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 La Nécropole des Ombres

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MessageSujet: Re: La Nécropole des Ombres   La Nécropole des Ombres - Page 2 Icon_minitimeJeu 15 Nov 2007 - 23:27

Merchi... ben là voilà Smile






PROLOGUE [3/3]





Tout s’était passé très vite. Ils avaient entendu le gardien arriver, s’étaient tapi dans l’obscurité. Se dissimulant toujours, Escar s’était alors préparé à frapper. Mais ils n’étaient pas seuls. Quand ce salaud de Hyen s’était retourné, que l’occasion semblait enfin se présenter, un quatrième individu était sorti de l’ombre et avait frappé. Alors qu’Escar restait paralysé de stupeur et de frayeur, Gals, contre toute attente, avait perdu son sang-froid et s’était enfui à travers les tombes. L’assassin l’avait poursuivi, rattrapé et abattu avec une rapidité foudroyante.
Escar avait assisté aux deux meurtres successifs sans pouvoir faire le moindre geste, et c’était peut-être ce qui l’avait sauvé du mystérieux assassin. Néanmoins, celui-ci n’avait pas pris la fuite après ses crimes, bien au contraire. Pour une raison des plus étranges, il s’était agenouillé au pied de sa première victime et s’y affairait depuis une demi-minute. Si Escar paraissait pour le moment sauf, il ne se faisait pas d’illusion : si l’homme ne lui permettait pas très vite de détaler, ils seraient à coup sûr découverts et arrêtés par la prochaine patrouille. Et il pressentait que certifier aux soldats qu’il était là au mauvais endroit au mauvais moment ne le tirerait pas d’affaire… Mais l’assassin continuait son manège, apparemment sans se soucier de la peine qu’il pouvait écoper si des hommes en armes le trouvaient là.
Escar se décida finalement. Si le meurtrier voulait finir la corde au cou, c’était son problème ; lui choisissait la vie. Aussi furtivement que les pouvoirs d’Osha le lui permettaient, il se dirigea vers l’éboulis. Tant pis pour les conseils de Gals ; il ne passerait pas devant l’assassin pour gagner une porte secondaire, comme son défunt comparse l’avait précisé. Se fondant dans les ténèbres, il gagna les décombres… et s’arrêta net. Il avait perçu un frôlement de tissu. Avec toute la prudence possible, il tourna lentement la tête vers l’origine du bruit. L’homme s'était relevé et scrutait les ténèbres, regardant Escar droit dans les yeux. Mais il ne faisait que regarder... il ne pouvait pas voir. C'était impossible. Une peur panique s’empara d’Escar : le Jeu des ombres le protégeait, il était indétectable… Et quelle était l’origine de cette soudaine panique ? Il endossait lui aussi le rôle de l’assassin lors de la plupart des missions pour le compte de la ghilde… Mais, cette fois, tout était différent. Il était dans la position de la victime, et quelque chose le poussait à fuir, à mettre le plus de distance possible avec cet homme. Et, s’il était encore en vie après plus de dix années au service de la ghilde, c’était grâce à son instinct. Un instinct qui ne l’avait jamais trompé.
La peur lui enserrait le cœur. Quelle que fût la décision qu’il allait prendre, elle menait à une seule pensée, une pensée qui le paralysait : il le verrait. Il sentait déjà sa présence, il allait se jeter sur lui en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Escar était aussi stupéfié, et cette stupéfaction ajoutait encore à sa frayeur : pour la première fois, les Pouvoirs Sombres ne le protégeaient pas de la peur. Pour la première fois, il était vulnérable. Pour la première fois, il se rendait compte que les Pouvoirs d’Osha n’étaient pas invincibles ; et cette constatation lui retournait l’estomac, repensant à toutes les situations où seule sa foi en l’invulnérabilité du Jeu lui avait permis de triompher.
L’assassin avait sorti son arc. Escar devait dominer sa peur, c’était une question de survie. Après tout, en faisant abstraction de sa vulnérabilité, quel élément, dans le personnage qui se tenait à quelques pas à peine, provoquait en lui cette angoisse quasi insurmontable ?
Il va me voir.
Mais ensuite ?
Il va me tuer.
Pas si tu cours assez vite.
Il a un arc.
Seulement si tu lui laisses le temps de l’utiliser.
Quitter le Jeu des ombres, s’enfuir n’importe où, courir jusqu’à la ville, l’animation, la fête, loin de la mort. Soudain, Escar se mit à courir. Il escalada les décombres avec une rapidité dont il ne se fût pas cru capable, sauta jusqu’à terre et courut éperdument à travers la forêt, aussi vite que ses jambes le lui permettaient. Très vite, il entendit des pas, bientôt le sifflement d’une flèche. Son cœur battait à tout rompre. Il ne pouvait accélérer, et pourtant sentait l’assassin grignoter inexorablement sa faible avance. Une nouvelle flèche siffla, cette fois si près qu’il crut un instant sa fin arriver. Si ce n’était celle-ci, ce serait la prochaine. Les ténèbres l’enserraient dans leur étreinte étouffante, tandis que son poursuivant gagnait toujours du terrain. Loin devant, l’obscurité était moins sombre. La lisière. Il devait l’atteindre, c’était impératif. Peu à peu, il y arrivait. Plus d’échos de bruits de pas. L’avait-il semé ? Escar en vint à espérer déboucher enfin sur la colline, et descendre le flanc vers Géliya, sans personne à ses talons. Il y était presque. Plus que quelques foulées, et l’avenir serait à lui. L’assassin n’oserait plus décocher de flèche quand ils auraient atteint la colline… Puissent les Dieux me venir en aide, songea-t-il. Dix pas. Dans dix pas il serait sauvé. Huit. Les pas se firent entendre à nouveau. Six. L’assassin jura. Trois. Une ultime flèche fendit l’air en sifflant. C’était la bonne, Escar le savait. Elle le toucha au niveau de l’omoplate et s’enfonça loin dans les chairs, trop loin.
Tout se fit noir.


¤¤¤
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MessageSujet: Re: La Nécropole des Ombres   La Nécropole des Ombres - Page 2 Icon_minitimeVen 16 Nov 2007 - 1:49

Et alors ? quoi ? c'est tout ?
la suite-heu !!! Very Happy

Luciole
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MessageSujet: Re: La Nécropole des Ombres   La Nécropole des Ombres - Page 2 Icon_minitimeVen 16 Nov 2007 - 16:56

C'est fini xD


Pour le prologue, ch'est fini de chez fini^^ Tout ce qu'il y a de plus fini...
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MessageSujet: Re: La Nécropole des Ombres   La Nécropole des Ombres - Page 2 Icon_minitimeVen 16 Nov 2007 - 17:03

J'ai enfin rattrapé les deux posts...
Tu as la suite j'espère,parce que là j'ai accroché en beauté! Very Happy Surtout le joli compte à rebour de la fin et la flèche.
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MessageSujet: Re: La Nécropole des Ombres   La Nécropole des Ombres - Page 2 Icon_minitimeVen 16 Nov 2007 - 17:07

Heum...
Etant donné ton titre, tu serais sûrement capable de me jeter un sort floodesque si je n'obéis pas... et étant donnés tes messages, tu n'as pas l'air de les économiser Very Happy
Donc je vais filer doux et obéir, c'est la meilleure solution, non ?^^

Heum plus sérieusement, je retravaille un peu l'tout avant de poster !
Ah, et j'suis content que la fin te plaise Smile
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MessageSujet: Re: La Nécropole des Ombres   La Nécropole des Ombres - Page 2 Icon_minitimeVen 16 Nov 2007 - 17:12

XD Serais-je démasquée? Bon puisque c'est pour la bonne cause je veux bien attendre encore un peu mais pas trop, d'accord? ^^
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MessageSujet: Re: La Nécropole des Ombres   La Nécropole des Ombres - Page 2 Icon_minitimeVen 16 Nov 2007 - 17:19

Pour te faire attendre, je peux te donner ma nouvelle version des premiers paragraphes de ce prologue... qu'est-ce que tu en penses ?


Ancienne version a écrit:
La nuit étendait sur le pays son vaste manteau piqueté d’étoiles. Un mince croissant de lune éclairait faiblement les toits en tuile ; la chaleur écrasante de la journée s’était estompée et l’air se rafraîchissait quelque peu, au grand bonheur des habitants. L’obscurité se répandait peu à peu, et avec elle les notes apaisantes des mélodies nocturnes. Le clapotis berçant des vagues, la caresse du vent sur les blés, le hululement lointain d’une chouette et les martèlements réguliers du forgeron s’entremêlaient pour former une complainte languissante qui emplissait l’air et emportait l’esprit. Toutefois, cette litanie campagnarde ne parvenait à couvrir complètement la rumeur distante de la ville ; à Géliya, la dernière nuit des fêtes du solstice commençait. Pendant quatre jours et quatre nuits, le duché vivait au rythme des cérémonies religieuses, des représentations artistiques en tout genre et des nuits d’ivresse et de débauche. La ville résonnait successivement des prières cérémoniales, des chants des troubadours et de l’entrechoquement des chopes de bière, tout cela dans une euphorie indescriptible.




Nouvelle version a écrit:
La nuit inondait la cité. Près de l’eau, sous la lune, les tuiles se retouchaient d’argent. Le fleuve, indiscipliné sans âge, traçait son sillon à l’encre noire. Le vent roulait sur le pays, ridant les dunes et les flots ; l’obscurité noyait les vallées et, avec elle, la douce mélopée de la Nuit. L’humide chuchotis des vagues et la course du vent sur les blés, parfois le hululement bavard de la chouette, suivaient la nuit dans sa marée conquérante.
Couvée dans les entrailles de la cité, une rumeur sourde et distante parvenait jusqu’aux campagnes assombries. La dernière nuit des fêtes du solstice commençait. Une dernière fois, depuis l’aube et jusqu’au crépuscule, les cérémonies religieuses avaient honoré, célébré, purifié ; une dernière fois, l’ivresse et la débauche allaient convulser la nuit. Par saccades, la ville s’imbiberait à nouveau de l’euphorie des fêtes du Soleil, embrasée d’une jubilation sauvage.
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MessageSujet: Re: La Nécropole des Ombres   La Nécropole des Ombres - Page 2 Icon_minitimeVen 16 Nov 2007 - 17:27

Les deux sont bien.

La seconde est plus poétique mais aussi plus vague. tu décris l'atmosphère plus que le paysage et la fin du paragraphe me laisse un peu sur ma faim,j'attendrais une autre phrase pour conclure comme tu l'as bien fait dans le premier.

Aussi la première version quelques indications sur le lieu:le fait que ce soit une ville et on a son nom,ce que tu ne mentionnes pas dans l'autre.mais peut-être aussi que tu l'as mis plus loin vu que tu as réagencé.

Au final je dirais que j'ai un gros faible pour la nouvelle version au niveau du style avec des phrases assez belles,mais qu'il faudrait une autre conclusion.
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MessageSujet: Re: La Nécropole des Ombres   La Nécropole des Ombres - Page 2 Icon_minitimeVen 16 Nov 2007 - 17:57

Ok Smile

Quand tu parles de la fin du paragraphe, c'est la fin du premier, "dans sa marée conquérante.", ou la fin du passage entier ?
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MessageSujet: Re: La Nécropole des Ombres   La Nécropole des Ombres - Page 2 Icon_minitimeVen 16 Nov 2007 - 18:00

Ah oui pardon.non non,de la fin du passage entier.
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MessageSujet: Re: La Nécropole des Ombres   La Nécropole des Ombres - Page 2 Icon_minitimeVen 16 Nov 2007 - 18:06

Non, c'est ma faible capacité de compréhension qu'il faut excuser xD


Oui, en fait les changements étaient surtout dans les lignes que j'ai données, ch'est pour ça que j'ai pas mis la suite :




Nouvelle version, 2ème partie a écrit:
Déjà les saltimbanques, dans leurs peaux de loup, jonglaient fébrilement sous le regard envoûté de douzaines d’enfants et, dans les tavernes, debout sur le comptoir, les ménestrels aux grelots dorés caricaturaient le sultan, le duc et les clients avec la même grivoiserie qui enchantait l’assistance. Même les gargouilles s’étaient revêtues de leurs plus beaux atours et observaient l’ardeur générale avec un rictus moqueur. Chacun avait oublié ses préoccupations et honorait l’astre du jour à sa manière, par sa ferveur frénétique ou sa bonne descente.
Chacun, à quelques exceptions près.



Pour la cité, le nom n'apparaît pas... j'trouvais ça bien que le lieu reste indéterminé, qu'on puisse l'appliquer à n'importe quelle ville de ce monde... je donnerais le nom après, tfaçon^^ il apparaitrait fatalement dans le dialogue Escar/Gals... non ?
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MessageSujet: Re: La Nécropole des Ombres   La Nécropole des Ombres - Page 2 Icon_minitimeVen 16 Nov 2007 - 18:12

Oui si tu le donnes après ça va. Je parlais juste de ce passage là. Et puis même après tout c'est toi qui voit si tu veux le donner ou non,ce n'est pas une obligation.
Mais dans n'importe quelle ville? Si cette fameuse Nécropole a tant d'importance pour la suite (sinon tu ne l'aurais pas mis en titre)je doute qu'on puisse cofondre la ville qui l'a avec les autres. A moins qu'il y en aient plusieurs? (ou alors que je fasse une erreur dans mon raisonnement, ce qui ne serait pas impossible? ^^)
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MessageSujet: Re: La Nécropole des Ombres   La Nécropole des Ombres - Page 2 Icon_minitimeVen 16 Nov 2007 - 18:16

J'explicite Very Happy

Je ne donne pas le nom de la ville dès le début, parce que les fêtes du solstice embrasent toutes les villes du sultanat^^

Dès qu'on parlera de ce qui mène nos deux compères à l'écart de la ville et de la fête, j'expliciterai.
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MessageSujet: Re: La Nécropole des Ombres   La Nécropole des Ombres - Page 2 Icon_minitimeVen 16 Nov 2007 - 18:19

*mode compréhension renforcé*

d'accord.désolée je suis un peu dure à la comprenette le soir^^ ok,comme ça je suis tout à fait d'accord avec toi.et c'est vrai que c'est pas mal de commencer par une généralité pour rétrécir le champ des possibles ensuite (vive les cours sur la littéraire de l'imaginaire XD)
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MessageSujet: Re: La Nécropole des Ombres   La Nécropole des Ombres - Page 2 Icon_minitimeSam 21 Juin 2008 - 19:53

Oh lala, ça fait mille ans que je suis pas venu sur ce topic (sur ce forum)...


Est-ce que la suite intéresse quelqu'un ? est-ce que je vous laisse le temps de relire ? est-ce que j'arrête de poster ?
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MessageSujet: Re: La Nécropole des Ombres   La Nécropole des Ombres - Page 2 Icon_minitimeMar 24 Juin 2008 - 18:06

Je poste le début du premier chapitre, et si j'ai pas de réponse j'arrête Embarassed


PREMIERE PARTIE
LES DONS DU FLEUVE






Chapitre 1

Trois






Cyran s’étira longuement. La belle inconnue qu’il avait séduite la nuit dernière dormait encore, roulée en boule dans les couvertures. Il sourit. Les fêtes du solstice avaient décidément plus d’un avantage… Chaque année, il leur découvrait de nouveaux attraits et s’étonnait que celui-ci lui ait si longtemps échappé ! Il se leva discrètement, ne voulant pas troubler le sommeil de son amante, et entrouvrit les rideaux. Dehors, une chaude journée d’été s’annonçait. Le soleil était encore bas dans le ciel. Cyran fut tenté de se recoucher. Sicel. Elle s’appelait Sicel, ou du moins était-ce le prénom qu’elle lui avait confié la veille, quand elle avait accepté de se laisser raccompagner. Raccompagner, c’était une façon de parler, plutôt se laisser conduire dans la meilleure chambre d’une auberge respectable et paisible, à l’écart des tavernes bondées de Géliya… Il rabattit amoureusement les couvertures sur son amante et lui déposa un baiser sur les lèvres, puis sortit, fermant la porte sans bruit. Une fois dans le couloir, il soupira. La tradition voulait que les conquêtes des nuits du solstice demeurent exceptionnelles et, par-là même, que les amants ne se fréquentent plus, les fêtes terminées… Mais cette fois, Cyran n’était pas sûr de respecter l’usage. Car en temps normal, il séduisait la belle, et non l’inverse ! Le jeune homme chassa de son esprit ces pensées tourmenteuses, décrétant qu’il ne s’agissait là que d’émotions passagères, et descendit promptement l’escalier.

— Holà, Cyran ! Bien dormi ? cria l’aubergiste de derrière son comptoir.

— Dormi, c’est beaucoup dire !

— La donzelle était contente ? C’est l’essentiel, après tout ! s’exclama-t-il gaiement.

— Tâche de ne pas la réveiller par tes cris, je te prie… les nouvelles ?

— Oh... le lot de viols et de morts, comme tous les ans. On ne peut rien y faire.

Cyran jeta un coup d’œil à l’inscription au-dessus du comptoir et marmonna :
— J’ai toujours eu horreur de cette date : le septième jour de Cornaline… fini la fête, retour au quotidien morne et gris…

— Si je puis me permettre, intervint un client qui s’était rapproché d’eux au fil de la conversation, vous avez oublié une nouvelle plutôt importante… au sujet du vieux Bargus…

Cyran interrogea le tavernier du regard.
— Grabus, corrigea celui-ci. Oublier ce genre de nouvelles…
Il déglutit avec peine.

— Le gardien de la nécropole ? s’enquit Cyran. Il lui est arrivé quelque chose ?

— Oui, et pas n’importe quoi ! Lui dont on ne parlait que quand tous les autres sujets de conversation étaient épuisés, il a fait fort, le bougre…

— Il a tué quelqu’un ?

— Pas à ma connaissance. Par contre, on l’a tué.

— Assassiné ? balbutia Cyran.

— Ah, ça, pour être assassiné, il l’était ! affirma un deuxième client, sarcastique. Mon cousin fait partie de la patrouille qui a découvert le corps. Grabus avait un trou à la place du cœur et une balafre sanglante en forme de croix sur la figure. Ils ont été alertés par le bruit de l’éboulement d’un pan de mur d’où est sûrement entré et sorti l’assassin. Le sang était encore chaud quand ils sont arrivés.

— Est-ce l’acte d’un ivrogne ? D’un dément ?

— On n'en sait trop rien, reprit l’aubergiste. M’est avis que c’est un professionnel qui a fait le coup. On n’a vu personne rôder dans les parages, alors que des patrouilles montaient la garde un peu partout.

— Et l’assassin avait l’air fichtrement bien renseigné, continua le second. Il connaissait le tour de garde de Grabus à la minute près.

— Mais qui aurait bien pu lui en vouloir ? demanda Cyran, toujours perplexe.

— Ne te fie pas aux apparences. Sous ses airs d’ermite ronchon, Grabus cachait un passé trouble. Quand le duc l’a engagé pour garder la nécropole, il a tenté d’en effacer les traces… mais ceux qui sont concernés n’ont pas dû oublier. Il a été mêlé à une sombre histoire de trahison du temps de l’Armée Libre. Son assassinat en a réjoui plus d’un, crois-moi. Et il paraît que la ghilde est mêlée à l’affaire. Il n’avait pas la moindre chance de s’en tirer…

Cyran hocha pensivement la tête.
— C’est le moins que l’on puisse dire. Une des rares certitudes que l’on a concernant la ghilde, c’est bien qu’elle ne rate jamais son coup…
Tous acquiescèrent.

— Ce meurtre est vraiment étrange, reprit le second client. Mon cousin m’a également confié que l’assassin n’était pas seul.

— Qui y a-t-il d’étrange à cela ? Il avait sûrement un acolyte, au moins pour guetter l’arrivée de la patrouille.

— Il y a d’étrange, continua-t-il d’un ton qui se voulait théâtral, qu’en se fiant aux empreintes de pas qu’on a découvertes, un homme est entré dans la nécropole tandis que deux sont sortis.

— Cette affaire à l’air plus compliquée qu’on ne le croit, alors ?

— Et ce n’est pas tout ! poursuivit-il. On trouve une troisième sorte d’empreinte de pas qui, au contraire, se dirige vers le cœur du cimetière.

Brusquement, Cyran trouvait leur compagnie ennuyeuse au possible et leur conversation plus que pénible, et il se surprit à penser à la jeune fille avec qui il avait passé la nuit. Il brûlait d’envie de remonter dans leur chambre, et de la regarder, rien que la regarder…

— Cyran ? appela le tavernier. Tu es toujours parmi nous ? Tu devrais voir ton sourire béat ! Un aperçu du paradis ? Ou de la fille qui a occupé ta nuit ? Tiens, la voilà justement qui descend !

Le jeune homme se retourna d’un bond, et son interlocuteur éclata d’un rire gras.
— Mais elle t’a ferré, ma parole !

Cyran maugréa. Voilà un sens de l’humour qu’il ne partageait pas. Il marmonna quelques amabilités et sortit prendre l’air.

Il faisait déjà très chaud à l’extérieur, même dans les ruelles ombragées de Géliya, mais Cyran ne s’en préoccupait guère. Il supportait ce climat depuis sa naissance et le trouvait nettement plus agréable que les rafales de vent glaciales des côtes septentrionales ; et surtout, ses pensées étaient ailleurs. Lui qui se moquait volontiers du stéréotype de l’amoureux transi, il dût admettre qu’il n’était pas loin de le devenir. Une question sans réponse le tracassait essentiellement : comment réagir ? quelle attitude adopter quand il l’apercevrait ? Elle était – ou en tout cas avait été – son amante, naturellement, mais avant tout celle d’une nuit des fêtes du solstice, où toutes les dérives étaient permises. Le considérait-elle comme une aventure passagère ? Sûrement. Pourquoi l’inverse ? Celui qui envisageait une histoire sérieuse durant les fêtes n’était qu’un idiot. Cyran, tu es le dernier des abrutis ! Cette fille voulait passer un bon moment, la pensée seule d’avoir une liaison en dehors de ces nuits de débauche ne lui a même pas effleuré l’esprit… elle reste sensée, contrairement à toi, qui planes sur ton petit nuage ! Que vas-tu t’inventer ? Une grandiose histoire d’amour digne d’être chantée par les ménestrels ?

Il détestait cette petite voix ironique. Elle avait toujours raison. Mieux valait oublier la ravissante jeune fille rencontrée à la taverne des Echaudés, mieux valait même ne pas la croiser quand elle quitterait l’auberge. Et s’ils venaient à se rencontrer par la suite, faire comme s’ils ne se connaissaient pas. Oui, c’était de loin la meilleure solution, en plus d’être celle qui évitait le plus d’ennuis et de tourments.

Plongé dans ses pensées, Cyran allait et venait dans l’étroite ruelle et ne prenait pas garde où il mettait les pieds, ce qui lui valut quelques réprimandes acerbes – auxquelles il ne prêta aucune attention. Finalement, il décida de regagner l’auberge et discuter en toute innocence avec le tavernier et ses clients. Si, quand elle descendait en l’évitant ou – pire – sans lui prêter la moindre attention, il ferait mine de ne pas l’avoir remarquée. Dans le cas inverse… les Dieux le guideraient. Et il priait pour que ce fût le cas ! Déterminé à appliquer ce plan coûte que coûte, il franchit le seuil et rejoignit le groupe en pleine conversation.

— Un ryhénien, je crois.

— Un étranger dans notre nécropole ? Il ne manquait plus que ça !

— Grabus aussi n’était pas du coin.

— Oui, mais là, il s’agit carrément d’un citoyen de l’Empire, ainsi qu'ils aiment à se présenter.

— Vous parlez du nouveau gardien ? demanda Cyran, tentant de s’immiscer dans la discussion.

— Tout juste ! Il faut bien remplacer les morts. Le duc s’est empressé de trouver quelqu’un pour occuper la place. Un ryhénien s’est proposé, et le voilà gardien de l’antique nécropole de Géliya…

— Mais… l’affaire est oubliée ? L’assassinat de Grabus ? En une nuit et un matin, le voilà remplacé ?

— Oh ! Ils concluront que le crime est l’œuvre d’un ivrogne. Ce n’est pas rare, surtout pendant les festivités. Et puis, la ghilde est là-dessous, ils n’iront pas farfouiller davantage. Mal leur en prendrait !

— Est-ce le Sultan ou la ghilde le maître du pays ? s’indigna Cyran.

— Tu veux notre fin à tous pour dire des choses comme ça de vive voix ? répondit l’aubergiste. Puis, chuchotant : La ghilde est désormais une organisation bien trop puissante pour que quiconque tente de mettre fin à ses activités. Elle s’est infiltrée dans tous les centres du pouvoir, dans les différentes nations du continent. Le Sultan ne peut enrayer l’engrenage, d’autant qu’il a une dette envers elle. Si les caisses du Sultanat ont été renflouées en si peu de temps, à qui penses-tu que nous devions la chose ?

— Moi, trancha un client, plus je me tiens loin de la ghilde, mieux je me porte.
Après cette conclusion hautement philosophique, la conversation vira de bord et le tavernier entreprit un long discours sur la politique commerciale du Khanat. Cyran, lui n’écoutait pas. Il avait une furieuse envie de remonter voir Sicel, qui devait sûrement être réveillée maintenant. Que dire quand il entrerait ? L’attendait-elle ? Etait-elle au contraire heureuse de le trouver parti à son réveil ? Toutes ces questions lui emplissaient l’esprit, et il ne pouvait plus penser à rien d’autre. Fichtre ! Si je me laisse à ce point troubler par cette histoire, autant l’éclaircir au plus vite. Ce qui était plus facile à dire qu’à faire ; et, lorsqu’il fut devant la porte de leur chambre, sa détermination était largement entamée. Cette fois, cependant, il évita de se laisser submerger par un flot d’interrogations affligeantes et frappa d’un coup hésitant.
Pas de réponse. Il frappa cette fois avec plus de vigueur, mais le résultat fut le même. Intrigué, il entrouvrit la porte. De là où il se trouvait, il ne voyait que le lit, aux draps repoussés. « Je… je peux entrer ? » lança-t-il au coin de la chambre qu’il ne voyait pas. A nouveau, le silence fut sa seule réponse. Inquiet, il ouvrit complètement la porte, se tenant sur le seuil.

Personne. La chambre était vide. Sicel était partie. Elle ne m’a pas dit au revoir, songea-t-il bêtement. Il fit le tour de la chambre, déconcerté. L’aubergiste ne lui avait pas fait la remarque, voilà qui était étonnant. Il aurait à coup sûr bénéficié d’un Tu m’as l’air bien malheureux maintenant que la donzelle est partie !… Cyran allait pour regagner le rez-de-chaussée animé quand un éclat attira son regard. Il se pencha, curieux, et découvrit dans les plis des draps le magnifique bracelet de saphir que son amante portait lors de leur rencontre. Voilà une bonne raison de lui rendre visite, pensa-t-il, rasséréné, avant de se souvenir qu’il n’avait aucune idée du lieu où la retrouver. Il maudit cette tradition ridicule des nuits du solstice en se jurant de ne pas s’y faire reprendre et descendit l’escalier en fourrant le bracelet dans sa poche. « En souvenir, marmonna-t-il.

— Que dites-vous ? lui demanda un client devant qui il passait.

— Oh, rien ! Excusez-moi… puis, s’adressant à l’aubergiste : Pourquoi ne m’as-tu pas dit qu’elle était partie ?

— De quoi parles-tu ? répondit celui-ci, visiblement surpris.

— Sicel. Enfin, la jeune fille qui a passé la nuit avec moi… tu ne m’as pas averti de son départ.

— Je ne t’ai pas averti, tout simplement parce qu’elle n’a pas quitté l’auberge, voilà tout ! Que me chantes-tu là ? Je ne suis peut-être pas le responsable d’une auberge du centre de Géliya, mais je sais quand même quand mes clients entrent et sortent !

— Ah… excuse-moi, je… bon, dans ce cas, je… vais faire un tour au marché.

— Il n’y a pas de marché, Cyran. Il n’y a jamais de marché le lendemain des fêtes du solstice, on ne te l’a jamais appris ?

— Oh, c’est vrai… eh bien, dans ce cas, je vais me promener. A tout à l’heure.

Puis, suivant une intuition soudaine :
— Non, j’ai oublié quelque chose. Je remonte.

Il grimpa les marches quatre à quatre et entra en coup de vent dans la chambre, qu’il n’avait pas pris la peine de fermer. « Vrana aille en enfer ! », pesta-t-il, quand il souleva la couverture tombée à bas du lit sans trouver ce qu’il cherchait. Malgré le trouble dans lequel Sicel l’avait plongé ce matin, il n’était pas dupe. Dans un court intervalle de temps s’étaient volatilisées son amante et la bourse bien remplie qu’il avait abandonnée la nuit passée en se dévêtant. S’il avait jeté un coup d’œil à la fenêtre, il aurait remarqué que le lierre avait quelque peu souffert du poids d’une jeune fille, ces derniers temps… au moins savait-il où s’adresser pour retrouver trace de Sicel : le Comptoir des Envies.



*


Dernière édition par Oliv le Mer 25 Juin 2008 - 0:14, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: La Nécropole des Ombres   La Nécropole des Ombres - Page 2 Icon_minitimeMar 24 Juin 2008 - 23:19

j'ai remarqué 2 petites fautes :
"— Grabus, corrigea celui-ci. Oubliez ce genre de nouvelles"
"— Il n’y a pas de marché, Cyran. Il n’y a jamais de marché le lendemain des fêtes du solstice, on ne te l’a jamais appris ?"
sinon, je trouve ton texte très intérressant
...vivement la suite ! Very Happy
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MessageSujet: Re: La Nécropole des Ombres   La Nécropole des Ombres - Page 2 Icon_minitimeMar 24 Juin 2008 - 23:46

En fête, je voulais dire par "oublier ce genre de nouvelles" : "Dire qu'il a failli oublier"... ça marche pas ?

Pareil, ça ne se dit pas, "il n'y a pas marché" ? Comme "il n'y a pas école" ?

Content que ça te plaise ! =)
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MessageSujet: Re: La Nécropole des Ombres   La Nécropole des Ombres - Page 2 Icon_minitimeMar 24 Juin 2008 - 23:47

oups ...c'est sûrement moi qui me trompe, désolée Embarassed
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MessageSujet: Re: La Nécropole des Ombres   La Nécropole des Ombres - Page 2 Icon_minitimeMar 24 Juin 2008 - 23:51

pour "marché", ça fait quand même bizarre jtrouve ...
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MessageSujet: Re: La Nécropole des Ombres   La Nécropole des Ombres - Page 2 Icon_minitimeMer 25 Juin 2008 - 0:12

Lol, je corrige dans c'cas^^
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MessageSujet: Re: La Nécropole des Ombres   La Nécropole des Ombres - Page 2 Icon_minitimeSam 28 Juin 2008 - 19:22

cool ^^ tu postes quand la suite ? Very Happy
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MessageSujet: Re: La Nécropole des Ombres   La Nécropole des Ombres - Page 2 Icon_minitimeDim 29 Juin 2008 - 5:51

Maintenant xD

J'suis désolé de toutes les maladresses, ça fait longtemps que j'ai pas revu ce passage...






*

— Tiels, Gyan, le supérieur vous demande à la salle des engueulades. Bonne chance, les gars… L’avait l’air furibond.

Le bureau personnel de Zéor. La salle des engueulades, comme les méditants avaient pris coutume de l’appeler. Gyan réprima un frisson. Tiels et lui allaient passer un mauvais sistain. Chaque fois qu’un incident de grande ampleur se produisait au cours d’une mission, les deux méditants chargés de la suivre étaient convoqués par le supérieur, qui exigeait des explications. Le plus souvent, ses vociférations s’entendaient dans toute la demeure.

Les deux comparses gravirent avec appréhension le solennel escalier de pierre qui menait aux appartements de l’élite et aux bureaux des dirigeants. La ghilde avait acheté cette immense propriété en plein cœur de la Cité-jardin voilà six ans, car il semblait désormais indispensable de disposer d’un Cœur de ghilde dans la capitale du Sultanat, chose qui avait été toujours impossible. La demeure – un immense manoir d’une très ancienne famille noble ruinée – avait entièrement réaménagé en fonction de ses futures nécessités. Les salles et espaces nouvellement conçus à l’intérieur et dans le parc du manoir avaient chacun une fonction bien particulière – cellules de méditation, sanctuaire de pyromancie, enclos de tir à l’arbalète –, une demi-douzaine d’entrées supplémentaires avaient été spécialement aménagées pour que passants et gardes municipaux ne se doutent de rien – accès par les caves, les égouts et la rivière – et des artisans – forgerons et facteurs d’arcs principalement – avaient été spécialement engagés pour travailler sur place et fournir les membres en équipement. En quelques mots, il s’agissait du Cœur le mieux équipé et, par voie de conséquence, le plus performant dont la ghilde ait jamais disposé.

L’endroit était devenu très rapidement le siège de la ghilde séjilienne. Il y arrivait les rapports de tous ses agents, infiltrés dans les différents centres du pouvoir du Sultanat ; les novices y étaient officiellement inscrits en tant que membres de la ghilde. Enfin, c’était le lieu où l’on planifiait les missions et où la politique de la ghilde était fixée.
La ghilde existait depuis bientôt mille ans, et avait conservé sa hiérarchie d’origine, malgré de nombreux bouleversements dans d’autres sections. Gyan et Tiels avaient tous deux suivi la même progression au sein de l’ordre, et avaient récemment obtenu le grade de Méditants. Ils s’occupaient, entre autres tâches, de suivre par la pensée les Elucideurs et les Exécutants, lors de chacune de leurs missions. Et c’était, sans nul doute possible, cette fonction la cause de leur présente convocation. Leur supérieur était quant à lui sorti du circuit classique des grades quand il avait accepté une place au sein même de la vie de la ghilde, mais, en se fondant sur le respect qu’on lui présentait, Gyan avait déduit qu’il était au même niveau qu’un Exécutant de première qualité.

Ils avaient atteint le deuxième étage, et n’eurent pas le loisir de gagner seuls le bureau de Zéor, car celui-ci avait eu l’amabilité de les attendre patiemment sur le palier. Gyan sourit sans le vouloir. Aimable et patient, il définissait en deux mots son supérieur… en ironisant à l’extrême, malheureusement. Sans un mot, mais avec un regard qui en disait long, Zéor les conduisit dans son bureau. Ils ne s’y étaient jamais rendus, à vrai dire ; dans le cas contraire, Gyan eût tout de suite employé le terme d’antre.

Zéor était un bœuf. Là encore, Gyan n’eût pu trouver de terme qui convenait mieux. Pour qu’il ait pu un jour se tapir dans les ténèbres, les Pouvoirs Sombres effectuaient de vrais miracles ! Gyan se promit de garder ses pensées pour lui. En ce moment, le blasphème était invoqué à tout bout de champ, et il eût été l’un des seuls à l’avoir mérité… s’exprimer ainsi du Jeu des ombres, c’était insulter Osha en personne ; et, comme disait le dicton, qui offense Osha demande audience à la potence. Mais cela n’empêchait pas que Zéor eût un physique désavantageux. Les meilleurs Exécutants étaient « tout en muscles », tandis qu’il était tout en graisse. Sa carrure impressionnante n’arrangeait rien à la situation, ni ses jambes courtes.

Gyan s’aperçut qu’il souriait toujours, alors que son supérieur était en face de lui, le regard mauvais. Il s’empressa de changer d’expression, adoptant une mine sérieuse et quelque peu navrée. Il jeta un rapide coup d’œil à son acolyte, et se rendit compte qu’il arborait une mine défaite, qui reflétait en revanche le véritable état de tension dans lequel se trouvait Tiels. Ce dernier jouait très mal la comédie, Gyan l’avait constaté à de multiples reprises, et développait en outre une phobie des supérieurs, phénomène plutôt rare à la ghilde. Pourtant, c’était un fait : Tiels était horrifié à l’idée de faire face au courroux des Ordonnateurs ou même de Zéor ; ce face à face silencieux lui était un calvaire. Il doit angoisser comme un lapereau à l’idée que Zéor ouvre la bouche. Autant ne pas en rajouter en l’observant comme un condor sa proie, songea Gyan. Il détourna les yeux et revint les poser sur le visage bovin de son supérieur. Après tout, ce n’était qu’un mauvais moment à passer, d’autant plus qu’ils n’avaient commis nulle faute.

— Des explications, commença sans préavis Zéor. Je veux que vous me fournissiez des explications, répéta-t-il en articulant chaque syllabe.
Tiels était trop apeuré pour émettre un seul son, Gyan allait devoir parler pour deux… une perspective pas forcément réjouissante, connaissant son interlocuteur.

— Nous avons perdu contact avec l’Exécutant Escar et le Ferrailleur Gals, monsieur. Nous les suivions depuis un sistain environ, et brusquement…

— Je sais tout cela ! l’interrompit sèchement Zéor. Ce que j’aimerais savoir, c’est où ils étaient au moment précis de cette perte de contact, quelle était leur humeur, quelle était leur situation. Et de quelle façon s’est déroulée la coupure.
Gyan n’eut pas besoin de tourner la tête vers son camarade pour comprendre qu’il répondrait seul à chacune des questions posées, et commença donc son rapport en essayant toutefois de ne pas paraître trop désinvolte. Cela ne manquerait pas d’agacer Zéor, et ce dernier était suffisamment de mauvaise humeur comme ça.

— L’Exécutant Escar et le Ferrailleur…

— Par tous les dieux, cessez de rappeler leur grade systématiquement, c’est loin d’être primordial !

– Euh… oui, bien sûr. Monsieur. Escar et Gals avaient pénétré dans la nécropole ; ils avaient franchi le mur ouest, au niveau d’une brèche ; c’est à cet endroit que l’E… euh, qu’Escar a intégré pleinement le Jeu. Après s’être introduit dans l’enceinte, ils ont pris la direction de la cabane de Grabus, mais nous avons eu l’impression qu’il est venu à leur rencontre, si l’on peut dire. Ensuite, l’esprit d’Escar s’est empli d’une frayeur insondable et il m’a bloqué ses pensées. Enfin, je ne pense pas qu’il l’ait fait volontairement. Ç’a plutôt été une réaction instinctive, un réflexe face au danger. Nous nous sommes rapidement redirigé vers l’esprit du… de Gals, mais… à vrai dire, nous n’avons pas pu l’atteindre. Nous en avons déduit qu’il était paralysé par la peur, comme son compagnon ; cela arrive, quelquefois. L’esprit est tellement obnubilé par la peur, noyé dans une sensation de frayeur extrême, qu’il ne reçoit plus d’informations visuelles, auditives ou tactiles. Ce à quoi ils ont assisté ne devait pas se résumer au volettement d’un papillon de nuit, si vous voulez…

— Vos élucubrations manquent de preuves. Tout cela n’est que votre point de vue. Je demande un avis objectif, est-ce si difficile à comprendre ? Avaient-ils un comportement inhabituel ? Tout se déroulait-il comme prévu ?

— Pas tout à fait. Des gardes avaient été envoyés par le duc pour garder la nécropole. Escar et Gals devaient faire vite, sans quoi une patrouille allait découvrir le pot aux roses. Un soldat avait également regardé dans leur direction alors qu’ils étaient à terrain découvert, sur la colline, mais j’ai sondé son esprit : il n’avait rien remarqué. Je lui ai glissé une pensée apaisante et il a poursuivi son tour de garde.

— Vous savez pourtant à quel point c’est dangereux ! S’il avait eu une once de maîtrise mentale, vous auriez fichu en l’air par votre bêtise la mission entière !

S’ensuivit un fastidieux sistain de réprimandes acerbes, quant à l’audace mal venue des Méditants formés par les nouveaux Eveilleurs. Gyan n’écoutait plus. Observer s’avérait bien plus intéressant. Il avait commis une grosse erreur en qualifiant le repaire de Zéor d’antre. Car, si un antre comportait l’aspect lugubre et peu engageant de la pièce – à qui l’envie prenait d’y faire un tour ? –, du moins faisait-il abstraction de toute décoration, de toute couleur ; en deux mots, de ce qu’on appelle le mauvais goût. Grottes et cavernes sont froides et sombres, aux murs de roc nus et suintant d’humidité. Ici, l’humidité se devinait, mais les endroits où elle eût pu montrer sa présence étaient recouverts de tapisseries affreusement laides, affichant des couleurs criardes et représentant des scènes de festin ou de chasse au sanglier. Même le tissu des fauteuils, de piètre qualité, arborait des teintes douteuses.

L’attention de Gyan se reporta à son supérieur. Celui-ci continuait son sermon, ne prêtant manifestement pas grande attention à la contrition de ses ouailles. Ses bajoues tremblaient au rythme de ses mots, mues par les vibrations de ses cordes vocales. Le spectacle en valait la peine.

— Allez vous me répondre ?

— Euh… veuillez m’excuser, je…

— Je vous demandais si Gals et Escar avaient eu, au cours de leur progression, une conduite sortant de l’ordinaire. Je vous ai posé la question trois fois, mais vous n’avez pas daigné répondre !

— Ils n’ont pas commis d’erreur particulière dont je me souvienne. Gals était plutôt impertinent envers son supérieur, mais il l’est toujours. Escar l’a rappelé à l’ordre une ou deux fois. Mis à part cela, aucune tension à signaler. Ah, si, Escar était distrait. Il se ressassait pas mal de souvenirs, tant que je suis intervenu pour le faire revenir sur terre. C’est tout.

Zéor grommela. Il était clair qu’il désapprouvait le comportement de l’Exécutant, sans toutefois vouloir le montrer devant des sous-fifres tels que Gyan et Tiels. Après tout, la réputation d’Escar n’était plus à faire, et il était très respecté dans la ghilde, pour sa valeur et son honnêteté. Dans la mesure de l’honnêteté d’un membre de la ghilde, bien sûr.

Après deux ou trois minutes de réflexion, Zéor releva la tête, un sourire aux lèvres.
— Vous connaissez la règle. Quand un membre de la ghilde disparaît, on lui donne trois jours pour reparaître. S’il n’a pas refait surface à la fin de ce délai, son décès est consigné dans les archives. Ensuite, on effectue des recherches pour s’assurer de son trépas… au besoin, on envoie un Exécutant l’abattre, s’il se trouve que son cœur continue de battre.

Pour le moment, l’Exécutant Escar et le Ferrailleur Gals sont portés disparus. Je doute qu’ils reviennent. Si je vois juste, dans deux jours, au crépuscule, vous accèderez tous deux au grade d’Elucideur et planifierez une mission visant à retrouver leurs corps – froids… ou non – et ramener leurs cadavres à la ghilde. Vous effectuerez par la suite une enquête poussée sur les manigances de la nécropole. Ca ne semble pas clair, je dirais même qu’on a mis le doigt sur une affaire d’une importance capitale… Objections ?

Gyan restait muet. Il allait passer au rang d’Elucideur. Les choses se compliquaient. On allait lui – leur – confier une mission de premier plan.


*


Dernière édition par Oliv le Lun 30 Juin 2008 - 19:50, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: La Nécropole des Ombres   La Nécropole des Ombres - Page 2 Icon_minitimeLun 30 Juin 2008 - 12:45

J’ai tout lu, tu as réussi à me captiver Very Happy

Vivement la suite.
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MessageSujet: Re: La Nécropole des Ombres   La Nécropole des Ombres - Page 2 Icon_minitimeLun 30 Juin 2008 - 13:49

j'ai imprimé ta 1er partie de la prologue, je lis ça dessuite Smile
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MessageSujet: Re: La Nécropole des Ombres   La Nécropole des Ombres - Page 2 Icon_minitimeLun 30 Juin 2008 - 14:00

j'ai eu un peu de mal à accrocher au début mais finalement je suis "tombée" dedans et j'ai beaucoup aimé.
par contre, je pense que tu as fait une erreur de nom à la toute dernière ligne ^^
A quand la suite?
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MessageSujet: Re: La Nécropole des Ombres   La Nécropole des Ombres - Page 2 Icon_minitime

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