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 le vent souffle dans les branches (roman court)

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MessageSujet: le vent souffle dans les branches (roman court)   le vent souffle dans les branches (roman court) Icon_minitimeLun 10 Juin 2013 - 9:18

je vous présente le début d'un court roman que j'ai écrit à l'origine comme un exercice de style. L'effet recherché est une sorte de détachement du monde, de neutralité, de non action. J'ai d'ailleurs choisi de raconter au présent. Après avoir écrit de la fantasy et un thriller d'anticipation - donc des histoires qui "bougent"-, je voulais voir si j'étais capable d'écrire tout un roman ainsi, tout en conservant l'intérêt des lecteur.

Résumé:

Anna, une jeune femme, vit seule dans sa maison isolée au bord d'une route. Sans passions, sa seule occupation est de regarde dehors par sa fenêtre. Elle aime le vent. Un soir de tempête, un automobiliste en panne, Nicolas, sonne à sa porte. Ils passent la nuit ensemble. Au matin, il repart, mais reviendra tous els ans, à la même date, quand souffle le vent d'automne. A sa fenêtre, Anna attend.
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MessageSujet: Re: le vent souffle dans les branches (roman court)   le vent souffle dans les branches (roman court) Icon_minitimeLun 10 Juin 2013 - 9:18

1.
Une bourrasque violente secoue la maison de la cave au grenier. Le mugissement qui l'accompagne ressemble au feulement sourd d'un fauve affamé. Les branches nues ploient sous sa brutale caresse, serviles. Puis, un instant téméraires quand baisse l'ardeur du vent, elles se redressent vers le ciel gris d’ardoise. Ce n'est qu'un court répit. Un souffle puissant les courbe à nouveau, menaçant de les briser.
Entre pluie et tourmente, la température reste douce. Trop douce pour un mois de novembre. La vitre du salon est pourtant glacée sous les doigts d'Anna. De son index, la jeune femme trace des dessins abstraits sur le carreau embué, puis y colle son front, le regard perdu dans les vagues que le vent imprime à la végétation.
Elle aime la tempête, son souffle impérieux, cette sensation de devenir toute petite, inexistante dans une nature en furie. Depuis sa plus tendre enfance, ça la fascine. Un sentiment la submerge : le vent, dans son hurlement désespéré, tente de lui narrer une histoire. L'aventure de la Terre, peut-être, un conte sans hommes, sans logique, sans pitié, sans amour ni haine. Anna s'y reconnaît. Elle ressent l'envie de sortir malgré le déchaînement des éléments, d’écarter les bras au milieu des arbres malmenés et de se laisser emporter dans le tourbillon. Mais elle reste là, à l'abri derrière sa fenêtre, passive. Elle se contente de regarder. Comme toujours.
La jeune femme se détache avec peine de la vision hypnotique. Elle tire le rideau. Ce dernier s'agite, animé d'une vie propre. La maison est vieille. Le vent s'infiltre partout, trouve des interstices le long des vitres, des portes, s'engouffre par la cheminée. Il siffle, menace, supplie de le laisser entrer, cherche à devenir maître des lieux. On l'entend gémir dans le grenier. Des étrangers pourraient croire qu'un animal se tapit quelque part dans les entrailles de la bâtisse. Anna a l'habitude, ça ne l'émeut plus.
Un frisson la parcourt et elle resserre les pans de son gilet sur sa poitrine. Il fait un peu froid. Dans la cheminée, le feu meurt doucement entre les débris de bûches calcinées et les cendres fumantes.
Elle remet deux petits morceaux de bois dans l’âtre. C'est peu. Ils ne dureront pas. Elle n’y pense pas. Pour l’instant, elle n'a pas besoin de plus. Les flammes reviennent, plus vives, mêlant les ors aux rouges en un jeu d'ombre et de lumière sur les murs chaulés du salon. Paré des mystères ancestraux du feu, le résultat subjugue et inquiète à la fois. Anna délaisse ce spectacle. Le brasier apprivoisé recèle peu d'intérêt à ses yeux. Il manque de force. Sous son apparente sauvagerie, il a perdu sa liberté pour devenir esclave des hommes. Le vent, lui, ne se capture pas, se dompte encore moins.
Elle traverse la pièce à pas lents, plutôt par manque d'inclinaison pour la précipitation que par plaisir à prendre son temps. Pourquoi se hâter ? La demeure se dresse ici depuis près de deux cents ans. Dans une minute ou un an, rien n’aura changé. La jeune femme pousse la porte grinçante du salon, en éteint la lampe sans se donner la peine d'allumer le couloir. Inutile. Une lumière crue, venue du dehors, filtre sous l’entrée de la cuisine. Anna y pénètre en se tournant de côté, par habitude, pour éviter le réfrigérateur qui empiète un peu dans l’ouverture. Elle cligne presque des yeux. Après la douceur du crépuscule venteux admiré peu avant, elle a la sensation de se retrouver en plein jour. Mais un jour étrange, blanchâtre et fatigant.
Elle s'approche de la fenêtre, s’y accoude, regarde dehors. La route qui passe devant la maison est vide, comme souvent à cette heure. À gauche et à droite, elle se perd dans l'obscurité croissante de la nuit. La tempête balaie l'asphalte, y crée de minuscules tourbillons qui entraînent brindilles et menus détritus en rondes folles. Qui a donc pu concevoir l'étrange idée, le long de ce ruban noir, triste et nu, de planter un lampadaire juste là, à côté d’une modeste maison sans âge ? Celle-ci se trouve du coup éclairée à la manière d’une froide œuvre d’art, sorte d'invitation inquiétante aux automobilistes égarés.
Depuis la route, la maison blanchie par la lumière artificielle, au sein de la noirceur nocturne, ressemble à l'habitation délabrée de quelque fantôme, impression que renforcent la clôture bancale et les supplications oppressantes du vent.
Anna laisse vagabonder ses pensées au gré des bourrasques. Elle prendrait bien un café, mais elle ne se sent pas le courage de quitter son poste d'observation pour le préparer. Un instant, son esprit se fixe sur les souvenirs de sa journée de travail. Elle les chasse vite. Son métier s'est imposé sans qu'elle le choisisse : il représentait la suite logique de ses résultats scolaires, des aspirations de ses parents, de la volonté de la société. La jeune femme ne déteste pas sa profession, elle ne l'aime pas non plus. Ça l’indiffère. Un moyen comme un autre de gagner sa vie, parce qu'il faut bien manger. Le prix de la tranquillité. Pour un salaire, Anna aurait ramassé des poubelles ou donné des cours en faculté, peu importe. Seule l'attente d'une paisible soirée solitaire l’aide à franchir les heures. Ses collègues la trouvent rêveuse. Gentille quand même, mais pas très intéressante. Ils ne savent rien d'elle et ne cherchent pas à la connaître davantage, être quelconque, trop effacé pour susciter la curiosité. La situation lui convient très bien ainsi.
Anna n’a pas plus choisi son statut de célibataire que le reste. Non qu’un époux lui manque réellement. Ni les enfants, elle n'y pense quasiment jamais. Parfois cependant, elle se remémore ses rêves de petite fille : le prince charmant qui vient métamorphoser la vie de sa dulcinée, le cheval blanc, le superbe palais. Mais elle a passé trente ans, pour le prince charmant, c'est trop tard. Ça fait longtemps qu'Anna n'y croit plus. Ni au grand amour. Ce sont des discours d'adolescentes ou d'incorrigibles romantiques hantées par leur imagination. La déception assurée. La jeune femme ne se fait pas d'illusions. Elle se contente de son morne quotidien, de la certitude que, à défaut d'être pire ou meilleur, le lendemain sera semblable au jour même. Une vie immuable, avec le goût lassant de l'éternité.
Un corbeau esseulé passe en croassant dans la lumière du lampadaire. Des larmes dépourvues de sens coulent sur le visage d’Anna.

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Elann
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MessageSujet: Re: le vent souffle dans les branches (roman court)   le vent souffle dans les branches (roman court) Icon_minitimeJeu 13 Juin 2013 - 18:45

Héhé. Je voulais commenter un texte. Je me suis dit et pourquoi pas celui-ci ?
Bah j'ai bien fait. Mais mon commentaire risque de ne pas être long du tout.

J'aime bien. Voilà.
Le début particulièrement lorsqu'elle décrit la tempête, s'imaginant à l'intérieur mais n'en faisant rien.
Non, en fait, j'aime tout le passage.

J'aimerais en effet, savoir comment tu vas tenir tout un livre ainsi. Mais ce début me plaît vraiment bien.

Barla a écrit:
Des larmes dépourvues de sens coulent sur le visage d’Anna.

C'est joli. Tu aurais mis "des larmes coulent sur son visage", on aurait trop été dans le pathétique. Avec ce "dépourvu de sens", là on est amené à réfléchir. Oui, en effet, ça vie n'a pas de sens décrite comme tu l'as fait. Et la notre ?

Enfin bref ( https://youtu.be/tYVNZrDh5y0?t=1m30s ), hâte de lire la suite et content d'avoir lu ce début.

_________________
Je suis né pour te  connaître, pour te nommer, liberté.  Paul Eluard
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MessageSujet: Re: le vent souffle dans les branches (roman court)   le vent souffle dans les branches (roman court) Icon_minitimeJeu 13 Juin 2013 - 19:14

Un commentaire Very Happy
Et positif en plus, merci.

en effet, le thème tourne autour de la vacuité de la vie d'Anna. Une absence de sens qu'elle ne cherche pas à combler artificiellement, en courant comme on le fait souvent. Elle reste spectatrice.

j'espère que j'arriverai à garder ton intérêt sur du plus long terme Wink. Mais j'attends un ou deux commentaires de plus pour continuer

merci de ton passage
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MessageSujet: Re: le vent souffle dans les branches (roman court)   le vent souffle dans les branches (roman court) Icon_minitimeSam 15 Juin 2013 - 0:18

Bonjour barla,

J'aime beaucoup de texte malgré quelques lourdeurs. Mais cela est affaire de style et de goût personnel donc je ne m'étendrai pas. C'est très bien détaillé et joliment écrit.
J'ai noté au passage quelques remarques :

plutôt par manque d'inclinaison pour la précipitation
Etrange comme formule, je ne saisis pas très bien ce que tu as voulu dire.

venue du dehors
Pas très heureux comme formule d'autant qu'une répétition avec dehors peut se lire deux lignes plus loin. Pourquoi ne pas écrire Venue de l'extérieur ?

La route qui passe devant la maison est vide
J'aurai mis déserte. Un contenant peut être vide, celà peut-il s'appliquer à une route ?

Elle les chasse vite
Chassent

Son métier s'est imposé sans qu'elle le choisisse
Qu'elle ne le choisisse

Gentille quand même
J'enlèverai le quand même qui à mon sens est inutile

Mais elle a passé trente ans, pour le prince charmant, c'est trop tard
Un point après passé trente ans au lieu d'une virgule.

Ça fait longtemps qu'Anna n'y croit plus. Ni au grand amour
J'aurai écris Ça fait longtemps qu'Anna ne croit plus au grand amour.



Voilà, à très bientôt j'espère pour la suite...
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MessageSujet: Re: le vent souffle dans les branches (roman court)   le vent souffle dans les branches (roman court) Icon_minitimeSam 15 Juin 2013 - 8:32

Bonjour,

merci pour l'avis Very Happy


Ben alors, si tu trouves des lourdeurs dans ce texte où j'ai "fait simple", qu'est-ce que ce serait sur mes autres écrits ::lol:

Citation :
plutôt par manque d'inclinaison pour la précipitation

manière tordue de dire "par manque de goût pour la précipitation" ou "parce qu'elle n'aime pas la précipitation"

Citation :
Elle les chasse vite
Chassent

Son métier s'est imposé sans qu'elle le choisisse
Qu'elle ne le choisisse


non, le sujet de "chasse" est "elle". Et pour l'autre, la principale étant affirmative et non négative, le "ne " explétif n'est pas requis (et en tout cas jamais obligatoire).

Je regarderai les autres points.

Le principal, c'est que l'ensemble plaise Wink
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MessageSujet: Re: le vent souffle dans les branches (roman court)   le vent souffle dans les branches (roman court) Icon_minitimeSam 15 Juin 2013 - 12:46

Je passe pour lire ton texte, je te signale au fur et à mesure tout ce qui se passe de particulier dans ma tête de lecteur et te donne ensuite mon avis général. Ce ne sont que des suggestions, mais comme ça tu as une idée de ce qu'on pense en lisant le texte!
Spoiler:

Finalement je n'ai pas eu grand chose à signaler! ...rien en fait. Tu as déjà un style propre à toi, je ne me permettrais donc pas de corriger tes structures de phrases, même si j'ai parfois trouvé certaines descriptions un peu dur à suivre : le sens final de la phrase semble toujours arriver avec le dernier mot, et finalement on s'y fait. Il y a déjà comme une mélodie qui s'installe, et au fur et à mesure que j'avançais dans ma lecture, j'avais envie de m'installer confortablement dans un fauteuil et de me laisser emporter quelques heures par l'histoire. D'autant plus que je me suis très rapidement identifiée au personnage (qui ne ressentirait pas ce qu'elle ressent face à la tempête? Que tu as d'ailleurs très bien rendu.)
La maison semble presque être un personnage à part entière, et on a aussi envie d'en savoir un peu plus à son sujet.
Bref, c'est très prometteur, je reviendrais lire la suite avec plaisir!
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MessageSujet: Re: le vent souffle dans les branches (roman court)   le vent souffle dans les branches (roman court) Icon_minitimeSam 15 Juin 2013 - 13:15

merci Cerise ^^

un mur chaulé est un mur passé à la chaux.

trois commentaires, alors, hop, la suite avec l'entrée d'un second personnage. Histoire en huis clos, donc très peu de personnages en tout (je précise que le roman est déjà entièrement écrit):




2.

Le vent ne se calme pas. Il se renforce même de minute en minute. Anna s'éloigne de la fenêtre, le temps de faire chauffer son repas. Un plat tout prêt. Du poisson, lui semble-t-il. Elle n'est pas sûre. Elle l’a pris presque par hasard, la veille, dans les rayons du supermarché. La nourriture ne fait pas partie de ses priorités. Pourtant, ses formes rondes, un peu trop, laissent croire le contraire. On se dit qu'elle aime profiter des plaisirs de la vie. Rien n'est plus faux.

Le ronronnement du micro-ondes se joint au souffle bruyant qui agite la maison. Le repas chaud, Anna s'installe à sa table, une vieille table en chêne venue de sa grand-mère, qui dépare avec un intérieur moderne et banal sans personnalité. L'opercule du plat n'est pas encore ôté qu’une sonnerie retentit.

La jeune femme sursaute, tel un dormeur éveillé en plein rêve. Elle met un temps à réaliser le sens de ce bruit. La sonnette d'entrée ! Cette dernière sert si peu qu’elle en avait presque oublié le son. Elle se lève, si tremblante qu'elle manque de retomber sur sa chaise. Cette présence inconnue derrière sa porte l’affecte plus que de raison. Sa vie sociale est si réduite que le moindre contact imprévu l’effraie. Elle se dirige vers l'entrée, les jambes molles. Sa main reste suspendue au-dessus de la poignée, indécise. Un second coup de sonnette fait tressaillir Anna qui sent son cœur battre plus fort. Une seule envie la hante : attendre immobile, se faire oublier, souhaiter que le visiteur importun se décourage et s'en aille, agir comme si la maison était vide. Vaine espérance. La cuisine est allumée et donne sur la route, du même côté que l'entrée. Celui ou celle qui insiste une troisième fois l'habitation occupée.

Alors, elle ouvre, doucement, timidement. Elle aurait pu s'enquérir auparavant de l'identité du visiteur, de la raison de sa présence, mais n'y a pas pensé. La porte s'écarte en grinçant, comme toutes celles de la maison. Avec les années, le bois a travaillé, les gonds ont un peu rouillé, plus rien ne s'ajuste.

Une silhouette emmitouflée dans un vêtement informe s'engouffre dans le couloir, entraînant avec elle vent et pluie. Dehors, une violente averse réduit la visibilité à néant.

— Ah çà, quel temps de chien ! s'exclame une joviale voix masculine.

Anna, qui a refermé la porte derrière lui, recule. Elle se sent agressée par ce timbre trop fort, par ces paroles qui résonnent dans son intérieur silencieux. L'homme ne s'en aperçoit pas. Il est du genre sûr de lui, de ceux qui investissent un lieu aussitôt entrés, qui se croient chez eux partout sans imaginer que d'autres vivent les choses différemment.

Anna prend sans un mot la direction du salon. L'homme la suit en continuant à parler du temps, sans se soucier de ne pas être écouté.

À peine arrivé devant la cheminée où des flammèches lèchent encore les deux bûchettes, il laisse tomber son affreux manteau. Il s'agit en réalité d'une simple couverture, de celles qu'on utilise parfois pour protéger un siège de voiture ou s'asseoir en pique-nique. Elle s'affaisse avec un bruit mou sur le sol, une flaque d'eau s'étirant aussitôt autour d'elle.

Avec un vague dégoût, Anna regarde le linge trempé souillant son parquet. Son attention se reporte sur le visiteur qui discourt avec toute l'ardeur de celui qui aime à s'entendre parler :

— Vous vivez seule ici ? Et vous n'avez pas peur, dans une vieille maison isolée comme ça ? C'est sinistre. On peut avoir un peu plus de lumière ? Parce que votre plafonnier, là, n’éclaire pas grand-chose. Cette ambiance me donne la chair de poule. On ne peut pas dire que vous vivez dans le grand luxe, ah ça non ! Remarquez, c'est malin, vous n’attirez pas les voleurs comme ça. Parce que figurez-vous que…

Anna n'écoute pas la suite, elle surprend quelques bribes d'une histoire de cambriolage sans comprendre si l'homme parle de sa mère, de sa sœur ou d'un fait-divers trouvé dans le journal. Elle dirait bien à cet impudent de sortir de chez elle. Elle n'en fait rien, incapable de décider quels mots et quel ton adopter. Silencieuse, Anna ramasse la couverture dégoulinante, quitte le salon, et va suspendre le linge dans la salle de bain. Quand elle revient, d’une démarche peut-être un peu plus rapide que de coutume, l'homme se tient toujours à la même place, les paumes tendues vers l’âtre. Il esquisse un sourire à peine gêné en désignant du menton la large auréole sur le parquet :

— Désolé. Ce n’est que de l'eau, ça va sécher. C'est un déluge dehors. Et ce vent… J'ai horreur du vent ! J'ai eu une de ces journées. Un tas de trucs se sont accumulés au boulot et évidemment, tout me tombe dessus le même jour. Et ce ne sont pas les fainéants qui bossent avec moi qui vont augmenter leur rendement pour ça. Je fais tout dans cette boîte. C'est la folie. Enfin, vous êtes au calme ici, vous, vous ne connaissez pas ça.

La jeune femme se croyait indifférente aux insinuations de malappris, mais ne peut s'empêcher de penser qu’il se prend pour le centre du monde. Elle aussi travaille !

— Pour faire court, poursuit l'homme pourtant incapable d'aller à l'essentiel, une journée d'enfer et pour couronner le tout, un pneu qui crève. J'ai arrêté la voiture à vingt mètres de chez vous. Mais allez changer une roue avec ce temps. Vous permettez que je reste jusqu'à ce que ça se calme ?

Question de pure forme. Déjà, il s'assoit sur un des fauteuils de tissu gris et esquisse la grimace de celui qui se trouve mal installé.

— Vous voulez manger ?

Les mots sont sortis de la bouche d'Anna presque malgré elle, pour interrompre le gêneur avant qu'il ne se lance dans une nouvelle tirade.

Il la regarde surpris, la découvrant seulement. Oui, cette étrange personne silencieuse, un peu replète dans sa tenue terne et ample, est bien un être humain et même une femme. L'homme lui adresse un sourire enjôleur, la voix devenue plus posée :

— C'est très gentil de votre part. Je veux bien, merci, si je ne dérange pas. Je manque à toutes les politesses, madame… mademoiselle ?

Sur cette notion, il peine. Les femmes sont des créatures incompréhensibles. Certaines refusent le terme « madame » quand elles ne sont pas mariées, comme s’il sous-entendait « vieille mégère », d'autres au contraire préfèrent voir disparaître l'antique « mademoiselle ». Il a déjà commis des impairs avec ça, il a même sans doute raté quelques occasions de faire intimement connaissance avec une fille. Son hôtesse a quoi ? Trente ans ? Trente-cinq ? Difficile à dire. En pull trop grand, pantalon usé et cheveux raides mal attachés, elle fait plus. Mais elle a le visage lisse, les lèvres pleines et il aime les femmes avec des formes. Quel langage attend-elle ? Il a l’habitude de draguer dans des bars, pas chez l'habitant.

Elle ne l’aide pas, ne dit rien, ne rectifie pas. Elle regarde et patiente, les yeux dénués de curiosité, ou même d’intérêt.

Il se trouble et reprend :

— Je m'appelle Nicolas.

Anna penche la tête de côté, entrouvre les lèvres. Il croit qu'elle va répondre, mais sa bouche se referme et, toujours silencieuse, elle quitte salon.
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