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 Ecailles

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sombrefeline
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sombrefeline


Féminin Nombre de messages : 2284
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Loisirs : Ecrire, dessiner, coudre et taquiner ses semblables avec des bouts de métal coupant
Date d'inscription : 21/04/2012

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MessageSujet: Ecailles   Ecailles Icon_minitimeMar 26 Mai 2015 - 16:26

Retiré pour cause de publication chez Etherval Very Happy


Dernière édition par sombrefeline le Sam 19 Mar 2016 - 18:58, édité 1 fois
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sombrefeline
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MessageSujet: Re: Ecailles   Ecailles Icon_minitimeMar 2 Juin 2015 - 18:53

Écailles (Dernière partie)

Plusieurs jours passèrent. Le médecin vint la voir et lui prescrivit du laudanum pour « calmer son hystérie ». Armande refusa de le prendre, et mangea le moins possible, s’alimentant juste ce qu’il fallait pour ne pas dépérir. Sa rébellion avait échoué. Son pouvoir était illusoire. Elle ne pouvait se révolter contre sa famille et contre ces règles qui l’opprimaient.
Souvent, Armande se plaçait devant son miroir et admirait les écailles sur son visage. Leur teinte dominante était verte, mais avec des nuances de bleu, de bronze et d’or selon la lumière. La crête qui partait de son front jusqu’à sa nuque se hérissait maintenant de quelques épines. Armande passait de longues heures à les caresser en réfléchissant. Pourquoi personne d’autre qu’elle ne les voyait ?
Peu à peu, elle se demanda si cette invisibilité n’était pas un signe. Elle avait voulu affirmer sa force à la face du monde et avait échoué dans cette prison. Et si elle s’y était prise de la mauvaise manière ? Et si sa puissance s'avérait plus insidieuse ?
L’idée traça lentement son chemin dans son esprit. Armande dessina un plan et commença à l'exécuter deux semaines après son éclat. Alors qu’Augustine entrait pour lui apporter son déjeuner, elle l’interpella.
— Augustine, pourriez-vous appeler mère, s’il vous plaît, je souhaiterais m’excuser auprès d’elle.
La domestique haussa les sourcils, mais ne lâcha aucun commentaire et fila. Quelques minutes plus tard, Iphigène Mertot se tenait devant sa fille, les bras croisés, l’œil noir.
— Eh bien, j’attends, déclara-t-elle.
Armande releva la tête vers sa mère, en essayant de se montrer la plus humble possible. Des larmes humidifièrent ses yeux, sa lèvre inférieure se mit à trembler. Elle se jeta aux pieds de sa génitrice.
— Je suis si désolée ! sanglota-t-elle. Je me suis comportée comme une idiote ! Je suis tellement honteuse !
Sa mère resta immobile. Armande crut que la manœuvre n’avait pas réussi. Puis, elle soupira et se laissa glisser au sol, entourant de ses bras les épaules de sa fille.
— Ce n’est rien. Vous êtes jeune et inexpérimentée. L’attention de ces garçons vous a retourné l'esprit. Vous n’avez heureusement rien commis d’irréparable. Nous pouvons encore vous dénicher un bon mari et une situation avantageuse, si vous promettez de vous conduire avec correction.
— Tout ce que vous voulez, geignit Armande.
Un sourire se peignit sur les traits d’Iphigène Mertot.
— Parfait. Je cours annoncer la nouvelle à votre père, il sera content de vous savoir revenue à de meilleures dispositions.
— Pardonnez une nouvelle fois mon comportement, murmura Armande.
— C’est oublié. Maintenant, passez-vous un peu d’eau sur le visage et descendez me trouver dans la véranda. Vous avez bien mérité un goûter.

*

La soumission donna de très bons résultats. Sa mère se montrait heureuse, son père aussi, ses frères la félicitèrent de ce revirement. En apparence, Armande obéissait. En réalité, dès qu’elle le pouvait, elle testait les limites de son pouvoir. Les domestiques apprirent bien vite à la crainte. Augustine ne paraissait plus devant elle qu’animée de tics nerveux. Elle surprit des murmures à son sujet. On la trouvait changée, effrayante avec son regard fixe et ses yeux aux reflets verts mouvants. Si seulement ils savaient la vérité…
Armande continua son jeu avec les garçons, mais avec plus de subtilités toutefois. Elle eut néanmoins de la peine à conserver un triomphe modeste lorsque la famille Motte les invita dans leur résidence en Normandie. Iphigène Mertot exulta. On les conviait à rejoindre la haute société à Deauville ! La consécration !
Sa mère consentit à féliciter Armande et à louer sa conduite exemplaire. Celle-ci se borna à hausser les épaules. Elle se réjouissait de cette victoire et de la liberté qu’elle allait lui apporter. Peut-être que si elle épousait le fils Motte, son influence grandirait encore.
Le voyage se révéla éprouvant. Il fallait transporter des malles de vêtements, et tout cela en train. Une expédition. Iphigène Mertot passa son temps à houspiller les serviteurs. Armande resta calme, se contentant de remarques cinglantes quand l’une des bonnes commettait une maladresse. On lui obéissait avec célérité.
Sa mère employa une large partie du trajet à bavasser, Armande demeura silencieuse, le regard rivé sur la vitre. En apparence, elle admirait le paysage. En réalité, elle contemplait son reflet. L’arrivée se déroula dans un chaos similaire à l’embarquement, car les domestiques durent décharger tous les bagages qu’on avait eu tant de peine à monter. Frédérique Motte les attendait avec un fiacre. Il les conduisit jusqu’à leur hôtel, guettant les réactions d’Armande. Elle consentit à un sourire aguicheur, qui parut le mettre en joie.
Les trois premiers jours se montrèrent assommants. Armande avait vaguement espéré un voyage dépaysant, et voilà qu’elle se retrouvait coincée dans la même routine que chez ses parents. Se lever, se préparer, houspiller les bonnes, courir les réceptions mondaines, jouer les gentilles filles avec sa mère, flirter avec Frédérique. Seul le décor changeait.
Armande commençait à périr d'ennui, lorsque Frédérique Motte vint leur proposer une excursion au Mont-Saint-Michel. Il fallut d’abord endurer un lever aux aurores et de nombreuses heures de voiture. Le trajet dans ce bolide dernier cri aurait pu se révéler diablement affriolant sans le bavardage incessant d’Iphigène Mertot. Mais quand apparut la forme majestueuse du Mont, Armande jugea que le déplacement en valait la peine.
Quelque chose se réveilla en elle, alors qu’ils approchaient de l’édifice. Ses écailles frémirent, une douce chaleur l’envahit. Le chauffeur gara l'engin et ils empruntèrent à pied le chemin qui menait au Mont. Au fur et à mesure qu’ils avançaient, la sensation d’excitation grandissait.
— Vos joues sont bien roses, remarqua Frédérique en prenant le bras d’Armande.
Idiot qui ne voyait pas ce qui se trouvait sous son nez !
— Je suis si heureuse ! soupira Armande en guise de réponse.
Ils pénétrèrent dans le Mont et remontèrent les rues en direction de l’abbaye. Le cœur d’Armande palpitait sourdement, grondait dans sa poitrine comme un animal en cage. Ils atteignirent l’entrée. Armande s’arrêta net devant une sculpture. Elle représentait Saint-Michel, patron de l’île, épée brandie qui terrassait une créature à ses pieds.
— Eh bien, nota Frédérique. Vous êtes toute pâle, maintenant.
— Asseyez-vous, Armande, déclara sa mère.
— Ce n’est rien. La vision de cet ange m’a saisie, murmura Armande.
Elle laissa les deux autres l’amener en direction d’un banc de pierre. Son regard ne lâchait pas la statue. Elle se fichait éperdument de Saint-Michel et de sa jolie épée. Non, ses yeux demeuraient rivés sur le dragon à ses pieds. Ces écailles, cette crête, ces griffes. Les mêmes que sur son visage, ses mains, le reste de son corps. Une bouffée de joie immense envahit la jeune fille. Elle savait désormais ce qu’elle était : un dragon.

*

Sa mère marchait au bord de la falaise d’Étretat et parlait sans discontinuer. Armande ne l’écoutait que d’une oreille, encore chamboulée par la révélation. Elle était un dragon, une créature mythique persécutée à tort. La statue lui avait dévoilé la vérité, mais la mettait aussi en garde. Si elle montrait sa vraie nature, on lui réserverait le même sort : on la pourchasserait pour la tuer.
Armande réfléchissait. Comment préserver sa liberté et garder son pouvoir ? Si elle se mariait, elle tomberait sous la coupe de son époux. Elle pourrait manipuler Frédérique, ou tout autre prétendant, mais la belle famille pourrait poser problème… Elle aurait besoin de subtilité.
— Cessez de rêvasser, Armande, siffla sa mère.
— Pardon, je pensais à autre chose.
— Je disais que l'héritier Motte devrait bientôt vous proposer le mariage, j’en suis persuadée. Il faudra convenir d’une alliance avec la famille. Et d’une dot pour vous. Ainsi que de l’endroit de la cérémonie…
Iphigène Mertot continua sur sa lancée. Armande retint un grondement de dépit. Encore et toujours, elle planifiait et régentait sa vie. La jeune fille s’arrêta et observa sa mère, qui coupa net son babillage.
— Quelque chose ne va pas ? s’inquiéta-t-elle.
Armande comprit alors. Iphigène l’aimait vraiment, sincèrement, à sa manière. Elle ne voulait que son bonheur. Elle souhaitait de tout cœur qu’Armande trouve une place dans la société, la même qu’elle : mère et épouse. Son avenir était tout tracé : elle se marierait, enfanterait une nuée de bambins, dont une fille sans doute, qu’elle éduquerait à suivre ses pas. Armande sourit tendrement à sa génitrice. Il n’y avait qu’une solution.
D’une brusque bourrade, elle poussa sa mère de la falaise.
Face à sa force inhumaine, Iphigène Mertot ne put résister. Ses mains se crispèrent un bref instant pour tenter de se retenir. Elle bascula en arrière en hurlant. Armande la regarda tomber. Le corps s’écrasa en bas. Une douleur insoutenable irradia des omoplates d'Armande. Avec un feulement, elle s’arqua. Quelque chose déchira son dos. La souffrance devint intense, aussi vive qu’une flamme, avant de cesser. Armande se releva et déploya ses ailes : des merveilles de cuir et d’écailles irisées. Des ailes de dragon.
Elle exhala un profond soupir de contentement. Cette fois, la transformation était complète. Elle le sentait.
Des cris attirèrent son attention. Des promeneurs venaient de trouver le cadavre. Armande se prépara à jouer les filles terrorisées et choquées. Elle possédait déjà une histoire toute prête : Iphigène avait voulu cueillir des fleurs pour lui tresser une couronne et avait glissé. Elle passa une langue bifide sur ses lèvres et repartit en courant en direction de la maison.
— Oh mon dieu ! C’est horrible ! hurla-t-elle.
D’abord sa mère, elle s’attaquerait à Charles ensuite. Son amour pour la bouteille faciliterait sa chute. Puis ce serait le tour des autres. Oui, Armande allait conquérir ainsi son pouvoir et sa liberté. Leur vie d'humains importait peu. Elle était un dragon.

Félicitations à Abi, qui avait vu juste quant à la transformation finale d'Armande. Pour les commentaires, suivez le guide.
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