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 Entre les vagues et le vent

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Elnadji
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Masculin Nombre de messages : 9
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MessageSujet: Entre les vagues et le vent   Entre les vagues et le vent Icon_minitimeJeu 1 Juil 2021 - 9:42

Salutations à tout le monde,
J'espère que vous allez bien
Voici mon dernier texte et le premier que je partage,
En l'honneur de cette inauguration sije puis dire, j'espère qu'il vous plaira ! Very Happy



ENTRE LES VAGUES ET LE VENT



– Bon. La tortue entre dans son terrier, mais qu’est-ce qu’une tortue fout dans un terrier ? Le serpent arrive, lui tourne autour, puis la tortue court, mais le serpent l’encercle, il la mord, depuis quand un serpent par le casser les dents sur la carcasse d’une tortue ? Bizarre, ce truc. Puis la tortue empoisonnée fait un tour sur elle même et… hop ! Terminé !
– Bien joué, Sam. Maintenant je vais t’apprendre le nœud de chaise.
– C’est bon pour aujourd’hui, papa, je descends dans la cale.
– Pourquoi ça ?
– C’est mon terrier, tu le sais. Préviens-moi si tu vois un serpent à bord.
Samuel descendit les marches de l’escalier, souriant, et s’accrocha à la rambarde. Le voilier tanguait, prit entre les rouleaux d’eau qui s’élevaient et les vents qui se levaient. Il atteignit la dernière marche et entra dans la cale. Faites de bois rugueux, les parois de l’unique pièce du navire portaient des étagères remplies d’objets de navigations, de décorations, de vivres, et d’autres bibelots tout à fait mystérieux. Sur le bureau du père de Sam, le jeune garçon savait qu’une carte reposait, même dans l’obscurité.
Dans cette pénombre, Samuel se dirigea vers l’une des planches-étagères et posa son regard sur une lampe à huile, puis vint le tour de ses doigts. Il l’alluma, et une lumière jaune naquit, baignant soudain l’endroit d’une faible lueur. Samuel retourna au bureau.
La dernière croix en date marquée par son père, qui désignait l’emplacement du bateau sur le globe, était à mi-chemin entre l’imposant bloc africain et les côtes australiennes. Les Alizés et les courants portaient le véhicule marin plein Ouest. Sam était penché sur la carte.
– Où va-t-on comme ça, papa ? murmura le garçon pour lui même. Pourquoi avoir fuit nos terres ? L’Australie me manque. Enia aussi.
– Nous sommes des émigrants, répondit son père qui fit irruption dans les escaliers.
– Des émigrants ? Des émigrants qui fuient le confort de leur vie et qui fuient celles qu’ils aiment ?
– Le monde dégénère, Samuel. En un mois, notre continent à changé, je peux te le garantir.
– Alors pourquoi tu ne me laisses pas allumer la radio ?
– La dernière fois que je l’ai fait, j’ai entendu quelque chose qui justifiait notre départ.
Samuel s’approcha de son père, lentement, faisant résonner chaque pas. Il s’arrêta devant lui.
– Papa, qu’est-ce qui justifie que je sois loin d’Enia ?
La conversation fut mise en pause pour quelque secondes. Avant que le père n’en reprenne les reines.
– La guerre. Ça y est. Elle a éclaté.
Père et fils se dévisagèrent. Ils se voyaient peu, et chacun préférait ne pas distinguer le visage de l’autre. Samuel serra les dents. Sa respiration se fit plus saccadée.
– Pardon.
Le père de Samuel libéra la voie des escaliers et son garçno de quinze ans remonta sur le pont. Eugène eu de la peine pour son fils, comme en témoigna son long soupir, et partit à son bureau. Il attrapa un compas, une règle et un crayon noir. Son dos voûté au dessus de la carte et de la lampe projetait une large ombre sur le vieux plancher. Quelques minutes plus tard, il traça une croix au large d’une île à la forme de visage. Un visage bienveillant. L’île qui faisait rêver Eugène. Une touche de rêve au milieu de ses tourments, qui lui donna l’impression que deux adolescents étaient à bord.
Un mètre plus haut, Samuel tenait la grosse rambarde de fer qui le séparait de l’immensité du désert d’eau. Le désert Indien, se disait-il, du moins désert qu’en surface.
Les blocs d’eau cassés par la coque du bateau projetaient des gouttelettes salées sur le visage de Samuel. De l’eau, colorée par le reflet du ciel, de l’eau à perte de vue, des litres et des tonnes d’eau. Samuel ressentait un dégoût envers les Hommes. Il voyait leur laideur dans toute sa splendeur. Quelle atrocité que de faire partie de cette espèce. Tant de beauté qu’ils ont souillé. Ça y est, papa avait vu juste. La guerre a donc commencé ses ravages.
Et Enia était toujours sur le continent. Prisonnière en Australie.
Une goutte salée lui atteignit la commissure des lèvres, mais le jeune garçon ne se rendit pas compte qu’il s’agissait d’une larme.
Devant l’immensité qui le faisait face, le jeune homme ne pouvait comprendre la sensation de confinement qui l’habitait.
Il aurait aimé surfer sur les vagues de ses pensées plus longtemps, seul, mais son père monta bruyamment les marches qui menaient au pont. Il vint se mettre debout au côté de son fils, souriant de son sourire aux contours barbus. Il observa Samuel. Ce dernier avait le regard noyé dans l’eau qui bordait le contour du bateau.
– Hé, bonhomme. Sam, lève les yeux.
Sam fit ce qui lui avait été recommandé. Il ne vit rien qui attira son attention. Eugène lui tendit une paire de jumelles et Sam la saisit. Le plus vieux désigna du visage l’horizon. Sans un mot, son fils dirigea les jumelles au loin, et colla ses yeux aux oculaires.
Au milieu du cercle aux bords noir se traçait la ligne d’horizon. Étonnamment, elle n’était pas continue ; des segments courbés venaient perturber la linéarité de la limite ciel-mer, tel des montagnes tracées au crayon. Samuel tourna la molette de mise au point. C’étaient bien des montagnes dessinées sur le bas ciel.
– C’est quoi, au juste ?
– La Réunion. Ses côtes annoncent la fin de notre traversée.
– Que va-t-on faire là-bas ? Qu’y a-t-il ? demanda Sam, dont la curiosité lui avait rendu la parole.
Eugène posa ses mains sur les épaules de son garçon. Chacun remarqua dans le regard de l’autre une étincelle.
– Là-bas, il y a ce qu’on cherche.
– Des vivres ?
– La paix.
– Tu m’as dit que la guerre n’épargnerait aucune contrée !
– Oh, et je n’ai pas changé d’avis. Tôt ou tard on n’y échappera plus, vrai. Mais « mondiale » n’est pas tout à fait l’adjectif qui la qualifie le mieux, pour l’instant.
Samuel pivota et plissa les yeux pour voir à vue d’œil les montagnes découpées sur l’azur.
– Quelle langue parle-t-on, dans ta terre promise ?
– Le français, mais quelle importance ?
– Il y a pire, oui.
Les deux eurent un sourire asymétrique, mais du même côté. Le marin le plus vieux mouilla le bout de son doigt à ses lèvres et le leva. Geste démodé mais connoté.
– L’Alizé a légèrement dévié vers le Sud-Ouest. C’est pas très bon. Mais il gagne en intensité, il faut déplier plus la voile. Passe de l’autre côté et hisse-la. Et ne te cogne pas contre la bôme !
– Bien, capitaine.
Le vent souffla et gonfla la voile à peine déployée. La mer s’agitait en dessous. Le remous montait. Les deux marins s’activèrent  et la père passa à la barre. Il dévia le voilier quelques degrés à tribord pour compenser le vent changeant.
Les conquistadors modernes étaient en quête de paix. Ils s’approchaient des premiers remparts de l’île de la Réunion.
Une fois quelques minutes écoulées, les nuages ralentirent, le vent faiblit, et Eugène et Samuel se retrouvèrent à l’arrière du pont, rassemblés autour d’une boîte de conserve. Samuel pensait à Enia, celle qu’il aimait. Il se dit qu’une bombe était peut-être à l’heure actuelle en train d’exploser non loin de chez elle. Il s’imagina quelques secondes la terreur qui avait officiellement entreprit de ronger le monde. Lui, il était là, en sécurité sur l’arche de son père, en fuite du déluge de balles. Il était là, au calme d’un soleil qui réchauffait inexorablement les mers.
Pour chasser cette horreur qui lui nouait la gorge, il se leva, et fit quelques pas sur le pont. Il se pencha pour ramasser une corde qui traînait sur les planches de bois. Il interpella son père :
– Alors, ce nœud de chaise, je l’apprendrais un jour ?
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