Chassé.

(Reste 3 jours avant la fin de l'année, vous aurez donc 3 textes. Donc celui-ci, un peu d'action pour changer ! Dans la même veine que Gamerz, un truc simple, facile à lire, léger, sans prise de tête ou source de réflexion. Demain, quelque chose d'un peu plus personnel, et pour le 31, une surprise.)


Des explosions. Des tirs de mitraillettes. Des cris. Des hurlements. Des bruits de lutte. Quelque chose qui tombe, si lourd qu'il fait trembler le sol.
Tout cela me parvient étouffé, lointain. J'hésite à aller voir. Je ne comprends pas, ils sont tous devenus fous. On était si bien ici pourtant. Je serre mon flingue jusqu'à faire blanchir mes phalanges. J'avance d'un pas puis deux, de zone d'ombre, en zone d'ombre. Marthy, Jack, Peter, Sam, et les autres... ils sont tous partis. Ils auraient dû revenir, mais ont dû tomber sur un os. Je me demande qui est encore vivant.

- Bon sang, putain de putain de putain...

Je murmure à voix basse. Ça n'aurait pas dû se passer comme ça. Après des mois dehors, on s'était enfin trouvé un endroit correct, qu'on pensait être à l'abri des tempêtes et des autres bandes de pillards. Un petit immeuble, loin de la ville, avec un entrepôt à côté. Y restait même des réserves de bouffe... plein, plein de boites de conserves. Un paradis ! Mais y a eu ces mecs. Ils paraissaient sympas au début, on les a accueillis, on s'entendait bien, et boom, jusqu'à aujourd'hui.

- Ces fils de putes...

Bon, moi je les ai jamais aimé. Le grand, celui qui paraissait être le chef du groupe, n'arrêtait pas de me faire de la gringue, et je n'aimais pas la façon dont il me reluquait. Il faisait un peu trop de la lèche à Jack aussi. Mais je supportais ouais. J'étais la seule fille du groupe, c'était normal que parfois les hormones des mâles travaillaient, je me disais. Mais n'empêche, j'avais pas confiance.
Et là, on doit se battre encore une fois. On s'était préparé bien sûr à recevoir de la visite un jour ou l'autre, mais pas que ça vienne de l'intérieur !
Et pourtant, dès que ces bouseux ont repris des forces, que leurs blessés ont été soignés, et qu'ils eurent assez abusé de notre gentillesse, ils ont profité d'un de nos rares moments de faiblesse pour nous buter. D'abord Bill et son gosse, puis Franck, et maintenant le reste. Il doit plus rester que moi, je suis sûr. Mais les autres se sont certainement pas laissés faire, et j'ai bien l'intention de finir le travail. Si j'arrivais au moins à tuer le gros porc, celui qui se surnomme Smiley, ce serait bien.

- Ouais, juste lui, juste cet enfant de macaque, et je peux crever à mon tour. S'il reste un Dieu qui regarde cette foutue planète, je demande juste ça...

Le barillet de mon Smith & Wesson est plein. Douze balles, douze petites balles, dont une que je garde précieusement pour ce bâtard de Smiley. J'ai jamais rien eu contre les blacks, mais lui il va se la prendre bien profonde ce sale singe. J'ouvre lentement la porte et sors de ma cachette. La cage d'escalier. Personne. Les bruits venaient d'en haut. C'est impossible de me tirer, dans le désert, ils me repéreraient vite, et me rattraperaient encore plus rapidement. Pas moyen de mettre les voiles, et de toute façon, j'en ai pas envie. Ils étaient combien ces mecs ? Huit ou neuf ? Et maintenant ? Allez, disons six. Deux balles chacun, deux chances pour chaque cible, ça devrait le faire.
J'enlève la sécurité de mon arme, et doucement, je monte marche après marche. L'étage d'au dessus. Le dernier niveau. C'était là qu'y avait les chambres des gars, et la pièce qu'on avait aménagé en salon. On avait dégoté des fauteuils confortables, des tables, rafistolé des chaises, et même réussi à remettre en marche un vieux poste de radio. On était fier de toute ça. Ça fonctionnait bien, et tant que le groupe électrogène tenait le coup, on arrivait à survivre. Et même plutôt bien si on comparait avec notre vie d'avant.
Alors pourquoi notre petit paradis s'est-il tout à coup changé en enfer ? J'ai un seul visage en tête, ma réponse : Smiley.

La porte est entrouverte, mais je ne prends pas de risques. Il est là, c'est certain. Je jette un œil, la salle est plongée dans une sorte de pénombre, mais par les fenêtres entre un flot de lumière vespéral. Le contraste est saisissant, et j'ai du mal à saisir la situation. Le soleil rouge se prépare à se coucher, et je me dis que c'est un bon moment pour clôturer la scène.
Je me redresse, et entre fièrement dans la pièce, revolver au poing.

Et il est là, seul, son ombre apparaissant sur la lueur du crépuscule. Il a le dos tourné, il y a des cadavres tout autour de lui, à ses pieds, tellement de cadavres. Pas juste mes amis, mais les siens aussi certainement.
Je lève mon arme, je veux tirer. Une seule balle suffirait, mais quelque chose me retient. J'attends, mon bras trembler et... Un rire. Fou. Malade. Je reconnais cette voix.

- Jenny, Jenny, Jenny ! Alors ça finira entre nous, comme je l'ai toujours souhaité ! Toi et moi contre le monde, c'est ça ? Uniques survivants de ce jeu ! Je croyais que tu te terrais quelque part, et que tu n'oserais pas te montrer. Je me faisais déjà un plaisir de te débusquer ! Ça m'aurait excité, tu sais, j'ai toujours eu envie de violer ton petit corps mais...

Il se lève. J'avais oublié à quel point il était grand, massif, puissant, et je me recule de quelques pas. Il a toujours le dos tourné, je pourrai tirer, mais je ne peux pas encore. Ce n'est pas le bon moment, et je reste figée, comme hypnotisée par ses paroles.

- Mais il était là lui ! Ce grand rouquin là ! Jack c'est ça ? Un vieil abruti qui voulait te gardait pour lui toute seule ! Mais c'était le chef, et donc j'écoutais. Mais je voulais te baiser, poupée... si tu savais le nombre de fois où j'ai pu me branler en pensant à toi... et même une fois, je vous ai observé, toi et lui, en train de forniquer ! Ton petit corps sexy, agité de soubresauts, tes gémissements tandis qu'il te pénétrait avec sa petite queue de blanc bien dure...
- Arrête, c'est fini, Smiley, tu me dégoûtes. Tu vas crever maintenant.
- Alors, tire, putain, tire ! Je mourrais en m'imaginant ma queue fourré dans ton cul de salope, c'est pas si mal ! Mais avant regarde !

Il lève les bras comme prêt à s'envoler, et soudain je m'aperçois de ce qu'il tenait caché. Dans sa main droite, une sorte de longue scie, et dans l'autre, une tête... une tête découpée dégoulinante de sang, et qu'il tient par ses cheveux, une longue tignasse rouge.

- Et oui, voilà ce qui est à arrivé à ton cher Jack ! Tu ne pourras plus jamais être sa chienne, salope ! J'ai gagné, c'est moi qui l'ai tué, et j'ai pissé sur son cadavre ! J'ai...

Une explosion. Puis une autre, et encore une autre. Je sens le recul de mon arme qui me fouette le bras, mais je continue. Douze balles, tout mon chargeur pour tuer ce salaud.
Je soupire, je suis haletante, et pendant quelques instants, je crains de l'avoir loupé. Il a toujours les bras tendus, le dos tourné, fier de sa victoire, mais quand le soleil rouge disparaît enfin derrière l'horizon, que ses derniers rayons frappent le sol, pour enfin céder la place à la nuit dans un brusque scintillement de lumière, je le vois enfin trembler, s'affaisser puis s'écrouler, la tête de Jack roulant jusqu'à mes pieds.
Je m'agenouille, la serre dans mes bras, je regarde ce qui était autrefois son beau visage, je caresse une dernière fois ses cheveux, et je sens mes larmes couler.