Le froid s’immisçait partout. La nature était prise dans la glace. Plus rien ne bougeait. La lune planait haut dans le ciel, tel un petit soleil pâle incapable de réchauffer l’atmosphère. Parfois, des nuages passaient devant elle et créaient une ambiance fantomatique sur la ville.
La nuit était bien avancée, si bien que l’éclairage public avait cessé depuis près d’une heure.
Le réveillon de Noël battait son plein dans les maisons. Les enfants étaient partis se coucher à contrecœur, l’excitation de recevoir leurs cadeaux les avait empêchés de trouver le sommeil. Finalement, la fatigue avait eu raison d’eux et ils s’étaient assoupis.
Personne ne vit l’ombre qui passa en trombe devant la lune. Le traineau volait à la limite de la perception d’un être humain. Le gros bonhomme qui conduisait cet attelage magique n’éprouvait aucune difficulté à le manier de ville en ville pour distribuer ses cadeaux depuis des centaines d’années.
— Je ne me ferai jamais à ce nouveau manteau, se plaignit-il en gesticulant pour tenter de replacer son épais manteau rouge. Le vert était bien plus confortable.
Le premier renne devant lui se retourna et lui adressa un sourire légèrement moqueur.
— Je sais Comète ! Tu peux te moquer, mais je suis bien obligé de répondre à leurs croyances ! Ils me préfèrent habillé en rouge, alors je suis en rouge.
Le vent n’avait aucun effet sur eux. L’embarcation filait à toute vitesse dans la nuit froide.
Soudain, le Père-Noël porta sa main à sa tête. Immédiatement, les rennes comprirent que quelque chose clochait et ils réduisirent l’allure. Le vieil homme se massa les tempes pour essayer de faire passer l’étourdissement. Il vit les regards inquiets de ces fidèles amis à cornes devant lui. Le traineau formait des ronds au-dessus de la campagne.
— C’est bon, leur dit-il, on peut y aller.
Seul un claquement se fit entendre lorsqu’ils repartirent à toute vitesse.
***
— Maman ! C’est quand qu’on a les cadeaux ?
Posté au bord de la table, le petit Artur posait cette question pour la quarantième fois ce soir. Sur la table, une bouteille de vin vide en côtoyait une autre dans le même état. La télévision diffusait les meilleurs moments de l’année d’un jeu où les candidats devaient répondre à des questions de culture générale.
— Va te coucher, Artur. Si tu ne dors pas, tu n’auras pas de cadeaux, répondit sa mère sans se lever du canapé.
Le petit traina sa peluche en forme de lapin derrière lui et repartit dans sa chambre, la tête basse.
***
Dans une maison un peu plus loin, les enfants sont couchés depuis près d’une heure. La télévision diffusait une lueur pâle et éclairait faiblement le visage du couple sur le canapé. Derrière eux, les quelques guirlandes sur le sapin étaient éteintes.
Dans la chambre à l’étage, les deux sœurs discutaient.
— Vivement demain matin ! J’adore les cadeaux !
Elles avaient connecté une enceinte Bluetooth ronde à un smartphone et l’avait placée entre elles. Le dernier tube à la mode passait en boucle. Elles n’écoutaient pas vraiment les paroles, alors qu’elles les connaissaient par cœur. Une histoire de rupture amoureuse après l’infidélité de l’homme. Celui-ci n’intervenait pas dans la chanson, mais il fut désigné par un nombre incalculable de termes.
— Tu crois qu’ils nous ont acheté quoi cette année ?
Immédiatement, la plus grande des fillettes comprit son erreur. Sa sœur pensait encore que le Père-Noël apportait les cadeaux aux enfants. Depuis l’année dernière, elle avait compris que c’était faux. En réalité, elle avait été déçue et ne l’avait pas vraiment compris. Pourquoi ses parents lui auraient-ils menti tout ce temps ?
— Ce n’est pas le Père-Noël qui nous apporte les cadeaux ?
L’ainée ne voulait pas que sa sœur apprenne cette vérité de la bouche d’un autre enfant. Elle éteignit la musique et expliqua à sa sœur ce qu’elle avait compris. À chaque phrase, les yeux de la petite s’embuaient de plus en plus, jusqu’à ce que finalement, une larme coule le long de sa joue, emportant avec elle les espoirs d’une fillette.
Les maisons du quartier brillaient et clignotaient doucement dans la nuit. Depuis plusieurs années, la neige n’avait pas recouvert les plaines environnantes et se montrait timide, même dans les hauteurs des montagnes non loin de là.
***
La lune se masqua quelques secondes sans que personne ne s’en aperçoive. Le traineau du Père-Noël filait à toute vitesse lorsqu’un craquement se fit entendre. En une fraction de seconde, le traineau ralentit.
Les rennes se débattirent comme ils purent pour conserver le traineau droit et continuer à planer, mais cela leur était impossible. Toute l’embarcation chuta en direction du sol. La respiration du Père-Noël s’accéléra tandis que la terre gelée s’approchait de lui.
Le choc fut rude et l’onde de choc forma un petit cratère tout autour d’eux. Il perdit connaissance...