Histoire courte

J'ai écrit ce court texte hier soir...

Rongé par l'alcool, l'homme pleure.
De chagrin. De désespoir.
Les murs peu épais de l'appartement minable laissent filtrer la musique assourdissante des voisins. Les papiers peints verdâtres sont immondes. La poussière est la reine de ce royaume bruyant et laid. Il y règne une odeur de renfermé, de rance désagréable. L'appartement n'a pas été aéré depuis des mois. L'obscurité est reine sur ce royaume et son unique ennemie est une lampe qui projette une lumière tamisée sur les murs froids.
Dans sa main droite, il tient son amie. Sa seule et unique véritable amie depuis bientôt cinq ans. Il aime la regarder, la contempler pendant que son esprit vagabonde autre part, ailleurs ; il aime la voir et il aime la boire. C'est devenu pour lui plus qu'une simple drogue, plus qu'un simple rituel ; la bouteille est devenue sa confidente.
Assis sur son lit, l'homme soupire.
Cela fait des heures qu'il est le regard dans le vide. Assis sur son lit, l'homme ne bouge pas. Il voyage dans les méandres et les profondeurs de son esprit torturé. Inlassablement, il ressasse le passé et ses tristes journées de solitude. Il se rappelle comment il en est arrivé là, comment sa vie lui a échappé, comment tout a dégénéré. Toutes ses actions défilent devant ces yeux encore et encore.
Alors l'homme bouge et frissonne. Pas de chauffage. Non pas qu'il ait un problème d'argent : il n'a pas allumé les radiateurs. Inconsciemment, il veut avoir froid. Son corps est devenu une machine, il ne voit plus la réalité. Pour lui, tout est gris, sombre, glacial, humide.

Rongé par l'alcool, l'homme pleure.
De douleur. De détresse.
Dans sa main gauche, il tient son sauveur, son libérateur. Il ne se rappelle même pas comment il se l'est procuré. Il ne sait plus et il s'en moque. D'un geste lent, il l'appuie sous sa mâchoire. Il n'a pas de regrets : il a l'intime conviction de faire le bon choix. Il ne laisse qu'une lettre manuscrite pour sa femme et sa fille de 8 ans. Depuis quand ne les a-t-il pas revues ? Il ne sait plus et il s'en moque.
L'homme appuie sur la détente et la détonation lui brûle la peau. La balle libératrice perfore la langue et traverse le cerveau. L'onde de choc arrache une petit morceau du sommet de son crâne et peint le mur d'une couleur rouge écarlate.

Les heures ont passées. L'écarlate est devenu cramoisi. Le liquide visqueux s'est solidifié. Sa mort est passée inaperçue mais il ne souffre plus. C'est déjà ça…