Merci pour ces corrections. Pour le vetrell, je laisse jouer l'imagination du lecteur, n'ayant moi même pas la moindre idée de ce que ça peut être (mais ça ressemble dans doute un peu au mithril, version pourrie). Pour les autres...omrah je crois que ça parle tout seul, les autres les définitions viendront dans les descriptions ou pas du tout j'aime bien laisser imaginer (surtout que ça m'arrange en fait
!
Pour le fait d'aller plus loin dans la parodie, c'est vrai que ce premier chapitre est plutôt dans la retenue. Le deuxième chapitre devrait donner une idée plus précise de l'ambiance générale de l'histoire:
2-
L'homme fit jouer sa puissante mâchoire en un sourire, et jeta à son compagnon, agenouillé à côté de lui :
− Crois moi, si tu avais vécu à New York, tu n'aurais jamais pu te présenter devant ton patron avec une odeur pareille. On pourrait penser que tu as pris des bains pendant trois mois dans ta propre urine.
Balançant seulement sa nuque épaisse de droite à gauche l'omrah ne répondit pas, vexé par la remarque.
− Mais rassure toi, le Maître n'a pas un odorat aussi développé. Cela se confond avec ton fumet naturel.
Fendu d'un large rictus d'amusement, l'homme découvrit sa dentition impeccable, que la lumière des gigantesques braseros colorait de bronze. L'omrah tourna la tête vers son ami, grogna une réponse mécontente.
− Ne sois pas de mauvaise humeur. Je t'ai quand même sauvé la mise. Je se sais pas quelle idée vous a pris d'aller agacer le Yül chez lui, sur son propre terrain. Sur le votre, votre espèce toute réunie se ferait décimer à toute vitesse...dit Krö en s'agenouillant lui aussi.
Devant eux une immense esplanade se haussait par degrés vers une surélévation du sol. Sur cette estrade, encadré par quatre colonnes taillées dans des stalactites de stuc crémeux, un trône d'ivoire disparaissait presque entièrement sous la masse d'un corps formidable.
Le Seigneur du Chaos.
Immobile, perdu dans de Sombres Pensées, le Prince Jusqu'au Septième Sous Étage asseyait son joug sur l'Entre-Monde, aux confins des Interstices.
L'éternel bruissement du Sous Étage Inférieur se tut tout à coup, brisé par le souffle désincarné du Prince des Ténèbres. Genou à terre, l'homme et l'omrah attendaient les paroles du Maître.
L'Esprit Noir alluma l'unique œil de sa Face d'une flamme terrible, et une voix caverneuse roula sous la voûte.
− Krö...mon...
Le son tourna comme une trace entre les piliers sans âge, monta, descendit, monta, puis s'atténua jusqu'à manquer s'éteindre, pour enfin renaître comme les vents dans le ciel.
− Krö, mon champion...
L'homme abaissa humblement le front, laissa la voix s'apaiser, avant de relever fièrement sa haute stature athlétique.
− Maître. Nous t'écoutons. Tu n'as qu'à ouvrir l'espace de tes crocs...
− Krö, je t'ai appelé...et tu es venu, marchant de la Faille le long...
Le Chaos sembla se remémorer d'anciens événements, levait l'horizon de son regard vairon sur un point, loin au-dessus des deux êtres à sa dévotion.
− Tu es venu du ciel et les étoiles entre elles ne parlent que de toi, toi, venu à moi, homme blond...
Une nouvelle pause fit place à une nouvelle lancinante déclaration qui creusait les chairs de l'âme. Pour ceux, bien sûr, qui en ont une.
− J'ai pour toi tiré des plans, de mon antique Front...
Un rat traversa l'esplanade d'une flèche, rapidement, le cul à terre, presque en s'excusant.
− Pour toi aujourd'hui, j'ai une mission...
− Parle, Maître. Ordonne et j'exécuterai. S'il le faut et avec joie j'exécuterai, au propre comme au figuré.
L'omrah grinça, babines retroussées, et ajouta, trop bas pour que le Prince puisse l'entendre :
− On a le droit de s'amuser un peu, si elle est jolie, avant d'exécuter ?
Les lourdes semelles de fer du Seigneur du Chaos raclèrent la pierre, l'impénétrable cuirasse luisant sous les feux d'or et de lumière.
− Krö, en toi ma confiance est un puits sans fond...
Le Seigneur du Chaos n'était jamais pressé pour s'exprimer, bien qu'on risquât à dire parfois que c'était parce qu'il avait le cerveau un peu lent.
− Même je tolère la présence de ton infect compagnon...
Sans bouger d'un cil, le visage balayé par ses cheveux d'or, Krö commenta dans un souffle :
− Gonfle ta poitrine de poulet, radis, on parle de toi.
− Ratafia, c'est Rahfi mon nom je t'ai déjà dit, espèce de blanc d’œuf !
− Fait attention que ce ne soit pas toi le jaune, le Maître ne ferait qu'une bouchée d'omelette de toi...
− Blanc cassé.
− Radis creux.
Sur sa lancée l'Être Suprême continua son oraison, sans entendre leur péroraison.
− Il y a bien longtemps, abusant de ma générosité et de ma bienveillance naturelle, elle me prit mon bien le plus précieux cette engeance de démon...
Ses doigts recouverts de métal griffèrent l'ivoire dans un spasme de colère.
− Elle l'emporta au cœur de son vallon, où tout n'est que...
− Luxe, calme et volupté ?
− ...ruse, charme et TRAHISON !
Le formidable poing d'acier s'abattit sur le trône, fit trembler les murs du Souterrain jusqu'aux gonds de la Porte Sombre.
L'omrah craignit un instant que la vibration ne fit s'écrouler le fragile pont de pierre derrière eux. Il ne voulait pas se taper le retour par les Crevasses.
L'absence de bruit inquiétant le rasséréna et il se permit même un assouplissement des muscles, endoloris par la longue station dans cette position inconfortable.
− Qu'est ce que tu fais, radis d'eau douce ? C'est pas le moment de faire ton yoga.
− J'ai des fourmis dans les jambes, vois-tu.
− Au point où tu en es pourquoi t'en préoccuper ? Elles t'ont déjà bouffé la cervelle.
Le Seigneur du Chaos reprenait, imperturbable, à croire qu'il était aussi dur de la feuille que de l'esprit, car le moindre son se propageait pourtant dans le Souterrain comme dans la nef d'une cathédrale.
− Depuis ce jour je ne dors plus que d'un œil, mes jours sont troublés par le souvenir de ce cambriolage monstrueux, et je n'ai qu'une seule et unique obsession...
Les deux amis se turent, voyant que ça devenait sérieux, écoutant avec un respect profond les paroles de leur Maître vénéré.
− Retrouver de mon dû la possession...
Rahfi gigota sur ses pattes, sentant l'impatience le gagner.
− Tout cela manque de précision, dit-il.
− L'heure est venue désormais qu'il réintègre la Maison ! rugit soudain le Chaos.
Krö redressa la tête et, pointant son regard acéré sur le géant de feu et d'acier, dit d'un ton enflammé :
− Maître ! Dites nous l'objet de notre quête ! Nous n'attendrons pas une minute de plus pour nous jeter dans la bataille ! Voyez notre impatience à vous servir !
− Nous allons étudier votre dossier, Seigneur du Chaos, et nous vous rappellerons. dit l'omrah en soulageant une jambe.
S'affaissant sur son trône, le Prince Noir prenait des accents mélancoliques en racontant la suite.
− Nous nous rencontrâmes un jour d'hiver, le ciel était noir, et je le traversai au dos de mon fidèle dragon...
− Oh non...dit l'omrah, comprenant que cela allait durer des heures.
Car le Seigneur du Chaos avait deux défauts majeurs, qui l'avaient beaucoup gênés durant son adolescence, outre son physique atypique. Primo il était très méchant. Deuzio il parlait trop. Cela avait souvent pour conséquence qu'il parvenait à endormir ses victimes par le seul ennui provoqué par ses paroles. Elles tombaient dans un coma irrécupérable bien avant qu'il ait pu les tuer ou même les torturer. Et à cause du primo, ça le mettait en rogne...
− Je l'aperçus la première fois au bord de l'Akéron, dans la douce lumière blafarde du crépuscule. Elle, massacrait une famille de bûcherons...je tombai immédiatement sous le charme des cris qu'elle suscitait et je devinai que nous serions sur la même longueur d'onde. Alors, rejoignant l'horizon, chevauchant la croupe de mon destrier ailé, nous gagnâmes Staïl, mon ténébreux donjon, et là, au rythme de nos ondulations...
− Non, non, non, je refuse d'entendre ça...protesta l'omrah en se bouchant les oreilles.
− ...tandis qu'à califourchon sur son...
Rahfi s'assit, allongea ses jambes sur le sol. Pour faire circuler le sang, il massa ses muscles tout en faisant bouger les orteils.
Son regard toujours fixé sur le Chaos, Krö posa la semelle de sa botte sur le pied de l'omrah et l'écrasa lentement pour rire, en imprimant à sa pression une torsion pour augmenter la douleur. Son compagnon réprima un gémissement en sentant ses os frotter les uns les autres d'un peu trop près.
− Et c'est là, monsieur le commissaire, que la suspecte profita de ma garde baissée pour s'emparer de lui. Elle le convoitait sans nul doute depuis longtemps et avait préparé cette rencontre fortuite avec préméditation et guêpière. Elle s'en empara, me laissant orphelin d'une partie de moi même à l'intérieur. Je veux parler...
−Ah enfin, quelque chose d'intéressant, dit Rahfi.
− Le Joyau Noir !...l'objet de votre mission, le Joyau Noir doit retourner à la Maison !
Survolté, Krö tira son épée et déclara tous muscles dehors :
− Maître, soit sûr que nous le ramènerons !
− Tiens,tu rimes aussi ?
− Tu veux que je fasse l'autre pied ?
− Ça va.
Le Seigneur du Chaos, Prince des Ténèbres, Roi des Souterrains Jusqu'au Septième Sous-Étage, sourit, découvrant des crocs aussi longs que les colonnes des temples de Våråslurp, pour ceux qui connaissent.
− J'étais certain que tu répondrai présent à l'appel du Chaos, mon champion ! Va, trouve le Joyau Noir et amène le moi ! Hum...pour tes défraiements, tu t'arrangeras avec mon secrétarion...
−Bien, Maître du Chaos, Prince des Ténèbres, Roi des Souterrains...
−Ok, ok. Va-y, mignon...
L'omrah parut tout à coup se rappeler de quelque chose, leva un doigt, et dit d'une petite voix timide.
− Euh siouplé, patron...
− Quoi, avorton ?
− Désolé de vous déranger avec un aussi infinitésimal négligeable détail...
− Infini...quoi ?
− Un petit détail.
− Un détail. Bien. Nous t'écoutons.
L'omrah fronça les sourcils en regardant à droite et à gauche du trône gigantesque.
− Nous ?
− C'est pour la rime. précisa le Maître. Abrégeons.
− Oui. Ce n'est rien qu'un détail mineur, mais le Joyau Noir on le trouve où ? Parce que je suppose que c'est pas indiqué sur la route.
− Vous trouverez le Joyau Noir chez la Reine du Château d'Ô. Par delà les vallons, les canyons, les collines et les mamelons...oh, les mamelons...
− Bon ben, on va vous laisser. A plus, patron.
Le menton dans la paume, le démon plongeait dans une profonde rêverie.
− La pâleur de son front...
la douceur de son téton...
Rahfi poussa Krö vers le pont, clopinant piteusement pour trouver la sortie au plus vite.
− Attend, je n'ai pas rendu tous mes hommages...protesta le Guerrier du Chaos.
− Je crois que là il n'est plus dans le protocole. On peut y aller.
Ils franchirent en hâte la frêle arche de pierre, sans un regard pour le vide sans fond qui s'ouvrait de part et d'autre, et entamèrent la longue ascension de l'Escalier des Dix Mille Marches.
− L'odeur suave, piquante, de ses champignons...