Atelier d'écriture
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

Atelier d'écriture

Communauté d'écrivains en herbe
 
AccueilRechercherS'enregistrerDernières imagesConnexion
-39%
Le deal à ne pas rater :
Pack Home Cinéma Magnat Monitor : Ampli DENON AVR-X2800H, Enceinte ...
1190 € 1950 €
Voir le deal

 

 De glace et de flammes

Aller en bas 
4 participants
Aller à la page : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7  Suivant
AuteurMessage
Victor
Accro au forum ? Oui, pourquoi ?
Victor


Masculin Nombre de messages : 559
Age : 31
Localisation : Dans un dojo
Loisirs : Karaté
Date d'inscription : 08/04/2007

De glace et de flammes Empty
MessageSujet: De glace et de flammes   De glace et de flammes Icon_minitimeJeu 31 Jan 2008 - 13:42

Chapitre I

Un vent glacial soufflait entre les hauts sapins blancs, faisant voler la neige déposée sur les branchages en de fines volutes de poudreuse qui retombaient sur le sol immaculé. La meute arrêta sa course devant un torrent qui brisait des plaques de glace dans un vacarme phénoménal, avant de s’écraser en une cascade d’écume.
Ils étaient six jeunes loups couleur d’ivoire et d’ébène, en quête d’une proie à abattre, leur soif de sang ne demandant qu’à être rassasiée. Le vieux cerf qu’ils avaient dévoré quelques jours auparavant n’avait pu calmer la faim tenace causée par l’hiver, déjà ils cherchaient une nouvelle victime. Le chef de meute, un albinos aux yeux bleutés cerclés de noir, jeta un regard mauvais aux autres loups qui se battaient entre eux : ils guettaient les rares poissons emportés par le courant fracassant et de temps en temps plongeaient la tête dans l’eau pour les en ressortir, se débattant entre leurs crocs.
Les autres se jetaient alors sur l’infortuné pêcheur, et la suite n’était qu’une succession de grognements, de hurlements et de coups de crocs, une vraie bataille au cours de laquelle le poisson finissait généralement dans la rivière.
Le dominant se jeta dans la mêlée, renversa le plus jeune, un louveteau hargneux au pelage noir tacheté de sang et de neige, saisit un autre batailleur à la gorge, pour l’envoyer rouler par terre d’un puissant coup de griffe. Les autres combattants s’éloignèrent, la queue sous le ventre en signe de soumission, pendant que les deux malchanceux se relevaient misérablement en léchant leurs blessures.
L’albinos montra ses crocs aux derniers récalcitrants, puis tendit l’oreille. Le vent portait encore les échos d’une marche lente et difficile, saccadée, ponctuée de plaintes : le vacarme du torrent devait avoir couvert le bruit de la lutte. La tempête charriait une nouvelle odeur, redoutable, porteuse de mort et de destruction. Un humain approchait. Face à lui, les bêtes sanguinaires devenaient des proies. Le chef huma l’air glacial une seconde fois. Plus aucun doute. Mais la meute ne s’enfuirait pas. Elle avait besoin de viande, à tout prix.


Dernière édition par Victor le Dim 20 Avr 2008 - 15:34, édité 2 fois
Revenir en haut Aller en bas
https://ecrire.forumactif.org/espace-personnel-des-membres-f43/es
Victor
Accro au forum ? Oui, pourquoi ?
Victor


Masculin Nombre de messages : 559
Age : 31
Localisation : Dans un dojo
Loisirs : Karaté
Date d'inscription : 08/04/2007

De glace et de flammes Empty
MessageSujet: Re: De glace et de flammes   De glace et de flammes Icon_minitimeJeu 31 Jan 2008 - 13:44

Siltren abattit sa hache sur les broussailles qui bloquaient son passage, et une vive douleur transperça son bras engourdi. Son vêtement de cuir, usé par le gel et les branchages, ne le protégeait presque plus des intempéries et du froid mordant qui régnait constamment sur les terres barbares du Nord.
L’adolescent jeta son regard couleur glacier à travers les arbres, cherchant le torrent, et tendit une oreille exercée : la rivière n’était plus qu’à quelques dizaines de pieds. Il devait se dépêcher, car Dern ne laisserait pas un retard impuni. Le maître qui martyrisait Siltren depuis sa naissance, dix-sept hivers auparavant, ne lui avait pas laissé d’eau, juste une hache pour couper le bois nécessaire au bon fonctionnement de la forge. Plus le jeune montagnard grandissait et se musclait, moins il avait droit à de la nourriture ou à du repos, puisque les années l’avaient endurci…
Le garçon enjamba les broussailles, sauta par-dessus un tronc d’arbre puis grimpa la colline qui le séparait du fleuve. Arrivé en haut, il s’arrêta et contempla la forêt figée, comme morte ou gelée, les hauts arbres d’albâtre sous lesquels s’amassaient le givre et les congères.
Au milieu de cette immensité silencieuse, les flots rugissants, le fracas de l’écume, la destruction…
Le Nord était comme cette forêt et ce fleuve : une beauté somptueuse dans laquelle se tapissait un danger inconnu. Comme une lame de cristal : resplendissante, mais fragile et synonyme de mort, qu’on ne pouvait briser sans projeter des éclats meurtriers.
Siltren respectait la forêt depuis son enfance, car là il ne craignait plus d’être fouetté ou brimé et là, il jouissait de sa liberté, même si ce n’était que pour quelques heures et pour un travail éprouvant. Tout valait mieux que le camp. Le montagnard redescendit la colline, posa sa hache et s’agenouilla au bord du fleuve. Il plongea ses mains dans l’eau et se mit à boire, puis contempla son reflet d’un œil critique.
Malgré son jeune âge, ses cheveux avaient commencé à blanchir quelques années auparavant. Etait-ce un effet de la peur, était-ce normal ou comme certains esclaves le disaient, surnaturel, dû aux démons et à la forêt ? Nul ne le savait. Ses yeux étaient d’un bleu pâle, presque transparent…eux aussi sortaient de l’ordinaire. Un peu comme lui, qui préférait le froid foudroyant de l’extérieur à la chaleur brûlante des forges…
L’adolescent s’apprêtait à repartir lorsque son reflet se troubla, pour faire place à l’image d’un loup bondissant, tous crocs dehors.
Il se jeta sur le côté, la masse noire tomba dans le fleuve et fut emportée par le courant. Un autre loup bondit, percuta Siltren, et le fit tomber à la renverse. Sa tête était immergée et il suffoquait, parvenant difficilement à la sortir de l’eau. Quatre autres carnassiers se joignirent au premier pour lui déchirer les jambes mais le garçon réussit, en tâtonnant, à s’emparer de sa hache. S’aidant du manche, il parvint tant bien que mal à bloquer l’assaut d’un jeune louveteau noir qui essayait d’atteindre sa gorge. Un violent coup de hache le fit passer par-dessus sa tête pour l’envoyer dans la rivière, où la créature s’écrasa contre un rocher.
Siltren émergea enfin et tenta de bloquer l’assaut groupé des quatre derniers prédateurs, mais l’un d’entre eux mordit sa jambe déjà douloureuse et il tomba à genoux. Avec l’énergie du désespoir, il abattit son arme dans la toison noire, qui se teinta de rouge. Un hurlement de douleur retentit, puis il sentit son ennemi lâcher prise. Il envoya le cadavre au milieu des autres assaillants, eût le temps de se relever.
Siltren attendit ses ennemis, la hache dans les mains, bien campé sur ses deux jambes. Les trois loups le fixaient d’un regard noir, guettant le moment où il passerait à l’attaque, léchant leurs égratignures et tournant en rond dans la neige.
Le montagnard commença à s’impatienter. Leur manège durait depuis plusieurs minutes, et aucun d’eux n’avait essayé quoi que ce soit. Lui non plus, les loups étant trop loin il se serait retrouvé encerclé sans avoir pu en abattre un seul. Il attendit donc, le sang coulant de son torse et de sa cuisse gauche. Il palpa la blessure, éprouvant une vive douleur qui perturba son attention. Une fraction de seconde plus tard, l’albinos bondissait, déchirait son épaule droite d’un rapide coup de crocs, puis échappait à la hache en plongeant dans le fleuve.
Il lutta contre le courant et parvint à l’autre rive, hors de portée.
« S’ils comptent me battre de cette manière! Encore un de moins »
Il bondit sur ses ennemis, et son arme frôla le premier, qui se jeta en avant. Le montagnard repoussa son adversaire d’un violent coup de genou et le projeta sur l’autre de toutes ses forces.
Les deux loups s’écrasèrent dans la neige. Ils tentèrent de se relever sans être cependant assez rapides. La lame de métal déchira les chairs, le sang jaillit et le seul survivant tenta vainement de s’enfuir. La hache vola, l’envoyant rejoindre ses compagnons.
Siltren s’agenouilla, la poitrine déchirée par les entailles qui la traversait, ses poumons glacés par le torrent et le froid noir. Il chercha à reprendre son souffle et à comprendre ce qu’il venait de faire. Trois cadavres gisaient près de lui, un autre déchiqueté dans la rivière, un dernier avait été emporté par les flots. Il venait de tuer cinq loups avec une hache, son sang s’était mêlé au leur. Pour la première fois, il s’était battu pour sa vie.
I1 se mit péniblement en route, boitant et haletant. Chaque mouvement déchirait sa jambe, frapper les broussailles foudroyait son épaule. Il progressait le plus rapidement possible, mais c’était malgré tout trop lent. Il n’arriverait pas au camp avant la tombée de la nuit.
Son sang s’écoula sur le sol de plus en plus vite, ses blessures s’ouvrirent au fur et à mesure de sa marche. Les heures passèrent, sombres et douloureuses. Il dut se rendre à l’évidence : il ne rentrerait jamais à temps. Sa vision se troubla et il tomba, tenant sa poitrine pour retenir le liquide écarlate qui cherchait à s’enfuir. La souffrance était insoutenable et pour ne rien arranger, la neige se mit à tomber puis se transforma en une grêle violente et dense qui meurtrit son corps. Il s’écrasa sur le sol, la face en avant pendant que les ténèbres voilaient le ciel et sa vue.


Dernière édition par Victor le Dim 20 Avr 2008 - 15:35, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
https://ecrire.forumactif.org/espace-personnel-des-membres-f43/es
Victor
Accro au forum ? Oui, pourquoi ?
Victor


Masculin Nombre de messages : 559
Age : 31
Localisation : Dans un dojo
Loisirs : Karaté
Date d'inscription : 08/04/2007

De glace et de flammes Empty
MessageSujet: Re: De glace et de flammes   De glace et de flammes Icon_minitimeJeu 31 Jan 2008 - 13:45

Les rayons de la lune traversaient faiblement le toit de chaume, diffusant une pâle lumière dans la pièce sombre, éclairée par un foyer rougeoyant dont les bûches mourantes s’écrasaient sur un lit de cendres noirâtres, s’éteignant dans une gerbe de chaleur et d’étincelles orangées.
Siltren entrouvrit les yeux, et plusieurs minutes passèrent pendant lesquelles plus rien n’eut d’importance à ses yeux, seul comptant le fait qu’il soit encore en vie, qu’il dorme dans un lit pour la première fois depuis des années, qu’une soupe chaude soit posée à portée de sa main, n’attendant que son bon plaisir.
La porte s’ouvrit avec force, apportant la dure réalité, la froideur de la nuit, la neige et la tempête soufflant avec la force du destin sur son foyer de joie et de chaleur.
Nela referma derrière elle, repoussant la tempête. Le garçon poussa un soupir de soulagement lorsque les flammes dévoilèrent son visage: ce n’était pas un maître.
« Tu es réveillé ! J’avais peur que notre héros ne succombe à ses blessures de guerre ! dit-elle, mi-sérieuse mi-ironique. Tu as dormi toute une journée et toute une nuit. Alors, qu’est qui s’est passé ? Il y a de sérieuses griffures sur ta poitrine, ta jambe et ton épaule. Tu s tombé sur un ours mal léché»
Il chercha ses mots, mais ceux-ci restèrent coincés dans sa gorge. Il regarda la guérisseuse. Ses cheveux charbons encadraient son visage rieur, inquiet et triste en même temps. Il avait enfin compris la signification de ce regard noir et brillant. Depuis la fin de la guerre, quinze ans auparavant, elle vivait grâce à l’espoir… de la vengeance. Son passé devait être aussi sombre que les mines dans lesquelles les esclaves mouraient par centaines, mais jamais elle ne se plaignait, car elle attendait, le jour où les rôles, par un caprice du destin, seraient changés.
« Siltren ? Tu vas bien ? Tu n’as peut-être pas envie de me dire ce qui s’est passé ?
-Si, c’est bon. Je pensais…non, rien. En fait j’étais juste allé boire à la rivière, et une meute de cinq, non, six loups m’a attaqué. Il faudra dire aux autres d’être prudents, le plus grand rôde toujours.
- Et les autres ?
- Ils sont morts. Je les ai tués. Ils étaient affamés et j’étais dos à la rivière, je n’avais pas d’autres solutions. En fait, je n’ai même pas pensé à ce que je faisais, dit-il d’un ton songeur. Ça s’est passé si vite…
-C’est souvent comme ça, dit Nela, se remémorant des souvenirs lointains. Si tu te bats pour ta vie, rien d’autre ne compte…Tu as eu la chance d’arriver si près du campement. On t’a retrouvé devant la palissade, à moitié mort. J’ai eu peur de ne pas pouvoir te sauver, mais Dern a insisté pour que tu aies un lit et que je m’occupe de toi. Visiblement, il te trouve assez utile pour tenir à toi. Je n’aurai pas donné cher de la peau d’une esclave ou d’un vieillard, ajouta t-elle avec tristesse. L’Argonne n’a pas réussi à te tuer, ton sommeil a dû retarder ses effets. J’avais peur de te réveiller pour te donner l’antidote, car tu aurais été encore plus épuisé. J’ai préféré miser sur ta solidité. J’espère que j’ai bien fait»
Siltren se souvint du poison que les esclavagistes leur donnaient chaque jour. S’ils ne revenaient pas au camp avant la tombée de la nuit pour recevoir l’antidote, l’Argonne se chargeait d’eux, et ils mourraient, d’après les dires, une écume verdâtre à la bouche et les membres raidis en une ultime convulsion. Aucun espoir de fuite. Les années passant, l’adolescent avait fini par oublier la menace qui pesait sur lui, et seule restait gravée dans son esprit l’obligation de revenir. Tant que ce venin coulerait dans ses veines, tout espoir de fuite serait réduit à néant…
« Je suis toujours là. Je te dois la vie. On peut dire que tu as fait du bon travail, constata-t-il en regardant ses bandages.
- Ne te réjouis pas trop. Tes blessures sont profondes, je n’ai pas assez de moyens pour les faire cicatriser complètement, même avec du temps, et c’est une des nombreuses choses que Dern refuse de m’accorder. Si je veux te garder en vie, je vais devoir cautériser tes plaies au fer rouge. Il n’y a pas d’autre solution.
- Au fer rouge ? Comme les bêtes ?
- Comme les bêtes.
- Il n’y a vraiment aucune autre solution ? Il paraît que le fer rouge laisse des cicatrices douloureuses. Un conteur m’a dit… »
Siltren s’interrompit. Sa réaction ne servait à rien. Il serrerait les dents. S’il voulait se venger, il ne le ferait pas depuis le royaume des spectres.
« Aide-moi à me lever. La forge m’attend.
- Il te reste la mort. Pour une fois, tu as le choix, si dur soit-il. J’arrêterai de te guérir, tu ne prendrais pas l’antidote. C’est à toi de voir si tu préfères partir ou rester. Tu es seul maître de ta décision.
- Je veux vivre, et il avala le liquide amer. Maintenant, aide-moi, supplia-t-il en tendant une main bandée vers la guérisseuse »

Siltren se réveilla en sursaut, le corps trempé de sueur, essoufflé. Les flammes menaçaient de le dévorer, et il croyait sentir encore leur chaleur dévorante sur sa peau noire là où il y avait auparavant des morsures. Il s’assit sur le lit miteux, tenta de ne plus y penser. En vain. La douleur avait été si immense qu’il ne pourrait jamais l’oublier, et son corps resterait toujours marqué des brûlures de l’acier rougeoyant, plus rouge que son sang. Tel était le prix de sa survie.
Une semaine après sa mésaventure et sa guérison, il commençait à se rétablir, mais son esprit restait tourmenté par des cauchemars noirs, des loups couleur feu à la morsure de lave, un fleuve sanglant et froid. Sa mère lui apparaissait parfois en rêve, sa mère dont il connaissait juste le nom : Anyar. Etait-ce vraiment elle, aux yeux brillant de larmes, qui appelait à l’aide un homme inconnu, allongée sur un lit dont les draps blancs étaient tachés d’écarlate, un bébé dans ses bras épuisés ? Etait-ce vraiment elle qui partait vers les ténèbres, sa voix mourant au loin ? Siltren ne savait rien d’elle, ni de son père, et il ne gardait dans ses souvenirs aucun amour, aucun récif auquel s’accrocher dans l’océan de solitude qui l’emportait vers les abysses…
Un autre chose le tourmentait. Nela avait dit l’avoir trouvé devant la palissade, mais si trouble que soit le souvenir de sa marche après l’attaque, il savait qu’il n’était même pas sorti de la forêt. Quelqu’un l’avait trouvé et ramené au camp. Quelqu’un qui ne désirait pas se faire voir, qui lui voulait du bien, mais qui l’avait renvoyé à l’esclavage malgré tout.
Dern ouvrit la porte avec violence, brisant le flot de ses pensées. Son regard mauvais scruta la pièce sombre, et il hurla d’une voix acariâtre :
« Lève-toi !!! J’ai assez attendu ! Je ne suis pas un moine à qui on vient demander l’hospitalité, je ne garderai pas un blessé inutile! Alors tu vas me faire le plaisir de partir travailler immédiatement et cette fois aux mines, au moins tu n’y seras pas attaqué ! »
Siltren ne lui répondit pas, car rien n’aurait put le faire changer d’avis. Il se leva péniblement, retint un gémissement, se chaussa, puis partit sans lui adresser un regard.
En marchant à travers le camp, il réalisa que les regards étaient tournés vers lui. Il était un des rares à avoir survécu à des blessures si profondes et le fait que Dern ait insisté pour qu’il soit bien soigné le mettait un peu à l’écart. Les autres esclaves n’appréciaient guère qu’un d’eux veuille échapper à son sort. Pour eux la mort était presque une délivrance, et seuls les menaces de s’en prendre à leurs femmes ou leurs enfants les retenaient de se suicider. S’accrocher à la vie alors qu’on n'avait rien à en tirer paraissait stupide. Lorsqu’il passa près des fortifications, il crut lire sur le visage des gardes un soupçon de respect, dû à son récent baptême du feu. Il était loin d’apprécier cette nouvelle situation, car il ne pourrait rejeter ses frères de souffrance pour des maîtres hostiles et cruels, pour une sympathie passagère qui serait effacée par le temps.
Il s’arrêta devant la mine. Garn était là, triant des morceaux de blazur durement arraché à la glace et à la roche, plongeant ses bras noueux dans le flot de minerai bleuté qui demandait tant d’efforts. Lui ne changerait pas d’attitude pour une simple histoire de favoritisme. Garn était un de ses rares amis au campement. Le géant blond interrompit son travail pour lui adresser la parole :
« Alors, reposé ? Tu te sens prêt pour venir creuser avec moi, j’espère ? ajouta-t-il souriant. Je ne voudrais pas que tu me lâches, surtout maintenant que je connais ta vraie valeur.
- Ca va, répondit l’adolescent. Je n’ai presque plus rien, n’oublie pas que Nela s’occupait de moi. Elle a fait tout son possible. Je ne me fais pas de souci pour toi, tu seras entre de bonnes mains avec elle. Si jamais tu es blessé, ce dont je doute, et si elle ne t’en préfère pas un autre…
- Arrête de me charrier. Tu sais bien que j’aurai préféré être comme toi. Plus la peine de se plier en deux dans cette foutue caverne. Et pour Nela, je ne suis sûr de rien… Mais on parle de moi, là, s’exclama-t-il avec une surprise feinte. Tu es sûr de pouvoir revenir travailler ? Tu n’es plus venu aux mines depuis plusieurs années, et tu es plutôt en mauvais état, sans vouloir te vexer.
- Je ne vois pas ce que ça change. Ce n’est pas moi qui décide.
- Tu n’as pas tort. Bon, alors… les mineurs ont trouvé un filon dans la galerie ouest. Si tu veux être utile, c’est là-bas que tu dois aller. C’est une des plus difficiles d’accès, et ils ne refuseront pas ton aide. Je n’ai jamais pu aller aussi loin, je ne passe pas. Je crois que j’ai peur d’y rester, ajouta-t-il en riant. Bonne chance ! »
Siltren ne répondit rien, et se contenta d’un petit signe d’adieu comme il s’emparait d’une torche accrochée à la paroi, puis s’enfonçait dans la mine noir bleuté ainsi éclairée. Il suivit les panneaux de bois moisi qui menaçaient de tomber en poussière, et traversa le dédale de boyaux sombres et tortueux qui se réduisaient au fur et à mesure de sa progression. Au début, seul quelques mineurs transportant des chariots de minerai croisèrent son chemin, puis le silence se fit, pesant et troublant. Il commença à ressentir les effets de la solitude. Le boyau se rétrécit tant qu’il dut bientôt ramper, sa peau douloureuse frottant sur la roche. Au bout de quelques minutes qui lui parurent une éternité, le passage s’élargit pour laisser place à une vaste salle, illuminée par une multitude de torches projetant leur pâle lueur sur des parois bleutées recouvertes de glace.
Une demi-douzaine d’hommes frappait la pierre en cadence. Ils étaient totalement absorbés par leur travail mais parurent néanmoins apprécier la nouvelle recrue qui se joignait à eux.
Pendant plusieurs heures, ils s’acharnèrent sur la glace piégée dans la caverne par un caprice du destin. Siltren était épuisé, ses mains recouvertes d’échardes gelées qui fondait dans son sang, sa peau disparaissait peu à peu, brûlée par le bois de sa pioche. Le battement sourd du métal faisant voler une pluie de glace qui fondaient sous la chaleur des flambeaux, ses membres douloureux, déchirés chaque fois qu’ils s’abattaient, son souffle glacé et rauque, sa vision se troublant sous la vague de fatigue qui plongeait sur lui, il sentit qu’il ne pourrait pas continuer longtemps. Le travail mobilisait toutes ses forces, ne lui laissait aucun répit. Pas de pitié pour les faibles. Il frémit en pensant à leur sort et redoubla d’ardeur. Du sang perla sur son torse lorsque ses cicatrices se rouvrirent, se mêlant à sa sueur. Les visages effrayés des autres mineurs s’estompèrent pour laisser place au néant, comme il tombait en arrière, emporté par le poids de la pioche qu’il tentait désespérément de soulever.
Il revint à lui quelques minutes plus tard, les cris des mineurs lui paraissant lointains, inaccessibles et il entrouvrit faiblement les yeux, aveuglé par la faible lueur des torches, frigorifié par un simple courant d’air. Un jet d’eau glacée acheva de l’éveiller. Il émergea de sa torpeur et balbutia quelques remerciements à l’égard des hommes qui venaient sans doute de lui sauver la vie. Il tenta de se relever mais l’un d’eux l’en empêcha :
- Reste tranquille… Si tu t’épuises trop, tu ne pourras pas traverser la mine, et tu sais qu’à certains endroits il serait impossible de te transporter. Repose-toi bien, et quand tu te sentiras prêt, nous rentrerons ensemble. Ne dis rien. Dern te tuera comme une bête s’il apprend que tu es inutile, même si ce n’est qu’une question de jours avant que tu puisses reprendre le rythme.
A contrecœur, Siltren s’allongea sur le sol. Les arguments de l’homme sonnaient juste, mais il regrettait que d’autres personnes soient mises en danger par sa faute : si jamais le tyran découvrait qu’on lui mentait… Cependant, sa fatigue disparut peu à peu, comme les heures passaient. Après un temps infini, il trouva la force de se lever, essayant d’ignorer son mauvais état. Il oublia son épuisement, la menace qui pesait sur lui, ce qui l’attendait si l’on se rendait compte de sa faiblesse, plongea dans le boyau noir d’encre.


Dernière édition par Victor le Dim 20 Avr 2008 - 15:36, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
https://ecrire.forumactif.org/espace-personnel-des-membres-f43/es
Victor
Accro au forum ? Oui, pourquoi ?
Victor


Masculin Nombre de messages : 559
Age : 31
Localisation : Dans un dojo
Loisirs : Karaté
Date d'inscription : 08/04/2007

De glace et de flammes Empty
MessageSujet: Re: De glace et de flammes   De glace et de flammes Icon_minitimeJeu 31 Jan 2008 - 13:46

Ils émergèrent de la mine longtemps après, comme le soleil déclinait à l’horizon et que les flammes dansaient devant les esclaves réunis en cercle autour d’un feu de camp. Un vieil homme, aux cheveux blancs et au regard gris acier, à l’air fatigué, tenait son auditoire en haleine : c’était Olst.
« Ce soir je vais vous conter une histoire. Ce n’est pas un conte, ce n’est pas une légende. Cette histoire n’est pas vieille de plusieurs siècles, car certains d’entre l’ont vécue. La neige à souvent recouvert les montagnes depuis, le sang et les larmes ont brouillé les détails. Il est donc temps, avant que les années ne m’emportent, que je vous transmette mon savoir pour que jamais ne se perde la vérité.
Depuis des siècles, depuis des millénaires, depuis la nuit des temps, notre peuple vivait dans ces montagnes, dans les neiges éternelles, bravant les éléments et les créatures des glaces, ne recherchant pas la richesse ou le luxe, se contentant de la vision de landes glacées dans lesquelles coulaient des torrents bleutés, de la force des éléments. Pour tout vin, nous avions l’eau des sources, pour tout met somptueux, le fruit de nos chasses. Nous vivions en harmonie avec la nature, l’affrontant parfois, mais prenant soin d’elle. Loin de nous, par delà les collines, par delà les forêts, par delà les rivières, s’étendait L’Empire.
Un empire florissant, dont les frontières bien défendues s’étendaient jusqu'à nos glaciers. Jamais il ne tenta de nous envahir, car il ne voyait pas la majesté de nos terres, seul l’or l’attirait, et nous en étions dépourvus.
Cela ne pouvait durer éternellement. Il y a quinze ans, des forgerons
découvrirent un alliage de blazur et de fer, d’une résistance exceptionnelle et plus tranchant que le meilleur acier. L’Empire ne pouvait laisser passer une si bonne occasion d’améliorer l’efficacité sans pareille de son armée. Or, le destin voulut que les montagnes du Nord regorgent de ce minerai…
Ils déferlèrent sur nous telle une tourmente d’acier et de mort que rien ne pouvait arrêter. Ils tuèrent nos femmes et nos enfants, torturèrent les chefs et les sages, incendièrent nos forêts. La bravoure de nos guerriers n’y fit rien, car malgré notre nombre, nous étions dispersés en tribus et la guerre paraissait une lointaine menace. Combattre pour les siens ne signifie pas remporter la victoire. Lorsque j’ai rejoint les combattants, j’avais vu défiler plus de saisons que chacun d’entre vous. J’ai du défier le poids des ans pour protéger mes enfants et mes petits enfants. Rien n’y fit. Mes larmes étaient souillées du sang de ma famille lorsque j’ai jeté mes armes aux pieds de ceux qui venaient de briser ma vie. Alors n’oubliez jamais pourquoi désormais vous êtes enchaînés, et pourquoi vos fils et vos filles le seront, et pourquoi leurs fils et leurs filles aussi, jusqu'à ce que quelqu’un décide de rompre le cours du destin. La guerre fait partie de notre avenir. La guerre…ou les chaînes. Nous aurons à souffrir…mais nous pouvons décider si nos descendants souffriront à leur tour. Ne l’oubliez jamais. »
Il se racla la gorge comme un garde arrivait pour savoir ce dont il parlait. Des regards noirs l’accueillirent, et le sien se tourna vers Olst. Depuis trop longtemps il semait la discorde dans le camp. Le vieux n’avait plus aucun intérêt, mis à part qu’il savait écrire. Chose étrange pour un barbare. Le garde n’aimait pas les choses étranges. Il n’aimait pas non plus les faibles qui s'étaient rendus, comme lui. Un éclair de folie furieuse passa dans ses yeux, et il décida de se débarrasser d’un ennemi, sur un simple coup de nerfs.
« Brûle ! Et emporte tes maudits secrets avec toi, vieillard de malheur ! »
Il frappa Ost violemment, le propulsant dans les flammes. En un instant, il devint une torche ardente, hurlant comme il tentait vainement de s’extirper du brasier flamboyant.
- NON !!!
Siltren bondit tel un loup, arracha l’agonisant à la caresse meurtrière du feu, et s’écrasa dans la neige recouverte de braises. Il éteignit les flammèches qui l’enveloppaient et chercha dans ses yeux une lueur de vie. Avec un intense soulagement, il vit un sourire illuminer le visage, juste avant qu’un violent coup ne l’atteigne à l’estomac.
Il retomba par terre, le souffle coupé, les yeux pleins de larmes. Le garde l’empoigna à la gorge et le souleva, pour lui cracher :
« Toi…heureusement que je ne suis pas le chef de la mine…Si j’étais Dern, je te ferais flamber comme ce maudit esclave. N’essaye jamais de t’opposer à tes maîtres ! C’est inutile, et tu en paieras toujours le prix. Quant à vous… dit-il aux autres. Allez-vous-en ! Fuyez avant qu’il ne vous arrive la même chose ! »
Les spectateurs s’éloignèrent lentement, impuissant devant l’injustice commise. D’autres gardes accoururent, les armes à la main, précédés de Dern, de mauvaise humeur. Il cherchait à comprendre pour quelle raison son conteur était à terre :
« Qu’est-ce qui se passe ici ? Pourquoi est-ce qu’Olst est à moitié brûlé ?
- Il essayait de mener les esclaves contre nous, à mon avis. Ca ne lui a pas réussi, ajouta l’homme avec un rire sardonique. Quant à Siltren…depuis qu’il a tué des loups, rien ne l’arrête, et il a essayé de sauver l’ancêtre.
- Très bien. Mettez des chaînes au gamin. Olst est presque inutile maintenant que tu l’as brûlé, et tu me le payeras. Tu ne peux pas me priver d’un scribe parce que l’idée te passe par la tête. Quant à moi, je ne peux pas m’encombrer d’un poids mort. C’est comme si tu l’avais tué, insinua-t-il d’un ton catégorique »
Les gardes obéirent avec une froideur déconcertante. Ils renversèrent le garçon et lui passèrent des chaînes aux poignets, pendant que sous ses yeux Olst élevait une lame d’un noir de désespoir s’élevait, que Olst lui adressait un dernier sourire, accompagné d’un « N’oublie pas », et que la lame s’enfonçait dans sa poitrine avec la force du destin, que des flots de sang jaillissaient de la blessure.
Le monde cessa brutalement de tourner, les gardes de crier, le feu de brûler, le vent de souffler, et seul resta gravée dans son esprit la vision du corps qui retombait lentement avant de s’écraser sur le sol balayé par le vent, puis le brasier s’étendre et consumer lentement le cadavre dans une fin flamboyante, dans des funérailles dignes d’un empereur, pendant qu’on le laissait pleurer de rage et de peine devant les cendres rougeoyantes de celui qui, pour un bref instant, lui avait redonné espoir.


Dernière édition par Victor le Dim 20 Avr 2008 - 15:37, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
https://ecrire.forumactif.org/espace-personnel-des-membres-f43/es
Victor
Accro au forum ? Oui, pourquoi ?
Victor


Masculin Nombre de messages : 559
Age : 31
Localisation : Dans un dojo
Loisirs : Karaté
Date d'inscription : 08/04/2007

De glace et de flammes Empty
MessageSujet: Re: De glace et de flammes   De glace et de flammes Icon_minitimeJeu 31 Jan 2008 - 13:46

Et voilà tout le premier chapitre
Revenir en haut Aller en bas
https://ecrire.forumactif.org/espace-personnel-des-membres-f43/es
Invité
Invité
Anonymous



De glace et de flammes Empty
MessageSujet: Re: De glace et de flammes   De glace et de flammes Icon_minitimeJeu 31 Jan 2008 - 18:48

Salut !
Bon, ça sert sans doute pas à grand chose ce que je vais dire là, mais ton titre me plaisait beaucoup, alors j'ai cliqué pour pouvoir lire ton texte, mais il est plus long que je ne le pensais Smile

Donc juste pour te promettre que je passerai le lire dès que j'en aurai le temps !

Mais je le répète, j'adore le titre ! ::love::
Revenir en haut Aller en bas
Morrigan
modératrice
Morrigan


Féminin Nombre de messages : 3518
Localisation : entre la terre de Bretagne et la Scandinavie
Date d'inscription : 11/03/2007

De glace et de flammes Empty
MessageSujet: Re: De glace et de flammes   De glace et de flammes Icon_minitimeJeu 31 Jan 2008 - 18:53

pareil,je suis absolument débordée aujourd'hui alors je te promets de passer d'ici quelques jours. par contre,autant que je me souvienne j'avais déjà lu le début et ça m'avait bien plu...
je reverrais ça bientôt
Revenir en haut Aller en bas
https://roxannetardel.wordpress.com/
Invité
Invité
Anonymous



De glace et de flammes Empty
MessageSujet: Re: De glace et de flammes   De glace et de flammes Icon_minitimeJeu 31 Jan 2008 - 19:01

je viens de finir ton texte qui me parait vraiment très bon
rien d'autre à dire, si ce n'est à quand la suite ?^^
Revenir en haut Aller en bas
Victor
Accro au forum ? Oui, pourquoi ?
Victor


Masculin Nombre de messages : 559
Age : 31
Localisation : Dans un dojo
Loisirs : Karaté
Date d'inscription : 08/04/2007

De glace et de flammes Empty
MessageSujet: Re: De glace et de flammes   De glace et de flammes Icon_minitimeVen 1 Fév 2008 - 11:12

Chapitre II

La lune perçait les nuages brumeux du ciel étoilé. Seules régnaient les ténèbres, les ténèbres du foyer mourant, du hurlement du vent, du froid de la nuit…les ténèbres de la solitude. Rien de pire que la solitude profonde dans laquelle Siltren était plongé, dans laquelle il se noyait sans trouver de main secoureuse qui puisse le ramener à la surface. Le désespoir s’empara de son esprit comme de celui de chaque être abandonné et rien ne pouvait le consoler dans sa douleur quand il voyait ce qui restait d’Olst. En un conte, il était devenu son messie. Un messie sacrifié sur l’autel de la cruauté et de l’ignorance. Un messie sans fidèles, que personne ne suivait par peur de braver les interdits. Siltren tenta vainement de ne plus y penser, ne serait-ce que quelques secondes. Rien n’y fit, il était constamment assailli de pensées morbides et sombres. Il ignora le froid et la neige qui recommençait à tomber, pour s’étendre à côté des cendres et des braises rougeoyantes. Il voulait accompagner l’âme de son compagnon dans son voyage, puisqu’il n’avait pu le sauver. Le sommeil ne vint qu’après de longues heures de dépression.
Son rêve fut différent de tous ceux qu’il avait jamais faits. Il n’était pas flou, incohérent, mais semblait réel, chaque détail étant net et précis dans son esprit. Il n’était plus un esclave, il n’était plus enchaîné. Il marchait libre dans la neige, au centre d’une cité de pierre gigantesque dont les murs se dressaient vers les cieux, au sommet d’une montagne de roche et de glace aux flancs escarpés. Le vent s’acharnait sur son visage, et menaçait de souffler son flambeau. Il avait besoin de cette flamme, pour incendier les corps de combattants inconnus. Des centaines de regard étaient tournés vers lui et il ne pouvait se permettre d’échouer. Tous avaient souffert, et tous attendaient qu’il ranime par des paroles puissantes leur espoir brisé. Il grimpa sur le bûcher, prit les morts à témoin. Il parla comme jamais il n’avait parlé, amenant le peuple à la rage, au désir de vaincre, faisant ressurgir du tréfonds de leur esprit leur colère et leur désir de liberté. Les cœurs s’enflammaient comme les mots les frappaient de plein fouet, brisant la crainte qui les empêchait de se révolter.
Alors qu’il tirait son épée et demandait s’ils le suivraient jusque dans la mort, et qu’un tonnerre d’acier surgissait des fourreaux, il vit toute sa vie défiler devant ses yeux, ses rares éclats de rire comme ses nombreuses peines. Il sentit que quelque chose aller se produire, mais resta comme paralysé, ses muscles refusant obstinément de bouger. Un trait d’acier vola, s’enfonça dans sa poitrine. Sous le choc, il lâcha son flambeau, un goût de sang emplit sa bouche, la douleur et la surprise se peignirent sur son visage. Il s’écrasa sur le bois huilé qui prit feu et fut emporté par le brasier. Il eut juste le temps d’entendre un hurlement entrecoupé de sanglots. Puis le noir se fit.
Encore à demi plongé dans ses cauchemars, l’esclave sentit une poigne amicale le soulever de terre, tirant sur ses chaînes avec la force d’un géant. Il fut étonné d’être encore vivant, pria pour que son rêve ne soit pas prémonitoire. Il ouvrit péniblement les yeux, et entrevit à contre-jour une silhouette si massive que ce ne pouvait être que celle de Garn.
« Siltren ! Debout ! Allez ! »
L’adolescent prit quelques secondes pour se réveiller complètement, puis tourna son regard embrumé vers son compagnon
« Merci. Si Dern m’avait trouvé endormi au milieu du camp, il n’aurait sûrement pas apprécié.
- Je le sais bien, c’est pour ça que je suis là, dit-il avec un sourire qui s’effaça rapidement. Il alla droit au but, pour soulager sa conscience. Je suis désolé de n’avoir pas été là hier. J’étais avec Nela, on a beaucoup parlé, et… Enfin bref, j’aimais énormément Olst, je suis vraiment désolé de n’avoir rien fait.
- C’est peut-être mieux, le rassura-t-il. Les soldats auraient eu si peur de toi en voyant ta carrure qu’ils t’auraient sans doute tué. Ils sont plutôt superstitieux et quand tu t’énerves on croirait un démon.
- Peut-être, mais j’ai une dette envers toi, car il n’est pas mort abandonné de tous. Il ne l’aurait pas voulu. Il disait que rien n’était pire que la solitude. C’est lui qui m’a élevé… »
Un cri rauque coupa court à leur conversation : un des gardes leur intimait de se mettre au travail. A contrecœur, ils cessèrent de parler. Garn partit aux mines, ruminant son mélange de colère, de tristesse et de regret, et lui à la forge se faire enlever ses fers. Il traversa le campement, passa devant les baraquements désormais désertés : aucun esclave, excepté quelques rares malades jugés dignes de soins, n’étaient autorisés à se reposer tant que le soleil brillait. Raison de plus pour aimer l’hiver.
Lorsqu’il parvint à l’entrée de la bâtisse, il chercha du regard Nela. Elle était là, en plein travail, entourée de deux futurs forgerons, faisant jaillir des étincelles en frappant le Blazur de son marteau. Curieusement, la chaleur étouffante du brasier fit frissonner Siltren. Il se rappela l’acier chauffé à blanc brûlant ses chairs, et sa peau gris-noir là où les loups avaient mordu. La sueur suinta sur son dos, autant due à ce souvenir qu’aux flammes blanches sans cesse ravivées par le soufflet qu’actionnait un esclave.
Nela l’aperçut et lui fit signe d’attendre. Il l’observa donc dans sa besogne. Une fois qu’elle jugea la lame terminée, après l’avoir frappée encore et encore, martelée, torturée, elle la retira des flammes avec des pinces, et la plongea dans une bassine. Une grande quantité de vapeur se dégagea, et elle sortit de la brume une longue, splendide flamberge d’un bleu glacial, à la poignée finement ciselée, ornée de minces spirales sur lesquelles le regard papillonnait. Les lueurs du brasier se reflétèrent sur l’épée, Nela la contempla pour juger son œuvre, parut contente d’elle, puis la donna à un de ses apprentis. Celui-ci s’empressa d’aller l’aiguiser sur une lourde meule à l’autre bout de la forge, aidé dans sa tâche par un confrère.
« Siltren ! Tu veux que je t’enlève tes chaînes ? Viens, lui proposa-t-elle dans le crissement assourdissant du métal sur la roche. »
Il approcha et elle reposa son marteau, puis, fouillant dans ses outils, dénicha un crochet spécial dont elle se servit pour faire sauter les fermetures. Elle rangea ensuite les chaînes sous son établi, et son regard croisa le sien, durant une fraction de seconde. Il était éclairé d’une lueur particulière, mêlant fierté, espoir et joie. Siltren, ne sachant que faire, se massa les poignets, prétextant la douleur infligée par les fers. Il ne lui avait vu ce regard que quelques rares fois, lorsqu’elle parvenait à sauver un grand malade, que Garn venait lui parler, qu’un esclave remportait une petite victoire, comme il avait tenté de le faire la veille… Nela était une idéaliste et n’était pas guérisseuse pour rien. Quant au métal, il devait lui permettre de déchaîner sa fureur à coups de marteaux, songea-t-il en la remerciant.


Dernière édition par Victor le Dim 20 Avr 2008 - 15:38, édité 2 fois
Revenir en haut Aller en bas
https://ecrire.forumactif.org/espace-personnel-des-membres-f43/es
Victor
Accro au forum ? Oui, pourquoi ?
Victor


Masculin Nombre de messages : 559
Age : 31
Localisation : Dans un dojo
Loisirs : Karaté
Date d'inscription : 08/04/2007

De glace et de flammes Empty
MessageSujet: Re: De glace et de flammes   De glace et de flammes Icon_minitimeVen 1 Fév 2008 - 11:14

Siltren abattit sa pioche pesante pour la millième fois sur la pierre. La couche de glace avait enfin été détruite, aussi bien à l’aide de torches que de métal et il s’échinait maintenant à dégager le blazur de la roche. Le manche de sa pioche craqua, une volée d’échardes s’échappa et il sentit une vive mais brève douleur engourdir son poignet. Le précieux minerai valait son poids de sueur et de sang, car sa résistance exceptionnelle tordait et émoussait les outils qu’on employait contre lui. Il arracha les échardes, jeta les morceaux inutiles. « Le travail ne s’arrêtera jamais » songea-t-il en prenant une autre pioche. Il jeta un œil sur les autres mineurs, qui tentaient d’élargir le tunnel pour permettre aux wagonnets chargés de métal de passer. A grands coups de masse et de marteaux, ils ouvraient une brèche dans la pierre. Ils enfoncèrent ensuite des coins, qu’ils gonflèrent d’eau. Un bruit horrible, assourdissant, résonna dans toute la mine. « Les pleurs de la Terre » songea Siltren en recouvrant ses tympans. La roche s’ouvrait avec une force phénoménale.
Le résultat dépassa leurs prévisions. Une myriade de fissures s’ouvrirent dans la galerie, mal étayée par manque de temps, et les rares poutres la soutenant courbèrent sous l’impact, comme les lézardes s’agrandissaient en toiles d’araignées.
Siltren n’attendit pas que la mort vienne le prendre. Il lâcha son outil, renversa un chariot qui bouchait sa route, et passa en trombe devant les autres esclaves. « Fuyez ! »
Il détala comme une furie, évita les pierres qui tombaient de la voûte, sans se préoccuper du craquement assaillant ses oreilles. Par chance, les fissures avaient réellement dégagé le passage, et sa voie était libre. Un caillou gros comme le poing frôla son visage, écorchant sa peau et il redoubla d’efforts. Il aperçut la fin de la galerie dans la lueur vacillante des quelques torches encore allumées, à travers un nuage de poussière. L’adrénaline envahit ses veines, il eut un second souffle qui fut à peine stoppé par la première secousse. Le sol s’effondrait désormais, et un cri derrière lui indiqua qu’un esclave en avait fait les frais. Un saut magistral lui permit de franchir le vide devant lui, et il se propulsa hors du tunnel.
Une demi-douzaine de bras se tendirent, le rattrapant au dernier moment. Il se releva et s’écarta instinctivement de la sortie, une fraction de seconde avant que le premier rescapé surgisse, suivi d’un autre, puis d’un troisième. Ce dernier avait eu les jambes brisées par une pierre lors du dernier saut, et se tordait de douleur. Siltren détourna le regard lorsqu’il vit les os qui sortaient à moitié de ses mollets. Il comprit qu’il était condamné, le regarda tristement quelques secondes, encore essoufflé par sa course. S’il ne pouvait plus rien pour lui, il lui paraissait évident de tenter de sauver les blessés qui devaient agoniser dans la mine. Cependant, il n’avait plus de souffle, et sa vision était trouble. Il s’assit par terre et attendit que cela passe, car ses jambes refusaient de le porter. Il vit Nela arriver en trombe, épaulée de ses deux apprentis portant un brancard de fortune, de draps et de bois. Après s’être assurée que Siltren et les deux autres mineurs ne risquaient rien et n’avaient que des coupures superficielles, elle les oublia totalement pour se concentrer sur l’homme à terre. Elle ouvrit un grand flacon d’alcool fort qu’elle fit boire au blessé. Même s’il n’y avait plus d’espoir, elle tentait de soulager ses souffrances.
Les secousses s’étaient arrêtées, et protégé des pierres par une simple planche de bois, les sauveteurs ne risqueraient pas grand chose. Cependant, le rescapé ne vit aucun esclave s’aventurer dans le tunnel, ni en ressortir. Tous restaient comme paralysés devant le boyau, guettant d’éventuels survivants sans oser faire un pas en avant, comme si une barrière infranchissable se dressait devant eux. Leurs expressions ne reflétaient pas la peur, mais plutôt l’inquiétude. Certains souhaitaient aller à la rescousse de leur frère ou leur mari, mais étaient retenus par les autres. La triste raison lui apparut enfin : contredire un ordre de Dern, faire quoi que ce soit sans son approbation était synonyme de mort ou de sanction. Plus que tout, les esclaves craignaient que le tyran punisse leur empressement en leur interdisant de secourir les mineurs captifs.
Après quelques minutes, son souffle revint, sa vision s’éclaircit, son cœur reprit sa course habituelle. Il se releva péniblement et interpella ses camarades d’une voix forte et assurée :
« Qu’attendez-vous ! Qu’attendez-vous pour courir sauver vos frères ! Qu’ils meurent, seuls dans les ténèbres ? Qu’on vous donne l’ordre de les sortir de là ? Sauvez-les pendant qu’il en est encore temps !!! Revoyez-les au moins une fois ! »
Siltren scruta leurs visages comme il les haranguait. Leur volonté était déchirée entre la peur de leur mort et celle d’un être cher, ils n’osaient prendre une décision, refuser ou accepter. Une femme sortit du groupe, défiant les autres :
- Je viens avec toi. C’est moi qui devais étayer la galerie. Je suis responsable de ce désastre et je ne compte pas avoir des remords toute ma vie. S’ils doivent mourir, je mourrai avec eux. Si je dois vivre, ils vivront aussi…
Ils s’enfoncèrent tous les deux dans la caverne.
Nela posa un regard sans vie, détruit sur son blessé. Il avait rendu l’âme. Intentionnellement, elle ne referma pas ses paupières et le mort garda les yeux fixés vers l’entrée de la galerie.
« Puisses-tu voir ce qui se passe ici. » Elle se releva, essuya ses pleurs d’un revers de la main. « Je viens avec vous, et si certains d’entre vous ont la moindre fierté, le moindre honneur, ils me suivront. » Sur ce, sans attendre de réponse, elle disparut dans les ténèbres, bondissant par-dessus l’abîme.
Tous avaient un immense respect pour la guérisseuse. Elle avait vécu la guerre, sauvé près de la moitié d’entre eux. Une douzaine d’esclaves décrochèrent un flambeau sans un mot, adressèrent un signe de la main au mort, dont les yeux ouverts les fixaient, puis s’engouffrèrent d’un bond à la suite des trois orateurs.
Ce fut le moment que Dern choisit pour faire irruption, flanqué de dix guerriers menaçants. Son arrivée donna des envies de meurtre à Siltren. Il venait de condamner deux mineurs qui périraient seuls dans le tunnel et les représailles risquaient d’être terribles.
« J’ai une femme en otage, hurla le tyran d’une voix courroucée. Si vous ne revenez pas… »
Sous un hochement de tête du meneur, les esclaves revinrent sur leur pas. Leur résolution allait coûter cher, se désespéra-t-il. L’homme tenait une adolescente par ses cheveux, une lame appuyée sur sa gorge nue. Il le dévisagea, décela l’esprit de rébellion qui naissait en lui. Puis il promena sa vision sur les autres insurgés, d’un œil qui fouinait dans leurs pensées, perçait la brume enveloppant leurs âmes, guettait chaque goutte de sueur sur leur front, chaque tic nerveux. Après un long moment, ponctué de marmonnements, d’hésitations, il relâcha son otage sans douceur, et s’enflamma :
-Siltren ! Toi ! Nela! Approchez ! Vous venez avec moi. Seuls ! ajouta-t-il à l’adresse des gardes qui s’apprêtaient à le suivre. Les trois désignés échangèrent un regard empli de compréhension, puis se résignèrent à obéir. Dern avait un don sinistre pour trouver les coupables.
Il s’empara d’un marteau et frappa sur la roche fragilisée, déclencha un éboulement suffisamment violent pour piéger à jamais les blessés agonisant dans le tunnel, puis il cracha avec dégoût.
Il les guida à travers une succession sans fin de galeries, de boyaux froids et sombres que lui seul connaissaient. La pointe de son épée chatouillait leur dos, annihilant toute tentative de fuite. Siltren se demanda avec inquiétude quel sort il leur réservait : il n’allait certainement pas se contenter de hurler ou de frapper. La faute était trop grave, il fallait à tout prix rétablir l’ordre parmi les captifs. De toute manière, Dern ne s’encombrait pas de motif pour assassiner…
Il s’arrêta au bord d’un gouffre noir et sans fond, aux parois abruptes et escarpées, dont le vent, par un réseau complexe de grottes et de galeries, s’échappait en hurlant tel un damné. Autour gisaient de longues chaînes couleur rouille fixées à la roche, assombries du sang séché des prisonniers ayant tenté en vain de se libérer lorsqu’ils avaient senti la soif dessécher leurs gorges. De cet endroit émanait toute la cruauté de l’esclavage, la toute-puissance de Dern. Ce lieu témoignait de la violence, de la noirceur qui se dissimulait au fin fond de l’esprit humain.
« Toi ! Quel est ton nom ? demanda-t-il à l’esclave.
- Tristance, mon maître…
- Pourquoi est-ce que tu es retournée dans le tunnel sans mon ordre ? Ne sais-tu pas que c’est interdit ?
- Il restait encore des mineurs, piégés pendant l’éboulement. Mourants, sans doute. J’étais responsable de l’étayement de leur galerie, je devais les aider. Si j’avais attendu votre autorisation pour les chercher, ils seraient morts.
- Et maintenant ? Sont-ils morts ou vivants ?
Elle garda le silence, la tête baissée. Elle attendait le jugement, passive, ne sachant quoi répondre. Elle avait eu tort.
- Sont-ils morts ou vivants ?! s’écria-t-il avec force.
- Morts…
- Alors, partage leur sort ! »
Il la projeta dans les entrailles de la terre. Son cri déchira l’obscurité, s’évanouit tant elle s’éloignait d’eux, sa vie fut soufflée comme on mouche une bougie.
Siltren ne vit pas une esclave tuée par son maître, il vit l’innocence et la souffrance abattues par un démon plus malveillant que les ténèbres elles-même. Quelque-chose en lui fut brisée, un verrou de crainte et de lâcheté, de larmes et de sang, qui retenait sa haine. Toute la rancœur qu’il avait accumulée au fil des années et qui rongeait son esprit éclata. Ses yeux glaciers se teignirent de flammes bleutées, ses mains se crispèrent à en faire grincer ses os. Dern le sentit immédiatement, juste avant qu’un hurlement de rage ne le défie. Siltren bondit sur son ennemi de toujours, empoigna ses bras, lui fit lâcher son épée et sa torche, les deux combattants tombèrent, roulèrent au bord de l’abîme, tentant mutuellement de s’étrangler. Les coups pleuvaient, les poings frappaient et malgré sa haine et sa colère le révolté eut bientôt le dessous. Ils s’écrasèrent sur les chaînes d’acier, s’y emprisonnèrent au cours de la lutte, furent piégés dans la toile d’araignée incassable. Siltren tenta de couper la respiration de son adversaire à l’aide des maillons, mais ne réussit qu’à récolter un pied dans l’estomac. Il retomba à genoux au bord du précipice, se tint le ventre endolori. Dern lui envoya un coup magistral, il chancela quelques instants au-delà du vide, puis chuta…
- NON !!! s’écria la guérisseuse.
- Nela…Tais-toi. Tu n’as qu’à te dire que c’était sûrement écrit quelque part. Les dieux ont voulu qu’il y ait des dominants et des dominés, des maîtres et des esclaves. Nous sommes leurs sujets, leurs serviteurs et devons chacun remplir notre rôle. Plies-toi-y, ou tu mourras comme ces deux-là. Ne me blâme pas pour les souffrances que j’inflige, c’est simplement mon devoir. Je dois garder le troupeau intact, même s’il faut pour cela tuer les brebis noires qui le salissent.
- Je…
- Ne dis rien. Je ne te tuerai pas. Ce n’est pas pour tes atouts en tant que guérisseuse que je te garde en vie, tu en as d’autres, que tu dissimules et que j’ai hâte de découvrir. Depuis trop longtemps je brûle d’être seul avec toi…
Le flambeau qui éclairait l’endroit se fit le complice involontaire d’une des scènes les plus tristes, les plus anciennes et les plus miteuses qui soient.

Le cavalier de tête lança sa monture à travers le fleuve. Elle pataugea un peu, lutta contre le courant et brisa les flots sous elle, revigorée par les éperons frôlant ses flancs d’ébène. La jument parvint finalement sur l’autre rive, s’ébroua et l’homme la laissa reprendre des forces quelques instants en attendant le reste du groupe. La pleine lune, brillant d’une lumière blafarde, l’aida dans sa contemplation muette. Ils étaient une trentaine, tirant sur leurs brides, poussant leurs chevaux au summum de leurs capacités. Cela faisait trois jours qu’ils parcouraient les steppes et les monts en direction du camp. Leurs estomacs criaient famine et leurs montures n’allaient pas tarder à succomber s’ils ne trouvaient pas de quoi les reposer et les nourrir. L’hiver battait son plein, amplifiant encore, si possible, le cruel manque de provisions et de chaleur dont tous souffraient. Seïn eut un rictus lorsqu’il se fit la remarque qu’ils vivaient comme des loups. Parcourant des dizaines et des dizaines de lieux avant de trouver une proie, puis repartant vers l’inconnu. Qu’importe ! Il aimait cette vie, sauvage et pleine d’imprévus, préférait être comme un loup le ventre vide que comme un chien affectueux qui lèche les bottes de son maître. Son ex statut d’esclave n’était plus qu’un mauvais souvenir à demi effacé par les meurtres et les escarmouches. Il resserra la main sur la poignée de son poignard, réajusta le carquois et l’arc dans son dos, abaissa la pièce de tissu qui protégeait son visage du vent. Cette nuit, il jouerait une fois de plus son existence dans une partie d’échecs où il lui semblait ne posséder que des fous et des cavaliers, même si ce n’était pas un désavantage. Ses hommes n’hésitaient pas face au danger, et ne faisaient qu’un avec leur monture. Tout comme lui, ils étaient prêts à mourir sans avoir de réelle cause, hormis l’intérêt pur et simple…
- Arcéos ! Prépare les hommes ! Nous arriverons bientôt aux mines. Mes frères ! La bataille sera rude, comme chaque fois. Mais je sais que nous n’échouerons pas. Nous frappons avec la force des loups, nous avons leur rage et leur endurance, nous galopons plus vite que ne volent les faucons. Cette nuit sera éclairée des flammes des enfers où nous enverrons nos ennemis ! L’aube sera plus rouge que leurs tuniques, le feu de nos flèches plus doré que leurs armures ! Cette nuit, nous vaincrons !!!
- NOUS VAINCRONS !!! reprirent les cavaliers en brandissant leurs armes. NOUS VAINCRONS !!!
Ils hurlèrent ainsi en chargeant à travers la plaine, comme les ombres des fortifications se dessinaient à l’horizon, présages de la bataille à venir.

Siltren revint lentement à lui, ballotté au-dessus d’un vide impressionnant. Les chaînes qui emprisonnaient sa poitrine dans un carcan d’acier lui avaient évité la mort. Il se souvenait à présent : Dern l’avait frappé, il était tombé dans le gouffre, puis avait subi une violente secousse lorsque les chaînes avaient été tendues à bloc. Ensuite, il avait vu avec horreur les parois se rapprocher à toute vitesse. Ses souvenirs s’arrêtaient là. Ses articulations, ses os le faisaient souffrir, il avait l’impression qu’une masse d’une tonne pesait sur son estomac.
Il oublia un instant sa douleur en remarquant que l’obscurité n’était pas totale. En haut, une torche brûlait toujours, signe de la présence de son ancien maître. Tout d’abord, il crut à une ruse, s’imagina que Dern l’attendait l’épée à la main, mais se ravisa en comprenant qu’il n’aurait eu qu’à trancher les maillons pour se débarrasser de lui. Sans chercher à comprendre, il entama sa longue et pénible ascension, avec le plus de silence possible.


Dernière édition par Victor le Dim 20 Avr 2008 - 15:41, édité 2 fois
Revenir en haut Aller en bas
https://ecrire.forumactif.org/espace-personnel-des-membres-f43/es
Victor
Accro au forum ? Oui, pourquoi ?
Victor


Masculin Nombre de messages : 559
Age : 31
Localisation : Dans un dojo
Loisirs : Karaté
Date d'inscription : 08/04/2007

De glace et de flammes Empty
MessageSujet: Re: De glace et de flammes   De glace et de flammes Icon_minitimeVen 1 Fév 2008 - 11:16

Donc voilà le deuxième chapitre en entier. C'est à peu près tout ce que j'ai écrit pour le moment,et je remercie d'avance ceux qui auront le courage de le lire...
Revenir en haut Aller en bas
https://ecrire.forumactif.org/espace-personnel-des-membres-f43/es
Invité
Invité
Anonymous



De glace et de flammes Empty
MessageSujet: Re: De glace et de flammes   De glace et de flammes Icon_minitimeVen 1 Fév 2008 - 17:56

J'ai lu le début, c'est intéressant, j'aime beaucoup la façon dont tu décris le paysage et la glace !
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
Anonymous



De glace et de flammes Empty
MessageSujet: Re: De glace et de flammes   De glace et de flammes Icon_minitimeVen 1 Fév 2008 - 19:50

une petite répétition et une expression un peu bizarre
"La lune perçait les nuages brumeux du ciel étoilé. Seules régnaient les ténèbres, les ténèbres du foyer mourant, du hurlement du vent, du froid de la nuit…les ténèbres de la solitude. Rien de pire que la solitude profonde dans laquelle l’esclave était plongé, dans laquelle il se noyait sans trouver de main secoureuse qui puisse le ramener à la surface. Le désespoir s’empara de son esprit comme de celui de chaque être abandonné, et rien ne pouvait le consoler dans sa douleur quand il voyait ce qui restait d’Olst. En un conte, il était devenu son messie. Un messie sacrifié sur l’autel de la cruauté et de l’ignorance. Un messie sans fidèles, que personne ne suivait par peur de braver les interdits. Siltren tenta vainement de ne plus y penser, ne serait-ce que quelques secondes. Rien n’y fit, il était constamment assailli de pensées morbides et sombres. Il ignora le froid et la neige qui recommençait à tomber, pour s’étendre à côté des cendres et du feu mourant"

sinon ton récit est toujours aussi prenant ! vivement la suite
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
Anonymous



De glace et de flammes Empty
MessageSujet: Re: De glace et de flammes   De glace et de flammes Icon_minitimeVen 1 Fév 2008 - 20:01

Ca faisait longtemps Victor ! Je lirais tout ça ce week-end... Un peu à court de temps là ^^
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
Anonymous



De glace et de flammes Empty
MessageSujet: Re: De glace et de flammes   De glace et de flammes Icon_minitimeSam 2 Fév 2008 - 0:09

J'ai lu les deux premiers posts.

Je suis... hébété. C'est magnifique. Magnifique.

Je ferai un éloge meilleur plus tard, ainsi que des critiques. Mais chapeau pour les deux premiers posts en tout cas.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
Anonymous



De glace et de flammes Empty
MessageSujet: Re: De glace et de flammes   De glace et de flammes Icon_minitimeSam 2 Fév 2008 - 9:52

Voilà, j'ai fini de lire le premier chapitre.

Donc comme je le disais, ton texte est vraiment beau. Je ne sais pas pourquoi, peut-être à cause de la forêt, des loups, et de l'avatar d'Erialc (^^), en te lisant, j'ai pensé à Princesse Mononoke. Ce même sentiment de décor sublime, teinté de bleu glacé, de mélancolie, d'une révolte couvante, d'une souffrance brûlante.

Les phrases sont matures, bien faites ; pas (ou peu, j'étais trop absorbé pour faire vraiment attention) de fautes d'orthographe. Certaines images m'ont ébloui par leur beauté, par exemple : Comme une lame de cristal : resplendissante, mais fragile et synonyme de mort, qu’on ne pouvait briser sans projeter des éclats meurtriers. Ou encore : Nous vivions en harmonie avec la nature, l’affrontant parfois, mais prenant soin d’elle. Et aussi : Combattre pour les siens ne signifie pas remporter la victoire. Isolées, ces phrases sont plus qu'appréciables ; mais dans le contexte, elles sont simplement belles. Une question d'harmonie, que tu as merveilleusement orchestrée.

L'idée du poison que l'on donne aux esclaves est géniale, elle aussi. Cela dit, si l'on donne l'antidote le soir, n'y a-t-il pas de risques que les esclaves s'échappent la nuit ? Peut-être devrais-tu préciser que le poison est permanent, et qu'il faut prendre l'antidote quotidiennement pour ne pas succomber, plutôt que de faire prendre le poison aussi souvent que l'antidote (enfin, ce n'est qu'une suggestion).

Pour continuer sur ma lancée, je te félicite aussi pour la qualité de ton style. Je voyais parfaitement les scènes dans ma tête, les descriptions n'étaient jamais lourdes, et quand elles étaient relativement longues, elles étaient imprégnées d'une poésie et d'une âme que je ne me lassais pas de découvrir. J'étais parmi les loups, j'étais parmi les esclaves, j'étais face à cette forêt bleue et froide, j'étais dans la mine ; j'étais partout où tu voulais m'emmener. C'était réussi.

Bravo aussi pour les ellipses temporelles et le changement de point vue : on commence avec une bagarre de loups, c'est captivant (c'est l'un de mes passages préférés, en fait ^^), puis la transition est bien faite quand on s'intéresse à Siltren. L'autre ellipse que j'ai bien aimée est celle du fer pour soigner les blessures. Encore une fois, bravo.

Seul bémol peut-être, certains dialogues gagneraient éventuellement à être un brin plus étoffés (par exemple celui entre Siltren et la guérisseuse). Mais c'est du légèrement moins bon dans un ensemble déjà très bon.

Ah si, un truc qui me fait râler : t'as quinze ans, et t'écris déjà aussi bien ? Non mais oh ! ^^

Bref, tu m'en as mis plein la vue...

L'appel des maths m'oblige à me retirer, mais je poursuivrai bien entendu avec plaisir et impatience ton deuxième chapitre.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
Anonymous



De glace et de flammes Empty
MessageSujet: Re: De glace et de flammes   De glace et de flammes Icon_minitimeSam 2 Fév 2008 - 11:55

(Les maths n'ont pas fait long feu... Razz)

J'ai fini la lecture du deuxième (et pour l'instant second) chapitre. J'étais moins ébloui, mais c'est sans doute à cause de l'histoire qui devient plus sombre.

J'ai repéré quelques fautes à droite à gauche, que tu peux sans doute repérer en relisant bien (ou qu'ultuant détectera pour toi ^^).

Cette fois-ci, je ne suis pas tout à fait d'accord avec ton découpage ; l'arrivée du personnage Seïn est bizarre, dans le sens inattendue et mal imbriquée. Tu devrais plutôt le faire apparaître dans un troisième chapitre ; du coup, ce deuxième chapitre pourrait être la fin du premier. Ou alors, il commencerait plutôt lorsque le conte narre l'histoire de leur peuple. Je ne sais pas si tu as tout suivi...

Donc tu n'as pas grand-chose à modifier à mon avis, juste redécouper les chapitres, et faire venir Seïn plus tard... Encore une fois, ce n'est qu'une suggestion.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
Anonymous



De glace et de flammes Empty
MessageSujet: Re: De glace et de flammes   De glace et de flammes Icon_minitimeLun 4 Fév 2008 - 21:13

ravi que tu puisses penser à princesse mononoké grâce à mon avatar ! Very Happy c'est une chose que les gens devraient faire plus souvent... Rolling Eyes *rêve*
Revenir en haut Aller en bas
Victor
Accro au forum ? Oui, pourquoi ?
Victor


Masculin Nombre de messages : 559
Age : 31
Localisation : Dans un dojo
Loisirs : Karaté
Date d'inscription : 08/04/2007

De glace et de flammes Empty
MessageSujet: Re: De glace et de flammes   De glace et de flammes Icon_minitimeSam 9 Fév 2008 - 21:52

Merci à tous ceux qui ont répondu, spécialement Hakkrat qui a fait une dissertation. Je ne pensais pas avoir d'aussi bons commentaires...
Bon, pour le feu mourant répété, petite erreur que je m'empresse de corriger. Sinon je laisserais "les ténèbres du hurlement du vent etc" qui montrent que rien autour de lui ne peut rassurer Siltren.
Quant au découpage en chapitres...Ca va être dur de recommencer...Mais j'y penserais quand même.
Pour finir: j'avoue que j'ai du mal pour les dialogues. Pas pour les "discours" mais pour les conversations banales. J'essaie de m'améliorer sur ce point.

Ps: une petite semaine et le chapitre trois arrive(en théorie, hein...)
Revenir en haut Aller en bas
https://ecrire.forumactif.org/espace-personnel-des-membres-f43/es
Invité
Invité
Anonymous



De glace et de flammes Empty
MessageSujet: Re: De glace et de flammes   De glace et de flammes Icon_minitimeSam 9 Fév 2008 - 21:57

Oui, je sais que c'est pénible de retravailler... Moi, je crois que ça m'a découragé pour certains textes. Mais bon... ^^

Ravi d'avoir pu t'être utile.
Revenir en haut Aller en bas
Victor
Accro au forum ? Oui, pourquoi ?
Victor


Masculin Nombre de messages : 559
Age : 31
Localisation : Dans un dojo
Loisirs : Karaté
Date d'inscription : 08/04/2007

De glace et de flammes Empty
MessageSujet: Re: De glace et de flammes   De glace et de flammes Icon_minitimeSam 9 Fév 2008 - 22:03

Qu'est-ce qui ne vas pas dans l'arrivée de Seïn en fait?
Revenir en haut Aller en bas
https://ecrire.forumactif.org/espace-personnel-des-membres-f43/es
Invité
Invité
Anonymous



De glace et de flammes Empty
MessageSujet: Re: De glace et de flammes   De glace et de flammes Icon_minitimeSam 9 Fév 2008 - 22:13

Euh... Je demande la permission pour imprimer et lire sur papier... Sinon j'y arriverais pas ^^
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
Anonymous



De glace et de flammes Empty
MessageSujet: Re: De glace et de flammes   De glace et de flammes Icon_minitimeSam 9 Fév 2008 - 22:32

Poudidiou, j'ai lu tout à l'heure, que c'est magnifiquement bien écrit et jolie ce 1er chapitre!

Ben écoute un gros coup là =)

Bravo!
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
Anonymous



De glace et de flammes Empty
MessageSujet: Re: De glace et de flammes   De glace et de flammes Icon_minitimeSam 9 Fév 2008 - 23:52

Victor a écrit:
Qu'est-ce qui ne vas pas dans l'arrivée de Seïn en fait?

Sans relire (je fais de tête), je crois me rappeler que tu fais intervenir Seïn, dont on n'a jamais entendu parler auparavant, en plein milieu d'un chapitre, ce qui est étrange. D'où ma proposition de redécoupage, où je te suggère de copier/coller ce passage dans un autre chapitre (en début, ou en fin, ou en développant un chapitre entier sur Seïn).
Revenir en haut Aller en bas
Victor
Accro au forum ? Oui, pourquoi ?
Victor


Masculin Nombre de messages : 559
Age : 31
Localisation : Dans un dojo
Loisirs : Karaté
Date d'inscription : 08/04/2007

De glace et de flammes Empty
MessageSujet: Re: De glace et de flammes   De glace et de flammes Icon_minitimeMar 12 Fév 2008 - 18:02

Si Seïn arrive maintenant c'est surtout que le chapitre II est assez court et que si je déplace la scène le troisième chapitre sera beaucoup trop long... C'est juste une question de taille...
Revenir en haut Aller en bas
https://ecrire.forumactif.org/espace-personnel-des-membres-f43/es
Victor
Accro au forum ? Oui, pourquoi ?
Victor


Masculin Nombre de messages : 559
Age : 31
Localisation : Dans un dojo
Loisirs : Karaté
Date d'inscription : 08/04/2007

De glace et de flammes Empty
MessageSujet: Re: De glace et de flammes   De glace et de flammes Icon_minitimeMar 12 Fév 2008 - 18:05

Ellias a écrit:
Euh... Je demande la permission pour imprimer et lire sur papier... Sinon j'y arriverais pas ^^

Permission accordée... lol
Revenir en haut Aller en bas
https://ecrire.forumactif.org/espace-personnel-des-membres-f43/es
Contenu sponsorisé





De glace et de flammes Empty
MessageSujet: Re: De glace et de flammes   De glace et de flammes Icon_minitime

Revenir en haut Aller en bas
 
De glace et de flammes
Revenir en haut 
Page 1 sur 7Aller à la page : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7  Suivant
 Sujets similaires
-
» Les jeux de la glace [Nouvelle]
» L'énigme de Paris (texte pour l'AT glace d'Etherval)

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Atelier d'écriture :: Au coin du feu :: Archives fantasy-
Sauter vers: