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| Sujet: La douzième servante de la princesse d'Aënje (nouvelle en un morceau) Mer 27 Jan 2021 - 13:11 | |
| Salut à toustes ! » Je vous présente mon tout premier écrit abouti. Le titre est provisoire... et vos suggestions sont les bienvenues ! » La fantasy n'y apparaît pas explicitement, mais puisque cette nouvelle s'inscrit dans ma diégèse fantasy et qu'elle n'entre pas vraiment dans les autres catégories, je la poste ici. » Bonne lecture ! - La douzième servante de la princesse d'Aënje:
Darem laissa tomber son sac dans l’entrée de la chambre. La petite Jiana avait insisté pour qu’il dorme avec elle la veille de son départ… Il avait accepté en dépit de toute logique. Le jeune homme ouvrit son sac pour en tirer un tapis de sol et un duvet. Un piètre couchage pour le voyage qui l’attendait… Comme tant d’adultes avant lui, il n’était pas parvenu à se défendre de la frimousse – et de l’argumentaire redoutable – de sa nièce. — Aënje ne te plaît plus ? demanda Jiana depuis son lit. — J’aime beaucoup Aënje… répondit Darem alors qu’il apprêtait son oreiller, mais je ne connais que la capitale et j’aimerais découvrir la province. La fillette se glissa sous la couette et demanda avec curiosité : — Alors, tu vas voir les plaines ? — Oui… et je dois me reposer, un long voyage m’attend demain. — Est-ce que tu peux me raconter une histoire ? — Je ne sais pas très bien les raconter… — Ce n’est pas grave, maman ne raconte pas très bien non plus. Darem riposta d’une œillade espiègle à sa nièce. — Et elle serait ravie de l’entendre… Je suis désolé, mais je n’en connais pas beaucoup. — Est-ce que tu connais l’histoire de la douzième servante ? — Pas vraiment… L’enfant n’en crut pas un mot. Il ne fallait pas lâcher le morceau. — Tu la connais ? S’il te plaît… maman ne veut jamais me la raconter… — Si elle ne veut pas te la raconter, je ne vais pas te la raconter non plus, petit crapaud. — Oh s’il te plaît, tu la connais… s’il te plaît, je ne dirai rien à maman… Sans plus rien dire, Jiana étudia la mine renfrognée de son oncle : la victoire était proche. — Si tu me promets que tu seras toujours gentille avec elle, finit par répondre ce dernier. La fillette fit joyeusement tambouriner ses pieds contre le matelas de son lit. — Promis ! — Moins de bruit, petit crapaud… Je te la raconte et après, au lit. — Promis… répéta Jiana en chuchotant. Aux anges, elle s’écarta pour faire de la place à Darem avant de s’affaler sur son oreiller. Armée de son plus beau sourire, elle attendit qu’il vienne la rejoindre.
— Alors… soupira Darem en approchant du lit, c’est l’histoire de Maedel, la douzième servante de la princesse d’Aënje… Le jeune homme s’assit à côté de Jiana, qui l’encouragea d’un sourire. Il se laissa peser sur un bras et murmura : — Un jour d’hiver… Maedel est entrée dans les appartements de sa maîtresse… la princesse Lënadil. Fait curieux, elle était suivie d’un faucon… un faucon pèlerin, qui marchait juste derrière elle. Maedel s’est avancée vers la princesse, elle lui a tendu une feuille de papier… et lui a demandé où se trouvait la cité de Sumriti. Impatiente de l’apprendre à son tour, Jiana retint son souffle alors que Darem poursuivait : — La princesse n’en savait rien du tout, mais elle s’est bien gardé de le dire à Maedel… Elle s’est contentée de lui prendre la feuille et pour découvrir, à son tour, le dessin d’une cité inconnue. Il était petit et à moitié effacé mais… il laissait deviner une splendeur sans pareil. » Au bas de la feuille, quelqu’un avait écrit : Comme j’aimerais que tu voies la grande cité de Sumriti… Elle ne connaît ni la faim, ni le froid Et la nuit, son temple brille comme la lune. Sur ces mots, le jeune homme se tut et sourit… Entre les murs de la petite chambre de Jiana, de blanches colonnes s’érigeaient pour soutenir le temple resplendissant que la fillette imaginait. — Mais… reprit Darem, la princesse se moquait bien de cette cité dont elle n’avait jamais entendu parler. Alors, elle a ordonné à Maedel de donner quelque chose au faucon et puis du balai ! — Et Maedel, elle savait où était Sumriti ? — Je ne sais pas… Mais elle a obéi à la princesse. Elle a dénoué le ruban qu’elle avait dans les cheveux et l’a donné au faucon, qui l’a pris dans son bec avant de s’envoler vers l’ouest… Les yeux ronds comme des soucoupes, Jiana répéta : — Un ruban ?
Darem se pencha vers elle comme pour lui faire une confidence. — Maedel n’avait aucune idée du destin qui l’attendait… glissa-t-il en souriant. Deux jours plus tard, le faucon est revenu à Aënje pour porter une lettre à la princesse. Pac pac pac, trois petits coups de bec pour frapper à sa fenêtre. L’imitation décrocha un rire à Jiana, qui l’étouffa sous sa couverture avant de chuchoter : — Qu’est-ce qu’il voulait ? — Ce jour-là, la princesse était avec ses trois premières servantes. C’est la deuxième qui s’est chargée d’aller ouvrir la fenêtre. Fait curieux, le faucon est entré comme si on l’y avait invité. Fait plus curieux encore, il a tendu la patte comme pour présenter la lettre qu’il portait… — Il y a beaucoup de faits curieux dans cette histoire… — Je suis bien d’accord, répondit Darem dans un hochement de tête. La deuxième servante s’est dépêchée de récupérer la lettre et l’a remise à sa maîtresse, qui perdait déjà patience. D’ailleurs… la princesse a insisté pour déplier elle-même la feuille de papier… — Parce qu’elle était curieuse ! s’exclama Jiana. Darem posa l’index sur ses lèvres pour inviter sa nièce à plus de discrétion. — Ça oui, elle était curieuse… Mais quand elle a ouvert la lettre, elle a fait la grimace. — Pourquoi ? demanda aussitôt la fillette dans un murmure. — Dans cette lettre… un mystérieux conseiller – du nom de Jhosen – louait la grâce et la distinction de Maedel… Le conseiller Jhosen écrivait être éperdument amoureux de la douzième servante et demandait à la princesse l’autorisation de l’épouser… Enfin, le Haut-Conseil de Sumriti invitait Maedel à venir visiter la cité. Le jeune homme sourit à l’expression avide de sa nièce qui, les yeux grands ouverts, attendait la suite du récit. Il s’appliqua à ne pas hausser la voix lorsqu’il reprit avec passion : — La princesse était furieuse. Qui était donc ce conseiller qui préférait la main d’une simple servante à la sienne ? La douzième, de surcroît ! La plus insignifiante de toutes ! Et puis… comment, pourquoi le Haut-Conseil ne l’avait pas invitée à visiter Sumriti ? Inutile de te dire que la princesse était vexée comme un pou. Il adressa un sourire complice à Jiana avant de poursuivre : alors… elle a ordonné à sa troisième servante d’aller chercher du papier et lui a dicté sa réponse au conseiller Jhosen : la princesse d’Aënje refuse de vous céder sa douzième servante, dont l’importance n’est plus à prouver. — Elle n’était vraiment pas contente… — C’est le moins qu’on puisse dire… Quand sa servante a terminé d’écrire sa réponse, la princesse lui a arraché la lettre des mains. Elle a voulu faire quelques pas vers le faucon… Mais il ne s’est plus laissé approcher : pendant près d’une heure, la princesse et ses trois servantes ont essayé de l’attraper d’un bout à l’autre de la chambre ! Amusée par la mésaventure, Jiana s’efforça de retenir un éclat de rire. — Est-ce qu’elles ont réussi à l’attraper ? demanda-t-elle tout bas. — Jamais. Après une heure d’efforts, la princesse était excédée et a fini par ouvrir la fenêtre. Enfin libre, le faucon a pu s’envoler vers l’ouest… — Toujours vers l’ouest… souffla la fillette.
Le conteur marqua une pause pour ménager l’effet du dénouement à venir. Lorsqu’il fut certain d’avoir toute l’attention de son public, il susurra : — Le lendemain… la princesse a fait appeler sa douzième servante, mais personne n’est parvenu à la trouver… Il baissa encore d’un ton pour conclure : Maedel s’était envolée. Il marqua une autre pause et guetta une réaction de Jiana. La petite semblait avoir perdu son regard dans un repli de son édredon… et sa moue ne disait rien qui vaille. — L’histoire ne te plaît pas ? demanda-t-il d’une voix inquiète. — Si… mais… tu avais dit que tu ne savais pas bien raconter les histoires… Moi, je trouve que m’as très bien raconté l’histoire de la douzième servante. Rassuré, Darem lui caressa la joue avec tendresse. — C’est vraiment gentil, petit crapaud. — A l’école, rebondit aussitôt la fillette, j’ai un ami qui dit que le faucon a emmené Maedel à Sumriti. Il dit qu’il l’a rendue toute petite pour qu’elle monte sur son dos et rencontre le conseiller Jhosen… mais je n’y crois pas, commenta-t-elle avec sérieux. Je ne pense pas que c’est possible… — Que ce soit possible, petit crapaud… Et je suis d’accord avec toi. Il s’approcha d’elle et ajouta : maintenant, si tu veux bien… Je dois aller me coucher. — Si ce n’est pas possible, pourquoi autant de personnes croient que c’est vrai ? Le jeune homme poussa un profond soupir. — Eh bien… parce que dans cette histoire, certaines choses sont vraies. — Vraies de vraies ? demanda la fillette avec étonnement. — Tout n’est pas prouvé mais… par exemple, la princesse Lënadil a bien existé. Elle était connue pour être capricieuse et désagréable avec ses domestiques… Jiana se redressa et commenta dans un hochement de tête : — Si elle était comme dans l’histoire… ça c’est sûr, elle était désagréable. — Elle avait effectivement une douzième servante du nom de Maedel, qui a disparu… — Peut-être que Maedel s’est enfuie du palais parce que la princesse était méchante ? La proposition faisait sens. Mais… — Je ne pense pas, dit Darem. Tu sais… à l’époque, c’était très difficile de quitter le palais. — Est-ce qu’il y a d’autres choses qui sont vraies ? — Un faucon est vraiment venu porter la lettre au palais royal… — Et le dessin aussi ? — Je ne sais pas… Mais le faucon était bel et bien avec Maedel quand elle a montré le dessin à la princesse.
— Comment tu sais toutes ces choses ? demanda Jiana, un soupçon dans la voix. — Comme dans l’histoire, la princesse était entourée de nombreuses servantes… Certaines d’entre elles sont allées raconter ce qu’elles avaient vu et entendu aux autres domestiques du palais… Et en un rien de temps, tous les habitants d’Aënje connaissaient l’histoire du conseiller qui avait demandé une simple servante en mariage. — Oui… d’ailleurs… tu as très bien raconté l’histoire, appuya Jiana avec prudence, mais… à l’école, on m’avait dit que le conseiller Jhosen avait refusé d’épouser la princesse… — Il y a plusieurs versions de l’histoire. Elles ne peuvent pas toutes être vraies… et rien n’a prouvé cette version-là. L’explication sembla satisfaire la fillette… Mais quelles versions étaient vraies ? — Est-ce que c’est vrai que le roi a cherché Sumriti ? demanda-t-elle alors. Ravi que la question soit soulevée, Darem répondit avec enthousiasme : — Parfaitement, petit crapaud… Le roi a envoyé au moins une centaine de cavaliers. — Au moins une centaine… répéta la fillette en écarquillant les yeux, c’est beaucoup… — C’est que le roi était prêt à tout pour retrouver le conseiller qui avait manqué de respect à sa fille… alors… il a envoyé des éclaireurs aux quatre coins du royaume – et surtout à l’ouest – pour trouver la cité de Sumriti. — Et est-ce que les cavaliers l’ont trouvée ? Une mystérieuse lueur dans le regard, Darem répondit : — Jamais… — Et les autres ? Le jeune homme se composa un air détaché pour demander : — Tu veux parler des autres qui sont partis chercher Sumriti ? Jiana acquiesça de la tête… Il admit gravement : certains n’ont rien trouvé, mais la plupart d’entre eux n’est jamais revenue. — Peut-être que Sumriti n’existe pas ? Peut-être qu’elle est très bien cachée… s’abstint de répondre Darem. Après un court silence, Jiana ajouta : — En tout cas… si personne ne revient, c’est sûrement un voyage dangereux. Peut-être que ceux qui trouvent la cité ne veulent plus la quitter… La fillette ramena ses couvertures à elle. Alors qu’elle s’emmitouflait, une intense réflexion lui fit froncer les sourcils. — Tu dis que la lettre du conseiller Jhosen est vraie… mais… comment il est tombé amoureux de Maedel alors qu’il ne l’avait jamais rencontrée ? Le bon sens de l’enfant était aussi admirable qu’il était désespérant. — Je ne sais pas… admit Darem dans un soupir. — Je n’ai jamais vu de faucon mais je trouve que celui de l’histoire est très curieux. Je pense que les oiseaux aiment qu’on leur donne à manger, pas des rubans… Et je me demande si un temple peut vraiment briller comme la lune… Je ne pense pas que c’est possible. Darem s’abstint cette fois-ci de corriger le subjonctif de sa nièce. Il lui fallait aller dormir… mais Jiana ne tarissait toujours pas de questions. — Pourquoi maman ne veut pas me raconter cette histoire ? — Parce qu’elle a peur que tu décides toi aussi de chercher Sumriti et ne reviennes jamais… La réponse laissa la fillette perplexe. — Mais… commença-t-elle comme pour souligner une évidence, je n’ai pas envie de chercher Sumriti… Et puis, je n’ai pas envie d’inquiéter maman… — Tu es le plus gentil des petits crapauds… murmura Darem en souriant. Après une courte réflexion, Jiana dit tristement : — Les autres servantes de la princesse devaient être inquiètes quand Maedel a disparu… Elle chercha le regard de son oncle et plissa les paupières à la vue de son visage assombri. — Quand même, ajouta-t-elle, j’aimerais bien savoir ce qui est vrai dans cette histoire. — Moi aussi… Jiana suivit Darem des yeux alors qu’il se levait pour s’étirer. Le jeune homme s’accroupit à côté du lit et lui dit d’une voix douce : — Petit crapaud… il est temps pour moi d’aller me coucher. Il chercha sa main, qu’il serra avant de reprendre dans un sourire : merci d’avoir insisté pour que je dorme à côté de toi, et pour que je te raconte l’histoire de la douzième servante… Je ne le regrette pas. Il embrassa le front de sa nièce et se redressa. Alors qu’il considérait le sol dur sur lequel il allait dormir, il soupira une dernière fois à l’idée de son manque de discernement. La petite voix de Jiana le tira soudain de ses pensées. — Je ne dirai rien à maman… Intrigué, Darem se tourna vers la fillette, qui avait jeté son regard sur son sac de voyage. Elle releva les yeux vers lui pour murmurer : — Mais… si tu trouves Sumriti, tu pourrais aussi trouver un faucon pour m’écrire.
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