Fantasy dont vous êtes le héros [titre en cours]

Cidaël attendait patiemment son tour. À intervalle régulier, il lissait du plat de la main sa toge de magicien bleu azur. Il avait soigneusement taillé sa barbe jaunâtre. Il avait bien essayé de la rendre parfaitement blanche, mais la formule avait teint l’ensemble des poils de son corps en violet et il avait dû attendre une semaine que l’effet se dissipe avant de sortir.

Dans la salle du trône, des éclats de voix retentissaient.

Oh merde ! Le roi est encore en forme, pensa-t-il.
Une femme resplendissante ouvrit la porte de la salle royale.

— Cidaël, entrez.
— Ah ! Tiens ! s’exclama le roi.
Le magicien mit un genou à terre.
— Sire Baronet Vicar Reeve de Mortem Bardolphus.
— Qu’est-ce qu’il vous prend ? Personne n’utilise mon nom complet.

Il lui adressa un regard sévère.

— Oh, vous ! Vous avez encore fait une connerie ! Non ?

Évidemment, connerie il y avait, mais ce n’était pas la raison de sa visite.

— Non, sire Baronet, je viens demander de l’argent pour recruter une équipe, afin d’aller chercher le Caducée ! Vous êtes d’accord ?

— Ah ! Le Caducée ! Très bien ! Dites-m’en plus, répondit le roi.

Le mage se tordit les mains en réfléchissant à la meilleure réponse à donner.

— Dans la légende, il est dit que le Caducée est le bâton du dieu Hermès, et qu’il serait capable de guérir toutes les blessures.

— Oh ! C’est bien ça. De combien avez-vous besoin ? 200 pièces d’or vous iraient ?

— J’ai peur de faire appel à plus de générosité, mon roi. 3000 pièces d’or pour une première expédition. Comme je le disais, je dois recruter une équipe.

Le roi plissa les yeux et fixa Cidaël. Un silence de plomb s’installa dans la salle du trône.

— Qu’allez-vous bien pouvoir faire avec autant d’or ? Vous comptez acheter toute la Grèce pour retrouver votre foutu bâton ? Vous aurez 200 pièces. Barrez-vous !

Le visage du roi Baronet commençait à prendre une teinte rouge des plus menaçantes. Le magicien tendit les mains en signe de soumission.

— Ne vous énervez pas, sire, je recruterai une équipe d’une moindre valeur.

Une heure plus tard, Cidaël se tenait à la taverne des aventuriers. Il scrutait chaque membre de la salle afin de trouver des hommes capables de l’aider, sans lui demander trop d’argent. Il en trouva des parfaits. Un homme d’un certain âge, mais qui paraissait vaillant, un jeune plein d’entrain et une jolie elfe habillée de vert, avec un tissu de la même couleur noué dans les cheveux.

Il s’approcha.

— Oh ! Un homme en robe ! s’exclama l’elfe, quand elle l’aperçut.

— C’est un mage ! Assieds-toi et tais-toi Inamdine.

L’elfe obéit en boudant.

— Exact, je suis le mage de la cour, Cidaël.

Il s’assit et leur présenta son plan pour aller chercher un objet mythique. Ils devraient braver des dangers et risquer leurs vies, mais le roi saurait se montrer généreux à leur retour. En attendant, le gain assuré était de 60 pièces d’or pour eux.

— Aïe ! Bordel !

La table trembla et un être petit et vilain émergea en se frottant la tête.

— 60 pour 4, ça nous fait 15 chacun.

Il se tourna vers les deux hommes et l’elfe.

— Narfis, dit-il en s’adressant à l’ancien, on va pas se mettre sur la gueule avec des monstres pour 15 piécettes ?

— On y gagnera bien plus, Morej. Il se tourna vers le jeune assis à ses côtés. Ylrach prépare nos affaires. Par où va-t-on ?

Cidaël se gratta la barbe.

Nos 5 aventuriers marchaient depuis plusieurs heures en direction de la forêt Abouah.

— J’ai la dalle, dit Ylrach.

Il était le plus jeune de la bande, mais sa volonté de bien faire n’avait d’égal que son talent à l’épée. Depuis plusieurs années, il parcourait le monde avec Narfis, son mentor, qui tenait le rôle de père, alors qu’il n’avait pas connu le sien.

— Tu as mangé il y a une heure, lui fit remarquer la jolie elfe Inamdine.

— Et alors ? J’ai la dalle, c’est tout. Tu ne peux pas comprendre toi, tu manges trois feuilles et t’es calée pour deux jours.

— C’est encore loin, votre forêt Abouah ? interrompit Morej.

— Tu es un elfe-nain, c’est ça ?

Cidaël avait totalement ignoré la question du petit moche. En réalité, il essayait de faire semblant de ne pas être perdu.

— Quel talent d’observation !

— Je croyais que vous restiez dans vos grottes, loin de la civilisation.

Le mage observait les alentours.

Merde ! Mais il est où le chemin en patte d’oie ? Peut-être qu’il fallait prendre la sortie Ouest au dernier bled ?

— C’est chiant au bout d’un moment, répondit l’elfe-nain. Je suis tombé par hasard sur ce groupe de tocards, mais comme ils arrivent, je ne sais pas comment, à remplir leurs missions, je me suis joint à eux pour me remplir les bourses.

— Stop ! ordonna Narfis. J’ai entendu quelque chose.

Le guerrier tenait son épée dans une main et levait l’autre pour que les autres s’arrêtent.

Le cri rauque d’un animal se fit entendre. Il provenait de la végétation abondante qui bordait le chemin. Impossible de voir de quoi il s’agissait. Il ressemblait à un grognement, mais quelle est la taille d’une bestiole capable d’un tel bruit ?

— On va lui faire sa fête et avoir de quoi bouffer pour deux jours ! se réjouit Ylrach.

— Fuyons ! Vite ! Cette bête doit être énorme ! s’affola Inamdine.

— On ne peut pas fuir, dit Narfis. Il arrive !

Une bête poilue, d’environ 2m50, surgit des hautes herbes. Très hautes herbes mêmes. Des yeux brillants et jaunes. Des grandes griffes acérées. Elle n’était clairement pas là pour des raisons amicales.

Le jeune Ylrach tenait déjà son épée et était prêt à engager le combat. Cidaël recula de quelques pas et Inamdine était déjà à plusieurs mètres derrière.

La bête rugit et se jeta sur Narfis qui l’évita d’une roulade. Ylrach l’attaqua par-derrière, mais fut projeté dans les hautes herbes d’un coup de patte.

— Cidaël ! Envoie un sort ! Fais quelque chose ! hurla le doyen Narfis.

Le mage réfléchit.

— J’ai un sort pour aiguiser vos lames, ou les nettoyer de leurs taches de sang, proposa le mage.

— Tu te fous de moi ? Narfis sauta à nouveau pour esquiver une attaque de la bête. C’est quoi ces conneries ? Balance une boule de feu, un éclair, j’en sais rien moi !

Une flèche fusa. Et vint terminer sa course dans la végétation.

— Quel tir ! se moqua Ylrach qui sortait des herbes, couvert de petites branches. Tu aurais presque pu m’atteindre.

— Désolée, s’excusa la jolie elfe. J’en tire une autre !

— Non ! cria Narfis, tu vas buter l’un d’entre nous !

— Oh ! C’est bon, hein ! Je voulais aider.

— Et bien aide-nous en faisait rien, ça suffira bien.

La bête dévia plusieurs coups d’épée de Narfis et Ylrach. Impossible de la toucher. Elle était bien trop rapide et agile.

— Haaa !

Le cri de rage venait des hauteurs. Morej était monté sur la branche d’un arbre qui surplombait le sentier. Il se jeta dans le vide. Sa hache fendit l’air.