ce dernier. Un cri les empêcha de reprendre :
— Ma fée !
Samantha avait surgi de la voiture, échappant aux bras de l’homme qui avait tenté de la retenir, et fonçait vers son père, bras tendus pour récupérer son amie. Victorien la lui rendit et, tandis qu’elle s’en emparait, il murmura en caressant les cheveux de sa fille :
— Je crois qu’elle n’est pas faite pour Paris, il vaudrait mieux la ramener chez nous, et le plus tôt sera le mieux, n’est-ce pas ?
Le général ne fit aucun commentaire, se contentant de hocher la tête, avant de leur faire signe de monter dans la voiture. Victorien souleva Samantha dans ses bras et l’embrassa sur la joue en souriant :
— Allez, maman vous attend !

Pour vos commentaires, c'est par ici, merci Smile : https://ecrire.forumactif.org/t5879-glace-titre-provisoire-commentaires#154150
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé





L'énigme de Paris (texte pour l'AT glace d'Etherval) Empty
MessageSujet: Re: L'énigme de Paris (texte pour l'AT glace d'Etherval)   L'énigme de Paris (texte pour l'AT glace d'Etherval) Icon_minitime

Revenir en haut Aller en bas
 
L'énigme de Paris (texte pour l'AT glace d'Etherval)
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Marko Staar à Paris (contenu explicite)
» Le Grand Dictateur (pour l'exercie 'La visite' texte court)
» De glace et de flammes
» Les jeux de la glace [Nouvelle]
» Paris, Paris...

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Atelier d'écriture :: Au coin du feu :: Archives fantastique/bit-lit-
Sauter vers: