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 Le dragon

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MessageSujet: Le dragon   Le dragon Icon_minitimeDim 26 Avr 2009 - 15:38

Une toute petite nouvelle. Je ne sais pas si je l'ai mise à la bonne place, vous me le direz.

Le dragon.

Les tours ébréchées tentaient vainement de se dresser avec quelque fierté au-dessus des arbres séculaires. Les mains oubliées de leurs bâtisseurs avaient voulu surpasser en grandeur et en beauté la forêt, mais dans leur orgueil elles avaient finalement fini par s’avouer vaincues devant les mousses et les fougères.
Les lierres avaient brisé les plaques de marbres branlantes et les lianes avaient jeté à bas les colossales tours de métal. Leurs débris reposaient au cœur de l’humus, témoins impuissants et silencieux d’un temps. Nul ne se souvenait, d’une époque à laquelle les singes n’avaient pas le droit de chahuter dans les étranges cavernes carrées. On pouvait entendre le vent murmurer inlassablement dans cette tempête de métal et de pierre, tentant sans relâche de faire fuir les lambeaux de brumes qui s’accrochaient désespérément aux épaves.
Les serpents aimaient à se réfugier dans ces endroits désolés. Les dalles échouées dans la fougeraie leurs servaient d’abris frais et sûr, et ils pouvaient s’y cacher quand la terre se mettait à gémir sous les pas de leurs lointains cousins.
Le sol justement se mit à trembler. Aussitôt, le sous-bois s’agita de la fuite des serpents, leurs reptations paniquées déclenchant l’envolée d’un petit groupe d’oiseaux. Le bruit à l’origine de cette subite agitation était à peine perceptible, un lent et régulier battement donc chaque coup faisait craquer un peu plus les fissures des antiques demeures. Le fracas redoubla quand se détacha une large poutre de métal, bien au-dessus de la frondaison des arbres. Elle chuta, percutant les multiples étages éventrés, rebondissant en vrombissant sur des murs de plâtres, détachant à chaque impact des nuages de poussière nauséabonde.
Finalement, elle termina sa course en s’écrasant sur un arbre, lui arrachant plusieurs branches avant de se précipiter sur le sol, effrayant tous les animaux qui n’avaient pas encore pris la fuite à la suite des reptiles.
Le jeune dragon à l’origine du drame sentit une larme couler le long de ses écailles, les irisant doucement d’un chemin acide et rose. Ces souvenirs étaient si fragiles ! Il se rapprocha le plus délicatement possible de la poutre, tibia métallique d’un monstre oublié et inconnu, puis s’abîma un instant dans sa contemplation. Depuis des années, cette étrange forêt tombait en ruine. A chacun de ses pas, les étranges arbres d’acier frissonnaient ensemble, et il n’était pas rare de voir une tour s’effondrer soudainement sur elle-même, disparaissant dans la poussière et l’indifférence. Etait-il donc le seul à se soucier de ces étranges reliques ?
Il cessa de contempler la poutre, laissant les singes curieux se précipiter autour d’elle, et reprit son chemin, l’esprit perturbé. Ses griffes se posaient sur les pavés déchaussés, délogeant les lézards qui s’abritaient sous eux ; il pouvait sentir à travers les écailles de ses pattes le bitume qui se cachait sous le tapis de feuilles mortes, et il s’étonnait du contact froid des carcasses qui émergeaient ici et là du chaos environnant.
Sa résolution était prise. Il se désespérait de voir ainsi disparaître toutes ces choses étranges. Cela le touchait d’autant plus que ses simples déplacements étaient une des causes de la lente dégradation que subissait cet étonnant endroit.
Il fallait qu’il sache. Il devait aller voir le seul dragon suffisamment vieux pour peut-être se rappeler des événements qui furent à l’origine de cet étrange décor.
Sa route le conduisit à travers la forêt jusqu’au premier contrefort d’une falaise escarpé. Là, un large sentier grimpait en pente douce jusqu’à une ouverture dans la roche. A peine parvenu à son seuil, il entendait déjà le lent et régulier clapotis d’une source fraîche. Il s’étonnait toujours que cet être puisse se reposer et méditer accompagné de ce bruit entêtant.
Il pénétra dans la grotte et se dirigea tant bien que mal, le plus doucement qu’il put vers ce qui semblait être un massif amas de pierres luisant sous l’humidité de la source. La seule chose qui distinguait cette forme d’un simple tas de cailloux était cette lente et calme respiration ; elle signalait à tous les êtres vivants que cette créature était plus vieille que la terre elle-même.
Le jeune dragon s’accroupit devant elle et attendit patiemment qu’elle daigne prendre note de sa présence.
Les dragons n’ont pas la même notion du temps que la plupart des animaux. Presque immortels, ils peuvent rester patiemment à songer sans bouger pendant un temps incroyablement long. Il est déjà arrivé que plusieurs générations de ces petits singes qui gambadent dans les ruines vivent et meurent sans qu’un dragon n’ait daigné ouvrir un œil.
Cette fois pourtant, la jeune créature n’attendit pas longtemps, et un œil jaune qui semblait être un phare dans cette obscure grotte s’ouvrit bientôt, flamboyant tout près de lui. Le vieux dragon aux mille noms se redressa légèrement, et ses deux yeux vifs vinrent se fixer sur le reptile venu le rencontrer.
— Je n’ai pas souvent l’occasion de te voir, lui dit-il.
Sa voix grave ne formulait aucun reproche, elle exprimait simplement un fait. Aussi comprit-il qu’il ne lui était pas nécessaire de présenter d’excuses à son père pour ses trop rares visites, et entreprit-il d’exposer sans préambule la raison de sa présence.
— J’ai besoin de savoir, père. Tu es plus vieux que la plus vieille des montagnes, et certainement le plus sage d’entre nous. Mes questions, je le sais, se réfèrent à un lointain passé et personne n’a encore su me répondre. Tu es la seule personne qui puisse m’éclairer dans ma quête de connaissance, et tu sais que je n’oserai pas te déranger pour des futilités. Dis-moi ! Dis moi ce que sont ces arbres de métal étrangement dressés au dehors, qui les a élevé, et pourquoi ?
— Ah ! je savais bien qu’un jour tu viendrais me le demander. J’ai longtemps essayé de me souvenir en prévision de cette date, depuis ta naissance, nombres de mes méditations se sont concentrées sur cette entreprise. C’était il y a bien des millénaires, et ma mémoire peine à se remémorer leur existence. Ils étaient étranges, et leur comportement bien souvent insaisissable. Ils ont beaucoup détruit, et beaucoup construit. Ils ont été partout, ils ont beaucoup tué, et nous ont même chassés à une époque. Puis ils nous ont oubliés, et leur soif de construire n’en a que redoublé. Ils ne sont restés qu’une seconde sur terre, et pourtant, ce court laps de temps leur a suffit pour détruire irrémédiablement bien des choses. Leur nom se perd dans les âges, mais je ne l’oublierais probablement jamais, tant ils m’ont fait du mal.
Le vieux dragon marqua une pause, et ses yeux se fermèrent. Sitôt que leur éclat eut disparut, le jeune dragon sentit une sorte de désespoir l’envahir. Tel est le pouvoir de celui qui a mille noms parmi les siens ; ses yeux sont une source intarissable d’espoir, et sans que l’on s’en rende compte, ils hypnotisent et l’on désespère souvent par la suite de jamais les revoir à nouveau.
Lorsque ses paupières d’écailles dévoilèrent de nouveau le chatoiement de ses yeux, le jeune dragon se sentit mieux. Il était maintenant prêt à connaître le nom des bâtisseurs.
— Ce nom, mon fils, plus personne ne s’en souvient. Je te le dis aujourd’hui dans l’espoir qu’un jour prochain tu puisses toi aussi le transmettre. On les appelait les hommes.
Le jeune dragon acquiesça imperceptiblement et tourna son regard vers la sortie de la grotte pour tenter d’apercevoir les bribes des ruines qu’il avait abandonné.
— Pourquoi suis-je si triste quand je regarde les vestiges qu’ils ont laissés ?
— Ils étaient très mélancoliques, persuadés qu’ils avaient perdu quelque chose, et que ce quelque chose était nécessaire à leur bonheur. Leur regard se tournait perpétuellement vers le passé, et c’est sans doute ce qui explique pourquoi on ressent cette tristesse quand on regarde ce qui rappelle leur existence. Je ne crois pas qu’il ait jamais existé d’animaux plus malheureux qu’eux. Au fond d’eux-mêmes, ils n’étaient pas mauvais, et s’ils ont ainsi détruit, c’est parce qu’ils nous enviaient. Sais-tu pourquoi ils nous jalousaient ainsi, et pourquoi ils ont construit toutes ces tours à la place de la forêt ?
— Non ! mon père.
— Pour devenir immortels, ils nous enviaient notre immortalité. Dans l’espoir de n’être jamais oubliés, ils ont construit ces monuments, rasant tout ce qui pouvait leur rappeler qu’ils n’étaient pas les seuls maîtres et qu’ils n’étaient que de passage. Si eux ne pouvaient survivre aux siècles, alors ce que leurs pattes construiraient leurs survivraient et nous survivraient à nous, espéraient-ils sans doute.
— Ils devaient être très puissants pour laisser de telles marques dans la terre.
— Détrompe-toi. Ils étaient comme des fourmis. Seuls, ils ne valaient rien. C’est leur union qui leur a permis de survivre.
— Leur ressemblaient-ils aussi ? Je veux dire, physiquement, était-ce des fourmis géantes ?
L’ombre d’un sourire se dessina sur la face ravagée du vieux dragon et son œil pétilla. A cette étincelle, le cœur de son fils se souleva de joie. Seule son innocence avait réussi à faire scintiller un œil qui n’avait certainement plus ri depuis bien des siècles.
— Non, mon fils, non, lui répondit-il. Physiquement, comme tu dis, ils ressemblaient plus à ces petits singes qui aiment à jouer dans les ruines là-bas. Peut-être même ces singes sont-ils de lointains frères des hommes. Qui sait ?
Le jeune dragon médita un court instant, et sans rien ajouter quitta son père et sa résidence pour grimper lentement sur une colline proche d’où il aimait regarder la ville morte. Il lui était déjà arrivé de la contempler sans bouger pendant une semaine entière, songeant à ce qu’elle avait pu être. Mais cette fois, il remarqua quelque chose qu’il n’avait jamais vu : deux bandes rivales de singes s’affrontaient sauvagement dans une bataille à laquelle seul la mort d’un des deux groupes pouvait mettre un terme.
De nouveau, les écailles sous les yeux du dragon prirent une teinte rosée, et il refusa de continuer à observer ce carnage désolant.

Fin


Dernière édition par Mike le Dim 26 Avr 2009 - 22:15, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Le dragon   Le dragon Icon_minitimeDim 26 Avr 2009 - 17:50

Magnifique mike.
C'est bien écrit et j'adore le thème.
Smile
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Morrigan
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Morrigan


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MessageSujet: Re: Le dragon   Le dragon Icon_minitimeDim 26 Avr 2009 - 22:11

Oui,je rejoints Alfred.
Je suis sous le charme. Tu nous as écris un bien beau texte mon cher Mike. Même pas envie de te signaler les deux trois microscopiques fautes que j'ai vues ^^

Merci pour ce petit moment de bonheur. On s'y serait cru ...
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MessageSujet: Re: Le dragon   Le dragon Icon_minitimeLun 27 Avr 2009 - 18:42

...et je rejoins mes confères!
Magnifique texte. Peut-être l'ébauche de quelques chose de plus long? non?!
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MessageSujet: Re: Le dragon   Le dragon Icon_minitimeLun 27 Avr 2009 - 18:54

J'aimerai bien mais dans ce genre de récit il faut que je commence par du court. Je n'arrive pas à structurer une histoire longue. Ca viendra peu-être.

Merci à vous
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MessageSujet: Re: Le dragon   Le dragon Icon_minitimeLun 27 Avr 2009 - 19:57

Et bien, j'en suis pour dire que cette histoire est vraiment super !
merci Mike cat
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MessageSujet: Re: Le dragon   Le dragon Icon_minitimeMar 28 Avr 2009 - 17:28

J'ai trouvée ça bien ... Mais triste, c'est normal docteur ?
J'adore Mike, tu es très doué. *prosternation*
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MessageSujet: Re: Le dragon   Le dragon Icon_minitimeMar 28 Avr 2009 - 17:45

Merci tout le monde.

Triste dis-tu Muse ? Ce n'est pas triste, c'est notre monde, ou alors notre monde est triste ! Rendons le plus gai !
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MessageSujet: Re: Le dragon   Le dragon Icon_minitimeMer 29 Avr 2009 - 11:58

C'est bizzard, l'autre jour j'était dns un de mes bons jours (très rares) et ce texte m'a completement rincé ...
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MessageSujet: Re: Le dragon   Le dragon Icon_minitimeMer 29 Avr 2009 - 19:17

Que d’éloges, Mike, auxquels va se rajouter le mien (d’habitude, j’amène des bémols… Je me fais vieux, il faut croire ^^).
J’ai été impressionné par la richesse du vocabulaire et les efforts de description que tu as déployés au début. J’ai eu un peu peur car, impatient que je suis, je craignais de lâcher prise, ennuyé par le plantage du décor, avant même d’entrer dans le vif du sujet. De plus, en voyant le titre, je pensais à une énième histoire de dragons classique.
Alors en fait, c’en est une, quelque part, d’histoire classique, avec la sagesse millénaire du dragon et son détachement par rapport au temps, mais qui a ses originalités, notamment cette légèreté et ce choix d’avoir imaginé un dialogue entre deux dragons, à une époque où les hommes ne sont plus.
J’ai également apprécié la mise en scène du début, avec l’arrivée lourde du dragon, sympathique (bien que classique aussi). J’ai aussi aimé la maturité avec laquelle tu as rendu le côté hiérarchique entre les deux dragons, ainsi que la teneur même des dialogues. L’agencement des événements était donc une réussite dans l’ensemble.
Alors après, il y a un ou deux « couac », rien de vraiment dramatique :
- Tu as abusé du participe présent. C’est une mauvaise habitude dont il faut se débarrasser, car elle devient vite pesante pour le lecteur, et paradoxalement passe parfois inaperçue pour celui qui écrit (en te relisant, je pense que tu le repèreras). Cela ne veut pas dire que tu dois supprimer tous les participes présents, mais que tu dois en mettre seulement de temps en temps. Préfère conjuguer le verbe, cela dynamise, surtout dans les descriptions.
-
Citation :
Le jeune dragon s’accroupit devant elle et attendit patiemment qu’elle daigne prendre note de sa présence.
Les dragons n’ont pas la même notion du temps que la plupart des animaux. Presque immortels, ils peuvent rester patiemment à songer sans bouger pendant un temps incroyablement long. Il est déjà arrivé que plusieurs générations de ces petits singes qui gambadent dans les ruines vivent et meurent sans qu’un dragon n’ait daigné ouvrir un œil.
Ce passage m’a fait tiquer ; on aurait dit le commentaire d’une voix off dans un documentaire animalier ^^. Tu as changé de point de vue brusquement, passant de celui du dragon à un point de vue complètement extérieur. Je pense que tu devrais rester avec le point de vue du dragon. Je n’ai pas tellement de suggestions pour le coup… scratch
Enfin, la conclusion de ton histoire ne m’a pas tellement comblé, mais ça n’est pas grave, puisque tu dis que tu débutes et que tu préfères écrire court (ce qui est une initiative que je devrais prendre aussi, d’ailleurs…).

En résumé, hormis les participes présents et le bizarre changement de point de vue, je réitère mes compliments : j’ai été agréablement transporté par la richesse et la maturité de ton texte, qui s'avère classique sous certains aspects tout en apportant des notes fraîches de-ci de-là. C'était un plaisir.

En espérant te voir écrire un récit du genre, plus long, prochainement ! Wink
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MessageSujet: Re: Le dragon   Le dragon Icon_minitimeMer 29 Avr 2009 - 19:38

Un compliment de Hakkrat ça se merite...merci à toi. Wink
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MessageSujet: Re: Le dragon   Le dragon Icon_minitime

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