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 PAS DE MAINS PAS DE GRIMPE

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MessageSujet: PAS DE MAINS PAS DE GRIMPE   PAS DE MAINS PAS DE GRIMPE Icon_minitimeSam 16 Juin 2018 - 9:44

C'est un fait divers qui m'a (énervé) inspiré cette histoire, celui où un jeune Malien escalade quatre étages d'un immeuble pour sauver un petit lardon qu'on se demande comment il avait bien pu se mettre dans une situation pareille.


Pas de mains pas de grimpe


Musta appuya ses deux moignons sur l’éponge imbibée d’encre. Le policier lui présenta un cahier d’écolier ouvert. Musta appliqua doucement le bout de ses deux bras sur la page de droite. Deux taches informes. Le regard de Musta glissa sur la page de gauche, celle d’hier. Deux tâches. Comme tous les jours le policier lui fit remarquer qu’elles étaient presque identiques. Celui-là avait fait partie du groupe de trois venu l’arrêter à son domicile. Un mois déjà ou peut-être deux… Musta ne comptait plus. Il aurait fallu consulter le cahier d’écolier…
Ca n’avait pas été une arrestation violente comme il s’en passait chaque jours, défenestrations, viols collectifs sur le trottoir, égorgements au milieu des rues, bastonnades, pendaisons, rafales d’armes automatiques, corps attachés derrière une camionnette dans un nuage de poussière, et puis des cris, des cris, des cris le jour, des cris la nuit…
Il avait été conduit dans un bâtiment quelconque du quartier administratif. Une succession de pièces vides ou encombrées d’objets hétéroclites, des portes fermées aussi d’où filtraient des paroles inaudibles… des supplications peut-être… des cris encore… de temps en temps…
Murs blancs, une table, un journal du jour, il en avait aperçu la date d’édition. Deux stylos, un rouge, un bleu, un registre écorné et puis une chemise, son dossier.
L‘homme gros et suant en tira deux feuillets.

Musta vous êtes accusé de pratiquer un sport… la… la varpe…
La varappe.

Musta l’avait repris. La varappe faisait partie intégrante de sa vie… jusqu’à maintenant.

Oui, la varappe… donc tu avoues ?
Bien sûr mais…
C’est interdit ! Nous te condamnons à avoir les deux mains coupées, sentence applicable immédiatement. Gardes, emmenez le prisonnier.

Le camion s’arrêta en plein centre-ville. Il fallait être remarqué, il fallait des exemples journaliers pour les autres, pour maintenir l’ordre, la terreur. Un boucher attendait devant son étal. Musta fut poussé hors du camion, ses mains saisies et maintenues fermement sur un billot. Des gens passaient, le frôlaient presque… Le boucher officia. C’était trop… irréel… irréel… Trois mouvements de poignet, le boucher jeta une main dans une bassine posée par terre… trois mouvements encore, l’autre main tomba… des lacets serrés pour empêcher le sang de couler et puis… des mouches… des mouches ! La douleur !
Musta se réveilla allongé sur un carrelage frais. La douleur était maintenant supportable, les démangeaisons moins. Il leva ses bras et contempla, comme chaque jour au réveil, les deux pansements immaculés.
On le leva.

Musta, tous les jours tu viendras donner tes empreintes au poste de police de ton quartier.

Il fut jeté à la rue
Des fois ils tuaient sans torturer, des fois ils torturaient et tuaient, d’autres fois, oui d’autre fois ils laissaient en vie… en vie mais estropié.
Musta avait donc été soigné et sa cicatrisation était maintenant terminée.
Mais demain… le cahier.
Musta rentra chez lui, dans sa grande maison vide. Il avait fait partir sa femme et ses deux filles dès les premières exactions. Depuis, plus de nouvelles.
Il ne savait plus pourquoi… pourquoi il n’était pas parti avec elles… il ne savait plus…
Sans ses mains il dépérit. Un voisin et ami le recueilli. Musta se laissa vivre.

Le policier ferma le neuvième cahier…

Son voisin et ami apprit par une bonne âme qu’il était listé intellectuel et donc potentiellement condamnable à mort par pendaison. Pauvre Rama, lui qui n’avait jamais fréquenté aucune école, lui qui ne savait ni lire ni écrire. Mais Rama savait compter. Son grand-père lui avait appris les chiffres. Le commerce qu’il avait monté avec ses frères lui avait rapporté beaucoup d’argent qu’il avait su habilement soustraire à l’avidité du pouvoir.

Ils partirent donc tous deux, poches pleines.

Rama, petit malin, avait tout prévu et apparemment de longue date. Filière de luxe, les passeurs étaient charmants, compétents.
Grace à l’argent, leur voyage fut tranquille.

Son voisin et ami le quitta pour l’Italie. Longue accolade gorges serrées. Pas de promesses.
Musta devait rejoindre Londres. C’est de Londres qu’il avait finalement reçu un court message. Sa femme et ses filles se portaient bien, elle mangeait à leur faim. Les filles grandissaient et toutes trois n’attendaient plus que lui pour commencer une nouvelle vie.

Sans ses mains… elles ne savaient pas.

Paris

… tous ces gens… et lui debout, immobile. On lui avait dit d’attendre ici sur ce bout de trottoir. Quelqu’un viendrait le prendre en charge. Son voisin et ami avait payé.

Il n’y eu qu’une ou deux personnes à lever la tête. Puis toute la rue sembla vouloir embrasser le ciel. Les gens se tenaient comme lui, immobiles, bouches ouvertes. Quelques-uns criaient déjà des paroles qu’il ne comprenait pas. Il leva à son tour les yeux et vit l’enfant. Il était suspendu à un balcon du quatrième étage d’un immeuble. Rien ne semblait pouvoir empêcher sa chute… irréel… Musta allait s’élancer. Vieux réflexe. Une année plutôt, il aurait avalé cette grimpe en rigolant. Ses pieds ne bougèrent pas. Pas de mains pas de grimpe.
Un jeune homme sur sa gauche traversa la rue et s’élança lui. Un jeune homme de couleur.
Beau coup de rein… bon début… la main droite... bien… encore une fois… allez… encore… encore…
L’enfant était sauf.
Les policiers français mirent longtemps pour disperser la foule applaudissant.

… Monsieur… Monsieur ? Vos papiers s’il vous plait… Monsieur ?...

Crut-on son histoire, il ne le sut jamais. Le retour forcé en avion vers son pays fut lui aussi… irréel…
Le gros homme suant n’était plus là, mais il y avait toujours un journal du jour sur la table.
Un autre parla.
… désertion…traitre… inadmissible … lâche… nous vous condamnons… emmenez le…
Le camion, le centre-ville, le boucher…
Ses deux pieds tombèrent dans la bassine pleine de mouches.

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MessageSujet: Re: PAS DE MAINS PAS DE GRIMPE   PAS DE MAINS PAS DE GRIMPE Icon_minitimeSam 16 Juin 2018 - 22:03

Merci de nous rappeler qu'un homme est un homme et que le systeme qui régit sa vie n'est pas la simple conséquence de l'humanité qui nous anime.

Ce n'est pas un choix de societe que nous faisons en écrivant notre imagination mais quelques fois c'est en affichant notre imagination qu'on affiche notre désir de société.
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