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 L'Homme qui Marche.

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MessageSujet: L'Homme qui Marche.   L'Homme qui Marche. Icon_minitimeDim 9 Jan 2011 - 18:04

( Un texte qui traîne sur mon pc depuis le mois d'aôut. Qu'en pensez vous ?)

1.
Il se réveilla dans les ténèbres. Chaque nuit était plus obscure que la précédente, chaque jour plus triste, plus froid encore. Comme si un nuage de larmes assombrissait le monde sous son linceul. L’homme respirait bruyamment. Il venait de quitter un cauchemar pour en rejoindre un nouveau. Une bruine fine et pénétrante commençait à tomber. Il frissonna. Il faisait froid, si froid. Sa fine couverture de laine ne le protégeait en rien. L’angoisse recommençait. La peur, le désespoir, la colère. La tristesse. Qu’avait-il fait ? Pourquoi était-il parti ? Des larmes glacées coulèrent le long de son visage déjà ridé. Tout était fini, derrière il n’y avait que la nuit.

Le rêve s’achevait. L’enfant n’était plus. Son souvenir évanescent disparaissait dans les dernières brumes de l’aube. Par à-coups, le soleil levant faisait de brèves apparitions. Entre une trouée de nuage ou à travers deux cloisons de béton. L’ombre reculait, un nouveau jour apparaissait. Le tourment seul restait.
L’homme se leva. Fatigué, frigorifié, affamé. Ses jambes flageolantes le portaient à peine. Des gouttelettes s’écoulaient de son anorak, de sa barbe, de ses cheveux. Goutte après goutte, elles rejoignaient en chantant leurs sœurs qui, sur le bitume formaient de petites flaques brunâtres. Marquant dans le silence les secondes de la terre, une après l’autre jusqu’à ce qu’une éternité en succède à une autre.

Il était là. Comme au commencement de toute chose, sous ce pâle soleil qui portait encore en lui la froideur de la nuit. L’homme, immobile, figé par le gel et les tourments regardait les nuages. Ses souvenirs erraient dans un monde qui n’était plus, un monde qu’il souhaitait oublier, mais dont la présence à ses côtés ne faisait que croitre.
Le vent s’engouffrait entre les à-pics de bric et de broc, faisant virevolter ses cheveux, sales, emmêlés, empuantis. Les souffles glapissaient autour de lui, porteurs d’échos funestes. L’homme revint au monde, prit son bagage et repartit. Où ses pas le conduiraient-ils maintenant ?

Le jour gris s’étendait devant lui. Les premiers bruits montaient dans l’air limpide du matin, et à travers l’enchevêtrement des ruelles, on distinguait déjà quelques formes fugaces.
Il ne savait quel jour il pouvait être. Peut être au début de novembre, le temps n’existait plus pour lui. Seule la distance comptait.
Il avança, pas après pas, quittant la berge du fleuve où il avait passé la nuit. Comme un enfant au premier jour, il levait les yeux sur un monde nouveau. Chaque jour était une nouvelle aventure, chaque matin, il se réveillait dans un autre cauchemar. La peur de l’inconnu, la crainte de ses semblables, la terreur que lui inspirait jusqu’au mugissement du vent torturaient son âme, mais il devait continuer. Encore un peu, tout serait bientôt terminé.

Des ombres s’éveillaient. Le pâle soleil d’automne grimpait dans le ciel. Des sons, des cris, des pleurs, des larmes, d’autres terreurs se levaient en même temps que ses semblables. L’homme resserra sa capuche. Partagé entre peur et désir, il s’approchait du point qu’il savait être de non-retour.
Faim, monde, gens, glace, ombre, chaleur. Chaleur, ce simple mot dominait ses pensées, résonnant dans sa tête au point de l’abrutir. Chaleur. Il faisait si froid. Chaleur, la moindre de ses cellules réclamait de la chaleur. Il n’en pouvait plus, ses dents n’arrêtaient pas de s’entrechoquer, le tremblement de ses membres n’allait qu’en s’intensifiant. Si froid, ses larmes glacées coulaient sans qu’il puisse les arrêter.
Il continuait pourtant. Comme si une Volonté guidait ses pas. Il ne sentait plus ses doigts. Ses orteils. Ses vêtements pesaient des tonnes, souillés de pluie, de crasse et de boue. Il ne pouvait s’arrêter, il le savait. Pas maintenant. Encore un effort.

Par delà les derniers filaments de brume qui recouvraient le monde, l’astre roi poursuivait sa course, ses rayons dansants dans les hautes sphères avant de frapper la terre par endroit. D’éphémères arcs-en-ciel naissaient au ras du sol, aussitôt oubliés. La ville se réveillait, les hommes sortaient de leur tanière. A peine dévoilée, la Magie disparaissait à nouveau.

L’homme marchait dans les ombres. Seul. Qui pouvait le comprendre ? Qui pourrait lui pardonner ? Les regards qu’on osait lui adresser suffisaient. Il n’était plus rien. Il n’avait plus sa place de l’autre côté du miroir. Peut être qu’il ne l’avait jamais eu.
Quelle importance cela avait il ? L’indifférence avait remplacé la haine. Il survivait. Une seule autre chose comptait.

Le temps passait, inlassablement. Grain après grain, le sablier se vidait tandis qu’ici bas les secondes défilaient. Un semblant de chaleur revenait alors que l’homme s’enfonçait dans les méandres de la cité. Le sang recommençait à circuler dans son corps fatigué. Les ultimes réminiscences de l’aube luttaient avant de se voir happés par le jour. Le gris devint bleu, le glacé, doré. Le monde renaissait sous une nouvelle forme. Le voyage pouvait continuer. Une nouvelle distance était à parcourir.
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MessageSujet: Re: L'Homme qui Marche.   L'Homme qui Marche. Icon_minitimeMar 11 Jan 2011 - 20:04

2.
« Les étoiles que nous voyons n’existent pas. »
David a dit ça alors que nous nous promenions dans le champ derrière notre maison, une expression pensive sur le visage. Je l’ai regardé, puis j’ai souris.
- Elles sont peut être déjà mortes. Nous ne voyons en fait que leur lumière qui a mis des milliers d’années à nous parvenir. Le ciel au dessus de nous est une illusion, il n’existe pas. Ce n’est qu’une mosaïque de différents passés.
Mon fils venait de fêter ses dix ans mais j’avais l’impression de discuter avec un adulte. Il parlait peu et quand il ouvrait la bouche, c’était pour partager ses longues réflexions. Quelques mots de prononcés puis il s’est tu de nouveau, perdu dans ses pensées alors que je le fixai encore, attendant une suite ou un éclaircissement.

Nous nous sommes éloignés des lumières de la ville, heureux comme père et fils un soir d’été. Le silence nous entourait, perturbé seulement par quelque chant de grillons ou une course d’animal dans les fourrés. C’était une belle nuit. De mon côté, je ne pensais plus à rien. Le lendemain existait encore, mais ce n’était plus une menace, mais un simple bruit en arrière fond. Mon esprit essayait simplement de se concentrer sur le moment présent. Je frissonnai. Je ne portai qu’un tee-shirt délavé de quelques tailles trop grand pour moi, un vieux short aux couleurs de l’Olympique de Marseille, et une paire de sandales. Le vent soufflait, s’aventurant entre les arbres du petit bois non loin et venait à notre rencontre. Septembre arrivait à grands pas et une fraicheur dans l’air appelait déjà l’automne. Bientôt la rentrée des classes pour mon fils, puis viendrait la Toussaint et on pensera alors à Noël.
- Nous sommes bien petits par rapport à l’univers. Tu te rends compte combien de choses se sont passés avant que ces lueurs ne nous atteignent ? Une vie humaine parait tellement courte en comparaison.
- Oui, le temps passe bien trop vite.
David souriait béatement, apparemment content de ma réponse. Il aimait se projeter dans le passé, dans le futur, explorer le temps et l’espace. Il vivait dans son monde, bien au-delà de nos petits soucis. C’était de son âge, mais j’espérais qu’il ne perde jamais cette innocence.

Cette balade, c’était mon idée. David grandissait et je ne passais que trop peu de temps avec lui. Nous n’étions pas parti pendant les vacances, l’usine ne m’ayant pas accordé de congé et je m’en voulais terriblement. Je redoutais déjà pour lui le moment où son instituteur demanderait comme sujet de rédaction : « Qu’avez-vous fait pendant vos vacances ? ». Que pourrait-il répondre à ça ? Nous habitions une petite ville et les distractions y étaient rares. Mon fils passait ses journées enfermés dans sa chambre à lire des livres compliqués ou à jouer à la Xbox ou sur son PC. On le considérait comme un peu trop intelligent, il avait du mal avec les enfants de son âge et les années passant, s’enfermait de plus en plus dans son monde. Était-ce vraiment un mal ? Du moment qu’il était heureux…
- Et là t’as le Dragon, ensuite plus bas Hercule et à côté la Lyre et le Cygne. En prolongeant la queue de la grande ourse, la casserole, tu vois Arcturus qui signifie justement le gardien de l’ours. C’est la troisième étoile la plus brillante et…
Et pourtant ce soir, alors que la lune montait dans le ciel , il laissait tomber ses barrières et parlait. Je le voyais sourire, le regard perdu vers le firmament et je me disais que finalement ses vacances n’avaient pas été si mauvaises. Habiter à la campagne avait ses charmes et ça me désolait qu’il passe son temps devant un bouquin ou un écran alors que ses petits copains s’amusaient dans la forêt ou jouaient au ballon quelque part, mais là tous mes soucis paraissaient s’être envolés. Je retrouvais un enfant joyeux et éveillé. Peut être que la vie de ses camarades n’était pas faite pour lui, peut être qu’il préférait simplement apprendre, lire, penser. Devait-on le blâmer pour cela ? Il aimait mémoriser le nom des étoiles et leur place dans le ciel, ne pouvait-on pas l’encourager dans cette voie ?
Je l’écoutai simplement parler, hochant la tête à l’occasion. Plus on s’éloignait de la maison, et s’enfonçait dans la nuit, plus il était bavard. Il continuait son exposé sur les mystères des cieux, s’émerveillant de la plus petite lueur qui traversait deux filaments de brume et souriait à tous les vents. Mais il se faisait tard et quand je décidai qu’il était temps de rentrer, son monologue s’arrêta aussitôt. Le silence nous happa pendant que nous nous dirigeâmes enfin vers les petites lumières qui brillaient au loin.

Ma femme nous accueillit quand on pénétra dans la maison. Elle était assise sur le canapé, en train de regarder la télévision et je soupirai déjà en voyant son regard courroucé.
- C’est à cette heure-ci que vous rentrez ? Tu sais que le petit n’aime pas rester réveillé tard. Et toi, que dira ton patron quand il te retrouvera en train de dormir à ton poste ? Vas-tu encore le supplier de te reprendre comme la dernière fois ? Vous me faites attendre, attendre, toujours attendre…
Il n’était même pas minuit, mais je savais qu’il ne servait à rien de lui répondre. David s’enfuit au petit trop dans sa chambre. Je le suivi en montant lentement les escaliers. J’acquiesçai bien sûr à tout ce que ma femme disait. Je remarquai une petite bouteille de gin sur la table du salon. Il ne valait mieux pas essayer de discuter avec elle quand elle était dans cet état.


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MessageSujet: Re: L'Homme qui Marche.   L'Homme qui Marche. Icon_minitimeMer 12 Jan 2011 - 20:40

3.
Il s’approchait du cœur de la cité. La pâle banlieue derrière lui s’estompait déjà dans l’air limpide du matin. Les rues étaient de moins en moins désertes, des voitures, des gens le dépassaient. L’homme baissait la tête, honteux. Il savait à quoi il ressemblait. Les personnes qu’ils croisaient se détournaient de lui ou passaient sans le regarder. Il était sale, il puait. Il était moins qu’un être humain.
Il leur en voulait. La rage l’habitait. Il contemplait sa faiblesse et le désir l’envahissait. Il voulait être comme eux, et devant son impuissance à le devenir, sa haine ne faisait que grandir. Il avait peur. Peur d’être jugé, peur d’être confronté à ses erreurs. Peur d’exister. Chaque seconde qui passait le meurtrissait davantage. Il y avait trop de monde, il ne pouvait plus se cacher. Il n’y avait plus d’ombre pour le protéger.

La ville se dressait devant lui. Hautes tours de verre et d’aciers, décor à peine surgit du sol pour le narguer. Ce n’était pas chez lui, il n’avait rien à y faire. Mais il avait faim, il avait froid. L’hiver était arrivé tôt et il ne voulait pas mourir. Pas maintenant. La chaleur remontait déjà ses veines pour irradier ses muscles. Il y avait des gens, des automobiles, de la vie. Il souhaitait y goûter. Il ne savait pas comment, mais il arriverait à s’en sortir.
C’était ce désir qui le faisait continuer, cette envie qui cognait dans son ventre qui lui permettait de garder courage. Il survivrait, il aurait bientôt chaud, il aurait bientôt à manger. La cité dans sa laideur et sa beauté était le refuge qu’il attendait. Il affrontait déjà le Cerbère. Encore un peu, encore un tout petit pas. Sa conscience embrumée lui faisait voir quantités d’illusions. Des images défilaient dans sa tête, il entendait les chuchotements des gens, devinait leurs pensées. Ils riaient de lui, prenaient plaisir à le voir ainsi. L’homme souffrait, mais cela ne faisait qu’accroitre sa volonté. Chaleur, nourriture, personne ne les lui enlèverait.

Le macadam glacé, à la lumière du matin paraissait beaucoup trop sombre. Il était noir, d’une couleur ébène. C’était étrange, irréel. La route et les trottoirs qui partaient en ligne droite pour se perdre au-delà de la vue avaient une allure surnaturelle. Dans l’esprit de l’homme, ils lui semblaient être des autoroutes menant à l’enfer. Beaucoup plus de gens se pressaient tout autour, avançant à pas plus ou moins rapides vers la brume devant lui. Pour se faire happer et ne plus revenir. Les moteurs vrombissaient, le Styx coulait à ses côtés, charriant quantités d’âmes perdues, son flux grossissant à chaque intersection en s’abreuvant de ses affluents. L’homme ne pensait pas, il avançait, le dos courbé, la tête basse.
Le brouillard s’éclaircit soudain et il vit la Bouche qu’il attendait.

Les immeubles se séparèrent, la route s’ouvrit pour laisser passer la rivière que l’homme avait quitté en début de matinée. Son flot renforcé par la pluie de la nuit rugissait. Il l’appelait. Il devait traverser le pont.
Il s’arrêta pourtant. Inquiet, figé, son corps ne répondant plus. Il regarda ce territoire inconnu qui s’étendait devant lui. Le défilement des personnes qui passaient le pont, tous marchant dans le même sens, sur ce fleuve qu’il avait de nouveau rejoint alors qu’il croyait l’avoir laissé derrière lui.
Visage caché dans une multitude naissante, il se faisait dépasser par quantités de marcheurs. Il entendait murmurer autour de lui, grogner, l’insulter mais il n’en tenait pas compte. L’homme tremblait. Pouvait-il continuer ? Passer le pont, traverser la rivière et poursuivre sa route ? La boucle, l’étape, le passage qui le mènerait au-delà. Il ne savait pas ce qu’il y avait derrière. Quelques pas de plus et il ne pourrait plus faire demi tour. Le passé, son histoire serait derrière lui à tout jamais.
L’homme fit un pas, puis un autre et s’arrêta encore une fois. Ses souvenirs s’imposaient dans son esprit. Il vit un enfant, une femme, une autre femme mais plus vieille. Elle lui souriait. Encore une autre femme. Elle était belle. L’enfant de nouveau. Il entendit des rires, sentit une douce chaleur sur son épaule. Le passé se rappelait à lui, et l’homme sentit ses larmes couler. Il avait mal, son cœur bondissait dans sa poitrine. Les étoiles, une chaleur dans la main, une bonne odeur, un parfum. Son sac semblait peser plus lourd, ses muscles étaient endoloris. La lune brillait, il marchait sur un tapis de mousse, il jouait, il était heureux. Il avait froid, il puait, le pâle soleil ne le réchauffait en rien. L’hiver avait succédé à l’été. Il regarda en arrière, vit une jeune femme en robe rouge disparaitre dans la foule, et suivit le flot qui le mena de l’autre côté du pont.
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MessageSujet: Re: L'Homme qui Marche.   L'Homme qui Marche. Icon_minitimeLun 17 Jan 2011 - 20:53

4.
La chaleur des fours, les torrents des laves, le métal en fusion qui jaillit, le bruit assourdissant, les explosions auxquelles on ne s’attend pas, j’avais parfois l’impression d’être en enfer. Huit heures par jour dans ces conditions extrêmes pour un salaire de misère. C’était éreintant, j’en avais marre. La combinaison pesait des tonnes, la lance à oxygène était à peine maniable, je transpirais, je suais, je perdais mes cheveux, qu’est-ce que je faisais là ?
Ce n’était pas la première fois que je me posais cette question. Mais qu’est-ce que je fais là, dans cette vie qui ne m’appartient pas ? A travailler, à me donner corps et âme pour des gens que je ne verrais jamais ? C’était ma routine, les 3-8 comme on appelait ça. On se relayait pour les trois postes. Matin, après-midi, nuit, toute notre existence tournait autour de l’usine. On avait un emploi, on gagnait de l’argent, mais on se tuait lentement à la tâche.
Le Haut-Fourneau était ma deuxième maison, j’y passais plus de temps que chez moi. La forteresse de l’Immonde s’élevait depuis des siècles, expulsant sa fumée et ses flammes depuis des générations. Tant d’hommes étaient passés ici avant moi pour la nourrir de leur âme, de leur force. Et cela continue encore, bien qu’on m’ait oublié. La tour d’acier nous survivait, symbole de la vallée, gloire d’un passé rayonnant, pierre tombale marquant à jamais la folie des hommes.

C’était comme ça que je la voyais. Et je n’étais pas le seul. Mes collègues allaient et venaient, fatigués, prisonniers de cette vie qu’ils n’avaient pas choisi., trainant dans les bistrots en attendant la reprise du travail, les traits tirés de lassitude, le regard perdu vers un endroit qu’ils ne pouvaient pas atteindre. On galérait, il fallait bien travailler.

- T’as vu le match du Barça hier ? Messi a encore fait des siennes, c’était incroyable ! J’ai adoré la tête des joueurs du Real au coup de sifflet final !
- 5-0, ils s’en remettront pas ! On aurait dit des amateurs !
Un peu plus de 13 heures, le travail venait juste de se terminer, et les autres fondeurs et moi, on était dans un café pour se détendre après huit heures de labeur. La discussion tourna rapidement autour du football. De quoi pouvions-nous parler d’autre ?
- Ce sera un des barcelonais encore le Ballon d’Or cette année. Messi, Iniesta, Xavi… l’Espagne domine vraiment le monde.
Nos regards las s’éveillaient quand on parlait de sport, de ces stars en short qu’on ne connaitrait jamais et qui pourtant hantaient nos conversations. On se félicitait des exploits de ballon d’une quelconque équipe, on ne pensait qu’aux championnats, aux coupes et autres compétitions. Nos vies étaient-elles à ce point si tristes ?
- Vous venez me voir dimanche hein ? Dans mon club, on m’appelle le Zidane turc !
On rit en chœur. Bakir était le plus jeune d’entre nous. Vingt ans à peine, grand, décharné, le visage maigre, les dents jaunes et pourries, les yeux profondément enfoncés, ses parents faisaient partis de la dernière vague d’immigrés arrivée dans la vallée. En quête d’un lendemain meilleur pour leurs enfants. Avant qu’ils ne comprennent où ils avaient foutu les pieds, car personne ne réussit ici, dans la fumée et la crasse, on ne fait que ramper sur le sol, esclaves de nos maîtres, sans joies et sans avenir. Nés de la terre, nous n’avons pas le droit de regarder les étoiles.
- On joue la première place cette saison. On va chez le leader, si on gagne, on peut espérer aller en DHR la saison prochaine !
L’espoir que je lisais dans ses yeux me faisait sourire. J’enviais sa jeunesse, sa fougue. J’avais à peine trente-sept ans mais j’en paraissais dix de plus. Mes cheveux blanchissaient, chaque matin je me réveillais avec plus de rides, j’étais déjà vieux et fatigué.
- On va leur montrer qui on est ! A chaque fois qu’on se déplace, ça se finit en baston général ! Tous les clubs ont peur de nous maintenant !
On rit de nouveau. Ville contre ville, pays contre pays, d’où vient ce chauvinisme qui transforme tout et n’importe quoi en une bataille d’honneur ? On s’en moque après tout de savoir qui a la plus grosse…

Deux heures dans le bistrot à boire Ricard sur Ricard, une vingtaine d’euros perdus en Rapido, un arrêt au bureau tabac pour acheter le journal et l’Equipe, dix minutes de voiture et j’étais enfin de retour chez moi. 15 heures 30, ma femme était affalée sur le fauteuil en train de regarder un téléfilm idiot.
- Bonne journée ?
Elle tourna la tête un court instant avant de reporter à nouveau son regard sur le téléviseur.
- Ca va, il faut, pas le choix. Et toi ?
Je n’obtins comme réponse qu’un simple haussement d’épaule.
Douze heures après mon lever du matin, la fatigue commençait à se faire ressentir et j’avais faim. J’allai dans la cuisine me faire un sandwich ou deux. A peine avais-je ouvert la porte du frigo que je sursautai en entendant une voix qui m’interpellait.
- Ne vide pas tout cette fois, je viens à peine de faire les courses ! Ne touche pas au reste de rôti surtout, c’est pour ce soir !
Je soupirai et sorti simplement une boite de camembert. Je me fis un casse-croute et m’installai pour lire mes journaux. La victoire du Barça était en première page, commentée, le match était diagnostiquée sur tous les angles, comme d’habitude, il n’y avait que le foot qui comptait, les autres sports ayant droits à une modeste page ou à un espace entre deux interlignes. Mais ça ne me dérangeait pas, c’était le football qui dominait mes pensées, le seul sujet de discussion que j’avais avec mes collègues, la seule chose importante dans notre pays. Ainsi que dans ma vie.

J’étais fatigué. Est-ce que je m’intéressais vraiment aux exploits pour rire de ces gamins qui jouaient à la balle ? Certains pouvaient presque être mes fils et amassaient des fortunes en jouant même pas deux heures par semaine. Même en une vie de travail, je ne gagnerai pas autant que eux en un mois. Ce monde était idiot. Je le savais très bien, mais je ne pouvais me soustraire à mes habitudes. J’avais besoin de m’évader de la réalité. Heureusement que l’Equipe existait.

David rentra de l’école alors que j’étais encore assis sur ma chaise en train de finir le fromage, plongé dans mon journal. Il semblait aussi las et épuisé que je l’étais. L’enfant qui vivait encore en lui criait son désespoir. Nous nous regardâmes seulement un court instant, mais cela suffit pour nous comprendre mieux que ne l’auraient fait maintes discussions. Un silence, puis :
- Ca va fiston, bien travaillé à l’école ?
- Bien obligé. C’était… sympa, j’ai eu plusieurs Très bien.
Il avait baissé la tête en disant ces mots, mais je fit semblant de ne rien voir. J’avais déjà assez à faire avec mes propres soucis.
- Et le Maître m’a donné ça pour toi et maman.
Il sortit une lettre de son sac, me la posa sur la table, partit saluer sa mère et monta les escaliers pour aller s’enfermer dans sa chambre.

Je soupirai en sortant le papier de son enveloppe. Je fronçai les sourcils en le lisant. L’instituteur voulait nous voir, moi ou ma femme. Qu’avait encore fait le gamin ? Il avait dû encore s’être fait brutalisé. Ca devenait routinier et je commençais à en avoir marre de rencontrer les parents des petits voyous pour leur demander des excuses… J’étais heureusement du matin toute la semaine et donc disponible pour ce rendez-vous. J’ai choisi le rôle de parent et les responsabilités qui allaient avec. J’ai toujours essayé de faire le maximum, demain en fin d’après-midi, je rencontrerai donc une nouvelle fois Monsieur Klein.
Je débarrassai la table, prit un stylo, une feuille de papier et m’empressai d’écrire une réponse.
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MessageSujet: Re: L'Homme qui Marche.   L'Homme qui Marche. Icon_minitimeSam 22 Jan 2011 - 18:09

Bonjour,

Ben voilà j'ai enfin trouver le temps de jeter un coup d'oeil à ton récit.
Je t'avoue franchement que j'ai été déroutée par le premier chapitre. Je suis loin d'avoir tout compris. Tout d'abord ne sachant pas à quoi je devais m'attendre je me suis demandé a maintes reprises ou tu voulais aller. Mais bon il faut toujours plusieurs chapitres pour s'approprier une histoire. Toutefois je te suggère de nous mettre un petit résumé ..une sorte de 4ème de couverture :-).
j'ai donc poursuivi ma lecture et j'ai découvert un deuxième chapitre beaucoup plus fluide et plus compréhensif. Il m'a manqué quelques infos au tout début du chapitre juste pour savoir qui parlait (un homme ou une femme) d'autant plus que tu avais changé de narrateur. Il / Je.
Dans dans ce chapitre c'est un homme et son fils, tu poses doucement les infos, lui travail à l'usine, le gamin est une tête, ils n'ont pas beaucoup de relations tous les deux. Quand à la maman, elle semble avoir un petit souci avec l'alcool. Ca s'annonce compliqué.

Avec le troisième chapitre nous repartons avec l'homme qui marche. Là ma première question fut est-ce le papa du deuxième chapitre ???? De nouveau ton style change et reste un peu lourd......sans vouloir te blesser. Je sens que tu veux des chapitres qui pèsent mais il y a un petit quelque chose de maladroit...bon ce n'est qu'un premier jet ...tout comme moi avec ALE les premiers chapitres sont lourdingues !

Quatrième chapitre, retour donc avec l'homme ...et son fils ...et les ennuis à l'école ???? bon je vais bien découvrir par la suite ce qui va se passer. Mais a ce stade je me demande ou tu veux nous emmener ....est-ce l'histoire d'un homme qui a tout perdu ? et tu nous offres des flash backs ? tu sais rien ne t'empêche de mettre des dates et des infos supplémentaires car tu as ton histoire dans ta tête mais le lecteur lui est vierge de tout cela. Par exemple, je me suis rendue compte avec ALE que beaucoup de gens pensaient que les chapitres que tu as lu se déroulaient sur plusieurs semaines ....ce qui est faux, nous sommes sur une semaine seulement ..... tu vois, c'est un truc que je dois corriger !

Pour te permettre de mieux comprendre mes propros concernant ton premier chapitre voici des exemples de phrases qui pèsent et désservent ton histoire, bien sûr cela reste juste mon avis .... : devil

Citation :
Comme si un nuage de larmes assombrissait le monde sous son linceul.

un nuage de larmes ? je ne me représente pas bien celà, encore moins que ce nuage soit le linceul du monde.
Citation :
Tout était fini, derrière il n’y avait que la nuit.
qu'est-ce qui est fini ? derrière quoi se trouve la nuit ? ici je pense que tu as voulu faire "sombre" mais cela ne colle pas vraiment.
Citation :
Marquant dans le silence les secondes de la terre
Euh ...les gouttes qui tombent marquent les secondes de la terre ....

Citation :
une après l’autre jusqu’à ce qu’une éternité en succède à une autre.

une éternité qui succède a une autre ..qu'est-ce qu'une éternité pour toi ?

Citation :
Comme au commencement de toute chose, sous ce pâle soleil qui portait encore en lui la froideur de la nuit.
très redondant le "comme au commencement de toute chose"....quant au soleil qui porte la froideur de la nuit, là j'ai rien compris ...sorry !

Citation :
mais dont la présence à ses côtés ne faisait que croitre.

Le monde n'est plus et pourtant il grandit a ses côtés ?

Voilà donc quelques exemples qui m'ont perturbé.... devil2

Je t'encourage a continuer et a rester très simple dans le choix de tes mots et de tes tournures, tu toucheras beaucoup plus de lecteurs ....quand c'est trop alambiqué nous sommes nombreux à ne pas vouloir poursuivre la lecture Embarassed

A bientôt,
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MessageSujet: Re: L'Homme qui Marche.   L'Homme qui Marche. Icon_minitimeVen 18 Mar 2011 - 10:12

bonjour,

voilà une éternité que je n'étais pas revenue sur ce forum (ayant fort à faire ailleurs), donc je reprends avec ton texte dont le titre m'a intriguée

Citation :
1.
Il se réveilla dans les ténèbres. Chaque nuit était plus obscure que la précédente, chaque jour plus triste, plus froid encore. Comme si un nuage de larmes assombrissait le monde sous son linceul. L’homme respirait bruyamment. Il venait de quitter un cauchemar pour en rejoindre un nouveau. Une bruine fine et pénétrante commençait à tomber. Il frissonna. Il faisait froid, si froid. Sa fine couverture de laine ne le protégeait en rien. L’angoisse recommençait répétition avec "commençait" juste avant. La peur, le désespoir, la colère. La tristesse. Qu’avait-il fait ? Pourquoi était-il parti ? Des larmes glacées coulèrent le long de son visage déjà ridé. Tout était fini, derrière il n’y avait que la nuit.

Le rêve s’achevait. L’enfant n’était plus. Son souvenir évanescent disparaissait dans les dernières brumes de l’aube. Par à-coups, le soleil levant faisait de brèves apparitions cette phrase me donne l'impression que le soleil se lève, puis redescend en faisant des à coups ^^. à mon avis, ce point est en trop Entre une trouée de nuage ou à travers deux cloisons de béton. L’ombre reculait, un nouveau jour apparaissait. Le tourment seul restait.
L’homme se leva. Fatigué, frigorifié, affamé. Ses jambes flageolantes le portaient à peine. Des gouttelettes s’écoulaient de son anorak, de sa barbe, de ses cheveux j'ai mis un temps à comprendre d'où venaient ces goutte. l'homme dormait donc dehors?. Goutte après goutte, elles rejoignaient en chantant leurs sœurs qui, sur le bitume formaient de petites flaques brunâtres. Marquant dans le silence les secondes de la terre, une après l’autre jusqu’à ce qu’une éternité en succède à une autre.

Il était là. Comme au commencement de toute chose, sous ce pâle soleil qui portait encore en lui la froideur de la nuit. L’homme, immobile, figé par le gel et les tourments regardait les nuages. Ses souvenirs erraient dans un monde qui n’était plus, un monde qu’il souhaitait oublier, mais dont la présence à ses côtés ne faisait que croitre.
Le vent s’engouffrait entre les à-pics de bric et de broc, faisant virevolter ses cheveux, sales, emmêlés, empuantis. Les souffles glapissaient autour de lui, porteurs d’échos funestes. L’homme revint au monde, prit son bagage et repartit. Où ses pas le conduiraient-ils maintenant ?

Le jour gris s’étendait devant lui. Les premiers bruits montaient dans l’air limpide du matin, et à travers l’enchevêtrement des ruelles, on distinguait déjà quelques formes fugaces.
Il ne savait quel jour il pouvait être. Peut être au début de novembre, le temps n’existait plus pour lui. Seule la distance comptait.
Il avança, pas après pas, quittant la berge du fleuve où il avait passé la nuit. Comme un enfant au premier jour, il levait les yeux sur un monde nouveau. Chaque jour était une nouvelle aventure, chaque matin, il se réveillait dans un autre cauchemar. La peur de l’inconnu, la crainte de ses semblables, la terreur que lui inspirait jusqu’au mugissement du vent torturaient son âme, mais il devait continuer. Encore un peu, tout serait bientôt terminé.

Des ombres s’éveillaient. Le pâle soleil d’automne grimpait dans le ciel tout ça fait un peu un effet de répétition. Des sons, des cris, des pleurs, des larmes, d’autres terreurs se levaient en même temps que ses semblables. L’homme resserra sa capuche. Partagé entre peur et désir, il s’approchait du point qu’il savait être de non-retour.
Faim, monde, gens, glace, ombre, chaleur. Chaleur, ce simple mot dominait ses pensées, résonnant dans sa tête au point de l’abrutir. Chaleur. Il faisait si froid. Chaleur, la moindre de ses cellules réclamait de la chaleur. Il n’en pouvait plus, ses dents n’arrêtaient pas de s’entrechoquer, le tremblement de ses membres n’allait qu’en s’intensifiant. Si froid, ses larmes glacées coulaient sans qu’il puisse les arrêter.
Il continuait pourtant. Comme si une Volonté guidait ses pas. Il ne sentait plus ses doigts. Ses orteils. Ses vêtements pesaient des tonnes, souillés de pluie, de crasse et de boue. Il ne pouvait s’arrêter, il le savait. Pas maintenant. Encore un effort.

Par delà les derniers filaments de brume qui recouvraient le monde, l’astre roi poursuivait sa course, ses rayons dansants dans les hautes sphères avant de frapper la terre par endroit. D’éphémères arcs-en-ciel naissaient au ras du sol, aussitôt oubliés. La ville se réveillait, les hommes sortaient de leur tanière. A peine dévoilée, la Magie disparaissait à nouveau.

L’homme marchait dans les ombres. Seul. Qui pouvait le comprendre ? Qui pourrait lui pardonner ? Les regards qu’on osait lui adresser suffisaient. Il n’était plus rien. Il n’avait plus sa place de l’autre côté du miroir de l'autre côté? Quel autre? j'aurais plutôt vu "de CE côté". Peut être qu’il ne l’avait jamais eu eue.
Quelle importance cela avait il ? L’indifférence avait remplacé la haine. Il survivait. Une seule autre chose comptait.

Le temps passait, inlassablement. Grain après grain, le sablier se vidait tandis qu’ici bas les secondes défilaient. Un semblant de chaleur revenait alors que l’homme s’enfonçait dans les méandres de la cité. Le sang recommençait à circuler dans son corps fatigué. Les ultimes réminiscences de l’aube luttaient avant de se voir happés par le jour. Le gris devint bleu, le glacé, doré. Le monde renaissait sous une nouvelle forme. Le voyage pouvait continuer. Une nouvelle distance était à parcourir.

lcertaines phrases sont belles, très imagées, l'ensemble est poétique. Peut-être trop en fait. Ce serait beau si c'était moins long, mais là, le texte me donne l'impression de se répéter sans mener nulle part. Il reste très opque. on ne sait pas de qui il s'agit, qui est l'enfant brièvement évoqué, ce qu'il fait dans la rue...
Plus ocurt ça ne gênerait pas. mais là, si j'ai pris plaisir à lire le début du passeg, j'avoue que j'ai fini par survoler la fin.

Voilà, mes commentaires n'ont pas pour but d'être désagréables ni négatifs, bien sûr, je te dis juste comment, moi, personnellement, j'ai ressenti les choses.
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MessageSujet: Re: L'Homme qui Marche.   L'Homme qui Marche. Icon_minitimeJeu 24 Mar 2011 - 10:37

Bon, ça fait un moment que je n'ai plus posté et je m'en excuse. J'ai commencé trop d'écrits en même temps, et comme c'était prévisible... trop c'est trop, et j'avais perdu toute motivation.
Ça fait plus d'un mois que je n'ai plus écris une ligne de quoi que ce soit...

Merci pour vos commentaires. Ce récit bug de toute façon. J'ai voulu faire trop beau, et ce n'est pas mon style.
Comme vous l'avez dit, il mène nulle part, je l'ai écris sans savoir où j'allais, et donc les images se répétaient inlassablement.

Un jour, quand je me serai amélioré, je le reprendrai peut être.
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MessageSujet: Re: L'Homme qui Marche.   L'Homme qui Marche. Icon_minitimeJeu 14 Juil 2011 - 10:33

(L'Homme qui Marche... un texte que je n'ai pas relu depuis des mois et qui m'a longtemps désespéré. Le roman qui ne veut pas s'écrire, que je ne peux pas continuer, et où pourtant je reviens toujours. Car il y a quelque chose, un rythme, un sentiment en moi qui veut s'exprimer à travers lui. J'avais écrit un chapitre supplémentaire. Comme pour un Monde Meilleur, je profite de ce jour férié pour me mettre à jour.)

5.
Le bruit assourdissant l’assaillit aussitôt. Les fantômes autour de lui avaient pris vie et leurs paroles, le martèlement de leurs pas émergèrent soudain du semi-silence. Les brumes s’étaient dissipées et comme s’il arrivait dans un nouvel univers, la ville se révéla à l’homme. Les automobiles klaxonnaient, des enfants criaient sur les trottoirs, les bus s’arrêtaient, des rires fusèrent, la foule s’enlaçait dans une bruyante cohue.
L’homme avançait les yeux levés sur les bâtiments qui le surplombait. Regardant à droite, à gauche, devant lui, esquivant les marcheurs. La chaleur qu’il ressentait de plus en plus dans son corps était ce qu’il était venu chercher. Il y avait du monde et même si les souffles glacés glapissaient encore autour de lui, si des vieilles dames discutaient à propos du froid mordant, lui après ce qu’il avait connu se sentait revivre.
Des odeurs montaient à ses narines. Pain frais, croissants, café, des sensations qui le faisait revenir à une autre époque. Son cœur se réchauffa encore, tandis que d’autres souvenirs ré affluèrent dans sa mémoire. Il se voyait assis à une table, un journal posé sur la table, les rayons du soleil pénétrant à foisons à travers les fenêtres. Une ombre avec un doux parfum vint lui verser un liquide brûlant dans sa tasse. Il lui sourit, il se sentait bien. Il se souvint de la pâte croustillante du croissant, du fondant du beurre dans sa bouche, des morceaux de fruits gorgés de sucre de la confiture, de la tendresse de cette main sur son visage. Où était passé ce monde ? Pourquoi avait-il disparu ? Tout était si gris, si froid, si sombre. Au dehors, il pouvait oublier, ici, la ville ne faisait que lui rappeler ce qu’il avait quitté.
Il voyait les enfants courir, heureux, leur petit sac sur l’épaule, les adultes se pressaient, en blouse de travail, costume trois-pièces ou survêtements de sport. Ils allaient gagner leur croûte, construire leur vie, travailler pour créer un avenir. Ils avaient un chez-eux, une famille, un petit animal. Et lui qu’avait-il ? Il vivait sans l’être vraiment, simple ombre d’un passé révolu, parasite errant jusqu’à ce qu’on l’écrase. Qui était-il ? Peut on définir quelqu’un qui ne sait plus rêver ?

L’homme se sentait seul. Dans un monde en constant bouleversement, entouré de tous ces gens, la solitude le gagnait. Des petites groupes se formaient, des bavardages l’atteignaient et lui ne pouvait qu’entendre. Il aurait tellement aimé avoir quelqu’un avec qui discuter, quelqu’un qui puisse l’écouter, répondre et le comprendre. Mais il avait peur, les autres vivaient dans un autre monde, dans un endroit qu’il ne pouvait atteindre, alors il se parlait à lui-même. Son esprit avait crée un interlocuteur, il se racontait lui-même des histoires et alors, se renfermait de plus en plus.
Les gens l’évitaient. Certains souriaient en le voyant murmurer des mots inintelligibles. D’autres le montrait du doigt et s’esclaffaient. Parfois, il riait avec eux. Seul, si seul, mon ami, aide moi.

Où allait-il maintenant ? Il errait dans le centre-ville sans but, s’arrêtant parfois devant une vitrine puis reprenant la route au moment où son estomac n’en tenait plus de toute ces bonnes choses qu’il contemplait. L’hiver durerait encore longtemps, c’était à peine le mois de novembre, il n’avait même pas officiellement encore commencé. Que fera-t-il en attendant le printemps ? Quatre longs mois à attendre. Survivra-t-il jusque là ?
Il tournait en rond, passant plusieurs fois au même endroit, s’immobilisant devant les mêmes boutiques. Sans les reconnaître. De toute façon chaque pas était le même, chaque journée n’était que la continuité de la suivante, chaque instant ressemblait au précédent. C’était une spirale infernale, un éternel recommencement. Tous les chemins menaient au même gouffre.
Il se figea pourtant enfin alors qu’il dépassait une boulangerie. Une forme brunâtre, sale et poilue retint son attention. Le soleil l’éblouit alors qu’il s’en approchait. Un miroir, un reflet aveuglant, lui-même. L’homme se vit et son univers bascula. Il savait à quoi il ressemblait, mais cette glace lui révéla la vérité. Entre deux boutiques se trouvait un rectangle de verre, posé certainement là par dessein. L’homme s’arrêta, écarquilla les yeux et pleura.

Ainsi c’était lui. Il n’imaginait pas qu’il avait changé à ce point. Il savait que son voyage l’avait transformé, mais à ce point ? L’homme se voyait encore jeune, il n’était pas si vieux et pourtant l’écho que le miroir lui renvoyait était celui d’un vieillard. Il descendit lentement sa capuche, les mains tremblantes et contempla un parfait inconnu Son visage était ridé, sec, abimé, défiguré par de trop nombreuses croûtes. Sa barbe n’était qu’un nid de broussaille, ses cheveux longs, emmêlés étaient collés à sa nuque. De châtain clair, ils étaient devenus foncés, parsemés de longs filaments gris. Le sommet de son crâne se dégarnissait, de profondes rides étaient apparues sur son front, sur ses joues. Sa peau était pâle, et même ses yeux avaient changé de couleur. Ils étaient beaucoup trop clairs.
Cet homme n’était pas lui. Il contemplait un parfait étranger. Où était passé l’enfant qui hantait encore ses rêves ? L’adolescent qui errait dans un coin de son esprit ? Le jeune homme qu’il s’imaginait être ?
Cette révélation lui fit l’effet d’un coup de poing. Il se toucha le visage de ses gants poisseux. Il frissonna. Il effleura ses tempes, descendit jusqu’à sa mâchoire, remonta jusqu’à l’arène de son nez. Le miroir lui renvoyait ce geste, cet homme était lui.
Il resta longtemps devant ce bout de verre, inconscient des regards qu’on lui adressait, des rires que son spectacle faisait naître. L’homme se redécouvrait, perdu dans son psyché, incapable de se détourner de la vision d’horreur qu’il lui renvoyait. Il ne s’aimait pas, l’être qu’il contemplait était à peine humain. Il le détestait. Une sourde rage l’envahissait, une peur, un désespoir. C’était une sensation horrible, terrifiante. Peut on vivre sans s’estimer ? Quand chaque parcelle de notre corps nous dégoute, où trouver la force de continuer d’exister ?

Le temps passa, les minutes défilèrent, et enfin l’homme baissa la tête. Il réajusta son bagage sur son épaule et repartit. Il avait assez pleuré, il voulait mourir mais il ne le pouvait pas encore. Il n’en avait pas le courage. Pas maintenant. Demain peut être.


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