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 chroniques d'un sapeur-pompier professionnel

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Sapeur Lipopette
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MessageSujet: chroniques d'un sapeur-pompier professionnel   chroniques d'un sapeur-pompier professionnel Icon_minitimeDim 21 Fév 2021 - 14:24

Souvenirs d’enfance

Non, non, je ne voulais pas devenir pompier quand j’étais petit. C’est peut-être que les pompiers ne faisaient pas florès comme de nos jours, la profession préférée des Français, d’après des sondages relayés régulièrement par les médias ! Loin devant les médecins, les notaires, ou même les professeurs... Tout au plus, de mon temps, quelques camions rouges en bois s’offraient aux enfants sages les jours de Noël. Mais cela ne faisait pas des hommes du feu les modèles qu’ils sont devenus plus tard.
En fait, en toute honnêteté, je ne songeais nullement à ce que je ferai quand je serai grand. Je grandissais en ignorant superbement ce que serait mon avenir. Le présent me préoccupait suffisamment pour que je ne perde pas de temps en rêveries inutiles... une autre histoire...
Nous sommes dans les années cinquante, soixante. La dernière guerre n’est pas si loin ; les souvenirs des restrictions occupent encore beaucoup de place dans les esprits. Le Français moyen ne vit pas dans l’opulence, la consommation débridée... il compte ses sous, dépense avec parcimonie, le souci de l’utile, de l’indispensable même. Il a l’ouverture du porte-monnaie douloureuse et la sentence fataliste : « faut travailler dur pour gagner son pain ! » Pas de télévision ni de cinéma pour stimuler l’imagination dans les campagnes. Fallait faire avec les moyens du bord, sommaires et parcimonieux ; la TSF, et encore, lorsqu’elle était allumée, économies d’électricité obligent; c’était la famille Duraton  ou le jeu des mille francs qui distrayaient les familles modestes. L’enfant, dans ce contexte, reste cantonné à de l’amusement bon marché. Bouts de bois et guenilles de greniers, de cabanes, l’aident à construire des aventures. Pour ma part, Blek le Roc , je me souviens, réussissait à éveiller en moi de vagues sentiments d’adhésion. Je combattais les Anglais quelquefois, ainsi que des Indiens ; ardentes batailles menées grâce à des copains complices... mais je n’avais pas vraiment le tempérament guerrier de ce bouillant trappeur.
En vérité, par nature, j’étais un enfant sage, plutôt porté vers des activités plus solitaires. Je m’accommodais plus volontiers de quelques billes et de coureurs cyclistes en fer qui accomplissaient de vraies prouesses sur les parcours que je dessinais sur le sable. À travers eux je m’identifiais aux meilleurs de l’époque : Anquetil, le plus souvent, qui gagnait toujours, favorisé par la bille que ma main espiègle envoyait plus loin... Car les jeux collectifs, à l’école, ou les jeudis avec les copains, me laissaient souvent déconfit. Que je sois le voleur ou le gendarme, quand il s’agissait de courir ou de faire preuve d’un peu de pugnacité, je ne sortais jamais gagnant de la confrontation avec des galopins toujours plus vifs et déterminés que moi. Je n’étais pas très hardi ni dégourdi en somme.
L’instituteur de l’époque, le père Henquin, ne s’y trompait pas. J’étais un bon sujet qui lui permettait d’assouvir facilement ses instincts un peu sadiques. Les enseignants de ces années-là ne s’encombraient pas de mots sucrés ni de bisous mouillés pour remplir les jeunes cervelles. En revanche, les claques pleuvaient en abondance. Qu’un élève oublie sa règle de trois ou un accord du participe passé, la taloche pédagogique s’abattait sèchement sur la tête de l’étourdi.
Élève distrait et falot notoire, je profitais, plus souvent qu’à mon tour, de la question qui fâche. Ce n’est pas moi que la question fâchait... mais le père Henquin. Direct ! Immédiatement en colère, car il savait bien, fine mouche, que je ne connaissais pas la réponse. Je lui faisais perdre son temps à cet homme ! Qui lui avait fichu un benêt pareil !
« J’attends Vaujan, mais je n’attendrai pas jusqu’aux calendes grecques ! »
C’est quoi ça, les calendes grecques ? Pas le temps de trouver la réponse. D’ailleurs ce n’était pas la question... une première claque s’abattait derrière ma tête. À ce stade, les autres élèves commençaient à ricaner. Ils espéraient, ces joyeux lurons, que la distraction qui leur était proposée continuerait...

Choisir sa vie

Tout ça pour dire que je n’avais pas vraiment le profil pour devenir un courageux soldat du feu. J’étais un peu grassouillet, et pas franchement intrépide. Pas du genre non plus à allumer des pétards ou à faire claquer des « bombes algériennes  » dans les pieds des filles ou des garçons plus petits... Je n’étais pas cet enfant espiègle qui aimait rire des autres à leur insu. Ah, peut-être alors que je ressentais déjà le danger que représentaient ces jeux turbulents, allez savoir...


Quelques années sont passées au cours desquelles l’enfant pusillanime s’est transformé en un adolescent encore velléitaire, mais résolument plus insouciant. J’affrontais vaille que vaille, grâce à la compagnie de quelques copains de mon acabit la morne nonchalance d’une préfecture élégiaque. J’exécutais, contraint par ma condition d’apprenti menuisier, de longues et fastidieuses corvées au profit d’un employeur pingre et austère.
Et l’idée est venue ! Ce n’est pas moi d’ailleurs qui l’ai eue l’idée. C’est ma mère qui un jour me dit :
« Dis donc Patrick, pourquoi tu ne ferais pas comme le fils de ma copine Henriette ?... Il est rentré dans les pompiers de Paris... »
Les sapeurs-pompiers de Paris ! Une institution ! Des soldats hors pair, connus et reconnus pour leur efficacité, leur discipline, qui faisaient d’eux une unité d’élite du génie de l’armée française. S’engager dans un tel régiment laisser augurer de bien difficiles périodes d’adaptation pour le jouvenceau velléitaire.  
Dire que l’idée a fait son chemin, et que l’imagination venant... Même pas, juste pourquoi pas ! Pourquoi pas non plus les commandos de marine ? J’avais, à l’époque, par la pratique de quelques fantaisies sportives, acquis une condition physique correcte et je me voyais bien affronter sans faillir les aboiements d’un féroce adjudant. Le choix ne fut pas cornélien. Je n’allais pas, à mon âge apprendre à tuer des gens. Ce serait donc les pompiers.
En outre, qu’avais-je à perdre ? Voilà trois ans que je traînais mes baskets et mes cheveux longs dans les quartiers de la ville, avec la certitude que je ne raboterai pas du bois toute ma vie. Dix-huit ans bientôt, et un avenir qui ne me promettait rien d’enthousiasmant. Ouvrier menuisier sans même un CAP, ayant eu la bonne idée de ne pas en terminer les épreuves, je n’envisageais pas de riantes et fructueuses perspectives professionnelles. L’approche du service militaire, qui de ce temps-là durait tout de même seize mois, fit pencher définitivement la balance du bon côté. Il fallait le faire son service militaire de toute façon... alors pourquoi attendre...
Ainsi fut fait ! Centre de recrutement, engagement de trois ans, puis mois d’attente au cours desquels, enfin, l’imagination fit son œuvre : c’est à cette période bénie que j’ai sauvé le plus de jeunes filles en détresse sur leur balcon. Et des mignonnes comme le jour ! Tant qu’à faire, puisque j’étais dans des fantasmes, je n’allais pas sauver les moches !
J’ai continué à menuiser quarante heures par semaine pendant ces mois d’attente. Chaque jour de travail me semblait un jour perdu. J’attendais avec impatience les samedis et dimanches qui m’apporteraient un peu de distraction. Mais ils s’effilochaient eux aussi, vers les lundis, sans réelle surprise, sans vrai plaisir, avec peu de rencontres... C’était du beau gâchis tout de même en ces années soixante, au cours desquelles un esprit nouveau, une musique joyeuse et optimiste promettaient aux jeunes de mon âge des félicités sans limites. Une autre histoire en fait, à dormir debout, que j’ai racontée en d’autres textes .

https://ecrire.forumactif.org/t7858-chroniques-d-un-sapeur-pompier-professionnel#172558
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MessageSujet: chroniques d'un sapeur-pompier professionnel   chroniques d'un sapeur-pompier professionnel Icon_minitimeMar 2 Mar 2021 - 13:45

Bonjour à tous.
Je vous propose la suite de mes aventures chez les sapeurs-pompiers. J'espère qu'elle vous plaira.


Enfin, le grand jour arriva ! Lundi 4 décembre 1967
Samedi, l’avant-veille, grande fébrilité ! Pas tant la préparation des bagages qui se réduisaient à un sac dans lequel slips, chaussettes et autres chiffons constituaient tout mon viatique. Non, l’émotion résultait du passage chez le coiffeur, auquel il fallait se résoudre. Conseil péremptoire que m’avait prodigué l’officier recruteur quelques mois plus tôt en voyant ma tignasse abondante. Je n’avais pas, à ce moment-là, considéré à sa juste mesure le sacrifice auquel je devrais consentir. S’assoir sur le siège du merlan fut une douloureuse épreuve. L’homme de l’art qui prit ma chevelure en compte eut bien du mérite ! Je lorgnais de traviole ses outils de tous les malheurs en devenir. Je savais qu’il fallait bien qu’il coupe, mais attention, pas trop ! Faire tomber quelques bouclettes... réduire d’excessives longueurs... je consentais mollement après d’âpres négociations. Mais pas question de supprimer ce qui, trois années durant, avait contribué à ma personnalité : la coupe à la « Beatles ». Après bien des palabres, le figaro et moi étions convenus que le léger rafraichissement réalisé ferait l’affaire. Grâce à un vigoureux coup de peigne le moment venu j’aurai auprès des militaires, une coupe appropriée... Nous nous sommes quittés si ce n’est bons amis, du moins sans acrimonie excessive de ma part. J’avais gardé figure humaine, et il me semblait bien que l’effort auquel je venais de consentir me vaudrait toute la considération que je méritais.
Dimanche, tout était prêt. Encore quelques palabres à partager entre copains, deux trois bises échangées, et à moi la grande vie et les trépidantes aventures parisiennes !

Le soir même, j’ai commencé à douter. Tout compte fait, je n’avais peut-être pas sacrifié assez de longueurs de cheveux aux dieux militaires. C’est ma cousine Minouche, chez qui j’étais accueilli à Paris qui m’a alerté.
« Tu comptes te présenter comme ça demain chez les pompiers ? »
En guise de bonjour, comment ça va, depuis cinq ans qu’on ne t’a pas vu.
« Ils vont bien se marrer en voyant ta coupe de beatnik ! »
Elle m’avait bien regardé, Minouche, voilà bien trois ans que je n’avais pas eu les cheveux aussi courts ?

La nuit fut longue. Et parfaitement inutile. Tout au plus ai-je réussi à empêcher Jojo, le mari de ma cousine, de dormir. Jojo qui se levait tôt le matin, à 5h30, pour aller travailler à l’usine Renault de Billancourt. C’est que je me suis battu dans la petite banquette ouverte, dans la pièce unique, pour mon repos. Des luttes acharnées contre draps et traversin qui finirent chiffonnés, gisants sur le parquet.
À 6h30, lever circonspect. Cette nuit sans sommeil m’avait laissé un arrière-goût de qu’est-ce que je fous là ! Je n’étais plus sûr, d’un coup, de la pertinence de mon choix. Pompier, à mon âge, était-ce bien raisonnable ?

LES POMPIERS DE PARIS

Un Nouveau Monde.

Le trajet métro Porte des Lilas porte de Champerret ne me permet pas de répondre franchement à la question. Noyé dans la masse des Parisiens indifférents et pressés, je me laisse porter vers une destinée qui me semble encore aléatoire.
Mon arrivée à la caserne Champerret, état-major de la brigade des pompiers de Paris, est sans doute conforme à celle de tout jeune conscrit. Petit bonhomme hésitant, dubitatif, je m’avance timidement vers le grand porche qui avale paresseusement d’autres petits bonhommes craintifs déjà parvenus sous sa voûte.

Le porche franchi, après avoir montré patte blanche au planton de service, c’est le choc ! Une immense place ceinte de bâtiments imposants s’ouvre devant moi. En son milieu, au fond, trône une tour majestueuse. Au sol, en tous sens, des militaires vont et viennent, manifestement pressés, martelant sans relâche le pavé martyr. Ballet incessant de ces robots en képi, en calot, pressés sans doute par des missions urgentes et impératives. De lourds camions, indifférents aux bottes rageuses, quittent leurs emplacements initiaux pour s’agglutiner en convois immobiles, tournés vers des destinations improbables... Des bruits, des voix, des odeurs s’inscrivent dans ma mémoire...
Là-bas, à gauche, il me semble distinguer un semblant de civilisation normale : les bonshommes craintifs se sont rassemblés, et font masse dans cet environnement hostile. Je m’approche, la basket prudente, de ces inconnus. Certains deviendront mes compagnons. Pas le temps du moindre échange courtois. À peine ai-je atteint le groupe, que surgissent de nulle part, trois énervés en calot qui, sans raison se mettent instantanément en colère contre nous. On ne se connait pas, mais les voilà qui nous traitent de fainéants, d’indisciplinés ; faut qu’on se bouge le cul ! Et plus vite que ça ! Qu’est-ce qui leur a fichu des empotés pareils ? Trépidant, vociférant, les trois furieux obtiennent de notre troupeau anarchique trois rangs à peu près alignés, d’égales compositions qui se dirigent vers un couloir obscur.

Une matinée qui décoiffe

Couloir au bout duquel je vais perdre, pour longtemps, ma fragile « personnalité ».
Quatre ans pour la construire, cette personnalité, en laissant pousser mes cheveux, tels ceux des Beatles, des Stones, d’Antoine et de tant d’autres artistes. Pour de nombreux jeunes, et je fis partie de ceux-là, il était bien tentant de chercher à ressembler à ces chanteurs et musiciens.
Pour autant, mode ou pas, dans les campagnes, et même dans de nombreuses villes de province, arborer une longue tignasse était une véritable provocation. La population, peu sensible aux charmes de ces nouvelles idoles, considérait que les cheveux longs restaient l’exclusivité des filles. Un garçon persistant dans ce choix devenait à ses yeux nécessairement un pédé, une engeance dépravée qu’il convenait d’ostraciser voire de persécuter.
La plupart des adolescents ayant bien compris le risque se contentaient de coiffures certes provocantes, mais qui montrait bien leurs appartenances à la gent masculine. Les crans, houppettes et broussailleux favoris ornèrent donc les têtes de ces galopins délurés. Il leur restait ainsi possible de sculpter leurs chevelures à grand renfort de brillantine et de vigoureux coups de peigne pour s’approcher de la ressemblance de quelques rockers encore à la mode.
Pour ma part, par ailleurs fort mal loti au niveau du système pileux du visage, j’avais, en dépit des risques encourus, choisi de laisser mes cheveux envahir ma tête et descendre sans façon par-dessus mes oreilles et sur ma nuque. Je ressemblais à s’y méprendre, du moins me plaisais-je à le croire, à Paul McCartney dans sa période la plus hippie. Beau comme un cœur et tentant comme une jouvencelle endimanchée, je ne pouvais plus passer devant un bistro ou un chantier sans que de solides prolétaires, les visages empourprés d’indignation, ne m’insultent ou ne me coursent pour me signifier leur désapprobation de la façon la plus musclée. J’échappais la plupart du temps à ces défenseurs des bonnes mœurs, mais je me compliquais singulièrement l’existence. En fait, comme beaucoup d’ados de mon âge, je cherchais évidemment à plaire à la gent féminine... Ah, les filles, tout un programme pour moi, en ce temps-là ! Mais c’est un autre sujet. En outre, elles furent plutôt rares et fugaces mes conquêtes ; mon piège à filles n’était manifestement pas au point

Et pourtant, j’allais devoir renoncer, pour longtemps, à mes bouclettes.
« Vous, vous et vous, approchez ! »
Hurle l’un de nos énergumènes. Trois têtes hirsutes sont désignées parmi la cinquantaine de recrues du groupe. Je suis de celles-là ; les deux autres, coïncidence, appartiennent à des garçons de mon département.
« Asseyez-vous, aboie notre joyeux drille, vous allez servir de modèles aux suivants. »
Trois minutes plus tard, nous nous levons, piteux et tondus pour laisser nos places, en essuyant les rires gras des trois gentils organisateurs. Les bourgeois provinciaux étaient vengés !
https://ecrire.forumactif.org/t7858-chroniques-d-un-sapeur-pompier-professionnel#172558
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