Dans les feuilles mortes marche l’homme
Je ne peux toucher la chair
Sans crier
Je ne peux toucher le cœur
Sans me déchirer
A l’aveugle
C’est à l’aveugle que j’aime
Toujours beaucoup
Tu étais calme
Autant que je suis violente
Dans tes yeux noirs
L’encre des mers douces
Dans mes yeux
L’écume des ressacs
La douleur des enragés
A l’aveugle
C’est à l’aveugle que j’aime
Toujours beaucoup
Ton corps est lisse
et sûr comme une charpente
D’un artisan appliqué
Ma main est tremblante
Comme pour cueillir la nuit
Jusque dans la lumière
A l’aveugle
C’est à l’aveugle que j’aime
Toujours beaucoup
Tu seras ma dernière blessure
Je n’ai su que me déchirer
Je ne sais étreindre
Sans briser
mes ressorts de sentiments mécaniques
aux mots automates
Tu seras la dernière brisure
Ma dernière fêlure
Ma dernière mort
Du moins
De celle dont on a souvenir
C’est l’automne
Le temps des choses de la terre fatiguées
Que l’on protège consciencieusement
Mes cernes s’endorment sous mes yeux
L’automne qui mène inévitablement à l’hiver
Le froid au blanc
dans le vent glacé
Il faut toujours marcher
A l’aveugle
Même jusqu’ à tard
Même jusqu'à la nuit
Mais seule.