Elle était là, après avoir malencontreusement percutée le pare choc d’une voiture noire.
La balle rouge rebondissait sur les pavés de la place, elle glissait sur le sol parsemé de touffes herbacées.
C’était une journée calme, les gens sortaient pour se détendre au bord de la fontaine. Ils prenaient place au centre, à l’ombre d’un vieux chêne. Les enfants s’éclaboussaient, plongeant leurs petits pieds dans l’eau claire et rafraîchissante. Certains s’adonnaient, non loin de là, sur un terrain de sable, à la pétanque. D’autres s’esclaffaient autour d’un jeu de carte.
Les passants étaient de jeunes gens à la découverte d’un nouveau lieu rupestre et romantique. Les vieux bâtiments de grès rose rendaient l’atmosphère encore plus lourde. Un léger vent parcourait les rues désertes, les appartements respiraient le calme. Quelques fenêtres laissaient s’échapper des odeurs alléchantes de tartes aux mirabelles…
Sur le banc de la place, quatre compères s’échangeaient leurs souvenirs d’enfance, le sourire aux lèvres et les yeux emplis de nostalgie. Ils parcouraient les aventures des uns et des autres, les femmes qu’ils avaient connues, les échecs vaincus. Ils ne se lassaient jamais de ces petites discussions. L’un d’eux parlait de son petit fils. Ils trébuchèrent sur les valeurs de la nouvelle jeunesse, regrettant celles qui étaient les leurs.
La balle rouge s’arrêta au pied du banc. C’était un dimanche ensoleillé, aux confins d’un petit village tranquille. Le ciel était dégagé. Une hirondelle déploya ses ailes et vint rejoindre l’horizon. Un envol vers la liberté.
Les regards s’arrêtèrent sur elle. Elle était là, après avoir malencontreusement percutée le pare choc d’une voiture noire. Seul le clapotis de la fontaine faisait échos sur la place. Elle gisait sur le sol, couchée au milieu de quelques petites touffes d’herbes.
Les bras le long de son corps. De jeunes et petits bras immobiles que le soleil réchauffait. Les yeux ouverts, reflétant le beau ciel azur. Un petit coup à la peau fine. Des doigts de petite princesse et des cheveux d’or drapés de rubis.
De fines chevilles portant des sandalettes blanches. Un nez qui n'avait pas encore humé toutes les senteurs enivrantes du monde. Une main qui n'avait pas encore frôlé la douceur du sable chaud. Une bouche qui n'avait pas encore pu goutter aux pommes d'amour. Son dernier souvenir.....sa balle rouge rebondissait...
Une hirondelle pris son envol.
Sujet: La balle rouge 
Dim 6 Juin 2021 - 22:17
